Ai pensé à toi toute la journée – Ai mal au ventre de t’aimer – Je te veux dans mes bras.
– Note écrite à 16 ans
Ai pensé à toi toute la journée – Ai mal au ventre de t’aimer – Je te veux dans mes bras.
– Note écrite à 16 ans
Je pars vers toi, vers l’amour et la mer…
Amour Amer, que je t’aime, que j’aime en toi les pierres et les vapeurs d’eau, les fleurs et le vent… Oh tes cheveux…
Je volerai vers toi dans les cyclones de fumée, dans les câbles électriques chantera le chant trépidant des techniques lancées en avant et à la suite de l’homme qui aime, souffre, vit et meurt…
Certes la vie est absurde, du moins le monde inhumain, mais nous la dotons d’un coefficient de merveille qui décuple nos forces et nos désirs de nous mettre à genoux pour embrasser la terre…
Voilà, je sens remonter en moi l’appétit des nuits du port de pêche… Déambulation dans l’ombre chargée de l’odeur marine, avec les pointillés des lumières électriques, les bateaux à quai…
Ah ce que j’ai pu rêver, imaginer, le long de ces quais, de cette mer verte…
Tu as les yeux bleus ! Quelle merveille ! Souvent je m’étonne et suis follement heureux que le sort m’ait donné tant de choses pour en jouir : le soleil, l’herbe, la mer, le sable, l’air, tes yeux, la pierre, le velours, les fleurs…
Mes limites… mes pauvres limites… Pauvre homme que je suis, simple homme, grattant la terre faiblement… Je trouve la vie merveilleuse…
Voilà, mon amour, je sais bien qu’il faut lutter et j’essaie…
Mais quelquefois je me dis que, même si l’impression d’être vaincu, je suis quand même heureux, et heureux d’un rien (de choses qui feraient rire la plupart des gens…) : un rayon de soleil, un éclat de lumière sur une feuille, un grain de blé, un ventre rond de femme enceinte, une miche brillante et brune… Alors, pourquoi m’empêcherais-je d’être heureux ? Pourquoi ne pas tendre le bras et saisir l’hirondelle en vol ?
À Lorient, ceux qui ont vécu (et que je n’aime pas forcément, mais ils ont composé le morceau de musique de mes deux ans maritimes…) Jean, Roselyne, Le F*, Annick, Annie, Yves et tant de visages, tant de corps…
Est-ce que je retrouverai l’impression que j’ai eue quand j’ai vu pour la première fois la place de la mairie, chien battu sous la pluie, enfoncé dans mon pardessus (il était neuf alors…), une brume d’humidité voilait de gris les maisons, adoucissait les angles, ouate de découverte…
– Note écrite à 19 ans
« I will see the sunrise »
– Note écrite à 19 ans
Hier reçu une lettre.
– Note écrite à 19 ans
To ignore the [other] people ? Is it possible ? And must we do it ? How could I ignore your fair hair…? But I did not speak about you…
– Note écrite à 19 ans
Par la suite (quand ?) commentaire sur ce texte entre crochets : « Qui ? »
Puis le 10 juin 1999 :
Je ne savais plus de qui je parlais. Il s’agissait de Madeleine B., une camarade de la classe préparatoire à l’Idhec, avec qui j’avais eu une aventure d’une nuit et qui s’est suicidée il y a quelques années. J’avais écrit en anglais, ce qui était un subterfuge enfantin pour tenter de camoufler les traces de cette relation en même temps que je les consignais, car en couchant avec Madeleine, je « trompais » Jocelyne, alors que nous étions « ensemble » ( ?) tout en étant dans deux villes différentes, elle à Lorient et moi à Paris … Début d’une longue suite d’ « infidélités » jusqu’à notre rupture… I talked about her hair because it was very soft and beautiful… C’était mon premier contact sexuel avec la femme noire mais je ne savais pas encore quelle importance cela aurait dans ma vie… J’ai revu Madeleine en 91-92 à l’initiative involontaire de Bernard D*. Je suis allé chez elle, au bord du chemin de fer de petite ceinture, juste à côté de la rue Claude Decaen où j’ai habité peu après avoir écrit cette note. Je lui ai donné à lire divers projets sur lesquels elle n’a fait aucun commentaire spécial. Voulant vaguement lui plaire, je lui ai dit qu’elle n’avait pas changé. Et m’a dit que moi si… Devant plus ou moins avoir envie de recoucher avec elle, j’ai dû amener la conversation sur le désir et les sentiments. C’est alors qu’elle a employé cette intéressante expression de « sentiments différés » en vigueur dans sa région. Plus tard je l’ai revue à une manif pour les Assedic du spectacle : elle au bord du trottoir, regardant passer les manifestants, moi parmi ceux qui marchaient, je me suis brièvement arrêté. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas appelé car elle s’était absentée. Ce furent nos derniers mots avant son absence définitive. Je suis allé à la Cinémathèque pour la soirée-hommage qui a été organisée après sa mort, soirée où je n’ai pas réussi à m’arrêter de sangloter dans le noir de la salle. Sur ma jeunesse autant que sur elle (témoignage parmi tant d’autres de mon hyper-émotivité). C’est au cours de cette soirée que j’ai vu le long-métrage qu’elle avait réalisé à l’Ile Maurice, sa terre natale. Ni bon ni mauvais, mais intéressant. Souffrant visiblement de son manque de moyens. Des notes sur ces brèves retrouvailles existent sur un autre carnet, mais où ? Elles émergeront un jour…
– Commentaire écrit à 53 ans
What do you want ? To have the power or to have the truth ?
– Note écrite à 19 ans
Commentaire du 04 décembre 2011 :
Cette note fait suite à la précédente et concerne également mon aventure avec Madeleine B. : je me demandais à moi-même si je devais préférer la vérité (dire à Jocelyne ce que j’avais fait) ou la manipulation (« the power »), c’est à dire le lui cacher… J’ai choisi de ne pas dire la vérité. Mais je l’ai fait plus tard, pour d’autres relations « extra-conjugales », dans les années 70, où « tout se dire » était devenu une sorte d’obligation. Aujourd’hui, je n’ai pas davantage d’idées claires et tranchées sur ce sujet qu’à cette époque.
– Commentaire écrit à 65 ans
Métro. Vais chercher billet de train. Pars ce soir.
– Note écrite à 19 ans
20 h 20. Bus. Petit incident amusant mais qui aurait pu me faire rater le train : le bus a coulé une bielle → transbordement dans un autre bus où j’écris actuellement. Je décolle à 22 heures
« Lullabye of Birdland »
– Note écrite à 19 ans
Pour l’instant elle se découvre elle-même à travers moi par la création commune. Mais quand elle se sera trouvée, n’aura-t-elle pas envie de créer seule de son côté ?
– Note écrite à 19 ans
Ce matin : reçu lettre Jocelyne. Lettre calme, pacifiée. Assurance. Elle a l’air vraiment heureux. Elle est parvenue à la sérénité. Moi, pauvre type, encore déchiré. Est-ce parce que je me lance dans des entreprises trop difficiles pour moi ? Modestie ? Mais non, c’est mal voir. L’important : libération de la famille. Elle : oui, avec moi. Moi : oui, avec elle
– Note écrite à 19 ans
Stasera penso a te
Tu as plusieurs visages. Artiste ? Visage de Piriac (Tom Jones). Je te construis, pour moi ? Vrai visage et faux même temps, ma contemplation… Si tu étais là… Avenir ? Où, quand, comment vivrons-nous ensemble ? Qui serons-nous ?
Ma femme, ma femme
Femme, avec tes cheveux blonds, tes yeux bleus, des mains douces, le duvet de tes aisselles, ton entre cuisses sombre, tes mollets ronds, tes reins profonds… —–I am alone
Je me rappelle : tu me reprochais de parler en anglais (snob). Palais des sports : Noureev. Tu étais en colère parce que les gens applaudissaient trop (culte de la personnalité), je jouais avec un projecteur… Nous étions jeunes : je parle comme si nous étions vieux. Nous sommes jeunes. Merveilleux (et pourtant : je suis triste ?? Hier soir : chez P*. Quinzième étage de la tour des Tilleuls. Blanc-Mesnil. Paysage de lampes électriques… Merveilleux. Émotion. Aéroport vu de haut. Tous les gens qui, dans les villes, tournent des films, se tuent, gagnent de l’argent. Modern World… —–I am a bit tipsy
Ma « Kool » est finie…
– Note écrite à 19 ans
Aujourd’hui : grève de l’électricité. Je suis resté à la maison. Ce matin : reçu une lettre de Jo. Elle m’annonce la mort de la marraine.
Actuellement : 14 h 30. Bar de l’aéroport du Bourget. Gens riches autour de moi. Bien vêtus. Dehors : ciel gris. Pourquoi est-ce que je m’obstine à venir ici ? Chaque fois ou presque ça ne satisfait pas mes désirs de départ, de liberté. Au contraire : la masse d’énergie, de fric contenue dans ces tôles brillantes, ces aires d’envol, cette machinerie compliquée me fait mieux mesurer mon impuissance actuelle.
Je souffre d’être conscient ? D’autres jeunes doivent avoir les mêmes désirs ? Mais pas la même obstination… ? Ou bien ils ne les satisfont pas avec des substituts…
Du temps passera… Encore beaucoup de temps avant que s’ouvre à nous (à toi et moi) les autoroutes, les pistes d’envol, les eaux des ports et du large…
Je regarde. Une fille fait quelques pas en arrière et prend une photo de ses copines attablées dans le bar… Elles se sentent obligées de prendre des poses, de faire des mines… Toi, quand je t’ai photographiée, tu n’avais pas peur de regarder l’objectif et puis aussi tu t’en désintéressais, après, et je te «prenais sur le vif». C’est qu’il y avait entre toi et moi un rapport vrai, l’objectif, il n’était qu’une machine, tu avais confiance en moi…
Je viens devoir passer un avion, tranquillement, sous le soleil, il a passé dans mon champ de vision, roulant sur le sol dallé… Je pense : impression forte (encore, soleil sur tôles – vacances) le filmer… ? Non : pas la vie, pas la réalité, pas l’impression de vivre… Mais Resnais, mais le cinéma… ? Oui, peut donner cette impression de vie, mais si pas autobiographique, pas destiné à soi mais aux autres, pour le créateur, pas venant de soi mais d’un autre, pour le spectateur. Alors oui : je peux entrer dans le jeu, faire effort, m’imaginer vivre ; sinon je ne peux pas. Voilà mon drame : devant la vie, j’en fait de l’art et devant l’art, je ne peux pas adhérer car je m’imagine créateur et je ne suis plus spectateur…
Départ à destination d’Amsterdam… il est 14 h 49
Il faut que je parte d’ici, je m’en vais
– Note écrite à 19 ans