Carnet 8 – Du 1er janvier 1967 au 17 février 1967
01/01/1967 (date arbitraire car seule certitude : début 1967)
Court métrage « COURT MÉTRAGE « L’AVEUGLE » »
Ébauche pour générique de « L’aveugle »
Texte
1/ Marcel de L.H. et Robert Cappa présentent
2/ L’aveugle film muet
3/ Avec : (disparaît) → Philippe/photo fixe Philippe
4/ Et Solange/photo fixe Paule.
→ Premier titre : « Solange retrouve Philippe. Elle l’a déjà rencontré dans des circonstances « particulières » (avec Frédéric) → (?)
→ à début film
Début 1967 (?)
VÉCU – LITTÉRATURE – NOSTALGIE
Je note en vrac :
Un choc : je relis « le grand Meaulnes ». Et, en pleurant silencieusement, je m’aperçois que ce n’est pas à la mère de Jocelyne que ce livre, cet univers appartient ; ce n’est pas seulement l’adolescence romantique, mais aussi, tout simplement, le rêve, l’imagination fantastique, tout un monde imaginaire révélé (soupçonné) par les dictées à l’école primaire, pour un enfant de pieds-noirs, vivant parmi les « Arabes » à la peau bronzée et qui n’a jamais vu le Cher et la Sologne, qui n’est français que légalement, administrativement et qui devient français dans son cœur, dans son corps, en rêvant à la France d’Alain-Fournier, par le rêve immortel de cette lecture, peut-être faite à haute voix (je ne me souviens plus) en tout cas recopiée soigneusement à l’encre violette sur des cahiers d’écolier. Les autres gamins ont-ils senti comme moi cette merveille future que seraient leurs souvenirs (se sont-ils dit : cette dictée fait partie d’un roman que j’aimerais lire…) Et c’est maintenant que je le lis… ! Et je retrouve ces textes de mon enfance ; ils sont là, bien vivants, ayant changé et pas changé : l’arrivée du « bohémien » dans la classe, la représentation sur la place du village avec le Pierrot qui tombe et la poupée et, surtout, surtout, « À la recherche du sentier perdu… », texte vécu, à la première personne, et auquel j’ai souvent pensé, dans les forêts que je traversais. Ils sont là, j’ai peine à y croire…
Non, le « Grand Meaulnes » n’est pas à Madame L., je découvre une chose extraordinaire, merveilleuse : il est à moi et il est à moi parce que j’ai su rêver quand j’étais enfant et je sais toujours le faire et parce qu’au moins je possède le Grand Meaulnes (avec les Romans de la Table Ronde »), je suis français. Je suis français à la manière dont Siegfried est allemand, je crois, par amour, par amour de tout ce qu’un mot (le nom d’un pays, d’un village, d’une forêt) peut contenir pour l’esprit de possibilités de vivre (c’est-à-dire de rêve…)
Oui, Meaulnes m’appartient. Je ne le croyais pas. J’avais oublié. J’avais entendu ta mère me parler de son adolescence, de sa jeunesse et j’avais oublié mon enfance. Elle est retrouvée. C’est extraordinaire. J’ai l’impression d’avoir vieilli, tout d’un coup, mais en même temps d’être jeune, d’être enfant, d’être immortel, parce que j’ai, je possède ce qui m’est commun avec ta mère et avec des millions d’autres personnes sans doute. J’ai l’impression d’être beaucoup de gens ensemble, tous ceux qui rêvent et surtout j’ai l’impression d’être ce petit garçon brun et bronzé qui savait rêver en écrivant sa dictée.
J’ai un passé. En voici la trace, sur les pages de ce livre. Tout mon drame de pied-noir, ce qu’il n’y avait aucune correspondance entre les oliviers desséchés et la terre entrouverte par le soleil brûlant de mon enfance et le sentier perdu du Grand Meaulnes, il me fallait rêver. Mais ce sentier perdu n’existe pas plus en Sologne, ailleurs non plus. Il nous faut tous rêver… Maintenant, c’est de l’ombre bleue des oliviers que je rêve, de l’odeur des feuilles d’eucalyptus déchiquetées et fumées en guise de tabac… Certes, Meaulnes m’appartient, car à travers lui, c’est moi-même que je récupère, mais en fait Meaulnes, qui est le rêve, n’appartient à personne, car il appartient à tous, à tous ceux qui savent rêver. Et j’en ai la preuve ! Car, après avoir découvert avec joie que Meaulnes n’appartenait pas à ta mère, je songe amèrement à tous ces souvenirs qu’elle nous raconte, toute cette vie passée, enfuie, qu’elle seule a vécu (parce que c’est la sienne) : ce Lorient d’avant-guerre que je n’ai jamais vu qu’en carte postale… Ou bien les bouts de suif achetés pour pas cher par ton père, dans son enfance à lui.
Pourquoi, voici la grande question, après avoir repris possession de Meaulnes, n’ai-je la même exaltation et la même insatisfaction qu’en songeant à ce livre (connu, donc, assimilé, ami, mien), qu’en songeant à ce qui m’est le plus étranger, le plus lointain : une enfance, une jeunesse, une ville détruite : celle de tes parents ?
C’est que, dans un cas comme l’autre, la seule approche possible est l’imagination, le souvenir, le rêve et la grande vérité, si pauvrette, si simple et misérable et combien déchirante, c’est que ces choses-là nous laissent toujours, en même temps qu’ivres d’espérance et de bonheur, déchirés de chagrin et insatisfaits…
12/01/1967
CINÉMA
Édith P. :
« Dans les films américains, contrairement aux films européens, tout ce qui se dit d’intelligent se dit dans les chansons… »
Actuellement : impression (certitude) extrêmement forte d’avoir tout à apprendre.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
M’astreindre à traiter ce sujet : discussion entre un jeune patron et un jeune employé au sujet des porte-clefs distribués en même temps que les salaires.
ÉCRITURE
Des fleurs et des oiseaux autour du cou…
CINÉMA
Robe de Marlène Dietrich dans « Song of Song »
CINÉMA – RÉFLEXION
Je m’aperçois que j’ai commis une erreur : j’ai cru qu’on pouvait, aujourd’hui, créer sans réfléchir sur la création, instinctivement, sans culture et sans recherche (erreur qui remonte à loin : j’ai pensé dès le début qu’il y avait des cinéastes qui n’allaient pas au cinéma : il y en avait, quand le cinéma n’existait pas).
Je m’en aperçois clairement maintenant. Il me faut redémarrer (j’essaye de commencer à le faire). Chercher, délimiter plusieurs directions, plusieurs styles possibles et choisir. Choisir un style. Cela paraît impossible. C’est qu’aujourd’hui le style est affaire de réflexion. La sensibilité vient s’ajouter après, mais ça, c’est incontrôlable par l’intelligence (autant essayer de se mordre la queue).
Dans la polémique, le dilemme entre une mise en scène fluide et synthétique qui appréhende l’espace et la durée dans leur totalité par le plan séquence et les travellings et d’autre part la mise en scène fragmentaire et morcelée (cadrages serrés – plans brefs), je choisis le second style. Non pour les qualités énumérées plus haut, car ce n’est qu’une façon superficielle de définir tel ou tel style que d’aborder ce qui est le plus apparent, le plus courant parce que le plus employé, considéré indépendamment de son contexte et de son objet. Il serait faux de dire que je n’aime pas les mouvements de caméra, j’adore ça. Mais si j’aimerais trouver une mise en scène qui fragmente le temps et l’espace, c’est que, par la vertu du montage (il faut ici faire référence à Alain Resnais), chaque fragment d’espace et de temps prend une apparence, une situation, une existence toute différente, proprement fantastique… C’est-à-dire cinématographique. Et c’est cela qui m’intéresse : que le cinéma se désigne comme cinéma, comme spectacle féerique.
CINÉMA – STERNBERG
Vu ce soir à la cinémathèque « La femme et le pantin » de Sternberg et « Song of Songs, de Rouben Mamoulian.
Tous les deux avec Marlène Dietrich.
Chez Sternberg, une caméra presque constamment en mouvement sauf pour les gros plans sur le visage de Marlène, superbement coiffée et habillée, dont sans cesse le regard va et vient. Moins de cruauté que chez Pierre Louÿs. Marlène, notamment, y est tendre, finalement, vulnérable. Des décors magnifiques, une photographie axée sur le contraste ombre et lumière (de Sternberg lui-même). Si l’on veut voir de beaux mouvements de caméra, il faut aller voir des films de Sternberg.
C’est indéniablement plus un film sur Marlène qu’avec Marlène. La philosophie ou même la vision du monde de Sternberg me semble moins directement sensible que dans « Shanghai Gesture », par exemple. La lutte entre les passions et la pureté est ici moins violemment montrée.
Le Mamoulian est effectivement (suite à conversation avec V. et P.) une reprise d’idées et de thèmes sternbergiens et strohemiens. Seule chose personnelle : une scène où un sculpteur caresse fiévreusement les épaules en plâtre d’une statue, alors que le modèle qu’il désire (et qui le désire) sans oser se l’avouer est à trois pas de lui, statue de chair vivante aussi nue que la statue de plâtre.
Autre moment intéressant : la femme revient chez l’homme après qu’ils ont été séparés → surimpression présent-passé (où ils s’aimaient). Dégueulasse dans le contexte, cette surimpression, prise isolément, en tant que pur moment, m’a fait penser à ce que disait Godard des enchaînés au début du cinéma : quelque chose de merveilleux parce qu’on l’inventait. Il faut savoir avoir un regard neuf.
13/01/1967
ÉCRITURE – RÉFLEXION
En relation avec échange de lettres avec Yves :
« Quant à la chose écrite et la chose parlée »
Dans le même temps qu’il lit un texte, le lecteur le parle. Il dit ce qu’il lit et l’entend. Cette « infra-oralité » (?), c’est l’appropriation d’un texte écrit par la conscience lectrice. Elle installe une distance entre le lecteur et le mot, elle fait de celui-ci une chose dont le lecteur établit une copie qu’il s’approprie, mais le mot lui-même reste hors de sa portée, à distance, sur la feuille de papier.
Dans le cas d’un texte écouté, au contraire, le mot est reçu directement sans intermédiaire, immédiatement incorporé à la conscience. Cette distance de tout à l’heure entre le mot et le lecteur, elle se trouve, tout à coup, entre l’auditeur et le « récitant ». Elle existe alors entre deux consciences, entre l’humain et l’humain. Ce n’est plus la contemplation d’une chose, mais l’observation attentive d’un être qui agit (directement dans le cas du théâtre, indirectement dans le cas d’un « récital » poétique, par exemple en ce que : la parole orale étant une action, lorsqu’on incorpore la parole à soi en écoutant, on agit. Si le récitant n’agit pas, ou si peu, sur scène, c’est que son but ultime, c’est l’action, par l’intermédiaire de la parole, « à l’intérieur » de l’auditeur comme elle est au départ : à l’intérieur de lui-même).
ART – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Bibliographie pour « L’art est-il un langage ? » pour toi :
« Une phénoménologie de l’objet esthétique » (Dufresne)
Revue d’esthétique (PUF) (rayon linguistique)
L’art et la lyre (Octavio Paz)
CINÉMA – WELLES – RESNAIS – RENOIR
Vu ce soir « La splendeur des Amberson »
À noter, au début du film, description de la vie dans les Midlands à partir de 1873, où s’insère dans cette succession de plans descriptifs (*) un plan narratif et descriptif à la fois (on allait jouer des sérénades → Joseph Cotten y va et tombe sur une contrebasse). De cet événement découle tout le film. J’y vois une façon de placer tout le scénario sur le plan de la description d’un milieu, d’un « background » social. Ainsi le film serait en apparence narratif, mais en réalité descriptif (cf. importance du décor autour des personnages : la maison des Anderson).
(*: Cette succession constitue un syntagme a-chronologique en accolade, pour employer la terminologie sémiologique, dans lequel serait inséré un insert diégétique déplacé (plan où Cotten tombe. Ce plan ferait la liaison avec le syntagme suivant.)
LITTÉRATURE
Lu « Qu’est-ce qu’écrire » chapitre I de « Qu’est-ce que la littérature » de Sartre.
Conception existentialiste, bien sûr.
DESSIN
CINÉMA – RESNAIS – RENOIR
Je vais voir « La bête humaine ». Je m’assois, dans l’ombre → Gabin. La « Lison ». Le film s’achève (je suis arrivé pendant le spectacle). La lumière se rallume. Entracte. Se rééteint → court-métrage. Générique du court-métrage : « Toute la mémoire du monde » ! ! ! Je ne m’attendais vraiment pas à ça… Et la fascination opère, comme pour tous les autres Resnais : travellings sur les toits de la BN, dans les caves, dans les rayons. La mémoire du monde. À l’inverse d’Hiroshima, ceux qui se souviennent ici ne souffrent pas de se souvenir, la mémoire ici n’est pas déchirante, au contraire, comme le dit le commentaire en guise de conclusion. Les lecteurs de la BN reconstitueront peut-être, grâce à leur morceau de mémoire individuelle, quelque chose qui s’appelle le bonheur…
Remarque : à l’intérieur de structures très traditionnelles (le documentaire de commande) Alain Resnais a su faire œuvre subversive en introduisant des éléments étrangers qui lui sont personnels. On peut constater que par la suite il va s’orienter vers des films sans aucune concession, entièrement originaux. Et si, justement, ses longs métrages sont si audacieux, c’est que (à mon avis) Resnais a souffert d’avoir été si longtemps enfermé dans des cadres périmés, qu’il aurait voulu créer quelque chose de neuf et que cela lui paraissait insuffisant : un constant effort vers plus de courage, voilà ce qu’il s’est imposé.
« La bête humaine » : ce qui m’a laissé insatisfait : le scénario, le « drame » entre Gabin et la fille. Il n’y a ici aucune équivalence de la violence inouïe de Zola. Certes Renoir n’a pas cherché à recopier le roman, mais à faire quelque chose de plus intérieur, de plus rigoureux, mais alors cela ne m’intéresse pas.
Ce qui m’intéresse : le côté documentaire sur la vie des cheminots et sur l’organisation du chemin de fer.
Chef-d’œuvre que toute la première partie : Gabin et Carette, mécaniciens sur une loco (la Lison) font le trajet Paris-Le Havre. Ils ne peuvent repartir tout de suite car la machine doit être réparée → ils restent au Havre. Gabin va rendre visite à une marraine, garde-barrière, à quelques kilomètres du Havre. Dans cette séquence, il y a une analyse de ce qu’est le chemin de fer : ce que l’on voit d’un train (travellings merveilleux – la gare – le départ – le train dans le paysage). Ceci considéré non du point de vue imbécilement passif du voyageur, mais de l’intérieur, du point de vue du professionnel. Le train n’est pas vu comme un moyen (d’évasion ou de transport pour raisons professionnelles). Il n’est pas considéré affectivement, mais comme l’objet d’un examen, que l’on analyse et qu’on replace dans son contexte. Ainsi, il y a d’abord l’aspect mécanique : un train ne se déplace pas tout seul (« Le train qui passe », ça ne veut rien dire → les mécaniciens doivent le surveiller. Remise en question d’un certain nombre d’idées toutes faites sur le train…
Vision nouvelle : vision du professionnel (de l’intérieur) → humanisme – intégration du cinéaste à toute sorte de corps de métiers ← → existence d’une possibilité de contact et de compréhension ← → « Homme ».
15/01/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Remarques sur les couleurs :
Dans un plan : tous les éléments qui entrent dans le cadre se présentent à nous sous un certain angle, mais nécessairement sous un seul angle → on peut utiliser cela et en changeant d’axe et en montrant un nouvel aspect, changer totalement les couleurs des éléments. Une chose n’est pas forcément d’une couleur uniforme…
Si l’on fait pénétrer un ou plusieurs personnages dans un tel univers de diversité des couleurs →
à
Plan 1 : fond bleu – personnage de face : vêtements roses
Plan 2 : fond rose – personnage bleu – inverse du plan précédent
On peut utiliser cela
COURT MÉTRAGE « L’AVEUGLE »
Réflexions sur mon échec de « L’aveugle »
Sur la séquence de la nuit d’amour : il ne suffit pas de montrer des rues éclairées électriquement, la nuit, pour obtenir cet effet que je cherchais de la ville présente autour des deux amants et aussi cette poésie de l’espace et du temps. C’est que je n’ai pas assez travaillé mes plans. Il me manquait une étude plus approfondie du cadre, qu’il fallait régler au départ et d’une façon plus profonde, non dans une optique esthétique « belle image » mais en en faisant un élément de la mise en scène qui doit être une synthèse, une totalité.
CINÉMA – RESNAIS
Retour sur « Toute la mémoire… »
Ce qui a intéressé Resnais, visiblement, c’est de montrer l’organisation d’un univers (la Bibliothèque Nationale) : l’arrivée des livres, leur inventaire, leur stockage, leur récupération → leur lecture. Il a voulu montrer ce côté phénoménal, fantastique d’une telle organisation (fantastique parce que les livres ne sont pas considérés par les lecteurs – ni par Resnais- comme des choses mortes, mais comme des éléments vivants, les fragments vivants de la vivante mémoire universelle). Mais ce qui est extraordinaire, c’est que Resnais n’a pas montré cette organisation grâce aux possibilités du commentaire (moyen employé dans 95 % des documentaires), mais par des moyens spécifiquement cinématographiques (image – musique (très importante) – montage -mouvements de caméra). On retrouve là la constante des autres court-métrages de Resnais : par-delà un prétexte – le « sujet » (le plus souvent sur commande) – il s’agit d’augmenter constamment son contrôle sur les moyens spécifiques du cinéma et d’utiliser ces moyens seuls, sans qu’ils perdent leur efficacité par un apport d’éléments bâtards ou étrangers.
Dimanche 15 : cinémathèque. Trois films :
– Le pirate noir (Albert Parker) 1926 avec Douglas Fairbanks
– Le signe de Zorro (Rouben Mamoulian)
– Cendres et diamants
Le pirate noir : magnifique film, muet, d’aventures. Le jeu des acteurs ne souffre pas trop des critiques du muet (pas de grimaces ni de gesticulations) ; la mise en scène est très efficace tout en étant simple. Il y a des trouvailles assez exceptionnelles sur le plan gestuel :
– Ex : le pirate noir capture un bateau à lui tout seul en l’amenant à terre et ceci en plongeant et en attachant le gouvernail du bateau de façon qu’il vire
– Saute de vergue en vergue et se sert de cordages pour passer de l’une à l’autre (procédé type du film d’aventure)
– Pour descendre d’une vergue il plante son couteau dans la voile et se laisse glisser en la déchirant…
– À la fin, il combat dans le bateau des pirates contre eux, aidé par les soldats. Il combat dans une cale à « plusieurs étages ». À la fin du combat, à chaque « étage », se trouvent des soldats qui le font passer à l’étage supérieur. Il montre ainsi sans bouger comme s’il s’élevait dans les airs…
– Autre trouvaille géniale : pour lui faire gravir à toute vitesse le flanc d’un bateau on a tout simplement placé le décor à l’horizontale… !
Autres choses remarquables :
– Un trésor caché sous l’eau : on voit les bandits l’immerger → on pénètre sous l’eau → salle du trésor – lourde porte sous l’eau
– Les maquettes des bateaux (flottant – explosions)
– Le décor d’un île (simple et beau)
– Les bateaux (colonnes – étage – balcon)
– Les acteurs (extraordinairement vrais)
En somme :
1/ « l’aventure » à l’état pur (pour le plaisir et sans détours…)
2/ Le carton-pâte (par obligation pour ceux qui font le film, pour notre plaisir à nous → distance – jubilation)
DESSIN
CINÉMA – VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION
Je cherche ce que « j’ai à dire »…
J’aimerais parfois écrire mes angoisses, mes douleurs, ma relation au monde (comme Beckett ?), mais je sais très bien que ce serait un échec. Et d’ailleurs je n’en ai pas un désir profond. Je pense qu’il vaut mieux pousser mes « recherches ». Faire ce film sur les plantes, par exemple, dont je rêve… J’ai ainsi l’impression que je serai plus efficace tant pour les autres que pour moi-même… Je préfère aboutir au spectacle pur, construire un monde plutôt que d’écrire ou invectiver celui-ci… Est-ce lâcheté ? Lassitude ? N’est-ce pas plutôt, avec ces « plantes », un désir de retour à l’enfance ? Il me semble que je ne suis pas, que je ne pourrai pas être un adulte… Et je n’en prends pas le chemin…?
CINÉMA – WAJDA
Cendres et diamants : plein de tics, de procédés, mais pourtant : émouvant, me rappelant la vie d’autres que moi, comme si je l’avais vécue et comme si je me souvenais. C’est qu’avec mes souvenirs à moi, je vis d’autres vies et aussi bien des choses que j’ai senties se retrouvent chez des gens qui les ont senties pareillement… Encore donc : ce déchirement, cette angoisse ce plaisir secret à souffrir, cette souffrance merveilleuse parce qu’elle est la souffrance du rêve confronté à la vie donc vivant… La Mort… J’aimerais mourir avec plein d’odeurs dans la tête, plein de choses pointues et dures qui me rentreraient dans les côtes, des cailloux, un arbre. Je n’en dis pas plus, mais il est trop tard : je ne mourrai sûrement pas ainsi. Et ce sera de toute façon (si le temps le permet) la résultante de toute mon angoisse, de toute ma souffrance. Ce sera le seul moment où faire un bilan, où sentir les choses comme je les ai toujours senties, le seul moment où persévérer, s’entêter, aura un sens, le seul moment où vivre aura un sens…
ÉCRITURE – RÉFLEXION
Autre remarque sur la chose écrite et la chose parlée :
Apport positif énorme de la parole entendue :
Durant toute la journée, la nuit aussi, j’ai dans la tête des millions de fantômes de mots qui se promènent, des « infra-mots », je parle avec moi-même, je me lis des textes, je me fais des discours : cette oralité intérieure est épuisante. Elle est une vie à l’arrêt, maîtrisée, garrottée, impatiente pourtant, mais prisonnière. L’avantage du moindre mot que j’entends alors : le vide que créent ces petits mots qui voltigent dans ma tête, ce vide est alors comblé par une énorme masse chaude et vivante. Cette caverne intérieure se peuple de brillances, de chaleur. La parole entendue comble un vide.
Je sentais un manque en moi-même, grâce à la parole, je me sens « complété », enfin, enfin vivant.
Pour les images mentales, ce n’est pas la même chose. Cf. la déception lorsqu’on cherche à matérialiser – par un film, par exemple – cette sorte d’images. En effet, elles présentent au départ un aspect tellement « réel » ! Mais là est justement le nœud du problème : la différence d’avec les discours intérieurs, c’est que les mots entendus mentalement sont après tous les mêmes mots que ceux du langage parlé, c’est-à-dire constituant un langage uniformisé, ne présentant pas le caractère de l’individualité. En revanche, les images mentales ont un caractère personnel, intime, inimitable. Leurs formes, leurs éléments sont créés de toutes pièces (par l’imagination ou la mémoire). D’où leur relation infiniment plus étroite avec la conscience que dans le cas du discours intérieur, d’où leur plus grande force, leur plus grande réalité subjective, qui fait que la plupart du temps nous somme déçus en essayant de les matérialiser, alors qu’au contraire nous éprouvons tant de joies à « oraliser » notre discours intérieur par l’œuvre poétique ou théâtrale, par la conversation ou par le monologue solitaire à haute voix.
Ceci implique une éducation de notre imagination visuelle. Éducation consistant à lui faire perdre ce caractère délibérément subjectif, pour la mettre en contact avec les moules qu’impose la réalité dans les conditions de réalisation. Un équilibre est possible : on peut aussi modifier la réalité pour la plier aux rêves… Dans ces domaines, il n’existe pas de règle absolue…
CINÉMA
Notes prises pendant « Le voyage fantastique » :
Trop de plans de voitures
Décors quelconques
Attirail ridicule
Miniaturisation : 60 minutes maximum
Réduit à la taille d’un microbe.
(Suite notes illisible)
16/01/1967
VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Logement à Antony pour jeunes ménages :
Loyer mensuel : 160 Fr. (deux pièces – salle d’eau – cuisine)
À LIRE
Hegel : Esthétique de la peinture figurative, (Miroirs de l’art, Hermann, 1964.)
Paul Klee : Théorie de l’art moderne (Médiations)
CINÉMA – « LE VOYAGE FANTASTIQUE »
Réflexion sur « Le voyage fantastique » :
Une constatation d’abord : à part la première partie, quelque peu ridicule et trop longue (jusqu’à la miniaturisation), Fleischer a su éviter le pathos et les conventions de scénario qui foutent le film de science-fiction en l’air de manière générale. Et ceci est un très bon point. Qui suffit à me faire considérer respectueusement ce film. Raquel Welsh n’est pas le moins du monde exhibée et on arrive même à l’oublier : toutes concupiscence s’efface.
Mais la chose la plus importante :
Le traitement des dimensions.
À part quelques plans (mal faits, par transparence), il n’y a pas de rapport entre les deux dimensions, microscopique et humaine (mis à part à l’intérieur du corps). On est tantôt sur un plan, tantôt sur l’autre, on ne mélange jamais les deux. On traite tout le temps l’espace par le montage parallèle. C’est pratique, mais ça ne me satisfait pas.
Seul plan où les deux dimensions sont en contact : à l’intérieur du corps. Et là, c’est extraordinaire. Quand je réfléchis à la question des dimensions, je pense souvent – pour l’instant – qu’il faut tantôt faire prédominer une dimension, tantôt l’autre. Ici, une solution radicalement différente est trouvée (à laquelle j’avais pensé d’ailleurs) : aucune des deux dimensions ne prédomine parce que l’intérieur du corps humain, on le sait ça, est un milieu de dimensions énormes pour des hommes miniaturisés (voir scénario du film), et ce qui est terrible c’est que ni vous ni moi, on n’avait jamais vu comment c’est fait, l’intérieur d’un corps humain !
Et c’est foutu comme un tableau abstrait ! Les bronches, l’intérieur du cœur, vu de dedans, on n’en perd de vue la fonction, le sens, ça devient un pur spectacle, une abstraction comme je disais…
Et c’est ça qui fait que le traitement des dimensions est si particulier : les hommes sont plongés dans un milieu abstrait : tout point de repère disparaît. Le plasma est une vaste nuit liquide sans limite visible, les globules rouges des bulles brillantes. Les dimensions n’existent plus. L’homme au sein de cet univers humain, mais pourtant étranger, s’en trouve transfiguré, il perd toute matérialité, il devient pure abstraction aussi (ce qui incline le scénariste catholique à faire parler d’âme, précisément, l’un des personnages). On le voit, ce n’est pas le rapport matériel des dimensions qui a intéressé l’auteur, mais plutôt une dimension (sans jeu de mots) philosophiques qui plairait à Pierre Kast… (on retrouve d’ailleurs un peu ça dans « Planète interdite »).
Il y a une chose que j’attendais avec impatience, croyant que j’allais encore découvrir qu’on m’avait « piqué une idée », il s’agit du retour progressif à la dimension normale (la « miniaturisation » me faisant effet que durant 60 minutes). Cela aussi, grâce au ciel (pour moi…) a été escamoté. (l’équipage revient la dimension normale après être sorti du corps humain).
Il reste encore beaucoup à faire, donc !
Il faut saluer comme un événement la sortie d’un tel film qui prouve que « mon » cinéma peut être commercial…
Autres bonnes choses : il y a un drame, un conflit à l’intérieur du sous-marin dans le corps humain et ceux de l’extérieur n’en savent rien ! Pourtant le drame se passe à quelques mètres d’eux…
VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Parenthèse : lundi soir 0h45. Que fais-tu ? J’entends sur Radio Luxembourg le morceau que tu devais chorégraphier pour le type de La grange. Tu te souviens ? Quelle connerie… !
CINÉMA – RESNAIS
Après la vision de « Toute la mémoire… » exercice possible :
Faire un documentaire sur l’organisation d’un milieu, d’une cellule professionnelle ou affective (exemple : métro ? chemin de fer ?)
CINÉMA – RESNAIS
« La guerre est finie » :
Subjectivité = objectivité
(avoir le nez sur la réalité → aveuglement mais aussi la seule lucidité possible
(« Vérité au cœur du mensonge » (Piazza Navona) → Vérité dans l’erreur (mensonge = erreur ici (scénario et aussi Brice Parrain (?) Cf. aussi « Muriel »)
VÉCU – CINÉMA – RÉFLEXION
De toutes mes forces, il m’arrive de détester ceux qui détiennent la « culture » et les moyens intellectuels et matériels de créer (IDHEC) car il les délivrent au compte-gouttes, à contrecœur, en faisant toutes les difficultés possibles. Du fait que pendant cinq ans je n’avais que je n’avais à ma disposition que le film muet, je me suis astreint à une certaine forme de création (nécessairement : expressionniste) qui ne m’a d’ailleurs mené qu’à des échecs), si bien que maintenant je suis incapable de me mettre à utiliser le moyen audiovisuel, je suis incapable de construire une scène, de faire dialoguer des personnages, d’intégrer la musique au film. Il me manque des choses et je m’effraye du peu de temps qui me reste pour les emmagasiner. Et pourtant, c’est une nécessité, ne serait-ce que professionnelle. Le film est une totalité, je n’ai à ma disposition que deux ou trois éléments de cette totalité (et encore bien maigres…)
Je suis indigné que des tas de types soient, comme moi, encore plus que moi, privés de ce qui leur est nécessaire pour approcher les possibilités de création…
C’est une question économique, bien sûr, mais pas seulement ça. Il s’agit de bêtise…
CINÉMA – PROJET « LES PLANTES »
En reprenant cette idée dont j’avais parlé à Jacques Anfossi en sortant d’un cours d’italien, si je ne me trompe, par un beau jour ensoleillé, en regardant le sol accidenté devant les « bâtiments scientifiques » du lycée de Lorient. Idée du sol survolé par la caméra (travelling à 1,50 m du sol). On pourrait : mettre un bruit de moteur d’avion, donc, telle était mon idée, sur cette image. (Utiliser la bande-son à part entière (bruitage + commentaire très important).
Innovation possible : débuter ce sont avant l’image, sur une ouverture au noir (ou sur du noir monté cut).
ÉCRITURE
Je pense à écrire une nouvelle à partir de mon scénario fantastique. Il s’agirait non pas de donner une équivalence directe (en décrivant ce que je souhaiterais être les images éventuelles de ce film, s’il se fait un jour), mais d’utiliser les possibilités du langage littéraire. Faire œuvre poétique, si possible.
« Des oiseaux et des fleurs autour du cou… »
CINÉMA – WAJDA
Dimanche soir : revu « Cendres et diamants ». Je voulais en parler, mais je m’aperçois que c’est déjà fait. Alors… ! (de toute façon, je n’aurais pas dit grand-chose).
CINÉMA – RESNAIS
L’art de Resnais : fragmentation de la réalité. Mise en scène « en mosaïque ». Chaque plan est un mensonge, car on n’a jamais qu’un aspect de la réalité, une vision subjective de la réalité. Chaque plan est un « mensonge par omission » (en omettant de montrer toute une réalité, on ment sur cette réalité…)
Mais il y a processus dialectique : le plan suivant, qui est un nouvel aspect de la réalité jusqu’alors cachée, vient nier le précédent. Et la vérité naît de ces mensonges ajoutés les uns aux autres… La vérité naît d’un d’une somme de mensonge… Mais c’est une vérité nouvelle, inattendue, la vérité de la conscience. La vérité cinématographique (l’addition de mensonge se fait par un moyen cinématographique : le montage et abouti à une synthèse organique : le film, où chaque fragment a une place inchangeable, d’une seule coulée. (C’est pourquoi toute analyse syntagmatique sémiologique des films de Resnais est sinon impossible, du moins vaine…)
Dans « Muriel », on retrouve le problème du mensonge et si Resnais rapproche le personnage d’Alphonse de celui de Diego, c’est que tous deux sont des menteurs par erreur, par illusion (plus ou moins consciente suivant le personnage et les moments). C’est que le mensonge est lié à l’erreur (si Diego cache à ses camarades qu’il a été arrêté à la frontière, c’est parce qu’il croit que c’est quelqu’un d’autre qui était recherché, ce qui est une erreur. Le mensonge est indissolublement lié à l’erreur, il procède d’elle et l’augmente) « Muriel » foisonne d’erreurs et de mensonges. Il y a là un enchaînement remarquable : l’erreur procède de l’illusion. Pour qu’il y ait erreur, il faut qu’il y ait illusion. S’il y a erreur, il y a mensonge. S’il y a mensonge, il y a découverte de ce mensonge, donc découverte de la vérité dans une lumière nouvelle…
Notes sur film « L’aveugle » à ne pas saisir
17/01/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Est-ce possible de faire ce film sur l’organisation, sur l’organisation des rapports de deux fiancés (Olmi ?)
– Une lettre, le principe d’une lettre
Au départ : cette nuit, éveillé à quatre heures du matin, j’attendais ta lettre pour ce matin. J’étais persuadé que tu me l’avais envoyé le soir. Et je pensais que, loin de toi, j’ignore ce que tu penses. En me projetant vers le passé, je te voyais écrire cette lettre (*), me livrer tes pensées, des sentiments de cinq heures du soir, puis je revenais au présent : tout avait déjà changé, la lettre était en route, tu dormais. La lettre ne correspondait plus à ton état mental et affectif.
En me projetant maintenant dans le futur, je me voyais ouvrir la lettre portée par le facteur, encore plus de temps avait passé, le décalage entre cette lettre et toi avait augmenté.
Je la goûtais pourtant avec une joie infinie. Je revenais à la veille, à cinq heures du soir. Pendant ce temps, tu étais en cours, écoutant le professeur…
Distance → la certitude absolue sur ce que nous faisons point en parallèle, ne se rejoignant pas. Seul moyen de liaison : abolissant l’espace = lettre, mais elle est imparfaite à cause des variations de nous-même en fonction du temps.
(*: À ce moment-là, j’étais alors occupé au Service du Logement étudiant).
19/01/1967
CINÉMA – « LE VOYAGE FANTASTIQUE »
Remarque : à part Michel Mardore, la plupart des critiques n’ont pas apprécié « Le voyage fantastique ». Pas étonnant : ce sont tous des impuissants « intellectuels », des aristocrates crétins de la Culture, de grandiloquents « penseurs », des fines-bouches à courte vue, des vaincus sans illusions incapables de la joie de l’illusion et de l’enthousiasme. Donc je ne m’en fais pas pour ça. Ce sont des imbéciles. Ce ne sera pas un film qui entrera en ciné-club. Il ne satisfait pas les habitudes de masturbation intellectuelle des « gens cultivés ». Il s’agit d’une distraction pour ilotes, vous comprenez. Ce qui compte pour la « Culture », c’est le dernier Godard… Mais cela me confirme dans la méfiance vis-à-vis de la Culture et du cinéma d’auteur… Le cinéma de l’avenir, c’est « Le voyage fantastique » et non « Alphaville ». En se fout pas mal des critiques, ce qui compte, c’est de toucher le public, d’entrer dans un univers et d’y faire entrer le public. Que la mémoire du spectateur ne retienne pas le nom de Fleischer et ne le mette pas au pinacle des « Artistes », c’est très bien, très normal.
MAIS : il n’est pas normal qu’un type fasse des films, bosse comme un dur et soit oublié s’il a travaillé dans de mauvaises conditions (cf. film de série Z).
Je trouve bon que le public ne se préoccupe pas de la « philosophie » d’un « auteur », mais j’exige que cet auteur obtienne le plaisir de son travail. La joie ne viendra pas de son orgueil flatté, mais de son métier fait dans de bonnes conditions. Je me moque que tout le monde sache que j’ai fait des films et lesquels, si je ne peux travailler six mois sur six et faire honnêtement les films qui me plaisent. Je suis sûr que Schoedsack et Beaumont (erreur : j’aurais dû écrire : Schoedsack et Cooper) étaient heureux d’avoir créé King Kong, que le public aille voir leur film, mais qu’il se moquait pas mal que personne ne sache que c’était eux qui avaient créé ce superbe mythe et meilleur est le film, plus grand est l’artiste, plus magnifique le mythe, plus, j’en suis sûr, le désir de gloire n’intervient pas dans le dessein d’un artiste…
20/01/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE – PROJET « ALICE »
Métro. 14h
Possible (mais pas excellent à 1ère vue) :
Rapetissement d’Alice rajeunissement
ÉCRITURE
Les encres de couleur…
CINÉMA
Vendredi soir : vu « Peter Pan » → déception, bien sûr.
Moment intéressant (également paysages) : le Capitaine Crochet donne son mouchoir à la minuscule fée Clochette pour qu’elle essuie ses larmes → la petite fée essuie ses larmes avec ce mouchoir → il la recouvre tout entière comme une draperie…
22/01/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une série des « Qu’est-ce que ? »
Qu’est-ce qu’un escalier ?
Qu’est-ce qu’une route ?
Qu’est-ce qu’un livre ?
Chaque film serait une réponse (et non la réponse, bien sûr)
CINÉMA – GODARD
« Pour être sûr de vivre, il faut être sûr d’aimer. Et pour être sûr d’aimer, il faut être sûr de mourir. » (Jean-Luc Godard)
28/01/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Situation : un type séjourne dans une maison chez quelqu’un qui souffrirait s’il s’en allait (maîtrise financière ou amoureuse)
Éclate un conflit dans lequel le type, qui a menacé de partir, fait du bordel et dit qu’il s’en va prostration de la femme (il faut que ce soit de l’amour) qui le voit faire sa valise. Il boucle la valise et dit en se retournant vers elle : « Voilà ma valise prête, je la laisse comme ça, si tu recommences, je fous le camp… » docilité de la femme.
Porter un jugement sur cette attitude du gars.
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Des types mettent leur réveil à sonner le soir. Le lendemain matin, ils sont réveillés, arrêtent la sonnerie et vont au travail. Dans la journée, en faisant le ménage, leurs épouses remontent le réveil et, ce faisant, libèrent la sonnerie. Comme l’aiguille tourne, l’heure de sonnerie, à 12 heures de décalage, revient et le réveil re-sonne dans la soirée, vers 18 heures, par exemple Alors… réactions de celles qui entendent le réveil sonner le soir…? Affection devant l’effort quotidien du partenaire ? Indifférence agacée par le bruit ? Lassitude ?
Et ceux qui n’entendent jamais re-sonner le réveil ?
Scénario possible sur une femme qui remonte volontairement le réveil pour l’entendre re-sonner et ainsi, d’une part, être prévenue qu’il est l’heure de faire quelque chose (heure qui correspond à l’heure de départ du mari) et, d’autre part, parce que ça lui fait penser à son mari qui, à cette heure-là, par exemple., finit de travailler…
à
Combinaison :
1/ Le type met le réveil le soir à le lendemain, il se réveille et s’en va.
2/ La femme, dans la journée, remonte le réveil en le laissant à la même heure.
3/ Le soir le réveil re-sonne à la même heure (18 h 30) sur le cadran. C’est le moment où le gars sort du boulot et où elle doit penser à se préparer à l’accueillir.
→
Autre possibilité (le 05/02/1967) :
Chaque matin, l’homme arrête la sonnerie du réveil. Il la bloque pour la journée et la débloque le soir, en se couchant. Pendant la journée, le réveil est muet, réduit au silence depuis le début de l’effort quotidien. L’épouse, qui vaque à ses travaux ménagers, ne l’entend jamais, n’y prend pas garde et, un jour, exceptionnellement il re-sonne. Alors la monotonie de l’habitude est rompue : arrêtée dans son va et vient par ce réveil qui sonne tout à coup, la femme pense à son mari, à son effort quotidien. Elle pense à lui et elle l’aime.
29/01/1967
VÉCU – RÉFLEXION
14h15 : « Si j’étais un charpentier… » (Johnny Hallyday) → certes, il y a la cruauté et la mesquinerie des hommes, mais ce qui compte, aussi bien pour eux que pour soi, c’est de porter une inlassable attention aux choses…
CINÉMA – RESNAIS
Revue hier soir « Guernica » (Resnais) + autres
30/01/1967
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
← Fait réel, au Mazet, avec D., L. et P. :
Un gant qui traîne à terre depuis 15 jours… à réflexion : « Si ça avait été une paire, elle n’aurait pas fait long feu… » à Moi : « C’est valable pour un manchot… Mais comment pourrait il le mettre ? »
– Note écrite à 20 ans
02/02/1967
CINÉMA – BRESSON
« Bresson fait peu de films, mais il fait beaucoup de cinéma… »
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Élément (pour un ensemble sur la crétinerie quotidienne)
L’employé du métro à qui l’on donne une carte de semaine pliée en deux pour ne pas gêner et perdre du temps en la dépliant et qui râle parce qu’on « pourrait la déplier »…
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Fragment : un sac échoué sur un trottoir, plein de détritus; émergeant de ce sac, sur un bout de papier déchiré : « Idées »…
02 ou 03/02/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
02 ou 03/02/1967
VÉCU
Kiosque à journaux. Je m’avance pour acheter « Le monde ». Je fouille dans ma poche. Entre-temps la vendeuse me dit : « Le Monde, Monsieur ? » et elle en prend un exemplaire et me le prépare. Étonné, je lui demande comment elle sait que je voulais « Le Monde »… → « Je ne sais pas, comme ça… »
04/02/1967
ÉCRITURE
Mensonge révélé
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
← Métro. Affiche publicitaire : un type lit un bouquin ou manipule un produit dont on fait la publicité à expression ravie, enthousiaste. On descend : en bas de l’affiche, un vrai gars manipule le même produit avec une sale gueule.
DESSIN
05/02/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Le démon qui ne réussit pas à être aussi cruel que Lucifer et qui rate son coup…
ÉCRITURE
Les plantes du jardin et le Jardin des Plantes
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
(A partir de la conversation entendue dans un café sur un type à 4 pattes devant le chien)
Une rue de province le matin.
1/ Une mémé entre dans une boutique pour faire son marché. Elle laisse son chien à la porte en l’attachant.
2/ Le chien se détache et s’en va.
3/ Un pépé s’arrête à un étalage et pose à terre son panier à provisions. De ce panier dépasse un long chapelet de saucisses.
4/ Le chien arrive et fauche les saucisses sans que le pépé s’en aperçoive.
5/ Un clochard regarde la scène et suit le chien.
6/ Survient un autre chien qui attaque le premier. Celui-ci lâche les saucisses pour se défendre. Bagarre entre les deux chiens. Entre-temps le clochard fauche les saucisses et les met dans son sac.
7/ Surviennent les propriétaires respectifs des chiens. La mémé rattache son chien et rentre dans la boutique. Attaché, le chien aboie furieusement. De l’autre côté de la rue, le clochard agite les saucisses, se met à 4 pattes et aboie lui aussi.
DESSIN
LITTÉRATURE – MAROT
« Lorsque Maillard, juge d’enfer,
menoit à Montfaucon
Semblancay l’âme rendre… »
VÉCU- CINÉMA – IDHEC
Visité le Pavillon du Brésil (Cité Universitaire) (ainsi que le pavillon de la Suisse) construit par Le Corbusier → reportage le 14 février
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
(Mais quoi faire là-dessus ?)
2 personnages, à l’aube, qui ont parlé toute la nuit.
CINÉMA – RENOIR
Vu « La règle du jeu » → extraordinaire (séquence de la chasse, mais plus encore la tournée du garde-chasse quand il pique Carette au braconnage).
ÉCRITURE
Elle avait des doigts si diaphanes que l’on voyait ses os lorsqu’elle mettait ses mains à la lumière. (inclus dans Manuscrit « L’homme que les plantes aimaient »)
06/02/1967
CINÉMA – RESNAIS
Resnais : le respect du sujet…
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – CINÉMA – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
(11h20)
Complètement dingue : au lieu d’allumer ma lampe de chevet, comme tout le monde, j’allume une chandelle (Bachelard, Bachelard… !)
J’aimerais savoir pourquoi je suis malheureux…
Pourtant : j’ai terminé mon montage dans les délais que je m’étais fixés → je vais pouvoir le montrer à Jo. Mon film n’est pas génial, mais il est visible… Et surtout : je pars après demain matin pour te retrouver. Je vais passer quelques jours avec toi…
Alors, pourquoi suis-je malheureux.
Je le sais trop bien…
– Détails pratiques : mon film n’est pas complètement monté, il manque le générique et les titres et je ne sais pas si j’aurai le temps de les monter avant de partir et ça m’emmerde. Et puis il y a la question de la bande-son qui reste à résoudre. Et puis ce montage n’est pas fameux…
Autre détail : je comptais le montrer moi-même à Marcel mais il ne sera pas là → ce n’est pas un détail, en fait, c’est une chose qui arrive très souvent, c’est la vie, comme on dit : on travaille sur un truc pendant trois ou quatre mois, on se lie grâce à ça avec des gens, qui ne sont pas forcément ceux qu’on imaginait, au départ, le film, la pièce de théâtre, le projet de vacances, de travail, se construisent à la fois avec et en fonction de ces gens qui gravitent dans votre vie, ces gens, ces collaborateurs, ces amis prennent de plus en plus d’importance, le film, le projet lui aussi, prend de l’importance. Et lorsque vous cherchez, une fois le film terminé, une fois le projet abouti, à le présenter à ces amis, à ces associés, à cette construction si importante pour vous, vous vous apercevez que ceux-ci n’ont fait que graviter. Ce sont des amis ou bien ils ont été des collaborateurs, mais ils ont leur projet, leur vie.
Au départ: accord soi-amis/collaborateurs → projet.
À la fin : accord soi/projet réalisé, mais entre-temps : un décalage s’est établi entre ceux qui ont été au départ de l’œuvre, du projet, et vous. Et vous vous retrouvez seul avec votre œuvre, avec votre acte présent, qui n’est plus un projet…
Solitude ← décalage ← nécessité de la vie.
On ne peut pas vivre dans la même ville. Car toute la vie n’est pas dans une seule ville (et toute la ville n’est pas dans une seule vie).
Je suis malheureux, aussi, pour des raisons plus sérieuses :
Je sais trop bien que si je te retrouve, c’est pour quelques jours seulement, durant lesquels une fois de plus, nous ne dormirons pas dans le même lit et puis, une fois de plus, il faudra se séparer. Et surtout pour toi, c’est dur, car tu retrouves cette vie à la con de pensionnat, cette connerie systématisée, oppressante.
Et puis, je sais qu’il y a les problèmes de l’avenir pas si lointain. Question de logement, de travail, de fric. Et je sais que je ne sais pas. Je sais que tu t’inquiètes, que tu t’interroges, que tu t’affoles presque, parce que tu es consciencieuse, logique, soucieuse de nos intérêts comme de ceux de tes parents que tu aimes beaucoup, au fond. Je ne voudrais pas, comme mon père, laisser tomber mes responsabilités, te laisser le soin d’avoir des soucis, de faire des comptes et de t’angoisser. Il ne le faut pas.
Cependant, je sais aussi que pour l’instant (ça ne va peut-être pas durer très longtemps…) ça ne sert à rien de trop s’interroger sur l’avenir, car on ne peut pas décider grand-chose. S’il s’agit de ne pas prendre de vacances, je suis d’accord, si au moins tu es avec moi… Ça ne veut pas dire que l’amour arrange tout, car ce ne serait quand même pas marrant. Mais d’abord, je t’aime et nous serions ensemble et puis il n’y a pas à rechigner. Il faut serrer les dents.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
(On peut traiter ça : comique au sein du tragique)
(D’après les 400 coups : quelqu’un se cache dans une maison. Il est poursuivi et son poursuivant ignore l’existence de la personne qui le cache. Tout à coup, on sonne. à angoisse. Il reste caché. C’est le poursuivant mais il vient pour des raisons extérieures, tout à fait banales et fortuites. Exemple : une femme trompe son mari. Elle est chez son amant. Survient le mari, qui est employé du gaz et vient relever le compteur.
09/02/1967
VÉCU – ZYF – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Zyf à Jocelyne : « Tu n’as pas les dimensions de cette voiture… »
10/02/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Entendu dans un café (Lorient) : bribe de conversation entre des hommes, devant un apéritif :
« Il était là, à 4 pattes sur le trottoir, et en face de lui le chien qui aboyait… Ça valait le coup. C’était à filmer ! »
→
Exercice : Reconstituer le début de la scène. Imaginer comment on peut en arriver là. Créer une situation comique.
ÉCRITURE
« Oh ! Regarde cet arbre, on dirait un arbre…! »
12/02/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Idée de bande dessinée sur le thème du trou de serrure
Jeu de quilles dans une foire. Celui qui renverse les quilles gagne un gros lot.
Quilles = trous de serrure
Joueur = homme qui jette un œil en guise de boule à travers les quilles-trous de serrure.
Gros lot = une femme de l’autre côté des quilles.
VÉCU – ZYF
Cet après-midi avant mon départ en train, Zyf est passé à la maison → en voiture jusqu’à Carnac. Passé par la plage d’Erdeven. Marée basse. Pris le volant. Dérapage sur le sable mouillé. En quatrième le long des vagues…
ÉCRITURE
Le génie ? Chaque fois qu’il parle, d’autres se servent de ce qu’il a dit pour parler à leur tour…
ÉCRITURE
La mort n’affecte que les vivants… (2014 : from Internet : fait)
PROJET 2 DIMENSIONS
Vu à la Cinémathèque (exposition) : photo de Germaine Krull (1961) : Bouddha couché en pleine campagne – Birmanie
Commentaire du 1er juin 2015 :
Voici une photo qui se rapproche de mon schéma :
– Commentaire écrit à 68 ans
16/02/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
(23h30)
La lettre. Je reviens à la lettre.
1/ Nuit à Paris. Un jeune homme allume sa lampe de chevet et une cigarette. Il songe. Monologue intérieur :
– Que fais-tu en ce moment ? (Il l’imagine réveillée comme lui).
2/ Vannes (Morbihan) Un dortoir dans un lycée de jeunes filles. Pénombre. Travelling avant jusqu’à une jeune fille blonde qui dort. Sur sa table de chevet « Qu’est-ce que la littérature » de Jean-Paul Sartre (peut-être fin du monologue sur ces images).
« C’est stupide… Pourquoi ne dormons nous pas dans le même lit ? Pourquoi ne sommes-nous pas ensemble ? Quand je fais quelque chose, je ne sais pas ce que tu fais au même moment. Je n’ai aucun lien avec toi. Sauf tes lettres. Et encore : il y a un décalage…
3/ Une étude, dans un lycée. La jeune fille blonde écrite une lettre (monologue intérieur, voix de jeune fille) : la lettre qu’elle écrit. Elle s’adresse au garçon
4/ Salle de cours. Le garçon, assis parmi d’autres étudiants, prend des notes en écoutant le cours d’un professeur
→ Dans un bar il prend un verre. Il ne pense pas elle
5/ Entrée d’immeuble. Le lendemain matin. Le garçon s’apprête à partir. Il ouvre la boîte aux lettres, trouve une lettre, la lit.
« Mon chéri, que fais-tu en ce moment-même où j’écris cette lettre ? »
← Monologue intérieur garçon : « Et toi, que fais-tu en ce moment-même où je la lis ?
7/ Salle de classe. La jeune fille écoute un prof et prend des notes
8/ Le garçon écrit une lettre
9/ La jeune fille déjeune dans un réfectoire.
(je rajoute : pour ce film sur lettre, c’est comme une étoile : lorsque sa lumière nous parvient, au même moment peut-être ne brille-t-elle plus…
17/02/1967
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Métro. Grande affiche avec beaucoup de papier blanc. 2 personnes discutent. L’une des 2 se sert de l’affiche pour dessiner les plans d’une maison.