Carnet 5 – Du 1er mars 1966 au 27 mai 1966
01/03/1966
VÉCU – CINÉMA – RESNAIS – DELPHINE
Aujourd’hui : grève du métro. Je suis resté à la maison. J’ai traîné. Je n’ai rien fait. Si : j’ai écrit, à Jo et à Zyf. Il est maintenant 20 h 25. Je suis au lit.
Je commence ce nouveau carnet. Mais une nouvelle période de ma vie commence-t-elle ?
10 h. Je rallume. Excitation. Besoin physique d’agir, de me battre.
Je « réussirai ». Je ferai tout pour ça. J’arriverai à avoir les mains libres, l’argent, la puissance pour créer ce qui me plaît.
Monde de lutte. Je connaîtrai des gens ; si mes idées sont bonnes, si ce que je fais plaît, séduit, pourquoi pas moi… ?
Et puis… Après l’excitation, toujours, je me calme. Je me dis que je me fais des illusions, que je m’emballe.
Gamin, pauvre type paumé, seul, sans moyens… les gens qui m’intéressent n’ont pas le temps de s’intéresser à moi. Pour Resnais, par exemple, je parie 10 contre 1 que ça finira par tomber à l’eau. Pourtant j’ai une arme : l’obstination, la patience. Il faut être patient. Et puis il y a le hasard… la chance… avec qui on doit aussi compter, en bonne comme en mauvaise part…
Utiliser « Delphine ». Je l’ai trop laissé dormir… La montrer. Ciné-clubs. Personnalité, etc.
Objectif : – rencontrer des gens – faire un stage. Travailler sur un plateau. – me faire produire
02/03/1966
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Métro : mon reflet sur la partie droite de la vitre. À gauche, sur la partie concave de la vitre : reflet des gens assis derrière moi, donc devant paraître plus petits mais, comme vitre concave → ils paraissent aussi gros → au cinéma : conception du temps – téléobjectif – on se déplace mais on ne change rien – espace différent (à voir) (possible → panneaux différentes distances) – temps passant ou ne passant pas (cf. la mère qui court dans « Hiroshima »)
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Idée nécessitant de nombreux figurants : dans le métro, dans la vie, personne ne se parle, ne s’aide, on s’ignore mutuellement. Montrer un monde (sans insister) où, dans les stations de métro, les gens de tous âges se parlent, où les gens s’aident, communiquent (simple description)
VÉCU
Je viens de passer un examen de cardiologie. 14,8 de tension ; « Cœur normal. Pas de lésion. Sujet anxieux »: voilà comment on recouvre d’un mot la réalité. J’étais fou de croire que je pourrais échapper au service militaire : Je ne crois pas que je serais réformé… J’y passerai, comme tout le monde.
Comment faire pour être réformé ?
Si je dois y passer, c’est emmerdant à cause du problème numéro un : boulot. Revenant du service, il me sera bien plus difficile de trouver du travail. Tout au moins, il faudrait que j’entre au S. C. A. . Ce serait toujours mieux que rien. J’ai envie d’écrire à L. pour lui exposer mon cas. Peut-être m’indiquera-t-il un moyen de m’en sortir ? Et puis il faut que je pense à mon sursis… Si je ne m’en occupe pas, ça me retombera sur la gueule
La lutte ? Oui. Y compris l’amertume de la défaite… ?
De toute façon, on est vaincu. Même si on ne se bat pas. Alors : autant se battre ; pour la vie, pour la beauté de la chose, par désespoir… ?
Pour l’homme… ?
Aujourd’hui : angoisse sensationnelle (à cause des deux cafés que j’ai pris pour faire augmenter mon rythme cardiaque)
À LIRE
Nicole Védrès (Temps Modernes NRF)
Albert Laffay
Merleau-Ponty
communication (Friedman – Barthes)
(+ bibliographie de l’IDHEC)
CINÉMA – RÉFLEXION
Je suis passé devant une vitrine avec des petites voitures-jouets puis j’ai regardé la rue et j’ai vu un camion transportant des voitures, exactement pareil au jouet qui l’imite, garé en face… Passage d’une dimension à l’autre, du jeu à la réalité. Mais voie possible (cf. Godard) → après cela montrer le camion qui décharge, précision matérielle propre la réalité ; changer insensiblement de dimensions, revenir à la dimension réelle. Enfant qui regarde son jouet après plan du camion puis pareil → retour à la réalité : spontanéité de l’enfant. On peut bâtir le film ainsi : filmer d’abord la réalité (cinéma – vérité) avec juste une trame puis intercaler les repères extra-réels (jouets – jeu – fabriqués – art) qui sèment le désordre des dimensions et du jeu…
= soumettre la réalité à une épreuve… ? ?
Trop didactique sous cette forme. Il faut : filmer la réalité en un seul plan, faire la synthèse dialectique réalité-art (*) se servir du cinéma comme d’un révélateur. Révéler les mouvements complexes, précis, minutieux du monde vivant par contrepoint avec le hiératisme figé des choses fabriquées. Il faut arriver à ce que la chose fabriquée (jouet – art) se mette à vibrer
Voie = poétique ? ? ? ← → (projet sur les plantes. Oui ← un seul plan (réalité + rêve) et caractère poétique (vision de l’enfant…)
(*) = l’art doit être évoqué (il n’en est que plus fort) (exemple : le gros plan de l’œil ou le plan du projecteur regardant et éclairant la salle de cinéma = utilisation, appropriation de la réalité.
Le repère (l’art – la fabrication) se trouve à la fois en deçà et au delà de la réalité. En deçà : elle la crée en tant que réalité de l’image. La réalité filmée, fabriquée, devient image. Dans ce premier temps on ne peut distinguer la fabrication de la réalité. Au-delà : elle est le deuxième pôle de l’image dont l’autre est la réalité. Elle est dissociée de la réalité, à laquelle elle fait pendant, et le deuxième terme de la synthèse dialectique avec la réalité.
À la fois dissociée et constitutivement liée, c’est le mouvement même de la dialectique
VÉCU
11 h 15. Cours de philosophie. Le professeur nous parle de phénomènes de lévitation qu’il a lui-même constatés. Très intéressant
IDÉE – SPECTACLE – TECHNIQUE
Technique :
1/projection sur un plan ← l’image est de petites dimensions
2/changement de focale → l’image s’agrandit et l’écran sur les bords devient concave ou convexe
(passage du reportage au spectacle )
03/03/1966
VÉCU
Lycanthropie (phénomène du loup-homme = loup-garou
Conte d’Alexis Tolstoï : histoire de vampires → film « Les trois visages de la peur »
« Carmilla » (Le Fanu) → « La crypte du vampire »
Prof de philo: les précautions pour vérifier la mort sont insuffisantes (morts qui se réveillent dans leurs cercueils)
ÉCRITURE
« 2 francs seize » – « 2 françaises »
04/03/1966
CITATION
« La carte n’est pas le territoire »
« Si la vérité ne triomphe pas, ses adversaires finissent par mourir » (Planck)
« On peut sourire, toujours sourire, et être un traître » (Hamlet)
VÉCU – CINÉMA
Ciné-club Voltaire : Jacques Demeure : prise de conscience de l’absurde (« De Tom Mix à James Dean »)
de Becker ?
victoire sur la mort (dépassement de « Key largo ») →
3 plans : – film d’intimité (malgré le plein air) – acteurs – scénario (lié à la mythologie)
Acteurs : Bogart et Hepburn avait déjà créé une mythologie (portée à son point de perfection) Huston retourne ces deux mythes (sangsues)
Mais : ici pas une valeur de sarcasme (retour au naturel)
rapports hommes-femmes : « Hatari »
● Progression (tout le monde d’accord) mais dans quel sens ?
● Retour au mythe mais épuré ?
● Rédemption (Bogart redevient lui-même. Hepburn redevient élégante)
● Dépendance à la fin. Au début : supériorité (anti-mythe) la nature décrasse
● Jeu des acteurs : pas naturel parce que au début les acteurs jouent un [jeu], un rôle
● Comme le bateau : ballottés. L’homme est annihilé (c’est le ciel qui agit)
● Les acteurs se décrassent et arrivent à des rapports humains
● Ça tient du [miracle]
● Acte de foi. Humanisme
● Miracles : sens dérisoire. Huston met en question l’ordre divin dans le monde.
● Une seule chose peut ordonner l’absurde = l’amour (fin. Pendaison = blanc et bleu)
● Mise en scène et prise de vues extraordinaires
● Accession au détachement
● Au départ : mythe parce que posés comme individualité → dégradation de l’individualité
● 2 mises en scène : l’une du dialogue, une de la nature = synchro
● Trop de niveaux dans ce film. Ni acteurs ni personnages (pas dans le film et pas acteurs)
● Il faut être docile
● Gens hors du temps et de ce qui leur arrive
● Rapports entre les personnages. Tout le reste est contingent (Agel)
● Contradiction entre dialogue des personnages #combat avec la nature → défaut
● Ambiguïté
● Exemple : Bogart se moque des hippopotames. Huston ne s’intéresse pas à la nature. Seul intérêt : dimensions intime
● Il ne veut pas se laisser bouffer par la nature
● Huston ami de Flaherty
● Huston a fait du théâtre (« Huis-clos »)
● On sent le fond de la nature (C.)
● C. # Ch.
● Oui : (sangsues)
● # on ne voit jamais la nature
● Mise en scène : académique
● Unité de lieu (bateau)
● Pas de contact entre les gens et la nature
● Agel : balancement entre le « Hatari » et « Brève rencontre »
● Mis en scène : théâtral : non. Tout est justifié (G. P.) par rapport au mouvement du bateau
● Minelli : cinéma = rapports entre un homme et un décor
● Cinéma n’est pas théâtre (← visages)
● Agel : il faut être naïf → Ch. : il connaît les idées de Huston à partir de l’idée qu’il se fait de Huston
● Agel : « J’aime les visages humains, c’est ce que je préfère dans le cinéma »
● Certains éléments de dramatisation qui rompent cela (plans d’ensemble du bateau sur les rapides)
● Importance de l’eau
05/03/1966
VÉCU – ÉCRITURE – PROJET BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
13 h 10. Café en face du jardin du Luxembourg. J’attends Jean-Jacques pour aller chercher la batterie. Cet après-midi : enregistrement de la musique du ballet. Cette nuit : couché chez lui. L’autre nuit : après avoir été avec Édith P. et Jean V. bouffer couscous et écouté du jazz : dormi dans une piaule de Jean. Lu « Cahiers du cinéma » : « Muriel ».
Je viens de rencontrer Emmanuel : il m’a fixé rendez-vous jeudi prochain à 14 h 30 avec Victor.
CITATION – LITTÉRATURE
« Le réel se montre déjà dans le soin même qu’il met à se cacher… » (à peu près) (Lévi Strauss)
RÉFLEXION
Le solipsisme peut exister mais comme une aberration…
06/03/1966
VÉCU – CINÉMA – ÉCRITURE – PROJET BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
26/03 : « Main basse sur la ville ».
23 h 10 : couché. Pipe. J’aime écrire au crayon feutre. Hier : enregistrement. Le matin : je suis parti de chez Jean-Jacques à midi (le réveil n’avait pas sonné). Il faisait gris. Je suis arrivé au Luxembourg. Sur le boulevard Saint-Michel j’ai rencontré Emmanuel. Ça m’a fait plaisir de le revoir. A lui aussi je crois. Après ça, je suis resté quelque temps dans un troquet puis Jean-Jacques est arrivé en Dauphine. Chez Pasdeloup : plus de batterie à louer. On a foncé à Clichy dans une autre boîte. Ils en avaient une mais dégueulasse. On l’a prise quand même. Garé devant un garage. Engueulade. Coups de klaxon. Il était déjà 15 h. On fonce à la maison. C. n’était pas encore là mais il y avait René. C. s’est pointé vers 16 heures. Le temps de s’installer (on a rembourré ma chambre avec des matelas et des couvertures pour le son), il était 18 h. L’enregistrement n’a pas été facile, il a fini à deux heures du matin. J’ai dû imposer une contrainte à Jean-Jacques car je pensais aux danseurs. On a enregistré mouvement par mouvement et l’ensemble sera reconstitué au repiquage. J’attends avec une certaine impatience le résultat. Et j’ai aussi très peur que le spectacle lui-même ne puisse pas marcher. J’espère avoir des nouvelles fraîches bientôt. J’ai écrit à Jo et à L. Il y a aussi l’importante question de l’avenir. Projets de films ? Avec Ch. ? Avec C. ? Les gens que je dois voir, les choses à faire. Les coups de téléphone à donner. Les articles à écrire. Il est 23 h 20.
VÉCU – THÉÂTRE
P. A. Touchard
« Dionysos »
Théâtre = « acte »,Remarque : pas de parole entre spectateurs. Théâtre : inspirateur du silence. Méditation individuelle ← essence « religieuse » (sens sociologique) communion (silencieuse)
Mythe de Dionysos : Dieu de l’ivresse. Sa mère (?) séduite par Zeus lui demande de se montrer : elle est consumée par la foudre et les éclairs qui l’entourent
(Dionysos : averti que les faveurs du ciel sont mesurées, amour et haine = unique lot, monde de la connaissance intellectuelle interdit ) les nymphes, les muses et Silène assurent son éducation et l’accompagnent à travers l’Orient.
Dieu de libération : montre à l’homme ce qu’il serait, ses virtualités de. Désir de liberté
Atmosphère tragique quand je me sens sujet de l’action qui se joue
Destinée illustre permet l’identification (je peux plus facilement me reconnaître dans mon supérieur que dans mon inférieur)
Dénouement malheureux : signe le plus visible d’un engagement total du spectateur = la mort (intéressant : vertiges dionysiaques de la mort
Tragédie : image du miroir qu’on accepte (identification)
Comédie : qu’on n’accepte pas (distance)
Tragédie : acte pur
« Il y a un rire de la tragédie comme il y a un rire de la comédie »
Comédie : personnages inférieurs ce qui empêche identification (mais y a-t-il vraiment des personnages inférieurs ?)
Rire confortable et rire inconfortable (personnage odieux)
Antiquité : après pièces tragiques → pièces comiques (drame satirique) = cycle bouclé. Purgation, Tragédie : ce que nous sommes, Comédie : ce que nous pouvons être
Personnage tragique = moi # personnage comique = mien
07/03/1966
Théâtre
P. A. Touchard
« Dionysos »
Suite :
Tragédie : situation
Comédie : caractères → comique de situation = situation tendant à devenir tragique (identification)
Atmosphère tragique : Eschyle
Cervantès
Grandes comédies de Molière <– sympathie (différence entre grandes et petites comédies) → pas de sentiments de libération mais mieux encore : liberté (ivresse du sage)
Pathétique euripidien = mauvais
Important = l’action
VÉCU – CINÉMA – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC
Composition de physique (mardi 8) = tout
● composition d’histoire de l’art (lundi 14) = tous les arts du 18e (sauf la peinture)
CITATION – POLITQUE
« L’homme noir est naturellement bon et intelligent, mais il manque de caractère ; il est donc destiné à être exploité par des conquérants musulmans (Faidherbe)
VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Ce matin : reçu lettre Jocelyne. Lettre calme, pacifiée. Assurance. Elle a l’air vraiment heureuse. Elle est parvenue à la sérénité. Moi, pauvre type, encore déchiré. Est-ce parce que je me lance dans des entreprises trop difficiles pour moi ? Modestie ? Mais non, c’est mal voir. L’important : libération de la famille. Elle : oui, avec moi. Moi : oui, avec elle
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Contraste guide touristique – réalité d’une ville (difficultés à se loger, à trouver du travail, des amis)
LITTÉRATURE
Conférence de Georges-Albert Astre
Situation d’André Gide
(« Quand les professeurs prennent leur revanche sur les créateurs, quand les créateurs sont morts… »)
● Qui était Gide ? Quel était son message ?
● Intensification pathétique du sentiment de l’existence
● Aujourd’hui : monde avec trop d’ouvertures. Indéfinition
● On lit peu Gide. Explicable : quelque chose d’exaspérant chez lui.
● Où allait-il ? = question gênante pour lui.
● Image de lui
● Les grands écrivains se protègent derrière des masques. Ils jouent. André Gide vient en tête.
● Indifférence au monde extérieur
● Il se sentait contradictoire
● Sincérité = grand mot
● Névrose
● Il lit beaucoup
● Art = seule valeur stable
● Limitation : l’art prenait la place de l’action
● Art-solution = remède à toutes les contradictions
● « Toute vérité est devenue » (Hegel ) Gide a choisi de devenir
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Dans une conférence pour présenter la vie et les œuvres d’un auteur : film qui défile à toute vitesse en 3 minutes, puis le conférencier commence…
08/03/1966
ÉCRITURE
9 h : l’eau fraîche du matin
VÉCU – ÉCRITURE – PROJET BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Je viens de rapporter la batterie au magasin. Il faut attendre encore un peu pour avoir l’enregistrement
VÉCU – CINÉMA
18 h : téléphoné à la secrétaire de Chérasse pour les 500 mètres. Comme je m’inquiétais de savoir si je les aurais avant Pâques, elle a raccroché.
IDÉE – SPECTACLE
Je marchais sur le quai en sens inverse du métro qui démarrait. J’avais l’impression que c’était moi qui courais très vite alors que le métro était immobile. On pourrait créer un jeu public de cet ordre. Couloir avec projection cinématographique sur le côté.
CINÉMA – RÉFLEXION – ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Je pensais : le regard (du cinéaste) n’est pas une solution… À quoi cela rimerait-il que tout le monde lève et tourne la tête pour regarder autour de soi ? C’est une chose à faire mais = solution individuelle (exemple : mon sujet de film)
09/03/ 1966
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Vu dans le métro : « On recherche conducteur de métro. Age maxi : 35 ans. Cette durée peut être prorogée du service militaire légal et d’une année par enfant à charge « Un gars veut travailler. On lui dit : « C’est con : il faudra quitter dans 1 an… » Il le fait quand même : il a l’intention de faire un enfant à sa femme. Pas moyen… Pourquoi ? Il est jeté dehors. Sa femme, en colère, le quitte (lui laissant leurs gosses ?) Elle part avec un autre mec. Plus tard, elle accouche → c’est donc lui qui était impuissant ! Il découvre que tous leurs gosses ne sont pas de lui. Il se fout à la flotte.
DESSIN
Sempé
Balayeuses dans la salle de théâtre regardant sur la scène le mari jaloux qui tire au revolver sur sa femme et l’amant…
10/03/1966
VÉCU
Bande magnétique = dimanche
ÉCRITURE
Adolescence de la critique
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Long plan-séquence : une fille reçoit d’un seul coup un paquet de 20 ou 30 lettres de son amant. Elle les décachette l’un après l’autre : dans chaque enveloppe : un seul mot ! elle doit reconstituer l’ensemble…
VÉCU
22 h 15
Lit – fumant une « Kool »
Cet après-midi : reçu à la maison Victor, Michèle, Emmanuel et un autre gars que je ne connais pas. Victor est bien malade. Désolant. Il s’enferme dans une attitude qu’il estime la plus rassurante. En fait, → inadaptation. Rigidité
VÉCU
Stasera penso a te
Tu as plusieurs visages. Artiste ? Visage de Piriac (Tom Jones). Je te construis, pour moi ? Vrai visage et font même temps, ma contemplation… Si tu étais là… Avenir ? Où, quand, comment vivrons-nous ensemble ? Qui serons-nous ?
Ma femme, ma femme
Femme, avec tes cheveux blonds, tes yeux bleus, des mains douces, le duvet de tes aisselles, ton entre cuisses sombre, tes mollets ronds, tes reins profonds… – I am alone__
Je me rappelle : tu me reprochais de parler en anglais (snob). Palais des sports : Noureev. Tu étais en colère parce que les gens applaudissaient trop (culte de la personnalité), je jouais avec un projecteur… Nous étions jeunes de. Je parle comme si nous étions vieux. Nous sommes jeunes. Merveilleux (et pourtant : je suis triste ? ? Hier soir : chez P. Quinzième étage de la tour des Tilleuls. Blanc Mesnil. Paysage de lampes électriques… Merveilleux. Émotion. Aéroport vu de haut. Tous les gens qui, dans les villes, tournent des films, se tuent, gagnent de l’argent. Modern World… – I am a bit tipsy.
Ma « Kool » est finie…
14/03/1966
VÉCU – ÉCRITURE – PROJET BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
9 h 30. Métro (Villette)
Hier soir : écouté avec Jean-Jacques musique du ballet. Au point de vue technique : enregistrement a l’air pas mal mais on ne peut pas juger dans une petite pièce, il faut une grande salle.
Au point de vue musical : si on prend la musique pour elle-même, comme le fait Jean-Jacques (qui n’est décidément que musicien…) il y a de quoi être déçu. Mais par rapport au spectacle, sur la scène, elle est bonne parce qu’elle crée un bon volume sonore dans lequel les danseurs peuvent évoluer…
VÉCU – CINÉMA
19 h 40. Métro. Suis allé à l’ORTF faire changer bobines. Pas pu envoyer le paquet à Yvon (pas d’argent). Envoyé la bande magnétique à Jo. Écrit à Victor.
15/03/1966
court métrage L’ AVEUGLE
Vu dans un couloir de métro un aveugle longeant le mur a toute vitesse en donnant de grands coups de canne blanche. Idée sur la mystification : ce serait un faux aveugle ? Puis on découvrirait : vrai aveugle… (à chercher)
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE – PROJET « APPARTEMENT-TÉMOIN» – « BIANCHETTI PÈRE ET FILS »
Immeuble en construction, luxueux. Les ouvriers travaillent dedans. L’un s’installe dedans, y fait sa popote, etc. L’immeuble se termine. les ouvriers doivent s’en aller… il ne veut plus partir (il vit dans un logement misérable)
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Vu un clochard malade mental sur un quai de métro. J’étais en face de lui. Une cinquantaine de personnes dans la station. Pas de métro. Silence. Il chantait, main sur le cœur, s’adressant à l’un ou l’autre des assistants. Il polarisait l’attention, chacun le regardait, réagissant à sa façon (défense – attaque – repli, etc.) théâtre : lui = acteur. Puis arrive le métro : les têtes se détournent : plus aucun intérêt, le fracas du métro couvre sa voix, le rideau se ferme, les gens se remettent à vivre normalement et montent dans le métro.
16/03/1966
VÉCU – CINÉMA
Hawks : « Hatari » :,équilibre de l’action déjà trouvé – groupe d’amis déjà constitué – Hawks : « homme de l’évidence » (Rivette) – hommes du film = aucun désir de puissance – efficacité nécessaire (liée à la solidarité – chaque homme doit être compétent car responsable vis-à-vis de tous – tout le film : démonstration de l’utilité d’être deux pour veiller l’un sur l’autre – d’abord : relations de force puis : accord de sentiments
VÉCU
IMPATIENCE
CITATION – LITTÉRATURE
« Les nonchalances sont ses plus grands artifices… » (Régnier)
20/03/1966
ÉCRITURE – PROJET « ALICE »
Une petite fille dans un sac a main de cuir. Elle s’arrange les cheveux en se regardant dans un miroir grand comme 2 ou 3 fois sa tête.
21/03/1966
À LIRE – LITTÉRATURE
« Temps et roman » (J.. Pouillon)
22/03/1966
ÉCRITURE – PROJET « ALICE »
Suite de la note du 20/03/1966 : direction à fouiller. Pas seulement les dimensions mais l’introduction dans cette technique nouvelle de sentiments anciens qui familiarisent le public et donnent une signification à l’œuvre.
Se méfier de l’œuvre gratuite, de l’abstraction, de la construction, de la froideur ; rechercher le souffle, la tendresse, la poésie, la violence, qui sont des éléments sans dimensions. Créer des êtres vivants <– je remarque que cette tendresse, cette poésie de l’enfant dans le sac sont liées étroitement aux dimensions mais j’en fais une chose indépendante, naturelle : bien ! J’ai assimilé les dimensions
VÉCU
Nouvelle adresse : 3 rue Claude Decaen 2e ou 3e étage
VÉCU
maison – lit
21 h 35. Couché. « Sans peur ni terreur… »
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Je viens de penser : auberge de jeunesse de Groix, je filmerai Jo
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
D’après Antoine : « On verrait des avions dans les couloirs du métro… ») : des gens descendent les pièces détachées d’un zinc (petit monomoteur) dans des valises, des sacs, des paquets, etc. ils le montent d’abord dans les locaux de la RATP puis, l’avion se construisant, ils dressent des palissades dans un grand couloir. Quand c’est fini : l’avion roule dans le couloir, hélice lancée a toute vitesse. Tête des gens effarés (travelling avant sur eux)
ÉCRITURE
« Je t’aime, ma femme… C’est toi qui lave les draps tachés par notre amour… »
23/03/1966
VÉCU – CINÉMA – RESNAIS
Aujourd’hui : grève de l’électricité. Je suis resté à la maison. Ce matin : reçu une lettre de Jo. Elle m’annonce la mort de la marraine.
Actuellement : 14 h 30. Bar de l’aéroport du Bourget. Gens riches autour de moi. Bien vêtus. Dehors : ciel gris. Pourquoi est-ce que je m’obstine à venir ici ? Chaque fois ou presque ça ne satisfait pas mes désirs de départ, de liberté. Au contraire : la masse d’énergie, de fric contenue dans ces tôles brillantes, ces aires d’envol, cette machinerie compliquée me fait mieux mesurer mon impuissance actuelle.
Je souffre d’être conscient ? D’autres jeunes doivent avoir les mêmes désirs ? Mais pas la même obstination… ? Ou bien ils ne les satisfont pas avec des substituts…
Du temps passera… Encore beaucoup de temps avant que s’ouvre à nous (à toi et un mois) les autoroutes, les pistes d’envol, les eaux des ports et du large…
Je regarde. Une fille fait quelques pas en arrière et prend une photo de ses copines attablées dans le bar… Elles se sentent obligées de prendre des poses, de faire des mines… Toi, quand je t’ai photographié, tu n’avais pas peur de regarder l’objectif et puis aussi tu t’en désintéressais, après, et je te « prenais sur le vif ». C’est qu’il y avait entre toi et moi un rapport vrai, l’objectif, il n’était qu’une machine, tu avais confiance en moi…
Je viens devoir passer un avion, tranquillement, sous le soleil, il a passé dans mon champ de vision, roulant sur le sol dallé… je pense : impression forte (encore, soleil sur tôles – vacances) le filmer… ? Non : pas la vie, pas la réalité, pas l’impression de vivre… Mais Resnais, mais le cinéma… ? Oui, peut donner cette impression de vie mais si pas autobiographique, pas destiné à soi mais aux autres, pour le créateur, pas venant de soi mais d’un autre, pour le spectateur. Alors oui : je peux entrer dans le jeu, faire effort, m’imaginer vivre ; sinon je ne peux pas. Voilà mon drame : devant la vie j’en fait de l’art et devant l’art, je ne peux pas adhérer car je m’imagine créateur et je ne suis plus spectateur…
Départ à destination d’Amsterdam… il est 14 h 49
Il faut que je parte d’ici, je m’en vais
VÉCU – CHOSES VUES
Affiche : « Le destin extraordinaire de Gaby le roi du tiercé »
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
J’écoute à la radio Adamo : « Une mèche de cheveux ». On montre d’abord un gars qui, écoutant la chanson à la radio, émotion… puis un autre et encore un autre et un autre, etc. (procédé comique classique)
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Reprendre la vieille idée d’un poème d’Olivier Dvorak : « Le cœur chaud palpite encore sous les cendres »
24/03/1966
VÉCU
13 h 10. Bar Callot. Il y a un soleil douteux, pour l’instant il brille. Moment de détente
Ce matin je suis allé faire tamponner ma carte d’étudiant au boulevard Jourdan. Ce soir : je dois m’inscrire pour l’examen de Propé. Je dois commencer l’exposé sur le mime. J’ai acheté des bouquins.
Il faut à tout prix que je prenne un certain nombre de bouquins pour les vacances pour travailler.
25/03/1966
VÉCU – SOCIÉTÉ – COMMERCE
12 h 15. Bus (bleu
12 h 25.métro (Villette
Je suis allé hier à la librairie Gibert, boulevard Saint-Michel, demander le prix de certains bouquins pour le concours de l’IDHEC. Il y avait au rayon Beaux-arts, où je me suis rendu, un jeune vendeur, d’une vingtaine d’années, très charmant et sympathique, qui m’a consciencieusement fourni tous les renseignements que je désirais. En dehors de sa conscience professionnelle, ou plutôt en considérant celle-ci, mais d’une façon nouvelle, j’ai été frappé par la connaissance dont il faisait preuve de tous les livres dont je lui parlais et la promptitude avec laquelle il me renseignait. J’ai jugé qu’il était bien agréable d’avoir affaire à quelqu’un qui connaisse bien ce qu’il vend et qui le vende avec autant d’intérêt, car on sentait chez lui un intérêt pour ces livres, une culture que possèdent bien peu de ces jeunes vendeurs, engagés pour la plupart dans ce domaine comme dans n’importe quel autre. Et c’est là une forme particulièrement sympathique de cette conscience professionnelle en question, car le zèle dans le travail n’est pas le fruit d’une ambition d’être bien vu par le chef de service, mais plutôt d’un véritable amour des livres. Ce n’est pas les supérieurs qui comptent, mais la marchandise, il s’agit donc de l’aimer et de bien la connaître ;
J’ai jugé ce jeune homme bien plus « intéressant » que deux bonnes femmes que j’ai vues ce matin. Elles vendaient la quincaillerie, paraît-il. Quand je suis entré, j’ai demandé un flacon plastique d’eau de Javel. J’ai dû attendre des heures pour en avoir le prix. À côté de moi une cliente était perdue dans les piles électriques : impossible de trouver ce qui lui convenait… Scène caractéristique de ses commerçants qui n’aiment pas ce qu’ils vendent et qui ne le connaissent pas.
Cela m’a fait penser à ce que disait André Martin : le type qui ne connaît pas une technique, le type qui n’est pas un spécialiste, qui ne vous apprend pas quelque chose, celui-là ne nous intéresse pas ; on n’en a pas besoin. Il est hors de notre époque… C’est le jeune homme de chez Gibert qui est l’avenir… Pourquoi ? Je disais que le désir de se faire bien voir – semble-t-il – n’intervenait pas. Mais sa condition d’employé, d’exploité, le pousse, le galvanise… Ces bonnes femmes avaient une mentalité de propriétaire… C’est ce qui les condamne…
27/03/1966
VÉCU
17 heures — Bar du Bourget avec Victor. Nous avons couru depuis la cité des Tilleuls. Nous sommes essoufflés. Nous avons mal aux oreilles (le froid). Mais je nous soupçonne de ne pas être malheureux. Calme (on récupère). Ambiance ouatée. Au dehors : gris et pluie. Chaleur à 2,30 fr.…
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une femme entre avec son enfant (2 ou 3 ans ou moins) dans un magasin de mode. Ambiance tendre. Elle s’occupe des tissus et laisse l’enfant qui joue sagement sur le pas de la porte. La vendeuse laisse la femme et joue avec l’enfant…
28/03/1966
VÉCU – ÉCRITURE – PROJET BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
20 heures 45. Stalingrad. Tickets. Vu Dong. Il nous aidera.––- je suis pressé de te revoir. Pressé au sens ancien : « obligé »… Car je n’en peux plus de te désirer. Dans 2 jours…
CINÉMA – RÉFLEXION – RESNAIS
Delphine Seyrig dans « Muriel » à la vieille gare… Son visage vient se placer dans le cadre métallique ménagé dans la vitre du guichet… Dépassement du banal… Maîtrise de l’acteur et du décor. Même chose chez Godard, mais avec insistance, sans préparation. Chez Resnais, c’est spontané, pas seulement une volonté démiurgique mais aussi accord intime du réalisateur et des acteurs, des acteurs et du décor, c’est naturel tout en étant fantastique…
L’AVEUGLE
Travailler pour scénario Voltaire « L’Aveugle » (mystification)
Un aveugle dans un couloir du métro. Au début, on le voit marcher dans un couloir d’un air décidé, donnant de grands coups de canne dans le mur qu’il longe, comme pour jouer… Il est jeune, assez beau. Une fille, profitant de l’endroit désert, essaie de lui piquer son fric, épars dans un chapeau. Il la chope, elle se débat, le traite de salaud car elle croit qu’il n’est pas vraiment aveugle car il l’a prise avec aisance, le griffe puis pleure. Il menace d’abord de l’emmener aux flics, il se lève et l’entraîne. Un monsieur « bien » lui demande s’il ne veut pas qu’il l’aide à emmener cette jeune dévergondée. Il lui répond sèchement : « Foutez moi la paix : je me démerderai seul… » Après ça, il rigole avec la fille : « T’as vu ça, hein ? Je l’ai remis à sa place, ce vieux con… » et il lui propose de s’associer et qu’elle lui prenne le bras et fasse mine de le guider en mendiant comme s’il était vraiment aveugle… (Compréhension de la jeunesse. Révolte commune)
Il la baise avec ardeur.
2ème séquence (et dernière) : (non écrite)
30/03/1966
ÉCRITURE
20 heures 05 – Merveilleux « Alone together » par Éric Dolphy (clarinette basse) et Richard Davis (basse) ← « C’est que nous sommes encore des êtres magiques… » (miracle ?)
VÉCU – DANSE
Bar « Le rapide » avec Jean-Jacques. Nous attendons le départ
01/04/1966
ZYF
Idée de Zyf :
Sur la scène : militaire. Il s’habille en civil. « De toute façon, vous continuerez à dormir sur vos 2 oreilles. Alors de toute façon, il vaut mieux rentrer chez soi… » Et il sort par la salle…
13/04/1966
VÉCU – ÉCRITURE – PROJET BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Article pour le ballet : 1/interview de Jocelyne le Gal 2/lettre ouverte aux Lorientais 3/lettre envoyée au journal par un tiers (?)
MOT – ÉCRITURE – CINÉMA
La vertu du travelling… + La grâce du plan fixe.
14/04/1966
ÉCRITURE
Train – 13 h 10 – Pas ailleurs qu’en moi-même
Rien d’autre que moi-même…
18/04/1966
VÉCU
métro. Père-Lachaise. Déménagement. Film… (? ? ?)
VÉCU – CINÉMA
19 heures 50 — Je sors de la cinémathèque. Je viens de voir « Le chant du styrène ». Je m’attendais quelque chose d’extraordinaire, mais c’est encore plus extraordinaire que je le croyais.
VÉCU – JOURNALISME – MUSIQUE – CHANSON
1/ Je ne chante pas pour passer le temps 2/ Que serais-je sans toi 3/ Quelque chose de pourri dans mon royaume de France 4/ Faut-il pleurer faut-il en rire 5/ Les belles étrangères 6/ 400 enfants noirs 7/ La jeunesse 8/ Nous dormirons ensemble 9/ À l’été de la Saint-Martin 10/ Le sabre et le goupillon 11/ La montagne 12/ Potemkine 13/ Tu peux m’ouvrir 100 fois les bras 14/ Hourra
CINÉMA – RESNAIS
Devant un film de Resnais : pas de verbiage possible. Sur le coup… Pendant : impressions — découverte — merveilleux — solidité et inquiétude — couleurs — surtout : mouvements d’appareil…
19/04/1966
VÉCU – CINÉMA
Minuit. Métro Montmartre. Je viens de voir « Le baron de crac ».
Des ailleurs possibles ?
Je me sens entrer dans un cercle nouveau.
Nouveau logement. Proximité. Pas humaine pourtant…
Recommencer à écrire ? (Ou plutôt continuer…)
Conflit en moi. 2 directions (opposées vraiment ?) : D’une part la réalité (politique) que je sens nécessaire. D’autre part : le rêve, la songerie du poète qui me reprend maintenant que me voilà revenu… Revenu à quoi ? Une situation sociale (logement) plus confortable… Ardeur. Ardeur confortable ? Pourtant ces goûts de nuit… ? Ces cafés ouverts la nuit… ? Cet « embryon » de vie humaine… ? Je suis allé au cinéma comme on part faire la foire (je le sais, j’en suis sûr, bien que pas vraiment foireur…) J’étais en quête… La nuit qui s’ouvre, et la lumière, les visages d’hommes, les reflets dansants des images sur les vêtements des spectateurs des salles de cinéma. Le Baron de crac m’a presque déçu, comme je m’y attendais… Je n’y trouve sans doute pas ce que j’attends désormais du cinéma (maintenant que la crise…) : Un spectacle bien fait, bien monté, qui accroche le spectateur. Il faut que le spectacle sorte de l’écran et parvienne dans la salle. Certains trucs du « Baron », trucs visiblement destinés à cet effet, parviennent au résultat contraire : ils nous lassent (couleurs trop vives et mal raccordées), nous éloignent du spectacle. Pourtant certains moments émouvants, de la même veine que les meilleurs des « Aventures fantastiques » mais ici encore Zeman, dont j’attends beaucoup, n’a pas su donner cette délicieuse nuance fantastique à l’ensemble du film ; il y manque une continuité, il s’agit plutôt, en effet, d’une succession de moments passionnants (euphorisants) séparés par des dépressions longues et ennuyeuses (quelque peu, que M. Zeman m’en excuse…)
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
Re-poursuite de l’aventure intérieure ?
1/ Est-ce réellement un retour aux vieilles sources (que je suis seul à connaître) ou bien est-ce momentané et motivé (Lorient, que sais-je… ?) ?
2/ Encore le conflit : est-ce que cela ne risque pas de me gêner ? Non, je ne crois pas : si cela m’apporte une certaine paix… (Tout à l’heure je respirais très fort, je me relaxais). Mais je la connais, cette paix, elle est illusoire, temporaire, c’est un masque, que je me donne. Je crains la crise prochaine. Comment ai-je vraiment réagi à l’épisode lorientais ? Blessure profonde ? Petite égratignure ridicule aux fesses mais qui s’envenime et grandit…
20/04/1966
VÉCU – JOURNALISME – CINÉMA – RESNAIS
Téléphoné Resnais. Très sympa. M’a proposé de voir « La guerre est finie » en avant-première.
21/04/1966
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
Auj : soulagement.
Pas ailleurs qu’en moi-même…
Pas ailleurs qu’en moi-même… Rien d’autre que moi-même
ÉCRITURE
Jeune homme, prend la peine de t’arrêter pour regarder autour de toi avant de repartir vers de nouvelles conquêtes, chaque fois plus riches et plus réfléchies, de l’esprit et du cœur, qu’il faut sans cesse avoir en éveil, pour le premier, et ouvrir, pour le second, à l’appel des hommes et des choses.
Je suis faible.
Mais tu le sais. En fait, tu n’utilises pas les forces cachées en toi et aussi dans le monde entier, autour de toi, il y a des germes qui poussent autour et au-dessus de la terre lourde qui se fend et s’ouvre sous leurs efforts vers le soleil. Il suffit, mais il faut, que tu t’accroches à eux.
ÉCRITURE
La terre lourde… La terre pleine comme un œuf chauffé à la braise… (inclus dans Manuscrit « Les deux femmes du mort ») (2014 : from Internet : pas fait)
CINÉMA
« Pugni in Tasca » s’attaque aux grands tabous de la société italienne : la mort et l’opéra.
22/04/1966
Court métrage « UNE SECONDE JEUNESSE »
Mouv. Caméra
Caméra subjective
Mouv (+ mus 😉 qui se poursuit sur plan du personnage qui bougeait
La fille, assise devant la glace, se retourne et regarde le gars par-dessus son épaule.
Jambes sortant de la robe.
Attitude devant le spectre : refus et mépris (se retranche auprès des animaux, les plaint, les caresse « Qu’est-ce qu’on vous a fait ? », s’en entoure (aux fenêtres)
24/04/1966
SCULPTURE
Sculpture anamorphosique.
1 point de vue
(Giacometti)
26/04/1966
Court métrage « UNE SECONDE JEUNESSE »
Générique (sur fond de sous-bois ? ou plans de la maison → alternance des sous-bois et de maison (travellings)
Travelling latéral (ou ascendant) qui découvre la maison avec les rideaux noirs sur la porte. L’homme est à la porte (peut-être plan rapproché pour mieux voir l’homme. Il rentre (tout de suite).
Il rentre.
– GP photo
– GP homme.
Dialogue off.
Pour faire le raccord avec les scènes du passé. Il détourne la tête vers un côté, en la relevant, comme s’il regardait :
GP la vieille
PM la vieille (raccord mouvement – 2 caméras)
Dead music
Plans de la Lune
ÉCRITURE
L’immortalité mort de la mort
ÉCRITURE
Inconscience bienheureuse ?
ÉCRITURE
Dans une nuit livide,
Quand hululait le vent
Et roulaient les rapides
Sur le grand continent,
Ici, sur l’Ile de Groix,
A l’Auberge de Jeunesse,
Nous abaissions nos voix
Pour que rien ne paraisse
Exister sous ce toit…
C’est que nous avions peur
Oui, car il faut le dire,
Dans cett’ nuit de terreur
Vient le cambrioleur…
27/04/1966
Court métrage « UNE SECONDE JEUNESSE »
Lorsque vieille sort animaux du coffre : elle pose le pigeon parmi les autres. Elle se rebaisse, fouille. Se relève : le pigeon est sur ses pattes et la regarde (MP)
Ici → faire un GP (tête du pigeon)
28/04/1966
Court métrage « UNE SECONDE JEUNESSE »
Morte dans l’escalier
Visage éclairé
Interdictions de la vieille. Il outrepasse.
Le vieux accomplit des travaux malgré lui.
Zoom possible
Travelling et reflet sur vitre
Champs contrechamps
Plongée contre-plongée
Plans fixes objectifs → passage au subjectif par mouvement de caméra
Personnage éclairé par un faisceau (lampes)
Pano ou travelling au 75
Personnage qui entre dans une zone lumineuse
Personnage qui entre ombre sur porte
Caméra subjective
Mouvements qui attendent le personnage
Rainure sous la porte
Rire avec écho
Rire dément
Vieille = travelling sur les objets
Pyjama ou combinaison pour le spectre
Nuages passant sur la maison à toute vitesse
Costumes de velours
Vêtements noirs
Musique de flûte
Ainsi = mélancolie tragique
Poignée qui tourne – plan moyen face à la porte très bref (mouv amorcé)
Changement de réglage de distance
Yeux de la morte qui regardent la caméra tête renversée
Voiles à petits carreaux rouges et blancs (cuisine)
Vieux qui s’installe une table au soleil devant la maison
Vieux : GP de profil
Vision du spectre = travelling
Travelling sur elle = narcissisme + (miroirs)
04/05/1966
CINÉMA
Voyage en Italie = jalousie. Images mentales
Enfants = désirs de maternité
Solitude= jalousie
Homme insensible à la nature
GP # PG
Orgueil
Piano = notes graves
Vie # mort
04/05/1966
Court métrage « UNE SECONDE JEUNESSE »
« J’aimais le soir dont la fraîcheur me permettait ce dont j’étais incapable à la chaleur des journées » ← travellings sous-bois →
1/ maison. Deuil
2/ travelling avant : le vieux. Remord
3/ Gros plan la photo
4/ Gros plan vieux (profil). Il relève la tête (?)
5/ —————————————————-
Cuisine. Le chien entre. Elle le chasse. Il le « console ». Il s’en va seul. Il trouve le pigeon.
« Tout a commencé par des champignons qu’elle me demanda d’aller chercher. Nous vivions dans un monde clos, du produit de nos cueillettes et d’une maigre retraite de…
VÉCU – JOURNALISME – CINÉMA – RESNAIS
Par rapport à votre dernier film, « Muriel », qui était d’une grande richesse expérimentale, « La guerre est finie » se présente comme un retour à une écriture traditionnelle. Pensez-vous qu’une œuvre politique comme la « La guerre est finie » ne peut pas être expérimentale ?
Court métrage « UNE SECONDE JEUNESSE »
« Les animaux innocents »
05/05/1966
VÉCU – ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Boule d’or. Je travaille !
À côté de moi un couple, un homme et une femme, assez vieux. Vraisemblablement propriétaires ou gérants d’un cinéma… Elle pleure, elle se plaint, insulte… Image d’un secteur de l’économie qui va mal : le cinéma…
Cinéma-vérité… Ici : montrer ces gens, puis les cinémas déserts, fermés…
ÉCRITURE
La musique est une évidence dont il est impossible de rechercher l’origine… (2014 : from Internet : pas fait)
12/05/1966
RÉFLEXION – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
L’impression de découvrir (19/04/1966 – 21/04/1966) est fausse. Il n’y a rien découvrir ici. Si on en a l’impression, c’est qu’on s’y oblige, pour masquer une blessure, un malaise qu’il ne faut pas éluder…
13/05/1966
VÉCU – RÉFLEXION – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
J’en reviens toujours à toi, vieux carnet. Un lien viril nous unit.
Pas ma femme pour lui parler. Tu me restes.
Aujourd’hui : une tuile, que je prévoyais : mon acteur qui s’envole…
Il me faut en trouver un autre et plier le film à ses exigences. J’avais prévu et conçu le rôle pour Gérard Hardy… Qui trouverai-je en lieu et place… ?
Les choses, bien sûr ne s’annoncent pas bien. Il eut été trop beau que tout se passât comme je le demandais…
On se prend à croire parfois qu’il existe un sort qui vous joue malignement des tours et vous met à l’épreuve. De cette épreuve je dois sortir indemne. Ne pas me laisser abattre. Ni par tout le contexte du concours déjà raté et de l’avenir incertain (ô combien !) Il s’agit de réagir, de lutter, de s’organiser, de fixer des objectifs prioritaires tout en essayant d’atteindre aussi les autres…
Le temps de l’épreuve arrive, c’est celui de la vérité…
Ce soir : pas de lumière. Énervé par deux cafés, mal à l’aise physiquement, j’ai fui prendre l’air. Je suis dans le métro, je vais au Quartier latin. Où ?
Dès maintenant je peux constater qu’il est certain que je suis mieux installé ici : les conditions sont meilleures pour agir, pour trouver l’équilibre. Cependant, le temps de l’épreuve n’est pas encore arrivé…
13/05/1966
CITATION – LITTÉRATURE
Cocteau : « La poésie est une science exacte ».
« Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité. »
CITATION – LITTÉRATURE
Touchard et Cocteau
Touchard : « Au fond, il n’y a qu’un théâtre, le théâtre poétique… »
Cocteau : « L’Histoire est du vrai qui devient faux à la longue (et de bouche en bouche), alors que la légende est du faux qui, à la longue, devient véritable ».
VÉCU
Il faut que tu sois extrêmement vivante (à Jocelyne)
CINÉMA
Godard : « Une femme est une femme » ou « Godard, pour le meilleur et pour le pire… »
14/05/1966
VÉCU – CINÉMA – POLITIQUE
Je viens de voir « Eva ». Autour de moi, dans la rue, au café, les gens ont des visages indifférents à tout ce qui n’est pas eux-mêmes, des rires de cercle, des conversations à deux, des regards chargés de rêves très personnels sur les vitrines.
Dans ce Quartier Latin, autrefois berceau des rencontres et des révolutions, aujourd’hui tellement dégénéré, le cinéma reste encore le seul moyen de s’intéresser aux hommes…
ÉCRITURE
Art = vertige montré
CINÉMA
Titres indiscutables (« Fury »)
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Vitrine de magasin de chaussures : 50 paires de souliers de femme (talons) avec des petites plaquettes avec le prix dessus → même vitrine : mêmes chaussures mais avec le prix en moins → surréaliste. Libération des désirs. Caractère fantastique (Cf. Marienbad.) Entrée dans le rêve.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Thème de l’oeuf (← Eva)
ici : mieux.
Oeuf = symbole
Elle détruit un oeuf (= symbole)
+ destruction anticipée de l’animal
Changement de coiffure à chaque apparition…
15/05/1966
VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Jocelyne…
Écrire ton nom pour que tu sois présente…
Voilà à quoi j’en suis réduit.
Je me rappelle nos lettres : « Comment faire pour venir chez moi, etc. » Nous avons toujours lutté, nous nous sommes toujours débattus, faibles, sans moyens, séparés… Ça a été notre but, notre univers : nous deux, être ensemble. On nous dispute ce minimum : le droit de se voir, de se toucher. Alors nos rares voyages, nous les attendons avec une impatience amère, nous embrassons des photographies, nous relisons des lettres…
Malheureux enfants que nous sommes… Maudits par le monde, par nos parents… Nous en venons, dans notre impatience exaspérée par l’angoisse et la solitude, à nous entre-déchirer, à nous faire du mal, parce que nous ne comprenons pas que nous avons des droits à revendiquer, une façon de vivre à atteindre…
Jocelyne…
Que j’aime ton nom, et que je t’aime… Je crève de ne pas pouvoir te serrer dans mes bras… Je ressens cette effrayante impression de solitude que je ressentais au Blanc-Mesnil. Un mois aujourd’hui que je ne t’ai pas vue. C’est intolérable ; le cinéma, les rues, Paris ne me distraient pas, ne me font pas supporter ton absence… Il vient un moment où je me rends compte que je suis seul…
20/05//1966
Court métrage « UNE SECONDE JEUNESSE »
Lorsqu’il amène le cadavre dans la pièce : scène de mortification frénétique. Scène de mortification d’origine religieuse → rêve (apparition du spectre). D’abord : attouchements troubles plus ou moins érotiques.
ÉCRITURE
Chien fou qui bave
22/05/1966
VÉCU – CINÉMA
(Veille du concours d’entrée à l’IDHEC) Il y a des moments où l’on se « récupère » dans sa totalité, avec ses certitudes et ses interrogations, ses satisfactions et ses manques. Ce soir en est un. Je passe demain « l’épreuve »…
Je sens en moi des forces qui en permettraient la réussite (dans d’autres conditions) et je sais que, même en cas d’échec, ces mêmes forces m’assurent un avenir qu’elles détermineront et que déterminera aussi cet échec, dans la mesure où l’avoir subi fera aussi ma force…
VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Sache, mon amour, que, malgré ton absence et ton silence, tu es présente avec moi, ce soir.
CINÉMA – RESNAIS
Resnais = le vide du monde
26/05/1966
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
Adolescence : dire les choses, mais à voix basse (Godard → échec – inefficacité par manque d’efforts). Être homme : se faire entendre (très fort) parce qu’on s’est intégré à une collectivité (marxisme) → Entendre les autres -les entendre bien – bien les « recevoir »…
27/05/1966
VÉCU
Terminé le concours… (27-5-66) 19 h 20
ÉCRITURE
Grandeurs et négritudes militaires