Carnet 20 – Du 9 octobre 1978 au 31 décembre 1978
09/10/1978
VÉCU- AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Vendredi : Avec Colette à l’inauguration du bistrot de Danielle et Joëlle. Week-end avec Agnès : Nuit au Bilboquet, puis chez Maryse. Agnès dormi chez Colette. Dimanche : balade au Luxembourg avec les deux enfants. Agnès chez Colette : « Vous vous embrassez sur la bouche ? » – « Parce qu’on s’aime » – Ma maman aussi elle aime quelqu’un. Si vous vous mariez, j’aurai peut-être une petite sœur. » – « C’est déjà ta petite sœur… » – À une dame au Luxembourg : « Ma mère et ma sœur, elles sont mortes ! » Krystelle m’adopte peu à peu.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Samedi soir : 1ère crise avec Colette : « Tu as entendu ce que je t’ai dit ? » m’a-t-elle demandé a un moment allongés tous les deux sur le lit ( beau moment ) « Non, dans ta tête ? Dis moi… » – « Pas envie ». ( A partir de cette réponse : flip de moi. Le silence. L’inconnu : dur à accepter. Elle le sent, me demande ce qu’il y a : je lui explique. Elle m’avait dit « je t’aime » ne voulant pas le dire parce que les mots ne lui paraissaient pas refléter assez bien ce qu’elle ressent. Dans l’amour : « J’ai tout le temps envie de faire l’amour avec toi… »
10/10/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(1h25)
J’écoute la radio (émission de nuit : « Macha ») cette Martiniquaise qui parle des « couples mixtes ». J’écoute, intéressé. Entre Colette et moi, c’est plus le « couple » qui compte (pour l’instant ?) que le « mixte »…
CARNETS
Pas trouvé, une nouvelle fois, de carnet rouge pareil aux autres. Ai pris celui-ci. Pas content puis bof… !
Fétichisme de la chose écrite. À éviter.
11/10/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Je repense à la Martiniquaise de l’autre soir à la radio : je suis furieux d’avoir entendu ça : elle parlait de « crise d’exotisme », en disant qu’au bout d’un moment, son mari avait eu besoin de « revenir chez lui », c’est-à-dire : retrouver une femme blanche…
Je suis furieux parce que je me demande s’il n’y a pas du vrai là dedans, si ça ne risque pas de m’arriver et d’autant plus que cette idée m’est insufflée, comme ça, à travers l’histoire personnelle d’une femme (que je ne connais pas, mais qui n’en prend que plus de valeur…)
12/10/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(14 h 05)
Allongé sur plumard. Dehors beau soleil. Colette est partie vers midi. Appelé Michel pour la projection chez lui. On en parle ce soir : bouffe chez Eugène en petite bande ( Stefan – Isabelle – Béatrice etc. )
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Je m’aperçois qu’il y a des choses relativement importantes que je n’ai pas notées :
– Journée de repérage avec Sido et Bertrand (pour les plans du film dans le film) à Montmartre. Il faisait beau. C’était très chouette. Mais : trop de plans de passage d’elle.
Reste à trouver des stationnements (pensé à terrasse de bistrot – arrêt de bus)
VÉCU – AMIS – ZYF
Déjeuné avec Sylviane au « Bistrot de la gare » lors de son passage éclair à Paris. Conversation importante : parlé des rapports marchands entre les gens. Des problèmes de générations.
Coup de fil de Zyf de Lorient : rien à se dire (comme jamais). Lui ai envoyé photocopies carnets + script de Sibylle.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Hier soir : allé voir avec Colette « Les aiguilleurs » avec Wilson et Dufilho. Pas mal. Grands acteurs. Remarqué le jeune Fabrice Eberhardt qui me ferait un Frédéric possible. Après : dîner à la Coupole. Au cours du repas ( vin blanc m’embrumant ) évoqué avec Colette une vie ensemble. Tombés d’accord : pas possible, cause Krystelle. On n’en a pas reparlé.
MA 1ÈRE PSYCHANALYSE (1980-1887)
Tout à l’heure, en déjeunant au bistrot d’en face, en lisant double page du Matin sur psychanalyse, pensé à appeler G., le voir, faire « le point » (?) avec lui.
(Pincement au creux du ventre en y pensant).
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Cette nuit, dans l’amour, Colette : « Je te donne tout… »
Je ne sais pas très bien où j’en suis. Ce désir de vivre avec Colette… Nouveau. Réel ? Comme je vois peu clair en moi ! Hier soir, la constatation de cette impossibilité m’a fait souffrir et m’a renvoyé à moi-même, à une vie discontinue, hachée, un soir par-ci par-là avec Colette, deux, trois soirs avec les autres, plus rarement seul avec moi-même. Je manque d’énergie pour lier tout ça, pour trouver l’unité de tout ça. Je me sens, paradoxalement, à la fois trop moi-même ( borné, limité, petit ) et pas assez moi-même ( un moi qui reste à découvrir sinon à créer ). Je me sens, déjà, vieux. Même physiquement : sexuellement, par exemple. Je suis re-né, c’est vrai ( tiens, tiens !) mais sans les forces que j’avais ( ou aurais pu avoir ) au début de cette longue parenthèse de 14 ans, cette longue période de temps perdu, de cette longue absence au monde.
ÉCRITURE
Écrire. L’envie m’en revient, périodiquement. Envie confuse, qui ne se matérialise pas. Et pourtant, l’impression, confuse aussi, que ça peut, un jour, se débloquer et qu’alors ce sera fort.
MA 1ÈRE PSYCHANALYSE (1980-1887)
Je viens d’appeler G.. Petite Anglaise au pair, sûrement, m’a répondu : l’appeler avant 8 h du matin. Je retrouve, intacte, ma haine envers lui et tous les emmerdes par lesquels il me faut passer…
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Fabienne Thibault « Les uns contre les autres », 33t., Warner Bros ». ← Écouté ce matin, Appelé ce matin FIP pour avoir le titre. Belle chanson qui était, comme dits à haute voix, les mots de ma voix intérieure et secrète, ma désespérance intime, ma peur de la solitude, mon doute sur les autres… « … Mais, au bout du compte, on s’aperçoit qu’on est tout seul au monde… » Et c’est vrai qu’on sera abandonné ou qu’on abandonnera, passif dans le premier cas, donc condamné à l’accepter, à le subir, ayant l’initiative dans le second, donc : pire encore, trahissant demain ceux qu’on aime aujourd’hui, et dont le chagrin, aujourd’hui, nous tirera des larmes, ceux en qui on croit, ceux qui croient en vous et dont on acceptera demain qu’ils n’y croient plus. La seule sagesse, c’est de refaire toujours les mêmes erreurs, d’entretenir les mêmes espoirs, d’avoir les mêmes certitudes évidemment illusoires ; il faut vivre au présent, vivre aujourd’hui comme si on n’allait pas découvrir demain qu’on s’est trompé. Il en est de la solitude comme de la mort, il faut savoir qu’elles sont « au bout du compte », mais, avec les autres, avec la vie, il ne faut pas faire de comptes.
14/10/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(02 h 20)
Je repense à cette chanson, « Les uns contre les autres ». Quand j’en ai entendu le début à la radio, Colette était dans la salle de bains. Mon premier réflexe a été d’aller taper à la porte pour lui apporter le poste de radio, afin qu’elle écoute, elle aussi. Mais, en faisant ce geste, j’en ressentais en même temps l’incongruité, presque le côté blasphématoire, tant cela semblait être le geste de venir apporter à notre amour sa propre négation à travers cette litanie de la solitude…
Pourquoi esquiver ici ( est-ce la crainte d’être lu ? Et en ce cas : Quel secret à préserver ? Pourquoi le secret ? Pour ne pas faire mal ? Il faudrait taire alors, mes amours multiples. Certains secrets ne font mal qu’à moi-même ), pourquoi, donc, esquiver d’écrire sur la masturbation ? Elle demeure. Certes, j’y pensais aujourd’hui, la vapeur s’inverse : il y a maintenant, dans ma vie plus de rapports sexuels que de masturbations. Mais le besoin en demeure, avec ce même appel du « plaisir solitaire ». Peut-être est-ce dans cette expression, dans ces deux mots accolés, qu’il faut chercher l’origine de mes problèmes dans mon rapport à la solitude. Je ne sais pas bien, mais tout se passe comme si le bénéfice que je peux retirer de la solitude s’étaient concentré là et qu’il n’y ait plus « le reste » de ma solitude… Mais je crois la chose bien plus complexe, sans pouvoir l’éclaircir…
Quelque part aussi : la notion de simulacre : Masturbation = simulacre de rapport sexuel. Rapport avec les autres = simulacres de rapports ( je les vis ainsi, souvent : creux, vides « non pleins » ). Me trouver moi, pour trouver les autres ?
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Brigitte Roudier (« Sibylle ») m’a laissé un message : » Je serais heureuse de participer à votre création… »
16/10/1978
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
(23 h)
Je rentre de chez Dominique où j’ai vu, seul avec lui (Fanou à une réunion PC) « Sans mobile apparent » à la télé. Auparavant : discussion au CEPAV sur le budget de Sibylle. Il manque un petit million (envisagé de le faire en 16 puis gonflage, mais je suis contre).
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Hier soir, dimanche : été au cinéma avec Colette, ( « Girl friends », bluette insipide ) puis lui ai dit : « Ce soir, j’ai envie d’être tendre… » – « Qu’est ce que c’est, pour toi ? » – « Ca veut dire que je n’ai pas envie de faire l’amour. Mais j’ai envie de te caresser, d’être contre toi. » – « Et bien on ne fera pas l’amour… » On s’est mis au lit, on s’est caressés et on a fait l’amour. Avant hier, samedi : deux films dans l’après-midi ( « Récidiviste » + « The other » ) Le soir : bouffé à la brasserie « Bofinger » ( très cher et pas génial. ) Au cours du repas : une tension, un malaise. On rentre. J’avais un nœud à l’estomac, des brûlures. Elle me dit : « J’ai envie que tu me ramènes… ». J’encaisse sans rien dire, sur le coup. Elle m’explique : « Parce que je pense que, ce soir, tu n’as pas besoin de moi… Ce n’est pas vrai ? » Je lui dis que j’ai ressenti un malaise depuis le repas mais que c’est justement peut-être au moment où je ressens un malaise que j’ai besoin d’elle pour régler ça. ( J’avais d’abord dit que ce n’était peut-être pas bon d’avoir besoin l’un de l’autre puis qu’en disant ce qu’elle avait dit, elle exprimait sans doute mon désir que j’aie besoin d’elle… « Peut-être » dit-elle ). Nous sortons de ce moment de « crise » en faisant l’amour ( alors je n’ai plus mal à l’estomac, le nœud se défait.
Une chose qui revient chez elle : « Je dis des bêtises » !
Il me faut admettre que Colette est quelqu’un qui ne parle pas ou très peu.
Non pas renfermée mais… secrète. Il me faut la sentir. Comment expliquer ( m’expliquer ) mon rapport à son mystère ? Jouir de son mystère au lieu d’en être frustré. Je m’inquiète beaucoup de ce sentiment d’obligation dans mon rapport avec elle. Néanmoins : elle m’aime. C’est indéniable.
ÉCRITURE
« Vieillards furieux… »
(Rapport entre les mots et les images. La poésie ? Un couple de vieux en colère, pourquoi ? Quelle histoire, quel scénario ?)
Est-ce que les mots « vieillards furieux » sont un aboutissement de l’image ou son démarrage ?
Vert pharmaceutique… (2014 : from Internet : fait)
17/10/1978
ÉCRITURE
« Mon premier drame, ça a été, un matin,
quand tu es sortie pour acheter le pain… »
Exorciser l’absence de l’autre en racontant l’histoire d’un qui ne parvient pas à l’accepter, fût-elle minime, très courte, « sans importance » pour quelqu’un de « normal ».
18/10/1978
(0h 30)
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Hôtel ( « Bristol » ) à Lyon. Les chambres d’hôtel…( quelle différence, ce soir, avec l’hôtel Morgan… ! ) Colette, c’est à toi que je pense. Curieux, mon rapport à toi… Je suis… perplexe ! Je te tutoie, dans ces lignes que tu ne liras pas et qui parlent de toi, qui parlent à toi. Je te tutoie, je te parle ici, pour ne pas te parler là ( à Paris en dehors de ce carnet ). Littéralement je ne sais pas quoi te dire… puisqu’en moi tu entraves le dire lui-même. Tu me confrontes au silence, à un autre langage, pour lequel mes antennes sont atrophiées. Tu me confrontes au creux de mon discours, à cette manière de parler pour ne rien dire. Je vois nos rapports, dans le silence, comme une attente, pour moi, mais pas une attente passive, une attente active : une écoute…. Une écoute d’autres mots, d’autres signes… Délicieux mystère, mystère que je dois vivre comme délicieux dans la mesure où, même inépuisable, la patience de mon écoute le fera reculer. La joie des phrases que le temps vécu en commun, parfois, bout à bout, t’a, j’allais dire arrachées, non : fait jaillir, dans leur spontanéité, leur préciosité ( d’être rares ) ( phrases notées çà et là sur mes carnets depuis notre rencontre. ) Je note que, comme par réflexe, j’envisage le futur de notre relation avec, toujours, au centre : la parole, ta parole. Pourquoi m’accrocher à cette parole-là ? Non : être sensible aux autres et d’abord celle de ton corps, celle de l’amour ( physique. ) Je dois m’avouer que je ne me « fais pas » à cette relation de silence. J’ai peur de me crisper et de mettre entre nous la gravité. ( Je relisais les mots sur notre rencontre : je t’ai tout de suite trouvée grave. Tu l’es. L’es-tu ? Que ce soit oui ou non, ce qui importe ( et ce n’est pas « évident » ), c’est de conserver la liberté de moments gais, de rires, d’humour. La gravité n’exclut pas ça, au contraire. Je sens que tu m’es précieuse ( Dominique : « La fille qui t’es le mieux accordée de toutes celles avec qui on t’a vu… ». ) Je sens que tu comptes pour moi, que je ne pourrai pas te perdre « comme ça », que j’ai – peut-être – besoin de toi. J’arrive moins bien à voir ce que, moi, je t’apporte. Je sens que tu m’aimes, je ne sais pas comment. Je sais que je ne peux pas te le demander, qu’il me faut le trouver tout seul. ( cf. in « Les Cahiers du cinéma » n°293, article de JP Fargier : ( … ) « Beauté de ce sentiment : vouloir être reconnu de l’Aimé depuis toujours et qui l’ignore et ne rien faire pour l’aider, il faut que l’Aimé le fasse de lui même sans quoi sa reconnaissance ne serait pas égale à l’absolu désir de l’autre. » ( à propos de « Lettre d’une inconnue » d’Ophüls. )
Je m’aperçois que ça concerne, dans l’ordre logique, d’abord mon silence sur mon amour quand je « fréquentais » Béatrice. Mais c’est vrai qu’en inversant les positions et en considérant que c’est moi l’ « Aimé », de toi, Colette, je cherche comment te connaître, c’est à dire te reconnaître, au sens de t’identifier. Mais c’est bien ça, cette citation est très juste : j’ai nettement l’impression que, « volontairement » ( ? ) tu ne fais pas un geste ( ? ) pour me faire « voir » ton amour. ( cf. le « Tu as entendu ? » et ton refus de me dire ce que tu m’avais dit dans ta tête, id est : « Je t’aime… » parce que tu trouvais ça banal, non dicible. ) ( Comme c’est beau, ce « parler dans la tête… » ! )
VÉCU – TÉLÉVISION – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – DÉPRESSION
(14h30)
Un café de Lyon.
Temps seul ici, temps volé au travail, à la grisaille, au froid (je suis transi, mal, malade). Je pense à toi, encore. La porte est ouverte : le froid entre et me frappe le visage. Ce sujet qu’on prépare, je ne le sens pas. Il n’y a pas grand chose, pour ainsi dire rien.
Méli-mélo des mots
incomplets
inutiles
(Interruption – je reprends à 23h30 dans ma chambre d’hôtel. La même.)
Je ne sais plus quelle suite je voulais donner à ça…
Je repense à mon boulot (symptomatique : une des rares fois où j’en cause ici parce que, pour la première fois : repérage, temps d’y penser, de faire venir les choses) (Bouffé ce soir dans une pizzeria avec un groupe de jeunes de la MJ. On les a poussés à cette rencontre avec les « personnes âgées ». Sur quoi ça débouchera ?
Je pense à « jouir du silence »… Cesser d’être en représentation, de me croire obligé de parler soit pour véhiculer une image de moi soit pour masquer, combler mon trouble.
Mais : sans pour autant tomber dans la tristesse (voir plus haut) ou l’inertie : rester efficace, disponible.
Tout à l’heure, au repas, je dessinais sur la nappe en papier 1, 2, 3, 10, 15 têtes de bonshommes pratiquement tous pareils et Jean-Claude V. m’a dit : « Tu as des problèmes d’identité ? »
Il racontait l’histoire de la création de « Libération ».
Réfléchi à la notion de célébrité. C’est encore un rêve de moi, ça.
Je ne me sens pas fait pour être un « cinéaste à succès ».
ÉCRITURE
La crainte dégouline sur le bavoir…
(Noté d’après une « mauvaise écoute » de la radio « La crème dégouline sur le baba au rhum… »
Je redécouvre, « automatiquement », la poésie…
(je mets trop de guillemets)
VÉCU – MUSIQUE – AMIS
Coup dans la gueule. Salut Bertrand ! Je note à l’instant : à la radio : « Orléans »
Orléans – Beaugency – Notre-Dame du Cléry (← écrit en rythme avec la musique)
Un rêve de l’Aimant : que l’Aimée pense à lui en écoutant une chanson qui le lui rappelle.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Lyon. Hôtel toujours. Je repense, « comme ça », à cette phrase de C. quand j’étais sur elle, mon sexe en semi-érection : « J’aime parce que je sens qu’il veut entrer sans y réussir. Et je ne peux pas l’avoir en ayant envie de l’avoir… »
20/10/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Rentré hier soir. Retrouvé Colette chez elle, dans cette ambiance familiale, presque compacte, physique ( qui me pèse un peu, parfois, pas en soi, mais parce qu’elle me sépare de C. parfois. On s’est retrouvé dans le silence ( sauf que j’ai raconté, en raccourci, ma vie depuis Lakanal ( à partir de « Georgia in my life ». ) Elle m’a dit : « Tu la redécouvriras peut-être un jour, ta femme… » Je m’aperçois que, sans que je remette en cause le lien qui nous rattache, je me détache quelque peu de Colette. ( Paradoxe, bien sûr. ) Je crois que je « me calme » dans ma relation avec elle. Ca prend un tour plus serein. D’ailleurs, à part encore quelques bouffées d’inquiétude, le silence commence à me convenir. Elle m’a dit : « Bonne nuit… » et « Je t’aime ».
VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Je pense que ça va faire un an bientôt (très bientôt) que je suis parti. Une année qui aura passé comme un éclair…
Il me semble que c’était hier…
VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Conversation au téléphone avec Jo.
Bien.
Fait le point.
Information réciproque, honnête. Notre projet à chacun, pour l’instant : vivre seul.
21/10/1978
(2 h)
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Je rentre de raccompagner Bertrand chez lui (Bar Belge, Rue Soufflot).
Visité avec Manuel l’appartement de son frère, Xavier.
Décor qui me plaît (esthétique design – plein de murets, d’estrades : autant de « présentoirs » pour les bobines de films de Sylvain) mais, ces murets, précisément, sont inamovibles et constituent un obstacle au recul de Sylvain à travers la pièce. Déçu d’abord, beaucoup gambergé et pensé à une tricherie énorme : faire le recul dans l’axe sur la partie droite de l’image avec entrée du Sylvain réel symétriquement, ce qui, replacé dans l’espace réel, est impossible, mais ne sera, à mon avis, pas perçu par le spectateur.
Cet appartement m’intéresse aussi parce que super commode : frère du comédien, vivant seul, ayant une pièce de repli. Des facilités pareilles ne se retrouveront pas facilement.
À noter : demandé à Manuel de faire le recul pour voir l’image.
Vu au passage que cette reculade est insupportable : ridicule, ne passera pas. À supprimer. Couper sur lui à l’entrée de l’appartement. Repasser sur elle, la faire entrer dans l’appartement. Raccorder sur son arrivée à la porte du living et là il est en place à peu de distance de l’écran et n’a que deux ou trois pas à faire pour l’atteindre (petit recul) (À garder tout de même pour l’effet de miroir).
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Les prisonniers s’intéressent à la science-fiction : remonter le temps jusqu’avant le meurtre… (ou l’arrestation).
PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – AMIS
Cette nuit : rêvé de Stefan. Pris d’une grande mauvaise humeur envers lui, je le virais purement et simplement de je ne sais plus quoi…
Je suis jaloux de Stefan, de son aisance, de ses succès « amoureux et professionnels ». Cette « grosse tête » que je lui trouve et qui m’irrite, ça doit être une grosse bite…
Entre lui et moi, en ce moment : de l’air.
Aucun des deux ne manque à l’autre (nota : rêvé parce que je l’avais eu au téléphone le soir. Étais tombé sur lui par hasard en appelant Isabelle pour appartement).
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
À noter qu’en même temps que l’appartement, trouvé aussi la cage d’escalier, et dans le même immeuble… !
Cet après-midi, chez Dominique, repris le script et vu les adaptations nécessaires par rapport à l’appartement.
Mon seul souci : que la grosse tricherie ne se sente, ne se voit.
Pari à faire. Mais je ne crois pas… Ce qui m’a parfois gêné : la difficulté à donner aux spectateurs des repères de spatialité, devient ici quelque chose que je connais et que j’utilise…
ÉCRITURE
Une fois de plus, hier ou avant-hier : eu une idée que je trouvais chouette et je ne m’en souviens plus. Marre, marre d’oublier comme ça…
ÉCRITURE
Ce n’est que mon cœur, tu sais…
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Il n’y a pas une seule nuit que j’ai passée avec Colette où nous n’ayons pas fait l’amour, et ça depuis deux mois bientôt que nous nous connaissons.
(23h10)
Les paroles qui nous viennent à la tête, en écoutant la radio, dans l’émotion, l’effusion de la musique, on les écrit et il n’en reste rien, de cette émotion, après…
Bouffées de souvenirs. ( Déjà ) :
– À Colette, notre premier soir ensemble : « Je sais que tu viendras chez moi… » et elle avec une nuance de défi, de recul : « Tu en es sûr ? » Moi, expliquant : « Ne crois pas ce qui n’est pas. Tu me connais déjà. Tu sais et je sais que tu sais… »
– Et quand elle m’a dit, ce même soir, en partant de chez elle, pour trouver un taxi : « Je te prends le bras… »
( Déchirement déjà, devant ces moments enfuis… Et, dans le déchirement se maintient l’amour, cet élan vers ce qui est à atteindre et inaccessible. )
VÉCU – ÉCRITURE
Je me renifle : mes mains sentent le caca. Je me suis mal essuyé !
24/10/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(3h50)
A noter d’abord, pas cette nuit mais celle d’avant ( Dimanche à lundi, en revenant de chez Maryse et Marc. ) une « crise » grave, peut-être la plus grave entre Colette et moi, la première fois où j’ai fait pleurer Colette. Je n’avais pas vraiment envie de faire l’amour. On s’est mis à le faire, mais j’ai décroché. Elle n’a pas compris : – « Tu n’as pas envie de faire l’amour ? – Je ne sais pas. – Il y a quelque chose qui ne va pas ? ( Pas les mots exacts. Ma mémoire me fait défaut. ) – Je ne sais pas. – Pourquoi tu ne me dis rien ? – Parce que je n’ai rien à dire… » Elle se met à pleurer. Je m’en aperçois, la couvre de baisers et nous faisons l’amour. J’ai une « éjaculation précoce » irrépressible ( inhabituelle. ) J’en pleure presque, hoquets-sanglots nerveux. Un peu après, elle me demande : – « C’était bien pour toi ? – Je suis venu trop vite. J’ai rien pu faire pour l’éviter. C’est la première fois que ça m’arrive. » Le lendemain matin, juste avant de nous quitter, elle m’attire sur le lit. Quand on a fini, elle me dit : – « Si on l’avait pas fait, il y a quelque chose qui m’aurait manqué… » J’observe qu’on s’est sorti de cette crise sans se servir du langage des mots mais en utilisant le langages des actes, dans un texte écrit à deux, dont la perfection de sens m’apparaît clairement : 1 ) mon décrochage = « Colette, je ne fais pas l’amour avec toi pour te punir » ( de te taire ? ) ( tu te tais au niveau de l’oral → je me tais au niveau du sexuel. ) 2 ) Seule séquence orale : ses questions ( passage de sa part sur « mon » terrain. Elle ne parle jamais d’elle-même. Je veux dire sur les choses importantes. ) 3 ) Mon refus de parler = continuation logique du silence sexuel → silence tout court. 4 ) Ses larmes = expression silencieuse de son désarroi. 5 ) L’amour ensuite = rétablissement de l’échange. 6 ) Éjaculation précoce = retour en arrière. Manière de lui refuser sa jouissance. 7 ) Mes larmes = culpabilité ( + expression orale de cette culpabilité parce que : question orale d’elle. ) 8 ) L’amour le matin : rétablissement du contact + sa petite phrase sur « ce qui aurait manqué » = c’est comme ça qu’elle me demande de lui dire que je l’aime et de comprendre qu’elle m’aime. ( + le besoin d’être désirée, la crainte de ne pas l’être. Une Colette fragile… )
VÉCU – AMIS
Vu tout à l’heure Jean-Paul (et Monique) rencontrés au bistro près de chez lui (en sortant d’une solitude en images mouvantes, d’abord refusée puis dans laquelle je me suis jeté, ressorti avec l’habituel goût amer dans tout l’être).
Parlé avec eux de l’avortement de Jocelyne. Je gueule contre. Monique pleure. Je ne savais pas ou j’avais oublié (je ne sais même plus : triste mémoire…) Mauvais moment. Me suis excusé.
25/10/1978
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Personnage style clodo qui marche dans la rue et s’arrête de temps à autre pour cracher… des balles de ping-pong ? ( voir quoi ) Prestidigitateur en situation.
VÉCU – AMIS – ZYF
Zyf ne m’écrit pas, me répond pas. Lui ai envoyé photocopies carnets + Sibylle dernière version. Qu’est-ce que tu fous, Zyf ?
VÉCU – TÉLÉVISION
(22h20)
Suis rentré, crevé, mort. Me suis couché, terrassé par le sommeil. Me suis réveillé il y a une demi-heure pour appeler pour documentaire sur le grand-père G. et rappeler à Jacques G. d’apporter demain le petit paysage vosgien du grand-père.
Journée travail crevante : froid, mal au nez, nervosité. Perdu toute la matinée avec des merdes d’éclairage. Tournage lent. Oh, la lenteur des gens en pied quelque part ! C’est frappant : il y a là quelque chose de sûrement signifiant, mais de quoi ? En tout cas, j’ai toujours constaté la même chose, sur A2, TF1 ou les équipes fixes de Télé-Europe…
En tout cas, je n’ai pas à me plaindre : ils ne me sont pas hostiles… !
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Complément à la conversation avec Colette du 24. : Elle m’a dit – Je t’aime comme tu es maintenant. Sûrement pas comme tu étais avant ( époque J. ) Je pense que tu n’étais pas le même… » Elle dit qu’elle aussi a changé, est devenue plus forte, moins vulnérable et plus ouverte, que maintenant elle vient aux gens.
Autre complément : lui ai demandé si elle ne me trouvait pas trop tendre, agaçant à force d’être « câlin ».
– Je te donne à penser ça ?
– Non. Ce que je pense, ça peut-être dans ma tête indépendamment de toi.
27/10/1978
ÉCRITURE
(2 h)
18 h – Rien écrit : trop crevé. Dormi
À l’instant, pensé : (noté en voiture dans un embouteillage périphérique)
« En voiture, dans les embouteillages, je lance des SOS en morse, en clignotant des phares. Mais personne ne m’entend. Personne n’est jamais descendu de sa voiture pour venir me voir et me demander ce qui ne va pas. C’est drôle que personne ne comprenne le morse… ! Si : deux ou trois fois, il y en a qui sont descendus : « Ben quoi, ça va pas ? » m’ont-ils demandé. « Qu’est-ce que t’as, à faire des appels de phares ? » Je leur ai expliqué que je faisais des appels avec mes phares. « Je suis désespéré… » leur ai-je dit. Ils m’ont regardé d’un air curieux.
→
Pensé, en prenant comme centre et lien un personnage (le « narrateur ») de battu, de souffrant → écrire suite de petits textes (avec titres) sur le thème de l’effort qu’il fait vers les autres, effort déçu. (Autre exemple à écrire : il veut descendre la poubelle d’une vieille qui refuse) (?)
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Un type enregistre sur son répondeur un texte : « Je suis dans mon bain. Ne raccrochez pas : j’arrive. Commencez à parler pendant que je me sèche… »
29/10/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(5h 40)
Colette s’est endormie. Elle avait mal à la tête. ( Couscous Montmartre, puis Bilboquet. On rentre maintenant, après être allés raccompagner Jeannine, une copine de boulot de C. ) J’écoute Coltrane « My favorite things », nouvellement repiqué par Bertrand. Goût étrange de la musique à l’aube, plaisir précieux d’être goûté ainsi en dehors des normes, en dehors « des heures ». Sans sommeil, vivant la nuit, goûtant la nuit.
ÉCRITURE
Citerne d’or…
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Colette : confiance – tranquillité – harmonie – implicite – paix – continuité – certitude.
31/10/1978
VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Avec Agnès aujourd’hui car je devais la prendre le week-end prochain, mais je ne pourrais pas, allant tourner à Lyon. Vu Mistigri, le nouveau petit chat d’Agnès (elle m’a téléphoné pour me le présenter → message sur le répondeur que j’ai enregistré).
Raccompagné Agnès (présence de la bande de monos du camp de Jocelyne cet été, ce matin et ce soir.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Rejoint Colette chez elle. Ciné « Fedora » puis l’ai raccompagnée car elle doit se lever ce matin de bonne heure. En rentrant trouvé un message d’elle : elle me souhaitait de beaux rêves. Enregistré son message. J’aime sa voix, chaude et basse comme cassée par l’émotion… Hier soir, lui ai lu les passages de ce carnet la concernant. Beau moment entre nous, confiance, émotion. Après, on ne s’est rien dit. On a refait l’amour. Je ne lui ai pas tout dit : « Tu as le droit d’avoir des secrets. » Je ne lui dirai pas, par exemple, que ce soir, j’avais tellement envie de faire l’amour, ces deux femmes m’avaient tellement excité, chacune à leur façon, que je me suis soulagé par une bonne branlette… Image… Toujours : image de moi. Moi qui me fais, me construis, pas à pas, me découvre. Ma vieille peau adhère encore, par endroits…
Entendu à l’instant, à la radio, une chanson de Béart : « Une autre que toi » : « … Un jour je serai amoureux d’une autre que toi… » En écoutant ça, j’avais le cœur serré, je souffrais, je pensais à toi, Colette. Je ne veux pas admettre ce que me souffle cette sagesse, qui n’est pas seulement la mienne, puisque d’autres que moi l’expriment… C’est pourquoi quand il a fini : « Et cette autre, peut-être, ce sera toi, ce sera toi… », j’ai été soulagé. J’ai eu un sourire intérieur. Je sais qu’avec toi je peux, si je le veux, vivre un amour durable. Tu sais aimer.
01/11/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(14h)
Hier soir chez Nicole avec Colette. Conversation importante sur famille, racisme, cultures. J’écoutais. En rentrant : fait l’amour ( fort. ) Ce matin aussi.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Un type se met à une fenêtre et voit une place avec un paysage donné. il ouvre une autre fenêtre de l’autre côté de la piaule : c’est le même paysage ( ou même élément présent de chaque côté. Un type ? )
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(22h)
Lyon. Hôtel ( des Savoies ) Arrivés tout à l’heure. Mais bouffé des chocolats dans l’avion → Mal à l’aise. Suis monté me coucher tout de suite. A noter de la conversation d’hier soir chez Nicole : Colette : « C’est en multipliant les mélanges qu’on finira par supprimer le racisme, car on ne fera plus la part de chaque « race », au bout d’un moment… Les métisses, ça prend ce qu’il y a de plus beau de chaque côté. Un artiste, un peintre pourrait comprendre ça ».
Déjeuné à midi au petit restau d’en face, rue de Tocqueville. Parlé de son installation toute seule, avec Krystelle ( et Gilda ? ) Noté au passage : « Je suis têtue. ».
02/11/1978
(0h15)
Le jour change, la nuit continue…
Je ne réussis pas me rendormir. Me suis réveillé vers minuit 10 après m’être endormi tout à l’heure, écrasé par le sommeil.
Je viens de me dire que c’est la première fois que j’ai deux maîtresses en même temps… !
J’y gagne un sentiment d’assurance et aussi la certitude d’avoir rempli ma vie. Précision : pas au sens moral, au sens… existentiel : il y a plus de personnages dans le film que je vis (et les rapports sont plus « romanesques », le scénario se creuse, on en arrive au vif de la narration.)
En même temps, j’apprécie la liberté que me laisse ma relation avec Maja.
(Je lui ai dit : « J’aime notre relation. » Elle m’a dit : « Parce qu’elle est claire, nette et sans problème. »)
Je peux continuer à vivre mon amour avec Colette et aller voir Maja de temps en temps.
Cet après-midi, France m’a appelé : « Aimerais avoir de tes nouvelles. »
L’ai rappelée en coup de vent, je me dépêchai pour prendre l’avion. Lui ai dit que je la rappellerai en rentrant de Lyon.
Et aussi, il y a quelques jours, un message de Guylaine qui me disait qu’on se verrait à mon retour.
Pour revenir à ce sentiment d’assurance, je m’aperçois que quelqu’un constitue une gêne à ce sentiment, c’est Stefan. Stefan et ses succès, Stefan et son assurance, Stefan: le Père « transféré ».
Depuis janvier, ma libération-analyse a commencé. J’aperçois nettement le Transfert vers Stefan: affection puis agressivité. Je ne sais pas encore comment dépasser ça…
Concrètement : en m’en foutant…
Il me faudra pourtant « comprendre » : en termes analytiques. Même si c’est une analyse « sauvage » réussie, je veux comprendre. Sinon ça me manquera. Alors j’ai encore tant de chemin à faire.
Je n’ai pas encore chassé, vaincu l’angoisse.
L’autre jour (samedi dernier) fumé (chez Jeannine, la copine de Colette). Ça ne m’a rien fait (haschisch faible) mais j’avais encore peur.
N’avoir plus peur.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Complément à l’idée du double paysage : la piaule a un décor dédoublé :
Le pointillé trace la ligne fictive d’un miroir qui partagerait la pièce en deux. Miroir inexistant. Démarcation immatérielle.
→
Suite idée : Il découvre que c’est une chambre-miroir : il y a un miroir imaginaire au milieu. Il ne le constate pas dans la chambre, où le miroir n’est pas matérialisé mais à l’extérieur, par le paysage dédoublé ( après avoir ouvert fenêtre d’en face ) Quel est le paysage « direct » et quel est le « reflété » ?
Quand il veut montrer ça : on voit bien les meubles doubles, la symétrie mais le paysage est autre dans le cadre de la fenêtre. C’est quand il la referme et la rouvre qu’il retrouve l’ancien paysage, le double.
Non !! Plus subtil, plus fin, plus fort : les 2 fenêtres existent bien et donnent bien sur 2 paysages différents mais c’est un élément identique, légèrement décalé dans l’espace ( plus ou moins loin, plus ou moins quelque chose, en tout cas, à peine plus, à peine moins ) que l’on retrouve de l’une à l’autre.
Cette piaule va devenir pour lui obsessionnelle. Il y revient, passant ses jours d’une fenêtre à l’autre, guettant le moment où il y aura dissociation du double et de l’objet.
Peut-être faut-il que la symétrie des meubles dans la pièce ne soit pas totale ?
→ Seuls certains points :
Les fenêtres, bien sûr.
2 cadres, se faisant face ?
2 fauteuils identiques ( s’asseyant dans l’un des deux, il s’y endort, se réveille et voit son double dans l’autre fauteuil ? )
→ trouver une évolution, une chute et écrire cette histoire. En faire une nouvelle. C’est possible. Pas nécessairement cinématographique.
Suite à l’idée :
Il modifie un élément de la symétrie ( casse un cadre, par exemple. ) Quand il revient, après une absence, l’homologue de cet élément est modifié pareil ( meuble déplacé pareil ou cadre cassé aussi )
03/11/1978
VÉCU – TÉLÉVISION – AMIS
(0h15)
Hôtel. Je rentre à l’instant. Dormi de 15 à 18 h puis brainstormé mais comme des fous sur l’émission dans un pub. Abouti à une construction avec des gags, des trucages. Ne réussit pas à masquer le manque fondamental d’une rencontre réelle entre les âges, sujet principal, en principe, de l’émission.
Enfin, on fera ça du mieux qu’on peut… !
Vivement que ça se termine, en tout cas. Avec les autres, cependant, ça se passe bien. Bonne ambiance mais je pensais tout à l’heure : les relations professionnelles, si bonnes soient-elles, ne remplacent pas les relations d’amitié.
C’est quoi l’amitié ?
Sur quoi ça fonctionne ? La confiance ? La décontraction ? L’expérience commune ? En tout cas, ça existe.
(15h20)
MJC Montplaisir. On attend l’équipe, retardée pour cause caméra demandée hier soir à l’opérateur. Les « instances de la hiérarchie » ne sont pas contentes de ce court-circuitage. Ah, les petits pouvoirs ! Comme c’est rassurant, la hiérarchie, comme c’est dérangeant qu’on s’en passe !
Temps gris, qui m’abat, me démobilise. Joues chauffées par le repas. Je bouffe trop en ce moment.
04/11/1978
VÉCU – TÉLÉVISION
(23h10)
Hôtel, couché.
Aujourd’hui : première journée de tournage. Tourné cet après-midi devant l’usine Lumière, deux séquences marrantes à faire : la sortie des deux générations, l’ancienne et la nouvelle, Madame Chemin et Thierry, par le portail de l’usine, filmés par la caméra Lumière des origines, le tout refilmé mais par l’Aaton d’aujourd’hui. Tournage d’un tournage : j’aime, et de plus : tournage du tournage fondamental, celui de l’origine…
Autre scène : sortie des petits vieux en visite à la Fondation du Cinéma par le portail de l’usine.
À monter en alternance avec le film « Sortie des usines Lumière ». Marrant, cette sortie en masse. Je ne crois pas que ça été déjà fait. Vraiment un bon truc.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Ce soir acheté pour Colette le disque avec la chanson de Fabienne Thibault, lui ai déjà écrit une petite carte que je lui donnerai avec le disque. J’avais envie de lui dire : Quand elle dit « Mais au bout du compte, on se rend compte qu’on toujours tout seul au monde… », si elle dit vrai, on aura vécu quelque chose ensemble, elle aura reculé, pour moi, cette solitude… Et puis : peut-être qu’elle se trompe ?
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
À noter : idée d’émission documentaire :
« Les survivances du moyen-âge » ( à partir de l’œuvre Notre-Dame, à Strasbourg ) dépister les autres survivances, comprendre pourquoi elle se maintiennent ou constater qu’on ne sait pas pourquoi… Résistance d’un passé réfractaire à la disparition…
Entêtement du temps.
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – FEMMES
Je me mobilise sur ces mots : « Le pays de Joëlle » (mal entendu la radio, qui joue en sourdine dans le noir de ma chambre d’hôtel).
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION
En moi, en ce moment, deux choses, deux états me préoccupent :
1 – Ma mauvaise mémoire… Si je ne notais pas ici les choses de ma vie, tout m’échapperait. Et même : je souffre de n’en avoir – grâce à ce carnet – qu’une mémoire intellectuelle et d’en perdre la mémoire physique, précise, au niveau de l’impression (sauf rares exceptions). Souvent je fais effort pour re-voir, re-sentir tel ou tel moment. Et rien ne passe. Je me débranche de mon passé au fur et à mesure qu’il se crée. Ça me tue. Je sens que ça veut dire quelque chose, mais quoi ?
Au cours d’une conversation avec « ma » scripte, Patricia, l’autre soir, été d’accord pour dire que c’était lié à un tempérament, une forme d’esprit. Ainsi je m’aperçois souvent, au cours d’une conversation, que je n’écoute pas les gens, si je ne les écoute pas, si je « ne suis pas » avec eux, comment me souvenir de ce qu’ils me disent, comment revivre des moments que je n’ai pas vécus ? (Ici flèche renvoyant aux mots plus haut : « Ça me tue »)
Impression de temps gâché, de ne pas jouir du temps qui m’est donné. Mauvais usage.
Je m’aperçois que j’en arrive à me culpabiliser vis-à-vis de moi-même, sur un plan métaphysique, maintenant que je me culpabilise moins vis-à-vis des autres, sur un plan psychologique !
2 – La deuxième chose, le deuxième état qui m’emmerde : au moment de le noter : oublié ! Peut-être était-ce ce dont je cause plus haut : l’impression d’absence au monde.
À noter : je ne le ressens pas quand je suis seul !
ÉCRITURE
« Ce serait difficile d’entrer au pays de Joëlle…
(quand je me lève, le matin, j’ai l’impression de m’en être approché) » (?) ← Non !
05/11/1978
VÉCU
(8h45)
Je dois 43 francs à Jean-Claude V..
06/11/1978
VÉCU – TÉLÉVISION – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
(7h45)
Hier, dimanche : journée de tournage qui traînait. Forcément : si peu de choses à filmer qu’on n’a pas l’impression d’agir.
Je suis inquiet. Ça ne sera pas bon. One more Time. Et l’opérateur, le sentant, me fait le traditionnel numéro de chambrage du réalisateur (« Ça te fatigue de créer, etc.) Vieille humiliation.
Hier soir : rentré me coucher sans manger. Fatigué. Déprimé.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Appelé Colette. Elle était « gaie », ayant bu. Elle s’était enfermé pour me parler au téléphone dans l’entrée, dans l’obscurité. À la fin : elle pleure, un peu. Je lui demande pourquoi. Elle me dit qu’elle m’expliquera. A certains moments, chez elle : effusion, émotion diffuse, joie et peine mêlées → larmes. En pensant à ces moments là, pensé à ce que disait Nicole du côté antillais ( qui n’est réapparu chez Virginie que peu de temps avant sa mort. ) J’avais raison d’écouter attentivement leur conversation, ce soir là ! Je disais « Je ne te ressens pas comme noire » or je pense que ce « sentimentalisme », chez elle, est antillais. ( je me trompe peut-être. ) Si oui, ça me fait penser à l’hystérie féminine en Tunisie, que j’ai connu chez les femmes de là-bas, mère, tante, cousine, etc. Lié à une situation coloniale ? Pas les moyens de le savoir.
(21h 45)
Eu C. tout à l’heure au téléphone. Elle pleurait ( entre autres, mais pas seulement ça ) parce qu’en s’enfermant dans l’entrée pour me téléphoner, elle avait coincé les doigts de Krystelle dans la porte. Elle m’avait d’ailleurs dit, hier, au téléphone, qu’elle était agressive, parce qu’il lui manquait quelque chose et qu’elle s’en voulait.
ÉCRITURE
Tous indignés pareil…
07/11/1978
(10h20)
Café face MJC Montplaisir. Équipe évanouie. Suis tout seul devant mon café. Marre de cette merde, de tout ça : jusqu’à quand vais-je faire le pitre à la télé ? Quelle sortie ?
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Crise générale de masochisme : les curés acceptent d’afficher sur les murs des églises la contestation de leur institution : « Votez, dormez, priez… » ( vu ici à Lyon ) « curés = flics » : ils n’effacent pas ces inscriptions.
VÉCU – TÉLÉVISION – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
(19h25)
Conflit avec l’opérateur Jacques R. sur une erreur de ma part : prêté le flanc en demandant un fond sombre alors que le sujet (interviewé) était à 3 m du fond. Il gueule, publiquement. Hésitation en moi : comment répondre ? Je le prends à part, tournage terminé, et lui dis, en gros, que je me comporte correctement et exige qu’on en fasse autant avec moi.
Après, ça va mieux. Je retrouve le sourire.
Marre du rapport de forces toujours en ma défaveur. Marre de la télé. Je suis un perdeur, mais qui ne supporte pas de l’être.
ÉCRITURE
Écrire un texte minutieux, monotone, concret : succession de descriptions de rangements successifs, dans une maison : ramassage des chaussures qui traînent → rangement dans un placard au côté d’autre paires alignées. bouquin traînant sur table basse → bibliothèque, etc.
Riches possibilités d’évoquer, à travers une banalité obstinée, en restant au niveau des objets, la présence humaine. plusieurs directions possibles : aller vers la psychologie, l’anecdote ( par les traces ), le fantastique ( nouveaux objets imprévus ), l’humour ( l’éléphant traînant sur la table basse ? )
Idée fulgurante, provenant des souvenirs de rangements forcenés de Jocelyne, à une époque.
Si : association d’idées. parti de ( comment arrivé là ? alors là, je ne sais pas ) l’appartement de Pierrefitte, actuellement bordélique.
→ moi m’en foutant maintenant puisque je n’y vis plus.
→ le studio de Tocqueville toujours rangé.
→ les rangements de J. à cette époque lointaine.
PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – LECTURE – RÉFLEXION
(23h45)
Je suis suspendu aux pages de « Discours sans méthode », interview transcrit sur papier de Laborit par Francis Jeanson : je cite : (page 103)
Francis Jeanson : (…) « Il nous est possible de viser les retrouvailles à travers le dialogue. »
Henri Laborit : « Les retrouvailles ? Non. C’est nous que nous cherchons. Et s’il nous arrive de rencontrer l’autre, rien ne va plus… Par le langage, on ne trouve que ce soi. Une véritable entente exige une réalité strictement formalisable. »
Et, plus haut (page 102) :
P.D (Pierre Delons, médecin) : « Il faut peut-être distinguer ici deux formes de connaissances : l’une qui s’opère par la médiation des mots et l’autre, immédiate, qui est tentative de fusion entre le sujet et l’objet. Or le langage mathématique apparaît trop restreint pour rendre compte de cette seconde forme qui a plutôt recours au langage de la mystique, de l’art ou de la sexualité. »
Henri Laborit : « De toute façon, les mots ne sont pas l’essentiel (…) »
(À rapprocher, évidemment de mes rapports de silence avec Colette. Mais je flaire l’erreur fondamentale quand je vois sa méfiance devant l’affectivité (je parle de Laborit).
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Assis sur les chiottes, tout à l’heure, pensé à me servir de la phrase : « Ma ceinture de robe de chambre pend dans la cuvette des chiottes… »
Je me suis dit qu’il fallait préciser que le mec était assis sur les chiottes (la ceinture peut pendre sans lui) → pensé à lier son image :
Image : mec assis sur les chiottes (on ne voit pas la ceinture pendre)
+ la phrase plus haut
son = 3e dimension de l’image
Une séquence : (je sens monter en moi, imprévue, précise, palpable, « l’inspiration »…) :
Un type est au lit, lisant. Bruit de course dans le couloir. Sa porte s’ouvre brutalement (c’est dans un hôtel), une fille en larmes vient chercher refuge : un autre type lui court après et veut la violer (ils appartiennent tous les 3 à une même groupe professionnel ?)
(Lecture immédiate : identification moi-Patricia, que les mecs de l’équipe, par leurs sarcasmes constants, tentent de « violer » (quel sens exact à ce mot ? Là est la question ?)
Je m’aperçois que plein d’images, plein d’idées, sont des « mises en scène » de mon inconscient, de ma vie inconsciente. Est-ce ça l’art ? Ou n’en est-ce, chez moi, qu’une caricature ?
PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – LECTURE – RÉFLEXION – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Décidément ce bouquin de Laborit ( « Discours sans méthode » ) me passionne : ( p.125 ) « Aimer c’est accepter que l’autre soit différent. » ( p.126 ) « Aimer quelqu’un, c’est désirer qu’il parvienne à exprimer ses pulsions dans son imaginaire. Ce n’est certainement pas lui opposer des interdits ou lui imposer sa propre conception du monde. Aimer quelqu’un c’est dire : puisque sa vie m’intéresse, puisque son état, son équilibre biologique m’intéressent, je dois lui permettre de le réaliser. » Si j’ai cessé d’aimer Anne, c’est sans doute que son « projet », l’inscription de ses pulsions dans mon imaginaire, auraient cessé, une fois connus ( ? ), en tout cas supposés tels, de m’intéresser.
Me suis tout de suite demandé : Comment C. exprime-t-elle ses pulsions dans son imaginaire ? La danse ? Sa fille ? Sa famille ? Le fait-elle, en fait ? Y parvient-elle ? Laborit a raison : on ne sait rien des gens, de leur passé, de leur histoire, de ce qui fait qu’ils sont différents.
Déjà est venu le temps où je ne lui demanderai plus pourquoi elle m’aime. On a dépassé ce stade… Non que cette question, je la juge aujourd’hui sans importance mais je sais qu’on ne peut y répondre, en tout cas pas par les mots…
08/11/1978
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE – PROJET « MELISSA » – « LE DRAGON ROUGE »
Vidéo où c’est le même mec qui est cadreur de toutes les caméras
(pour LM bleu)
À partir de mon émission : depuis Lumière, quelque soit le metteur en scène, on remime perpétuellement la même relation fondamentale : filmeur-filmé. Plusieurs caméras : même chose décomposée.
09/11/1978
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Un mec a rendez-vous avec une fille nommée Nancy, qui ne le connait pas. il lui a dit de se pointer au café où ils se donnent rancart et qu’elle ne s’inquiète pas : elle le trouvera.
Elle arrive et trouve une pancarte à l’entrée : « Nancy : suivez les flèches… » le parcours est fléché jusqu’à la table du mec. elle rit.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(19h15)
Hier soir :
Moi : – « J’avais envie de toi… »
Elle : – « Tu avais envie de faire l’amour…. »
Je reçois le choc. Ca « me coupe »… On reprend. Après, je lui demande :
– Il me semble trouver en toi quelque chose de nouveau…( je cherche pour être précis. ) Du doute !
– « Elle : C’est ma manière à moi d’être… ( elle cherche ) réaliste…
Je suis d’accord, puis je réfléchis encore :
– Pourtant ta réflexion de tout à l’heure, ça n’est pas du réalisme, si j’avais voulu seulement faire l’amour, je me serai payé une pute à Lyon… »
11/11/1978
ÉCRITURE
« Pietrangeli si tu l’oses…
Méli-mélo de ce qui t’regarde »
12/11/1978
(2 h)
PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÊVES – AGNÈS
La nuit précédente (vendredi à samedi : j’allais chercher Agnès le lendemain) : cauchemar : Agnès était morte. Je me réveille en poussant un cri
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Avant hier, le 10, j’appelle Colette pour une histoire de voiture pour son frère Alex ( prêté voiture hier soir ), elle me dit : « Tiens, je te fais écouter Starmania ( disque contenant chanson de Fabienne Thibault, que je lui ai offert. ) Elle m’en passe un bout. Je lui dis, avant : « Chaque jour tu me donnes raison de t’aimer… »
ÉCRITURE – CINÉMA
Précision. Mots-clés.
Précision dans le récit d’une « histoire » drôle.
Précision dans la direction d’un comédien.
Je ne suis pas assez précis (pour cause de mauvaise mémorisation ?), Pas un bon metteur en scène.
Manque aussi de talent pour sortir de moi-même. Intégrer un autre vécu, une autre façon d’être.
ÉCRITURE
Le cheval souffle de la cendre par les naseaux… (inclus dans Manuscrit « L’homme que les plantes aimaient »)
ÉCRITURE
…Extirper le mort de soi… (2014 : from Internet : pas fait) (inclus dans Manuscrit « L’homme que les plantes aimaient »)
VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Je rentre à l’instant de Pierrefitte. Dormi là-bas. Hier soir : ramené Agnès. Discuté avec Jocelyne puis elle :
– « Ce soir, j’ai envie de baiser avec toi… »
– « Je ne suis pas excité… »
– « Ça sera pas long… –
– « Quoi ? »
– « De t’exciter… »
Donc : fait l’amour (moyen).
Reparti ce matin après avoir ramené Agnès à l’école (grève sauf sa maîtresse). En rentrant, je retrouve mon chez moi : propre, net, parfumé. J’aime cette pièce, je m’y sens bien.
Trouvé un message de Colette : « Je t’aime. Je t’embrasse. »
Tout ce matin, pensé à « Sibylle », à cet effort.
Étrange, ce retour en arrière d’hier soir, de cette nuit. (Après une première baise, j’avais faim, bouffé dans la cuisine ensemble, endives, en buvant de la bière et en parlant des critiques qu’elle subissait parce qu’elle est une femme seule. Elle soutient qu’elle ne m’a pas trompé pendant qu’on était ensemble, sauf les fois qu’elle m’a dites. Elle m’a ébranlé, mais quel intérêt Josette Fuchs aurait-elle à mentir ?
16/11/1978
VÉCU – MUSIQUE
(0h20)
Couché, j’écoute la cassette de « Starmania » que je viens de récupérer, avec d’autres, chez Bertrand.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Hier soir, j’ai dit à Colette qu’elle était « la femme de mes rêves. » Et c’est vrai qu’elle me plaît, que je suis bien avec elle, que je la trouve belle, élégante, délicate, douce, sensible, intelligente, discrète, pas emmerdante, bref sûrement pas parfaite mais presque.
(10 h)
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Solitude, désespoir, représentation
Le ballon argenté acheté par Bertrand l’autre jour à Saint-Germain-des-Prés est détaché, il se balance et bouge suivant les mouvements de l’air chaud pulsé par le chauffage →
idée : (désespoir – solitude) Un mec seul a maquillé un ballon en tête (avec petit corps habillé ?) Il lui cause quand il bouge
19/11/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
(12h 30)
On est encore en robe de chambre (été au Bilboquet, dernière nuit des « Ice »)
Je note ici une idée de ces jours derniers :
Feux rouges avec des yeux, des globes oculaires à la place des feux (feux de couleur verte, rouge, orange) qui s’ouvrent et se ferment suivant la circulation (qui suivent le passage des voitures).
VÉCU – COURT-MÉTRAGE « SIBYLLE »
Hier : journée de repérage avec D., Sido et Bertrand. Matin : Montmartre et après-midi : appartement de Sylvain – Xavier B..
Impression : bonne. Relation avec D. : il se ré-enferme assez facilement dans la « technicité ». Je le lui ai dit, une nouvelle fois, dans la voiture en revenant de raccompagner Sido. Chez elle, il y avait Bertrand. Mais j’ai bien dépassé : je ne suis plus tendu. C’est chouette.
22/11/1978
(9h15)
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE » – ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
À noter, de ces jours derniers :
Dimanche, suite du repérage avec Robert seul cette fois (cage d’escalier) en raccompagnant Robert qui dînait chez D., discussion à partir des femmes via Laborit.
J’en suis arrivé à parler du filmeur-filmé, niveau du plateau, niveau de la grue.
Bonne conversation. Au cours de la conversation : idée. On n’aime pas qu’une pute fasse semblant de jouir. Pensé à une société future où on lance sur le marché des robots-putes (androïdes) très gratifiantes.
Ça se répand → problème « moral » + économique : le gouvernement l’interdit.
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Hier, réécrit le script de Sibylle pour raccourcir.
23/11/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(0h 20)
Je suis seul. Colette vient de partir pour chercher un taxi après avoir vainement essayé d’en avoir un au téléphone. Qu’est ce qui s’est passé, au juste ? Je ne le sais même pas. Petites conneries qui en cachent d’autres plus grandes ? Suis arrivé ce soir chez elle. En partant, lui ait fait remarquer, au moment où, à cause de son rouge à lèvres, elle refusait de m’embrasser, qu’on ne s’était pas embrassé une seule fois de la soirée. A quoi, elle a répondu : « Si une fois, avec Krystelle » (Krystelle l’avait prise par la main pour l’emmener vers moi. ) Puis, chez Laurent où on était passé récupérer le script tapé par Bertrand. Elle m’a embrassé et je lui ai lancé « Ca te dérange pas d’abîmer ton rouge ? » ou une connerie dans ce genre… Elle a été pincée et m’a répondu : « Tu vas me ramener… chez moi… » Après, dans la voiture, lui ai expliqué que je voulais lui faire comprendre – inintelligemment, a elle dit, et j’ai approuvé – que nous n’avions pas été beaucoup ensemble physiquement ces temps-ci. « J’aime mieux que tu me le dises » a t elle dit. On en est resté là. Pendant le trajet, on ne s’est pas parlé, presque pas touchés. Ici, avant de me mettre au lit, j’étais songeur ( très préoccupé en en ce moment par le film : problème de dates posé par le comédien et enthousiasme « relatif » de D. ce soir au téléphone. ) Au lit, ça été comme une sorte de combat entre nous pour provoquer le désir de l’autre et qu’il l’exprime le premier. Mais ça été bref, on s’est physiquement séparés, puis elle s’est rhabillée. Je la regardais : « Pourquoi tu me regardes comme ça ? » Je n’ai rien dit. Elle est venue m’embrasser. « Tu ne me dis rien ? » – « Qu’est ce que tu veux que je te dise ? » Elle est partie. Déjà depuis plusieurs jours, je sentais quelque chose qui n’allait pas, mais quoi ? Je ne le sais toujours pas : J’avais l’impression qu’elle commençait à en avoir marre de moi. C’est peut-être grave. Peut-être la fin ? Je ne la rappellerai pas. L’amour est une lutte. J’en ai marre de la mener, j’en ai marre de la perdre. Elle cédera ou ce sera fini. Elle m’a appris le silence. Après tout, je mets ses leçons en pratique. Peut-être, jusqu’ici, était-ce trop parfait ? Le moindre problème prend, dans ces conditions, des proportions gigantesques. Pourtant ce sera dur de perdre Colette. Me réarmer pour une période de solitude.
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
(1h45)
Je tourne et me retourne dans mon lit, cherchant le sommeil.
Qu’est-ce que c’est que cette poisse qui me tombe dessus tout d’un coup ?
Je bouillonne de rage, en fait. C’est vraiment ça le sentiment dominant, en moi, en ce moment : la colère.
Ce D. commence à me taper sur les nerfs…
Le coup du 24 décembre ! (Envisagé les essais avant Noël du 20 au 24 : aussitôt « L’assistant aura peut-être envie de préparer son réveillon… »
Et merde ! Ils font du cinéma ou ils bossent dans les assurances ?
Je me bande intérieurement pour vendredi. S’il m’emmerde, j’arrête tout avec lui. Ça commence à bien faire !
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Quant à Colette, colère aussi… Elle part sans un mot et ce serait à moi de causer ? Il faut se la faire, elle aussi, et son silence !
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – DÉPRESSION
Mal. Mal. Je suis mal. Ça ne va pas du tout. Je revois la solitude s’ouvrir devant moi. Je vais me louer une télé et m’enfermer. Ou bien recommencer à quêter l’autre, comme avant… Dérisoire tourbillon.
VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Je viens de relire ce carnet. Je veux noter que j’ai appelé Josette pour vérifier ses dires, pour qu’elle me les confirme, ce qu’elle a fait.
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
(18h20)
Ça va mieux après une journée « d’extérieur »…
ÉCRITURE
Évitons, s’il te plaît, les mots définitifs…
24/11/1978
VÉCU – ALCOOL
(0h30)
Complètement bourré… !
Bourré. Bourré ! Eh ! Eh !
Allé voir Monique B. pour lui proposer montage « Sibylle ».
Je rentre après le Harry’s bar.
Tout ça, c’est des repères. Seulement des repères. L’alcool, c’est bien, n’est-ce pas ! Comme l’herbe.
ON OUBLIE !
ÉCRITURE
Tendre week-end….
ÉCRITURE
Place des remises de médailles…
VÉCU
(6h30)
Je viens de me réveiller ! Étrange, ce réveil sitôt… !
Bu un verre d’eau, allumé cigarette, j’écoute Terry Riley. Le sommeil n’a pas l’air de vouloir revenir…
(9h15)
Le jour s’est levé sans que je me rendorme…
Le mur d’en face est coloré de rose…
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Je ne cesse de penser à toi
(22h35)
Je rentre tout à l’heure et je trouve un message d’elle : « Bonsoir ».
Je l’ai rappelée, tout de suite. Nous avons parlé longuement. Nous nous sommes ressoudés. Émotion entre nous. Les larmes me sont montées aux yeux, à un moment de notre dialogue.
25/11/1978
CINÉMA – RÉFLEXION
(10h20)
Je réfléchissais aux prévisions qu’on peut faire sur l’évolution du cinéma et de la télévision. On voit dès aujourd’hui se répandre les magnétoscopes.
Je ne sais pas de combien d’années c’est l’affaire, mais je pense que le spectacle cinématographique en salle est condamné à disparaître au profit de la diffusion sur écran de télévision familial (mural, sans doute, pour se rapprocher des conditions de projections cinéma,) avec location de cassettes magnéto ou réception par câble.
Restent comme obstacles à ça les structure économiques de la production, la partie amont. Je vois à moyen ou long terme la fusion des productions ciné-télé.
À partir de ces réflexions, une image :
Discours politique filmé (ou filmé en vidéo en direct) (L’homme politique parlant à Paris et pouvant être entendu et vu à Marseille, Lyon, etc.)
Les gens s’amassent en un lieu X, une place et l’image de l’homme politique est projetée (transformation image vidéo → projection : est-ce possible ?)
L’astuce, c’est que l’image s’intègre au lieu.
Exemple : projeté sur façade incluant un balcon → il « apparaît au balcon ». Et les gens réagissent « comme s’il était là… »
28/11/1978
VÉCU – FEMMES – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
(3h10)
Je rentre à l’instant. Ce soir (alors que je passais un tas de coups de fil pour inviter les gens à cette « soirée » d’anniversaire que je veux faire dimanche prochain) Guylaine m’a appelé. Elle voulait nous voir, Bertrand et moi.
Me suis rhabillé, suis passé prendre Bertrand. On est allés chez elle. Avec elle → Bar Belge. Elle était loin, visiblement pas bien, agressive parfois.
Ramené Bertrand puis l’ai ramenée, elle.
Elle m’a dit qu’elle n’allait pas bien du tout, qu’elle avait pensé à se suicider cet après-midi (cachets).
J’ai parlé, bien sûr. Je ne sais même plus très bien ce que j’ai dit.
Je me demande si ça été « efficace » ? Toute façon, je ne sais pas, mais je n’arrive pas être inquiet. J’ai confiance en sa jeunesse. C’est ça qui la fait souffrir, mais c’est ça qui la sauve.
VÉCU – MUSIQUE
(15h25)
« Le monde est stone » à la radio (Fabienne).
32 ans
30/11/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
J’ai commencé ma 33ème année en faisant l’amour… A minuit dix, quand on a fini, Colette a sorti un paquet qu’elle avait soigneusement caché…( Un pull, crème, col en pointe. Gros pull. )
01/12/1978
ÉCRITURE
On s’épuise à vivre. Et on en meurt… (2014 : from Internet : pas fait)
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Société future où les voitures sont si nombreuses et prennent tant de place que le système des contraventions devient ridiculement inefficace et la mise en fourrière impraticable ( trop de voitures, garées partout ) d’où : les flics se baladent dans des voitures style stock-car et rentrent carrément dans les voitures mal garées. d’où : certains caparaçonnent leur voiture de défenses diverses, d’autres roulent dans des voitures cabossées ( ça devient une mode ) d’autres, les riches, ont des véhicules aériens qui stationnent et se déplacent en l’air…
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE » – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
Tout à l’heure : au téléphone, Dominique qui me raconte son entrevue avec Manuel B. au sujet de son salaire sur le film. Il me dit son malaise.
J’appelle Manuel après ça. Malaise moi aussi, déception en face de quelqu’un qui, comme Denis Manuel (les 2 Manuel !) révèle une nature aigre et avide dès qu’il est question d’argent. Il me fait le numéro de « celui qui n’accepte pas n’importe quoi » et réclame son nom en plus gros que les autres au générique…
Triste, je sors pour aller voir Jean-Paul. Il n’est pas là. Je bouffe une merguez-frites au Dauphin puis vais voir Guylaine. Pas là non plus. Je rentre et trouve un message de France qui me souhaite bon anniversaire. Je la rappelle et lui parle de ma déception de tout à l’heure, de la méfiance permanente dont il faut faire preuve, de la nécessité perpétuelle d’être sur le qui-vive avec les comédiens, êtres hypersensibles, toujours prêt à se vexer, à faire des crises et qu’il faut constamment « manipuler » avec précaution. À dire vrai, je n’aime pas ces gens-là. Est-ce à dire que je n’aime pas vraiment ce métier ? Je me le demande parfois et rêve à la feuille blanche et au stylo, à cette tranquille solitude…
VÉCU – CARNETS – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
J’ai relu tout à l’heure le carnet 19.
Comme ils me paraissent loin, les problèmes que je me posais des rapports de force entre hommes et femmes et de la difficulté de séduire. Je n’en nie pas l’existence, mais je ne me les pose plus, car j’ai l’impression de les avoir résolus (tout naturellement, sans y penser. De plus en plus, je vérifie que lorsqu’on cherche une chose, on ne la trouve pas. Elle vient à son heure.)
Il s’agit, comme je le disais à Guylaine, de rester « impatient avec patience… »
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE » – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
(10h15)
Je me réveille en repensant à Manuel B. et à ma déception d’hier soir, que je ressens encore, toujours présente…
04/12/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(05h45)
Colette dort près de moi, tendrement nichée contre moi. Je ne parviens pas à dormir. Pourtant il est « tard »… ! Mon « anniversaire » est passé ! C’était bien ! Vraiment bien… Les gens ont été bien, moi aussi : j’étais heureux, j’ai senti que ça se sentait… Seule ombre au tableau mais elle est de taille et plane sur moi, redoutable : le doute… Le doute que je ressens avant de franchir le seuil de ce nouveau film, dont je doute maintenant, oui, qu’il soit aussi bien que l’ai rêvé… C’est Stefan qui l’a résumé en moi, ce doute rongeur en mettant « respectueusement » en doute précisément Brigitte dans le rôle de Sibylle. Enfin : on verra ! Comme on dit… Christie était venu avec l’homme de sa vie, ils sont partis séparément. Elle voulait rester un peu, il voulait partir tout de suite. Même scénario pour Stefan et Isa. Peut-être aussi pour Bertrand et Laurence, avec qui je l’ai vu arriver à ma grande surprise et qui m’a dit l’avoir jetée à 200 m de chez elle… ! Ces « fausses notes » m’ont attristé. Mais « ça fait partie de la vie », comme dirait Véronique Samson. Je ne sais pas ce que durera mon histoire avec Colette, mais je sais qu’avec elle j’aurai été pleinement heureux… J’en ai marre des amours à histoires compliquées, pleines de drames. J’aime cette relation paisible, pleine de douceur, de tendresse et aussi de sexe passionné. Comme j’aimerai qu’il dure, cet amour fort et doux, sans jamais sombrer dans l’incompréhension, les disputes mesquines, les bouderies et autres pesanteurs du quotidien. Elle veut ce que je veux, ce qu’elle veut je le veux… Tout est bien : je l’aime. Et ce qui est merveilleux, c’est qu’à l’inverse d’Anne, ça ne fait que croître. J’ai l’impression chaque jour de commencer à l’aimer…
05/12/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
On rentre du « Convoi de la peur. » Remake du « Salaire » du même nom… Film bien fait. Visant à provoquer l’émotion. Schéma classique mais, dans la forme, fonctionnant bien…. Aujourd’hui on s’est réveillé heureux tous les deux. Prêts à passer une journée ensemble. Au moment de se laver : pas d’eau ! On n’a pu se laver qu’à 16 h après multiples péripéties ( On devait aller chez Michel prendre une douche. On est passé par la rue St Vincent de Paul et quand on est arrivé chez Michel, il était parti ! ) On a promené toute la journée notre crasse et nos fortes odeurs… !
Hier pendant la soirée d’anniversaire je disais à Maryse : « Il faut être à la hauteur de l’amour qu’on vous porte. C’est ça qui est dur… ! »
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Tout à l’heure : coup de fil de Gilbert François à qui on propose une pièce en province pour 3 mois et qui, à cause de ça, ne fera peut-être pas « Sibylle »…
Voilà qui ravive ma persistante inquiétude au sujet de ce film. Gilbert François m’assurait du solide. S’il me claque contre les doigts, je me retrouve avec seulement 2 inconnus (chacun dans leur genre) : Manuel B. et Brigitte-Sibylle… !
VÉCU – AMIS
Après l’anniversaire, on a ramené Jean-Paul.
Il n’a cessé de répéter qu’il est heureux de me voir heureux et de gros sanglots lui sont venus à la gorge : « J’ai 30 ans… » a-t-il dit.
Ça va mal… Il faut que je le revoie.
06/12/1978
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
La structure de « Sibylle » :
D’abord Sibylle fait un cercle ( A ). c’est la série de plans d’elle à travers Paris, où il ne progresse pas dans sa connaissance. Elle ne se rapproche pas de lui. Il croit qu’elle avance, mais elle reste à la même distance… Puis elle se rapproche de lui ( spirale ) jusqu’à la mort ( centre ). Spirale = escalier.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Hier soir, avec Colette, Laurent, Dominique et Gilda, revu « Orfeo Negro »… Cinématographiquement : sans intérêt, mais souvenirs… Nostalgies… Pensé à Colette enfant, quand elle a vu ce film. Petite fille noire qui rêvait, pleine d’admiration devant la silhouette élancée de Mira… Elle n’aime plus autant aujourd’hui… « Les enfants c’est drôle, a t elle dit, on est enfant puis on ne l’est plus… ! »
(21 h)
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Couché seul, ici. J’ai fait ma petite tambouille (me suis « remis au régime »). Fatigué (me suis quasiment endormi pendant mixage du Vitrail) (agréable d’entendre la voix qui me plaisait bien…)
Fatigué et un peu déprimé (pas vraiment, disons : pas bien) > eu Manuel B. au téléphone ce matin au sujet des fringues qu’on peut avoir grâce à lui (!) par Saint-Laurent.
Ah, ils sont bien loin nos rapports chaleureux d’autrefois. Le fric a tout balayé, je le sens bien et ça me déprime.
07/12/1978
VÉCU
(9h30)
Me suis écroulé comme une masse hier soir. Impossible de résister au sommeil. Ce matin, je vais bien, reposé. Mieux même au point de vue moral.
08/12/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(9h 45)
Je viens d’amener Colette à son cours, à Censier. Ca fait plusieurs fois que je me retrouve le matin dans le Quartier Latin. Je vais dans un bistrot, je prends un café. J’ai du temps libre : je regarde par la vitre du café, la pluie, les vitrines du Boulevard St Michel ( café « Le Lutèce ». ) Cafés sans âme, quartier sans âme, vidé de son sens, de son histoire, de son folklore, aujourd’hui « dépassé » ! » Mais combien plus riche que la réalité magazinesque et automobilesque d’aujourd’hui…
Aujourd’hui, me suis réveillé de bonne humeur, en forme. Ca ne pouvait pas durer toujours, cette déprime des jours derniers… ! On a fait l’amour très fort cette nuit. J’étais près d’elle, après cette nuit et ce matin. Elle m’a dit qu’elle avait eu envie, cette nuit. Je lui ai dit que j’aimais faire l’amour avec elle mais que ce serait bien si elle était plus active : ça « m’activerait » moi aussi. Je lui ai dit qu’elle aurait pu m’exciter cette nuit, que j’aimerais ça et qu’on aurait sûrement bien fait l’amour… Il y a quelques jours, au téléphone on a évoqué, à mots couverts, quasi pudiquement, l’envie qu’on avait – tous les deux – de vivre ensemble ( elle m’avait déjà parlé d’une chanson de Michel Delpech – qu’on a ré-évoquée cette fois-ci – qui dit, en gros : « Nous n’habitons pas ensemble et c’est bien comme ça… » ) « Oui, mais… » ai-je dit, en gros… La vie nous amènera peut-être à en reparler… » « Faire attention… ! Penser à ma liberté. On s’est dit, ce matin qu’on s’était épousés… Ca vient d’une conversation déjà assez ancienne ( la première fois que je suis allé, avec elle, au bistrot de Danielle ) où je lui ai dit que peut-être un jour, on se marierait ( par « pour de vrai », mais pas « pour rire »… ) Ca voulait dire que ce jour là on serait assez sûrs de nous pour savoir qu’on avait envie de vivre avec l’autre quelque chose de durable… Quand je compare – ce que je fais fréquemment – mon amour, ma relation avec Colette à celle que j’ai eu avec Anne, j’y vois cette différence : il ne me semble pas que Colette, ce soit destiné à être passager… Je crois réellement à elle. Je crois que j’ai besoin d’elle… Elle me plaît tous les jours…
10/12/1978
LECTURE – RÉFLEXION
Lecture du « Dictionnaire des symboles » (Seghers) :
À l’article « Miroir » : du latin speculum.
Spéculer : regarder le ciel et les mouvements relatifs des étoiles à l’aide d’un miroir.
→ Superbe image.
L’homme penché sur un miroir (posé horizontalement et qui reflète la voûte céleste) et qui, en traçant des traits sur le miroir, relie les astres pour former des constellations et organiser le cosmos…
11/121978
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Grosse légume qui, pour économiser temps, énergie et matière grise, oblige tous ses collaborateurs à ne lui poser que des questions auxquelles il répond : « Oui » ou « Non » et rien que cela…
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Hier : vu devant la glace de la chambre de Dominique : Colette, Annick et Maryse faisant des mines devant la glace, côte à côte toutes les trois.
12/12/1978
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Allé cet après-midi avec Bertrand au fichier des Buttes pour trouver un autre Frédéric… Trouvé Jean M., que je vois demain soir (ce soir, puisqu’il est 1 h). Ce matin : je vois Christian B., « le photographe »…
ÉCRITURE
(18h 30)
Cathédrale : objet d’art qui marie la durable matière et le fragile esprit…
Inverser :
La fragile matière et le durable esprit… (2014 : from Internet : pas fait)
13/12/1978
ÉCRITURE
Il y a deux personnes importantes sur le tournage d’un film : le chef-opérateur et le réalisateur : l’un fait la lumière sur la forme des choses, l’autre sur leur sens…
VÉCU
Allé voir Stefan et Robert (et H.) sur le tournage de leur court-métrage (studio Axe à Courbevoie).
Week-end :
Samedi midi : chez Stefan et Isabelle (2 D. – 2 D. – 2 H.)
Samedi soir : chez D. les mêmes – D. plus Colette
Samedi soir (suite) : chez Maryse (sans Marc) avec Éric (copain antillais) et sa femme, Annick, Yvane et Arthur (→ 4h du matin)
Dimanche midi : repas famille Colette (couscous)
Dimanche soir : chez Éric, à la Défense (repas séparés : filles d’un côté, mecs de l’autre (pas de regroupement des deux après le repas) (→ 3h du mat)
15/12/1978
ÉCRITURE
Femme de silence et d’ombre… (inclus dans Manuscrit « Les deux femmes du mort »)
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
C’est ton mystère qui m’attache à toi… Mais non lui seul. Car si lui seul comptait, pourquoi quitterait-on les êtres puisqu’on ne vient jamais à bout de leur mystère ?
Avant hier soir, on est allé chez Rodolphe et Carmen. Avant, je la sentais loin de moi. Je dis :
– « Même quand tout va bien je cherche qu’est ce qui peut me préoccuper… »
– « Je suis comme ça aussi. » dit-elle.
Je m’étonne « Toi ? »
– « Et bien oui : tu ne me connais pas. »
Sur ce thème de la non-connaissance j’entame un flip, re-aiguisé par, à un moment :
« Tu me sens ? »
– « Non. ».
Coup au cœur, ces paroles.
« Il faut qu’on se parle » dis-je. Rodolphe et Carmen, leur présence nous en empêche. Une fois rentrés, on ne s’est pas parlé. Ca n’est pas venu naturellement, alors : non… On a fait l’amour. Hier soir aussi. Quel chemin, quel chemin ! Je n’aurai pas conçu de ne pas parler, il y a encore peu de temps. Communauté de vibrations. L’essentiel ne se dit pas. Il se ressent, entre elle et moi. Et c’est alors elle qui me guide, qui me prend par la main, sur ce chemin là. Hier soir, amour très fort. Fusion très forte. « Je voudrais entrer en toi » m’a-t-elle murmuré. Et là, j’ai demandé :
« Tu me sens ? »
– « Oui ».
Elle m’a raconté tout à l’heure au téléphone une conversation avec un chauffeur de taxi où elle m’avait appelé « son mari »… Pas sans signification, ce raccourci pour le chauffeur de taxi. C’était pour elle aussi.
16/12/1978
VÉCU – MON PÈRE
Papa : (il parlait des nouvelles têtes, en arrivant à Choisy) « Des gueules, des milliers de gueules à se rappeler… Tunis, Alger, l’Iran, le Pakistan… Combien j’en ai connues… »
17/12/1978
VÉCU – AMIS – ZYF
(0h 00)
Reçu grosse enveloppe de Zyf : manuscrit (et une petite lettre). Je me sens jugé !
18/12/1978
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Une leçon de la vie : les graves emmerdements d’aujourd’hui ne vous paraîtront plus graves demain et ne seront plus des emmerdements après-demain…
À travers la gangue de soucis, de préoccupations qui m’enveloppent, il faut que je me fraye un passage vers la seule chose qui doit compter pour moi : le film, son accomplissement et la joie intime qu’il m’apportera et la leçon professionnelle qu’il constituera pour moi. Le reste est péripétie. Cette fois-ci, à la différence d’avec « Une seconde jeunesse », je sens que je tiens, avec ce film, un film moderne, dans le coup. Cette conviction doit marquer mes actes et mon état d’esprit.
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Hier soir avec C. : conversation sur l’oreiller. ( Elle était malade, fiévreuse et, de plus au début de ses règles. On a fait l’amour quand même, et fiévreusement, si on peut dire… ! ) Après : parlé de son père, de sa famille ( de Raymond, pour qui ça va mal avec sa femme ) ( de sa mère ). Parlé aussi de nous. A partir de moi lui disant que je sentais que parfois elle doutait que je l’aime vraiment et que ce doute me… ( je cherche mes mots ) « désappointe » ( dit-elle ) – Oui, dis-je, et aussi : « déroute » Je lui demande si elle n’a pas vu les preuves que je lui ai données de mon amour. Elle me dit qu’elle le sait, qu’elle sait ça. Elle me dit que le doute, c’est dans sa manière d’être. Ces mots peuvent donner l’impression d’une conversation négative mais non : pas du tout. Sentiment d’amour très fort, de fusion. Moi : « Est ce que tu es comme moi : est ce que je manque quand je ne suis pas là ? Est ce que tu n’as pas envie d’être seule avec moi quand on est avec les autres ? » Elle : « Oui ». Et « J’aime quand on parle ». Je lui dis qu’une des meilleures preuves de mon amour c’est qu’elle m’a transformé, qu’elle m’a appris à ne pas passer par la parole et qu’en retour je l’ai transformée aussi puisqu’elle n’a certainement jamais autant parlé qu’avec moi. – « Pas de cette façon » me dit-elle ( elle me dit qu’elle le sent à travers mes amis. ) Je lui dis que ça c’est fait sans qu’on se force l’un l’autre et que c’est ça qui est superbe. Quand on parle de son père, elle me dit : « Oui, Ernest… » Éclat de rire gigantesque en commun.
FELLINI’S FILM
Vu tout à l’heure avec Bertrand J. : dans la lueur des phares : sur terre-plein, une cabane ( pour flics ? ou chantier ? ) et à côté : pancarte indiquant « Porte de la Villette ». bon pour LM « fellinien » : incongruité, insolite de cette pancarte plantée au milieu d’une étendue de terre battue… Pensé que mon projet de LM : valable pour spectateurs « civilisés » mais n’est-ce pas le cas de tout public de film aujourd’hui ( spectateurs citadins ) ?
LECTURE – RÉFLEXION
Acheté « Histoires de doubles ». Je retrouve chez Chamisso, Hoffmann et Andersen plein de choses à moi, que je comprends mieux maintenant (ou pas, mais que je devine liées par une cohérence générale).
21/12/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(5h30)
Je me suis réveillé. C’est l’aube. Près de moi : Colette que j’ai réveillée aussi. Hier soir : repas chez Béatrice. En repartant, elle me dit : « Si tu te réveilles de bonne heure demain matin, tu me ramènes chez maman… » Je frustre en silence. Elle me regarde et me dit, surprise : « Tu es fâché ? » Je reste silencieux. Elle insiste. Je lui lance, venimeux : « Ca compensera les fois où je me suis levé pour t’amener au cours… » – « Pourquoi tu dis ça, » – « Parce que, si tu avais envie d’être avec moi, tu ne ferais pas attention à l’heure où tu dois te lever… » – « Ca n’a rien à voir c’est parce que je ne suis pas bien… » Je reconnais qu’elle ne le montre pas et que j’ai été méchant ! Elle pleure. J’insiste bêtement pour dire que j’ai reconnu avoir été méchant tout de suite. On arrive devant chez elle. Je stationne. – « Ca t’embêterait de venir m’amener au cours ? » Je tourne la tête, excédé. – « Si c’est ce que tu as senti… » – « Tu as dit ça tellement naturellement… » – « La déception rend méchant. » Je reste un moment silencieux puis : « De toute façon, ce soir, je viens de te donner une autre preuve d’amour, en t’amenant chez Béatrice… » – « … » – « Tu as effacé Béatrice » – « Je ne l’avais pas effacée avant ? Je croyais que tu m’amenais chez elle comme chez une autre copine… ! » – « Si : tu l’avais effacée avant. Justement : ça concrétise. Tu ne comprends pas ? » – « Non » – Puis : « Ca m’embête de réveiller maman, elle ne m’attend pas. Je vais venir avec toi. » Et moi : « Non ! » – « Juste pour dormir… » Je souris. « Si : juste pour dormir. J’ai envie de dormir. » Je finis par démarrer. Nous ne disons pas un mot de tout le trajet, ne nous touchons pas une fois. En arrivant : messages et coups de fil. Quand je me couche, elle est déjà au lit, dos tourné. Ce matin, je me réveille aussi de bonne heure. Sans doute à la fois cette histoire et le film. Je la réveille en me réveillant. Je me penche sur elle : « Comment ça va ? » Je l’embrasse. « J’ai le nez bouché… » – « C’est le champagne. Tu as moins mal à la tête ? » On s’embrasse, on se caresse. Mais où en sommes-nous au juste ? On en est là. Grave crise. J’ai retrouvé, intacte, ma vieille haine envers moi.
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Coup de fil comédien Canaries
22/12/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
Suite à ce qui précède : j’avais rendez vous à Opéra à 11 h avec Jean M. et Bertrand. Retard. Embouteillages. Je propose à Colette de venir avec moi. Jusque là : des gestes, des paroles sans importance, sans consistance. L’impression pour moi, que la plaie est toujours ouverte. Dans la voiture, juste en arrivant à Opéra, je lui demande :
– « Je t’ai déçue ? »
– « … »
– « C’est terrible ce silence entre nous…. S’il y a quelque chose de cassé entre nous, je préfère le savoir… »
– « Non »
– « Je me sens comme un oiseau couvert de mazout… »
Elle m’explique qu’elle ne s’est pas rendu compte de la manière dont j’allais réagir quand elle m’a dit qu’elle voulait rentrer, qu’elle aurait dû le formuler autrement, expliquer qu’elle n’était pas bien, qu’elle n’a pas été déçue parce qu’on est déçu quand on fait une image de quelqu’un alors qu’elle, elle me voit comme je suis, qu’elle sait que je peux me mettre en colère et que je ne vais pas toujours lui dire des choses qu’on trouve dans les romans ( bien qu’elle ressente la même chose que moi, c’est à dire, – c’est moi qui traduis – cette impression de tomber, lourdement, de haut. ). Je lui prends la main, la caresse. Je sors de là avec l’impression d’avoir du chemin à faire pour remonter là-haut, où nous étions…. Je la rappelle vers 2 heures, pour prendre de ses nouvelles. Pas brillant, la conversation. Elle me rappelle, ce soir, car elle a appelé Gilles pour le réveillon du Nouvel An. Je lui dis que je suis heureux qu’elle ait appelé car deux minutes avant je pensais à l’appeler pour lui dire « Je t’aime ». Je lui parle du film. Je m’anime. Elle rit un peu. Je sens que nous retrouvons lentement quelque chose de nos rires, de notre unité heureuse. Elle me dit, à la fin : « Voilà. Qu’est ce que je peux te dire ? » Je lui dis : « Tu veux que je te souffle ? Dis moi que tu m’aimes »
– « Je t’aime…. »
J’ajoute : « Je te propose ça, mais tu vois… »
( Elle rit. ) Je termine tendrement :
– « Je t’embrasse tendrement. Tu sens comme c’est tendre ? »
– « Oui. Au revoir. »
– « Au revoir chérie… »
J’ai honte de moi. Je m’en veux. Je ne comprends pas comment j’ai pu avec tant de stupidité gâcher quelque chose d’aussi précieux que ma relation avec elle. J’ai été stupide mais aussi ridicule. Son silence, sa pudeur, son élégance morale me pulvérisent. Non, Colette n’est vraiment pas n’importe qui. Elle est trop bien pour moi. Je suis trop grossier, trop fruste pour elle. J’affirme, lourdement. Je parle fort. Je mets les pieds dans le plat. Je fais dans le style éléphant dans un service de porcelaine. J’ai le sentiment de l’avoir fait durement souffrir elle qui – chaque jour m’en apporte la preuve – est la douceur même, le dévouement, elle qui passe toujours en second même si elle sait ménager son autonomie. Elle refuse qu’on attente à son intégrité mais n’attente pas à celle des autres. Ce qui n’est pas mon cas. Avec elle, j’ai encore beaucoup à apprendre. Je repense à la conversation nocturne du 17 avec elle. Elle me disait : « Je sais que tu as changé. Mais je me demande si celui que tu étais avant et celui que tu es maintenant, ça ne se combat pas ? » Elle met le doigt sur ce qu’il y a en moi de plus caché ! Elle est clairvoyante….
J’étais chez Dior cet après midi. Je me suis vu, d’un seul coup, dans une glace : gros, moche, grossier. Je me hais.
25/12/1978
2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(18h 05)
Je rentre de chez ses parents. ( Réveillon hier soir + repas de midi aujourd’hui avec passage pour prendre la Tante Lucie et cimetière ) Hier soir ou plutôt cette nuit, passé à 2 h chez Colette. On devait aller ensemble chez Yvane, mais elle avait mal à la tête → Restée. Suis allée seul avec Dominique. ( Il y avait aussi le fait que Krystelle ne dormait pas et a commencé à pleurer. Quand elle a compris que Colette allait partir. ) Tout à l’heure, en sortant de chez les parents, l’ai appelée d’un bistrot. Elle n’était pas vraiment « avec moi ». Lui ai dit que je rentrais.
Seul ici, tranquille.
VÉCU – FEMMES
À noter : hier soir, suis passé, en allant chez parents, au bistrot de Danielle, avenue de Choisy. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas apprécié que je parte au cinéma le soir où je suis venu avec Christian pour textes sketches. Me suis mis en colère. Parti « en claquant la porte ».
C’est un des rares retours de « mauvais caractère » depuis un an.
Quels autres ? Coup de gueule en voiture avec Stefan – rupture avec Anne – Frictions avec Colette – Lettre rageuse à Zyf. C’est quand même peu, sur un an !
Et là je ne regrette rien. Après tout, entre Danielle et moi, il n’y a plus rien. Et c’est de son fait ou alors elle ne me comprenait plus, ce qui est bien possible.
Quant à Christian (L.), il m’agace avec son tempérament lymphatique d’introverti aux mains propres et quant à sa bonne femme, elle me tape sur les nerfs (bonne femme chiante, agrippée à son mec et ne lâchant ni ses baskets ni celles des gens qui l’approchent).
Donc : coupé les ponts et sans regrets.
Affaire classée. Passons à la suite.
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Dans la préparation du film, à noter : la grande déception « de la cage d’escalier »…
Non seulement ces gros cons de copropriétaires bourgeois agrippés à la tranquillité de leur résidence-tombeau, mais celle, inattendue (et pourtant prévisible, si je savais sentir les gens) de la femme à G., refusant tout net de me parler au téléphone, mais hurlant assez fort sa parano petite bourgeoise pour que j’entende et cesse instantanément de m’obstiner à fléchir la connerie humaine…
En qui, au juste, peut-on avoir confiance ? Jusqu’où peut-on aller avec les êtres ? Que peut-on leur demander ? Océan de pessimisme. Que c’est dur d’être heureux ! Heureux de faire mon film, heureux avec ceux qui le feront, heureux qu’ils soient heureux. Pas possible. Verboten. No realistic…
Ce que j’écris là n’est autre qu’un glissement, une assimilation de l’équipe (que je suis censé avoir soigneusement choisie pour la réunir autour de moi) à des étrangers de passages qui n’ont rien à voir avec mon projet, assimilation arbitraire qui ne reflète rien d’autre que mon inquiétude.
L’autre soir au resto (samedi 23) avec M., sa nana et Colette, Jean M. me parlait d’une pièce qu’il avait mise en scène et dont il était le « baromètre ». S’il n’avait pas la pêche, personne ne l’avait et vice versa. C’est bien ça qui me manque : cette capacité d’insuffler mon énergie aux autres pour la bonne raison que mon énergie est souvent défaillante. Je ne sais pas être un chef, pas même un « bon chef »…
Garder mon calme, ma patience, ma clairvoyance. Me persuader (méthode Coué) que faire ce film est une joie. Seule possibilité qu’il en soit une pour les autres.
VÉCU – MUSIQUE
(23h55)
À la radio, à l’instant : « Cry me a river » – Joan Baez. Superbe…
27/12/1978
(1h35)
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »
Repéré ce midi une nouvelle cage d’escalier, celle de l’immeuble où bossent Annick et son mari. Passé un premier moment de désarroi, cause réadaptation, je finis par l’affectionner. J’y retournerai demain, avant le rendez-vous avec Robert et Christian, pour revoir mon découpage…
Nonobstant, ou peut être à cause des difficultés, j’ai un super moral. Je me sens prêt à aborder ce tournage avec décontraction, à être ce baromètre dont parlait Jean montagne, un baromètre au beau fixe
31/12/1978
VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE » – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE
(0h30)
Elles sont loin, ces lignes ! Seul ici, j’écris assis à la table anglaise que j’étais allé acheter au BHV. Mon moral n’est plus au beau fixe. Le baromètre est au plus bas. Pourquoi ? Bertrand m’a traité de « star » et Manuel B. a demandé qu’on mette sur son contrat que son nom serait en plus gros etc. De plus, hier soir, au restaurant avec Colette j’ai commencé à lui raconter ça, à lui dire que j’étais pas bien. Alors, elle dit « C’était pas le soir ( pour dire à M. d’aller écouter Michel ) ». Je lui récite un petit couplet adorateur : « Tu comprends tout, tu sens tout » et ajoute qu’elle n’a qu’a y aller seule, en lui disant que c’était un geste chouette d’inviter M., qu’elle ne doit pas se culpabiliser. Je veux lui prendre la main pour lui dire ça avec tendresse, mais elle me la… (suite sur carnet XXI)
(Fin carnet réelle mais je transcris ici la suite de la note, qui est située en réalité au début du carnet 21)
…refuse. Alors super flip. On sort du restaurant sans dire un mot. ( Au passage, avant de sortir, j’ironise un peu :
« C’était bien, on reviendra ! »
– « Tu es ridicule ! »
– « C’est drôle comme on devient facilement ridicule quand on souffre ! » )
« On ne restera pas longtemps » dit-elle, en voiture. Je fais « Mmmhmm », un borborygme. Elle éclate : « Qu’est ce que ça veut dire « Mmmhmm » ? Tu m’agaces. »
– « Je sais que je t’agace, en général »
– « Particulièrement ce soir. »
Je lui dis que ça ne peut pas gazer entre nous, qu’il vaut mieux se quitter. Si c’est pas parfait, je préfère casser. Elle me dira, quand je parlerai un peu plus tard d’absolu, qu’elle ne comprend pas, j’expliquerai l’idéal de perfection, un amour à sa hauteur, elle me dira qu’elle n’est pas parfaite. Je lui dis combien je pense qu’elle est quelqu’un de bien. ( J’entremêle les choses ) Je parlerai à un moment de chien couchant ( parce que je l’aime trop ), elle protestera vivement qu’elle n’en voudrait pas. Je lui dis : « Je t’aime trop. » Elle proteste : « Qu’est que ça veut dire ? Et moi, je ne t’aime pas ? » Je rectifie : « Je t’aime mal » Elle approuve. Stationnés place du Tertre, elle m’explique la main refusée : parce que j’ai admis la possibilité qu’elle aille seule chez Eugène. Je lui dis que : façon d’admettre sa liberté. Elle dévoile une contradiction : elle me dit « Je suis jalouse, je te l’ai déjà dit, tu ne comprends pas ? » Elle enchaîne : « C’est vrai qu’on est différent. Tu dis que je le dis tout le temps, mais c’est vrai. » Je lui explique la main que je voulais prendre : reconnaître avec tendresse qu’elle a eu le bon geste, le geste de la fille bien qu’elle est ( c’est là qu’elle me dit qu’elle n’est pas parfaite ! ) + jalousie de ma part à l’égard de M.. Évocation de leur copulation. Elle rit :
« C’est vrai qu’il me plaît mais pourquoi j’irai coucher avec lui ? »
– « Pourquoi t’empêcherais-je de faire quelque chose que je ferais éventuellement ? »
– « C’est vrai. On est différent. »
Bref : Un beau merdier. Boule à la gorge. Gâchis. « Sortons de ce merdier » dis-je. Bref passage chez Eugène, on rentre. Dans l’auto, on se tient la main, mais je doute toujours. On baise ! Elle jouit, je décroche, puis je reviens. Je me laisse aller : « Mon amour, mon amour, il suffisait d’attendre… » Je la baise longtemps. Super pied. Elle me souffle « J’ai envie de te faire mal ( et aussi, soyons honnête : « Mord-moi » ). Ce matin, elle part. Je traîne et décide ( après hésitations habituelles chez moi ) de dire que je ne vais pas au réveillon chez les Laurent. Dominique et Fanou prennent ça mal. Je l’appelle elle aussi, j’essaie de dire qu’ils ne comprennent pas, alors qu’habituellement on ne se force pas les uns les autres, elle dit qu’elle ne comprend pas non plus, elle ajoute « C’est ton problème » Je raccroche après : « Je t’embrasse très fort. » Je vais voir Gilles Kohler aux « 3 Obus ». En rentrant : message de Fanou voulant que je la rappelle et d’elle : « Explique- moi. Je ne comprends pas. » Commence à lui écrire une lettre pour expliquer. Je viens d’y renoncer. Je n’appellerai personne. Décidé de cesser de m’investir, de me cuirasser et de me faire vraiment à ma solitude. Ne rien attendre des autres. Si ça vient, tant mieux. Et là encore : stop à l’investissement.