Archives par mot-clé : adolescence

VÉCU – FEMMES

Je pense à toi cet après-midi, comme hier, et avant-hier aussi. Chaque jour je pense à toi, quand je m’ennuie et que je suis seul, et même quelquefois au milieu des conversations. Es-tu vraiment si jeune, ou si mûre ? [Saurai-je te convaincre et sauras-tu m’accepter… ? (1) ]
J’ai bien peur d’être trop triste, ou trop gai et de n’avoir rien à te dire.
Petite bourgeoise de mes rêves : tu m’as retransporté en plein romantisme, c’est souvent bien bon mais aussi parfois bien amer, bien triste.
Je t’ai vue si peu : je m’interroge, réduit aux suppositions, réduit à épeler tes gestes, tes sourires et tes brefs mouvements. J’ai peur de te blesser, de devenir ton ami, de ne plus avoir envie de toi.
Après les rires que j’ai appris à susciter et à suivre depuis quelques mois, je retourne à mon inquiétude première, doutant de moi, de toi, avec aussi de brusques envies de te serrer, de te faire mal peut-être, essayant de cesser cet incessant questionnaire qui est devenu une obsession : comment me considères-tu exactement ?
Que déduire de tes attitudes ? J’ai à la fois peur et désir fou de te revoir, de te voir, de t’écouter et de me taire…
Je me crois déjà sûr de toi, et toi sûre de moi, nous faisant confiance…
[Je voudrais tant caresser simplement tes cheveux, alors que tu parlerais à d’autres, dans un café quelconque… (2) ]
Je saute une portion de temps, je passe sur tout ce qui sera nécessaire : le temps de l’interrogation, les efforts inutiles, les questions, les réponses…
J’ai peur d’avoir trop confiance en toi et je t’interroge…

(1) Le passage entre crochets a été barré et une note a été écrite entre les lignes, d’une écriture moins enfantine : « Deux ans après je repense à cette fille : c’était une gamine et j’étais un gamin d’ailleurs. »)
(2) ce texte est commenté par la note suivante : « Deux ans après j’ai pu enfin le faire. »)

Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Tu sais : j’en suis arrivé à l’état d’esprit de Roland. À l’instant j’ai cherché ton visage et pendant quelques secondes je ne l’ai pas trouvé. Je t’aime avec indifférence et j’attends ce « moment » dont Roland a parlé, où je t’aimerai entièrement. Je t’aime encore mais d’une façon différente. Je crois que j’ai moins envie de toi.

– Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Et voilà : c’est fini. J’ai eu mal très fort un moment. J’ai encore mal mais d’une autre façon et je suis sûr de t’oublier un jour : c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Puisque tu ne veux pas de moi (j’en suis sûr) je ne me changerai pas pour t’illusionner ; je serai tel que je suis toujours sinon c’est le mensonge et ce n’est pas possible d’aimer ainsi. : [NON]
(texte rajouté et entouré peu de temps après)

– Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Pourquoi ne pas épuiser la situation ?
Tu peux m’aimer sans avoir osé le dire…
Je te reverrai et lorsque nos regards se croiseront, nous comprendrons tous les deux…
Tu peux m’aimer sans avoir osé le dire…
Nous nous reverrons, par hasard, je fuirai ton regard, tu ne comprendras plus, et les amis nous parleront, nous forcerons à nous revoir, notre histoire deviendra énorme, ce sera le malentendu, la fuite. Tu peux l’aimer et le lui dire : j’aurais très mal.
Tu peux l’aimer sans avoir (?) le dire…
Il te verra et te forcera à répondre, anxieux.
Il te fuira et ce sera un nouveau malentendu…
Se revoir, ne pas se parler, se sourire, subtile mosaïque, je préfère prendre ainsi notre histoire, j’ai trop peur de beaucoup souffrir…
Je n’ai vraiment pas de chance…

[Et non… !]

Le texte entre crochets a vraisemblablement été rajouté plus tard

Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

Je l’ai revue. Un instant seulement. Elle m’a revu aussi. Nous sommes arrêtés pour nous regarder. J’ai été frappé de stupeur et d’une joie si énorme qu’elle en est devenue douloureuse, paralysante. Je n’ai pas pu lui parler et je suis reparti, hagard, tremblant comme un enfant. Jusqu’au soir j’ai été plongé dans une nervosité incroyable. Je l’ai revue. C’était il y a environ une semaine. Il faut que je sache le jour exact. Nous nous sommes arrêtés pour nous regarder. J’ai été frappé de stupeur et d’une joie si énorme qu’elle en est devenue douloureuse, paralysante. Je n’ai pas pu lui parler et je suis reparti, hagard, tremblant comme un enfant. Jusqu’au soir j’ai été plongé dans une nervosité incroyable. Je l’ai revue. C’était il y a environ une semaine. Il faut que je sache le jour exact.


Cette rencontre m’a procuré plus de bonheur que de surprise car je l’attendais un peu. En fait j’ai écrit  « En souvenir d’Annick… » mais je me demande si j’ai jamais réellement pensé à elle comme à un « souvenir ». En réalité je m’efforçais de la considérer comme disparue pour toujours de ma vie, mais elle y est reparue et j’attendais cela.


J’ai revu Danielle, sa soeur, aussi, ce soir, elle m’a parlé d’elle. Quand je pense que c’est d’abord elle qui m’a attiré… Il est vrai qu’elles se ressemblent beaucoup, mais cependant elles ont de grosses différences.


Danielle est plus assurée, plus rieuse que sa sœur. Elle est plus vieille. Cette rencontre avec Danielle (qui m’a d’ailleurs autant paralysé et bouleversé que celle avec Annick) est une confirmation. Je ne peux plus douter maintenant qu’Annick a reparu sinon dans ma vie du moins dans mes pensées.


Cette nuance est importante, car elle signifie qu’il me faut choisir une ligne de conduite : j’aime Annick, je pense à elle, mais elle n’est pas réellement engagée dans ma vie.
Vais-je tout faire pour cela ? Suis-je assez sûr de tout ? De moi, d’elle, de mes souvenirs, de l’avenir, des autres, du destin ?


J’ai l’impression d’être au seuil de quelque chose, sur le pas d’une porte, mais une porte qui ouvrirait sur quoi ?


Il peut ne rien se passer : je la revois (car je la reverrai certainement d’une façon d’une autre), je me raisonne et me fais passer pour indifférent… Toute l’histoire s’écroule ou plutôt ne s’écroule même pas, car elle ne commence pas.


Mais je sais bien que je n’en ferai rien. Je l’aime trop pour cela. En fait, je ne sais pas ce que l’avenir me réserve et j’aimerais le savoir.


Quoi qu’il en soit, je suis sûr d’une chose : je vais la revoir, je la reverrai et, comme j’ai besoin d’elle, je resterai avec elle jusqu’au bout.


(Je sais que ces notes sont stupides et ne servent à rien, pas même à mettre mes idées au clair. Il y avait longtemps que je ne faisais pas quelque chose emporté par ma sensibilité, contre ma raison.)

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

J’ai écrit « Nous sommes ensemble et cela suffit. » Le danger n’est-il pas dans le fait que, justement, nous ne sommes pas ensemble ?


 Car enfin une fille que je ne connais pas, si je ne la vois qu’une fois par semaine, est-ce suffisant pour bien la connaître ? Et sinon peut-on aimer et continuer à aimer longtemps quelqu’un qu’on ne connaît pas ?


 En vivant tous les jours avec elle je pourrais l’aimer sans la connaître, mais en la voyant si peu souvent…

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

J’étais arrivé à la confiance et il faut tout recommencer. Mais je n’ai pas peur, je me remet à cette tâche, conquérir une femme, sa confiance, sa compréhension. C’est si beau, et si tendre, cet animal qui pose sa tête sur votre épaule et le vent qui passe dans  ses cheveux. Elle tremble de froid contre vous et vous la réchauffez en mettant vos deux bras autour de ses épaules.

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

Annick est sortie de ma vie comme elle y est entrée, brusquement, merveilleusement, tragiquement. Un bateau qui vire de bord et sort du port en disparaissant derrière un môle, de la brume et la ville qui continue à vivre autour. Je dis qui continue à vivre, mais rien n’est mort. Mon histoire a été telle que je l’avais rêvée et prévue, courte, histoire sans histoire, en somme. Si on totalise les heures passées avec elle, on arrive à peine peut-être à une nuit entière. Commencée au début de la nuit, dans un petit bal, elle s’achève à l’aube, sur un embarcadère, à l’aube d’une nuit étirée, allongée à quatre mois. Un rêve très bref et très beau. Un espoir insensé, un petit visage maigre et triste. Un rêve dont on garde vivace encore au matin le souvenir précis et vague à la fois, un rêve qui pourrait être une réalité, on ne sait pas trop si on l’a vécu ou non.


 Je lui ai écrit après n’être pas allé la chercher au bateau. Je lui ai dit que j’avais bien compris son indifférence et que je n’insistais pas. Elle m’a confirmé cela en écrivant à son tour.


 Après cela, je l’ai revue une fois au ciné-club ( « Noblesse oblige »). Nous nous sommes ignorés. Je l’ai revue ensuite en passant en voiture. Je me suis arrêté, je lui ai parlé. Elle était intimidée par mon frère. Je l’ai revue avec sa sœur et un gars un dimanche en ville. Elle a fait comme si elle ne m’avait pas vu.


 Puis je l’ai revue à la quinzaine de la Tchécoslovaquie. Elle m’a dit bonjour de loin en me souriant. Les choses étaient redevenues normales. Je l’ai encore revue au ciné-club ( « La jetée »). Elle m’a dit bonjour.


 C’est donc terminé, d’ailleurs le jeu avait assez duré. Ce n’est plus de mon âge. En m’y laissant prendre, je voulais secrètement retomber en enfance. J’y ai réussi. Il fallait bien redevenir une grande personne. À part ça je pars pour Paris après-demain. Multitude de sentiments complexes et contradictoires. Impression de retrouver quelque chose de connu et d’inchangé. Peur de l’ennui. Plus d’exaltation après l’annonce que Jocelyne restait. M’étais fait  des idées sur ces vacances. La vie nous détrompe toujours. Suis curieux comparer ces impressions pré-parisiennes avec ce que je ressentirai en revenant et sur le moment.


 J’essaierai de  penser à reprendre ce carnet à mon retour de Paris après les vacances de Noël.

 – Note écrite à 17 ans

VÉCU – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC – COURS D’HENRI AGEL – « LES DERNIÈRES VACANCES »

« Les dernières vacances »   Depuis 1947 : très grand film
Roger Leenhardt = intelligent
Handicapé par son intelligence
Bazin a écrit sur « Les dernières vacances » → « Roman — « miroir qu’on promène… »
Film chronique (← « La comtesse aux pieds nus » – « Le fleuve » – « Monsieur Hulot » – « Les Vitelloni »)
Écriture libre, indépendante, décontractée.
Film au passé, en fonction de la mémoire d’un garçon de 16, 17 ans
Contenu : « Je ne peins pas l’être, je peins le passage… » (Montaigne)
Tradition française ← Proust – Bergson – Debussy – L’impressionnisme
Passage de l’enfance à l’adolescence
Les deux livres qui ont le plus influencé Roger Leenhardt : « À bord de l’Étoile Matutine » (Mac Orlan) et « Le grand Meaulnes »
Ici : sécheresse apparente = forme de la pudeur
Film se situe en 1932. Société en passage aussi. De la société close à la société ouverte
Sensibilité
avec Berthe Bovy – Odile Versois
Photographie : Agostini
Décors : Barsacq
Montage : Myriam
Production : Pierre Genin
Bande son très importante – Musique * des sons (et musique tout court (piano) – Rythme Mélodie (+ travellings et panoramiques : cf. Grémillon) * = théories les plus modernes (cf. « L’immortelle »)

Note écrite à 19 ans

VÉCU – PSY

Adolescence : dire les choses, mais à voix basse (Godard → échec – inefficacité par manque d’efforts). Être homme : se faire entendre (très fort) parce qu’on s’est intégré à une collectivité (marxisme)  → Entendre les autres – les entendre bien – bien les « recevoir »…

Note écrite à 19 ans