Joyce vu par Breton : « Au courant illusoire des associations conscientes, Joyce opposera un flux qu’il s’efforce de faire saillir de toutes parts et qui tend en fin de compte à l’imitation la plus approchante de la vie (moyennant quoi il se maintient dans le cadre de « l’art », retombe dans l’illusion romanesque, n’évite pas de prendre rang dans la longue lignée des naturalistes et expressionnistes »
Antithèse constituée par « l’automatisme psychique pur » : « [Ce dernier] qui commande le surréalisme opposera le débit d’une source qu’il ne s’agit que d’aller prospecter en soi-même assez loin et dont on ne saurait prétendre diriger le cours sans être assuré de la voir aussitôt se tarir. »
Second Manifeste : « Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas, cessent d’être perçus contradictoirement. Or c’est en vain qu’on chercherait à l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce point. »
– « C’est même du bouillonnement écœurant de ces représentations vides de sens que naît et s’entretient le désir de passer outre à l’insuffisante, à l’absurde distinction du beau et du laid, du vrai et du faux, du bien et du mal. Et, comme c’est du degré de résistance que cette idée de choix rencontre que dépend l’envol plus ou moins sûr de l’esprit vers un monde enfin habitable, on conçoit que le surréalisme n’ait pas craint de se faire un dogme de la révolte absolue, de l’insoumission totale, du sabotage en règle, et qu’il n’attende encore rien que de la violence. »
« À quand les logiciens, les philosophes dormants ? »
« Mon rêve de cette dernière nuit peut-être poursuit-il celui de la nuit précédente et sera-t-il poursuivi la nuit prochaine, avec une rigueur méritoire. »
« Le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau, il n’y a même que le merveilleux qui soit beau. »
(Lire « Le moine » de Lewis) « Le merveilleux n’est pas le même à toutes les époques : il participe obscurément d’une sorte de révélation générale dont le détail seul nous parvient… »
« L’homme propose et dispose. »
« Sur le fond du problème qui est des rapports de l’esprit humain avec le monde sensoriel, le surréalisme estime que nous devons chercher à « comprendre la nature d’après nous-mêmes… »
SURRÉALISME, n. m : Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »
« Si l’on s’en tient, comme je le fais, à la définition de Reverdy, il ne me semble pas possible de rapprocher volontairement ce qu’il appelle « deux réalités distantes ». Le rapprochement se fait ou ne se fait pas, voilà tout.
« C’est du rapprochement en quelque sorte fortuit des deux termes qu’a jailli une lumière particulière, lumière de l’image, à laquelle nous nous montrons infiniment sensibles. La valeur de l’image dépend de la beauté de l’étincelle obtenue ; elle est par conséquent fonction de la différence de potentiels entre les deux conducteurs… « Or il n’est pas à mon sens au pouvoir de l’homme de concerter le rapprochement de deux réalités si distantes. »
« L’esprit se convainc peu à peu de la réalité suprême de ces images. Se formant d’abord à les subir, il s’aperçoit bientôt qu’elles flattent sa raison, augmentant d’autant sa connaissance. Il prend conscience des étendues illimitées où se manifestent ses désirs, où le pour et le contre se réduisent sans cesse, où son obscurité ne le trahit pas. »
« Sans elles [des conditions d’asepsie morale] il est pourtant impossible d’arrêter ce cancer de l’esprit qui réside dans le fait de penser par trop douloureusement que certaines choses « sont », alors que d’autres qui pourraient si bien être, ne « sont pas ». Nous avons avancé qu’elles doivent se confondre, où singulièrement s’intercepter à la limite. Il s’agit, non d’en rester là, mais de ne pouvoir faire moins que de tendre désespérément à cette limite. L’homme qui s’intimiderait à tort de quelques monstrueux échecs historiques est encore libre de croire à sa liberté. Il est son maître, en dépit des vieux nuages qui passent et des forces aveugles qui butent. N’a-t-il pas le sens de la courte beauté dérobée et de l’accessible et longue beauté dérobable ? Le clef de l’amour, que le poète disait avoir trouvée, qu’il cherche bien : il l’a. Il ne tient qu’à lui de s’élever au-dessus du sentiment passager de vivre dangereusement et de mourir. Qu’il use, au mépris de toute prohibition, de l’arme vengeresse de l’idée contre la bestialité de tous les êtres et de toutes les choses et qu’un jour, vaincu – mais vaincu seulement « si le monde est monde » – il accueille la décharge de ses tristes fusils comme un feu de salve »
(Les vases communiquants) « Une règle sèche, comme celles qui consiste à requérir de l’individu une activité strictement appropriée à une fin telle que la fin révolutionnaire en lui proscrivant toute autre activité ne peut manquer de replacer cette fin révolutionnaire sous le signe du bien abstrait, c’est-à-dire d’un principe insuffisant pour mouvoir l’être dont la volonté subjective ne tend plus par son ressort propre à s’identifier avec ce bien abstrait. »
« Si je ne découvre aucun obstacle essentiel à la formation de ce « front unique » [de la poésie et de l’art] c’est qu’il me paraît évident que l’élucidation des moyens propres à l’art d’aujourd’hui, digne de ce nom, l’élaboration même du mythe personnel (le travail d’un artiste occidental consiste à créer un mythe personnel à travers une série de symboles – André Malraux) dont il vient de s’agir, ne peuvent finalement tourner qu’à la dénonciation des conditions dans lesquelles cet art, ce mythe, sont appelés à se développer, qu’à la défense inconditionnelle d’une seule cause qui est celle de l’émancipation de l’homme. »
Ce que je sais, c’est que l’art, contraint depuis des siècles de ne s’écarter qu’à peine des sentiers battus du moi et du super–moi, ne peut que se montrer avide d’explorer les terres immenses et presque vierges du soi. »
« Aussi bien, dans ces conditions n’est-ce peut-être plus déjà de la création d’un mythe personnel qu’il s’agit en art, mais, avec le surréalisme, de la création d’un mythe collectif ( l’artiste est brusquement mis en possession d’un trésor mais ce trésor ne lui appartient pas…)
– Note écrite à 16 ans