Un mot d’Agnès me revient (elle me l’a dit alors que nous marchions, après la violence terrible du dimanche où Mathilde est partie) : « Tu ne veux pas qu’on t’aime » !
Là est le nœud.
Pourquoi ?
Pourquoi je ne le veux pas ?
Je préfère les situations de conflits, de ressentiment. La voilà, ma triste manière d’aimer.
Pourtant, là tout de suite, je sens en moi le raisonnable désir d’écrire à Mathilde qu’elle m’a donné du bonheur, que j’ai été bien avec elle et lui en suis reconnaissant, que cette relation m’a été douce et que je veux qu’elle dure encore, qu’elle m’apporte la paix en ce bref passage sur la Terre.
Pourquoi est-il si difficile de dire des mots d’amour et de tendresse ? Pourquoi me réfugier dans la rageuse exigence du sexe considéré comme un combat et de la jouissance comme une victoire qu’on arrache ?
C’est peut-être qu’il y a en moi, ce qu’il n’y a pas en elle – parce qu’elle est Femme et moi Homme ? – le goût du combat et de la mort ? Que Sexe et Violence s’entrelacent pour moi et que mordre, griffer, serrer convulsivement sont les gestes d’amour qui me paraissent d’autant plus précieux qu’ils sont dangereux, chargés d’animalité…?
J’ai oublié d’écrire tout à l’heure, à propos de notre discussion d’hier soir, qu’elle m’a dit qu’elle avait peur parce que, peut-être, je voyais en elle mieux qu’elle-même (mais ma mémoire me trahit, là ; n’est-ce pas qu’elle voulait dire que je voyais clair en la voyant plus détachée de moi ? Il me semble pourtant qu’elle a exprimé une peur du sexe… Oui, elle a dit : « Les hommes me font peur, pourquoi ? » Et j’ai répondu, en gros : « Parce qu’on a peur de souffrir. Les hommes aussi ont peur des femmes. »
– Note écrite à 40 ans