Carnet 19

Carnet 19 – Du 6 juin 1978 au 3 octobre 1978

 

06/06/1978

 

VÉCU – FEMMES – CARNETS

 

Guylaine m’a appelé de Rouen. Inquiète enfant. Et pourtant : que de sagesse en elle, parfois !

 


Hier je pensais à un souvenir précis, que je n’ai pas noté sur carnet, en me disant que les choses les plus importantes, peut-être, ne sont pas notées… (Aujourd’hui, je ne parviens pas à me le rappeler, ce souvenir…)

Petit défilé d’images matinales :

Été 74 – Montpellier : au casque, j’écoutais Jim Croce, tandis que Danielle jouait aux cartes avec ses copains. « Photographs and memories » : amour finissant…

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Corps féminin qui réagit aux caresses et baisers : réaction locale (au lieu d’être un gémissement, un soupir, etc. venant de la gorge, il se produirait directement à l’endroit de la caresse).

 

07/06/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

(0h50)

 

Ce soir, en rentrant, j’ai trouvé un mot de Nanou : elle avait lu le carnet 18, le « carnet des vérités ».

Je me suis jeté sur le téléphone pour l’appeler chez elle. J’ai appelé toutes les 10 minutes pendant un certain temps. J’ai fini par la joindre de chez sa copine Laurence.

Je lui ai posé trois questions :

 – Est-ce que ça l’a fait souffrir ?

Oui, au début. Flip puis, le soir, ça allait bien.

 – Qu’est-ce qu’elle pensait de moi, après ?

L’image, l’image de moi. Carnet de la sincérité. Ni moche ni salaud.

 – Est-ce que ça allait changer quelque chose ?

Des réactions chez moi, chez elle, qu’elle comprend mieux. Qui changeront. Là, j’ai parlé de la liberté et d’une « nouvelle façon d’aimer ».

Elle : « Je t’aime et c’est pas prêt de changer. »

Son amour : une écrasante responsabilité pour moi. Je le lui ai dit. On a parlé de ma culpabilité. Je lui ai dit qu’on ne s’extirpait pas de tant d’années si facilement.

Elle m’a rappelé, laissé un message sur le répondeur : « Tout à l’heure, je ne pouvais pas te parler. Je voulais te dire que je pensais à toi. Je t’aime. »

 

VÉCU – CHOSES VUES

 

Tout à l’heure, vu dans la rue deux jeunes serrés l’un contre l’autre sur le siège d’une voiture d’infirme à moteur.

Curiosité. Eu envie de les suivre, en voiture, comme ça, pour voir. Pas pensé tout de suite, seulement maintenant : l’un des deux était-il vraiment infirme ou pas ?

 

VÉCU – FEMMES

 

J’ai noté – hier – l’appel de Guylaine mais je n’avais pas noté le passage chez elle, vendredi dernier (le 2) : parlé avec elle de Bertrand, avec qui elle n’avait pas voulu faire l’amour, des rapports homme-femme (« qui font de belles images »), mais où le sexe, l’avidité sexuelle de l’homme, la gêne, d’elle en général (le « jardin des miracles ») et puis caresses et baisers. Je suis parti à ma projection.

 

09/06/1978

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Mec qui n’efface pas les messages enregistrés sur la cassette de son répondeur téléphonique. Les cassettes s’ajoutent les unes aux autres. Ces cassettes : traces de sa vie pendant cette période (en extraire les messages d’une personne  leur relation)

 

12/06/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

1ère 

(Lundi)

J’écoute à la radio la « Fugue d’autrefois » par Catherine et Maxime. Bouffées de nostalgie, de chagrin qui m’envahit. Cette mélancolie du passé qu’exprime cette chanson. C’est vers Agnès qu’elle me porte, et vers moi aussi. Vers nous qui sommes prisonniers du temps qui passe, si vite, vertigineusement vite ! Ce temps qui nous met toujours au pied du mur : qu’auront été nos vies ? Aurons-nous réussi à être heureux, à être ensemble ?

Hier, il faut que j’en parle, sans être sûr de trouver les mots, ça été le drame absolu, le fond de l’abîme.

J’avais passé avec Agnès un week-end bien : samedi piscine après le jardin de Dominique elle. Dimanche : Beaubourg (les tuyaux) et Luxembourg. La fois d’avant, il y avait eu cette explication et Agnès, je le crois, avait admis, commencé à admettre certaines choses. Bref, c’était bien.

J’arrivais à Pierrefitte pour ramener Agnès, animé d’intentions pacifiques. Or, pour une histoire de disque que je voulais emprunter pour les recopier, ça été le drame. Elle s’est mise en travers de mon chemin, physiquement. J’ai voulu me faire un passage, physiquement. Coups. Chutes.

Agnès a assisté à tout en larmes, suffocant, hurlant : « Ne vous grondez pas ! Il te les rendra les disques, c’est vrai ». « Je vous en supplie… »

Lentement, lentement, les choses sont revenues au calme et aux larmes. De Jocelyne, d’Agnès (et de moi, refoulées, quand Agnès m’a montré son cadeau de Fête des Mères, affectueusement fait de ses mains).

Écrire, ainsi, réduire… Les mots ne rendront jamais ce qu’on peut ressentir, ce que j’ai ressenti.

Des injures (double sens. « Tu vois, Agnès, papa, il a plusieurs femmes… » – « Pourquoi il en a plusieurs ? »

Noter. Noter tout. Ne pas oublier. La suivre, la scruter. J’ai peur maintenant. L’enjeu m’épouvante. Je m’en veux d’avoir déclenché des forces irrépressibles peut-être, qui prendre de détruire cette enfant merveilleuse, de l’abîmer. Oh, j’espère que non. J’aimerais avoir dix ans de plus pour savoir, pour être sûr.

Comment rattraper ?

J’y pense. La gentillesse envers Jocelyne. C’est ça qu’elle attend, Agnès. Une fois tous les quinze jours, ça doit bien être possible… Je ne suis qu’une brute. Rattraper. Rattraper. Oh, pourvu que je puisse rattraper ça !

Depuis hier soir, je ne pense qu’à ça. Les larmes m’aveuglent.

 

14/06/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

(2h30. Cap d’Agde

)

En tournage, ici. Je veux noter la carte que j’ai envoyée à Agnès. Repartir. Tentative désespérée de rattraper les choses.

Y parviendrons-nous, Jocelyne et moi, ensemble enfin ?

Il le faut, pour elle, pour Agnès.

J’ai la terrible impression d’avoir gâché ce bien précieux : la confiance qu’elle avait en nous.

Un doute affreux m’est venu : et si, quand Jocelyne lui a lu ma carte, elle n’y croyait pas ?

Des pensées horribles, comme celle-ci, commencent à m’assiéger. Oh, pourvu qu’il ne soit pas trop tard !

 

14/06/1978

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Il faut, aussi, continuer à travailler. Une idée à noter : en reprenant une vieille idée (1970 ?) avec J. (!) Le type enfermé dans le cadre cinématographique. Ça se termine par une image fixe.

Ceci 4-5 fois, puis zoom arrière : on s’aperçoit que tout mes personnages sont enfermés dans les images d’un « roman-photo »…

 

14/06/1978

 

VÉCU

 

Chose écrite, toujours à écrire… Insuffisante, incomplète, insatisfaisante…

 

18/06/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

La Claverie

Appelé Jocelyne de la gare de Béziers. Demandé des nouvelles de sa main. Et d’Agnès.

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Je pense beaucoup à Nane, en ce moment :. Lui ai « écrit », tout à l’heure. Écouté « Île de Ré ». Envoyé paroles.

 

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – TRISTESSE

 

Tristesse, ce soir. Où trouver la force de ne pas être triste ?

Où sont-elles, mes réserve d’énergie, de vitalité ?

Pourquoi cette tristesse, ce soir ?

 


Quoi que je fasse, ce soir, même après m’être enfoui dans la lecture, même après avoir laissé passer du temps, j’ai la gorge qui se serre. C’est un de ces moments où je me vois engagé, malgré moi, dans une manière de vivre, d’être moi qui m’accable.

Pas content de moi. Ah me réconcilier avec moi-même.

Nane, j’envie ta simplicité, ta sincérité spontanée.

 


Je ne cesse pratiquement pas, depuis mon arrivée ici, à la Claverie, de penser à toi, Nane, d’essayer de voir où j’en suis par rapport à toi.

J’ai repris le carnet 18 pour relire notre histoire depuis son début.

Bien m’en a pris : une chose me saute à la gueule : cette impression que j’avais, au début, avec toi, de ne pas être moi-même, d’être paralysé.

Où en suis-je, par rapport à ça ?

Assurément, il y a encore de ça. Ou, en tout cas, ça existe quelque part, peut-être en train de finir (?)

Je me demande si notre relation ne s’est pas basée là-dessus (cf. notre accord « Je n’ai pas envie d’avoir mauvais caractère avec toi »). L’un modifiant l’autre. Je me demande si cette modification de moi par toi (et sûrement de toi par moi) n’est pas une chose précieuse, fragile aussi, de nos rapports, si l’aventure avec toi, pour moi, ça n’était pas de ne plus être tout à fait moi, d’être un peu un autre (d’où peut-être mon inquiétude sur l’image de moi après que tu as lu le carnet).

 

20/06/1978

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Paris.

Une image qui date d’hier soir, dans le train qui me ramenait d’Albi : une main tourne la poignée d’un robinet. De ce robinet jaillissent les bonshommes qui tombent dans le lavabo. La main ouvre encore la poignée et les bonshommes jaillissent plus drus, comme un jet plus fort.

 

22/06/1978

 

VÉCU – CINÉMA – TÉLÉVISION – FEMMES – ANNE

 

On est jeudi. Je suis rentré mardi matin. Déjà deux jours. La Claverie me paraît loin. Les naturistes et les boîtes de Cap d’Agde encore plus loin (j’y pensais en regardant les images sur la table de montage : tout le réel qui entoure un tournage, tout ce qu’on ressent à ce moment, tout ça ne passe pas dans les images. L’émotion cinématographique est spécifique. On peut rire sur un tournage, comme des bossus (les bossus rient beaucoup, c’est bien connu) et trouver les images sinistres. C’est une des causes majeures de la célèbre « déception des rushes ».

En deux jours : eu le temps de pas mal faire l’amour (petit repère pour hier soir, où, pourtant, j’aurais pu me croire démobilisé !)

Mardi soir : Montmartre avec Nane. Restaurant, terrasse, puis écouté Michel S.. Aimé ce lieu, cette magie de la musique de jazz. Ça n’existe plus guère, ça. Retrouvée un bref instant.

Le réel échappe à nos définitions, à mes schémas. Avec Anne, je passe mon temps à croire que c’est comme ci ou comme ça et notre relation suit une ligne qui échappe à ma tête. Mon corps, le sien, y jouent un rôle autonome (pas séparé) de nos têtes.

J’ai toujours, dans ma tête, peur d’en avoir marre et mon corps retrouve des plaisirs neufs, des émotions neuves.

Le corps ne s’écrit pas, il se touche.

 

24/06/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

Samedi.

22 h. Couché. Agnès, allongée sur le bide, dans son lit-banquette, fait des décalcomanies. Moments heureux. Paix. Douce lumière. Stevie sur cassette, en sourdine.

Choses à noter, de ces derniers jours :

– Jocelyne au téléphone. Apparences d’un accord, d’un acquis de la crise qui semble ainsi se révéler positive. Mais, ce matin, dans la voiture (l’amenais chez sa tante) larmes perlantes quand j’ai parlé des vacances avec Agnès. Fuite rapide à l’arrivée.

– Hier après-midi, chez Guylaine, couture. Mot-cadeau sur frigo.

– Aujourd’hui : resto avec Anne et Agnès.

 

26/06/1978

 

VÉCU – MON PÈRE

 

Lundi 1h05

 

Papa – Hôpital Brignoles – Chambre 125 – 16. 94. 69 20 17 – Médecine B

 

Je ne m’y attendais pas du tout et : message maman [ici : un « oubli » : « Papa hospitalisé » ! un lapsus + un oubli = beaucoup d’inconscient ici] pour « neurasthénie » et « dernière limite au moral et au physique ». Elle disait ça sur un ton… étrange, pas plus émue que ça. C’est vrai qu’elle a toujours été une femme forte.

Je pense à lui, à sa mort, bien sûr. J’espère me tromper (j’ai failli écrire : ne pas me tromper) (incroyable lapsus ! À tirer au clair. À étrangler en le tirant) Mais je crains de voir arriver, tout de suite, sans prévenir, cette nouvelle rencontre avec la mort.

 

28/06/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE 

 

(13 h)

 

J’écris dans le commissariat du 17e où j’attends pour un passeport et la carte d’identité d’Agnès (enfants en grappes, désœuvrés, qui s’énervent, sautent et se flanquent des coups de pieds).

Ce matin, Anne est partie, en silence.

Hier soir, après l’amour, elle m’a demandé : « À quoi tu penses ? » Je songeai : je devais avoir l’air songeur.

Je me retenais déjà de lui dire mon usure, les efforts que j’étais obligé de faire, pour ne pas lui faire de peine. « Essaye de me dire » a-t-elle dit.

On (?), j’en ai parlé. Elle s’est tout de suite enfouie sous les couvertures, les larmes et le silence. Puis, après un long moment de silence respectif, elle s’est levée, comme je commençais à m’endormir.

Ce matin, j’ai trouvé un mot, écrit à une heure du matin.

Je lui ai dit, avant qu’elle ne parle, ce matin : « On se voit trop » Mais se voir moins, pour « tenir », si cela me va, à moi, est-ce que ça peut lui aller, à elle ?

Et n’est-ce pas un masque ? Un masque à l’usure, à l’extinction des feux ?

J’ai été brutal avec elle.

 

29/06/1978 

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

(1 h du matin)

 

Je rentre de chez Dominique et Fanou, on a parlé de la randonnée. 16 messages répondeurs, ou plutôt 16 appels. J’écoute. Musique enregistrée : Fanon – Véronique Samson. C’est sûrement Anne. Même méthode que J.! ( Non. Ça n’était pas elle)  le 01/07/1978.

L’île de Ré a un goût amer… L’histoire d’un type qui promet à la femme qu’il aime de l’emmener dans un endroit qu’il aime. Je lui offre ça (le disque) au moment où, sûrement, je décide de ne plus l’emmener nulle part !

À un moment où ça se termine.

On s’est revus aujourd’hui. Avec Agnès, à la maison. Elle est passée. Je l’ai fuie. Je ne l’ai pas appelée. Je suis allé tout seul chez les L., alors qu’on devait y aller ensemble.

Mais quoi ? Me forcer ? Jouer la comédie ? Retomber dans les mêmes galères qu’avec Jocelyne ? Non. Que ça finisse me soulage. Je n’ai pas envie de l’appeler.

 


Je relis mes notes de mon dernier séjour à la Claverie. L’absence a magnifié Anne, ma relation avec elle. Flambée vite éteinte.

Me méfier des illusions dont je peux être victime, des situations qui me dominent et que je ne contrôle pas.

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

Avec Agnès, aujourd’hui, pour sa carte d’identité : bien. « Normal ». Sauf ses larmes lorsque, alors qu’elle me le demandait, je lui ai dit que je ne pouvais pas « rester ». Devant ses pleurs, je lui ai dit que je resterai un peu.

Sa joie lorsqu’elle a su qu’Armand, son instituteur, est venu à la maison pour la voir…

 


Choses à noter, sur Agnès :

– Appris par Jocelyne, au téléphone, qu’elle était allée voir Armand qui lui avait demandé si Agnès pleurait à la maison. Elle a répondu que non. Il lui a dit qu’elle pleurait à l’école, chaque fois qu’il s’en allait, le midi et le soir (très clair !)

– Dimanche soir, retour du week-end avec Agnès, resto chinois à Pierrefitte, à trois. À un moment, Jocelyne dissimule ses larmes sous une quinte de toux, prétextant un rhume. « Tu te forces ! » lui dit Agnès. Puis elle s’allonge, la tête sur mes genoux, disant à Jocelyne : « Je ne peux pas m’allonger sur toi, alors je m’allonge sur Papa, c’est pas grave… »

– En voiture, elle avait mal à la tête. « J’en ai marre de ce mal de tête. Quand je serai grande, j’aurai pas de voiture. Je prendrai le bus, comme ça, j’aurai pas mal à la tête… »

– Aujourd’hui, on rentre ensemble chez moi. Elle embrasse la porte en arrivant !

 

30/06/1978

 

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – ANGOISSE – FEMMES – ANNE

 

Chez Michel, là-haut. Fumé. Angoisse first puis bien (Sario + Dominique, son pote à l’armée). Ce matin : Anne au téléphone. Paroles définitives (reprendre ses affaires, mettre la clé dans la boîte à lettres, lui téléphoner de temps en temps pour donner des nouvelles).

 


Françoise M.

551 60 13

Rencontrée tout à l’heure. Hasard ! Quels rapports étranges entretiens-tu avec la Butte ?

 


Tout à l’heure, passant voiture rue du Faubourg-du-Temple avec Sario et Dominique, je pense à Guylaine devant chez qui on va passer… Je m’arrête, dans l’intention de lui mettre un mot. Or je sonne et elle est là ! On se voit en coup de vent. Baisers. Caresses. Promesse de rendez-vous pour demain.

 

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME

 

(12 h)

 

Je me réveille. Mal au crâne, style cuite (pourtant habituellement, « ça » ne me fait pas cet effet et je n’ai vu qu’un whisky).

À noter, durant la « séance » : restaurant, plat de viande servi devant moi, j’en mâche un morceau : impossible de l’avaler. Obligé de le recracher et je n’ai pas pu manger le reste. Établi à ce moment-là une relation entre cette impossibilité de manger et le régime amaigrissant.

Un lien quelque part. Lequel ? Stade oral à dépasser ? C’est la suite de l’analyse sauvage dont parlait Stefan, mais se méfier des conclusions hâtives.

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Idées de cette nuit ( courant conversation ) :

1/ Flash-back en direct : un mec accoudé à un bar, par exemple, parle à la caméra :

– J’étais avec 3 copains, on était venus bouffer des grillades à Belleville… 

Puis, dans le même plan, il va s’asseoir à la table des 3 mecs qui étaient dans le plan, au fond, en train de discuter…

( Rien d’original : cf « Drame de la jalousie ». )

2/ Gens assis sur marches Sacré-Cœur, face à Paris, la nuit.

Comme au spectacle, assis sur des gradins. on aurait dit qu’ils attendaient qu’un spectacle commence… lequel ? N’était-ce pas eux, le spectacle ?

 

01/07/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

Hier soir : restau avec la bande du CEPAV, dont Guylaine.

Avec elle. Passivité de sa part : explication à ce sujet (« test » qu’elle me faisait passer : allais-je rester son ami malgré son refus physique ?) Je passe et réussi le test (en flippant quelque peu) et sortie en catastrophe du McDonald’s pour un baiser dans la voiture. « Savoir attendre ». Puis je rentre à la maison, en passant à la librairie voir Anne. (Je la trouve mignonne). Nous passons ici et faisons l’amour.

Le « test » de Guylaine m’a fait réfléchir : ne plus voir quelqu’un volontairement, c’est un peu comme l’assassiner dans sa tête, c’est horrible. Ça m’a servi dans ma relation avec Anne. Mais nous nous verrons quand même moins. J’ai été clair là-dessus.

 


Guylaine avait eu l’idée des bonshommes-eau du robinet (ils étaient habillés en hommes-grenouilles).

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Je découvre avec stupéfaction que « bobine » en anglais, se dit « reel » ! ! !

Extraordinaire rencontre des sens et des langues.

 

VÉCU – CINÉMA – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME

 

À noter ici un extrait d’un article, dans le spécial photo du Nouvelle Obs N°3 (article de Jean Thibaudeau et Jean-François Chevrier) :

(Après réflexions sur le paysage-représentation des organes génitaux et, en fin de compte, du corps maternel) :

« D’où je peux comprendre que (…) cet ami fasse du cinéma : l’interdit est levé, il peut aller dans la nature du moment qu’entre les paysages et lui, il est à tout instant en mesure d’interposer un viseur. Du moment qu’il peut cadrer. »

(Attirance et effroi – « l’inquiétante étrangeté » de Freud).

 

02/07/978

 

VÉCU – CINÉMA – HASCHISCH – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME

 

Hier soir : « La femme libre » de Mazursky, avec Fanou. Paysage rues de New York : pensé voyage, changement de ma vision, sentiment d’exister en voyant autrement. Pensé à canaliser, utiliser la fumée pour ça (m’apparaît clairement aujourd’hui que ça se rattache à la page précédente : la fumée, pour moi : attirance et inquiétude).

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Écrit par Anne dans mon carnet :

 

« Notre joie s’accorde

Notre amour grandit

tu m’as offert deux disques

que j’adore

soirée de caresses

soirée d’amour

soirée de bien-être

voici ce que représente nous deux

maintenant

un seul mot 

je t’aime

 

Nanou

 

03/07/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME

 

Hier soir, après une après-midi où j’étais triste et tendu : « Last waltz » avec Nane, puis soirée au 140. Tendre. Douce. Bonne.

Mais alors que je lui dis « je m’endors », elle me vanne : « Comme d’habitude ! » Je pars dans un grand flip sur ses envies sexuelles et mon incapacité à les satisfaire. 

Elle me calme à grand-peine.

En faisant l’amour, ensuite, je me souviens avoir eu une image : « Jets décollant à Orly ».

J’y vois aujourd’hui un rapport avec le « décollage » de la fumée.

 

« Jets » (avions) = jets (sperme). mal à « décoller » (dans la fumée) = mal à éjaculer !

 

VÉCU – MUSIQUE

 

Je viens d’entendre chez Bouteiller, sur France Inter : Freddie Hubbard, accompagné à la harpe par ? jouant ? (Ce sera dur à retrouver, mais c’était beau) (me faisait penser à Miles).

 

ÉCRITURE – PROJET « APPARTEMENT-TÉMOIN» – « BIANCHETTI PÈRE ET FILS »

 

En voyant « Unmarried woman » pensé à Viviane, une femme libre, elle aussi, libre de ses impulsions (y compris celle d’utiliser l’argent de Sandro), libre de sa folie, qui vit intensément pendant que l’autre macho déconne derrière.

Il faut maintenant travailler à « Bianchetti » comme si Viviane était le personnage central. Il faut m’y intéresser pour la rendre intéressante.

Il faut qu’en la rencontrant, il soit étonné, fasciné, séduit par elle. Frappé par le fait qu’elle n’est pas une fille comme les autres.

Il y a quelque chose de l’ancienne Francine en Viviane : cf. ce que je notais : « Je préfère bosser, même pour pas grand-chose, plutôt que de me faire sauter pour le fric… ! »

Ça, c’est un truc qu’elle peut dire.

Inversement, elle, elle peut être carrément violente avec lui, en se refusant, par exemple, si elle n’a pas envie.

Quant à lui, il faut qu’il se raconte des trucs dans sa tête (il croit à l’argent dans sa relation avec elle).

Il faut démonter son machisme, montrer que sous « le dur », il y a un mou, dans certains cas, un tendre dans d’autres.

 

Qu’il soit « mou » le fait rester avec elle.

Qu’il soit tendre la fait rester avec lui.

 

Ce film est bien, comme je le notais, l’histoire d’un faux problème, la découverte de cette fausseté entraînant la découverte de la vérité d’un autre (l’exploitation – la solidarité).

Je pense d’ailleurs qu’elle doit effectuer cette découverte elle aussi (d’où ses rapports avec la famille : incompréhension, rejet. C’est une individualiste. Elle aussi doit faire son chemin vers la solidarité.

 

ÉCRITURE – PROJET « APPARTEMENT-TÉMOIN» – « BIANCHETTI PÈRE ET FILS »

 

Sandro : « Cette musique a percé mes jeunes années… »  (2014 : from Internet : pas fait)

 

ÉCRITURE – PROJET « APPARTEMENT-TÉMOIN» – « BIANCHETTI PÈRE ET FILS »

 

Dans une scène du chantier, où elle est avec lui (engueulade ou siège. Non pas l’engueulade), elle a tellement peur qu’elle s’accroupit et pisse.

 


Scènes de travail parallèle : alterner avec chantier, Viviane au boulot, au standard : un mec appelle de l’extérieur. Elle le prend. Il gueule parce qu’il appelle depuis longtemps et que c’est toujours occupé. Elle : « C’est pas de ma faute s’il y a beaucoup de gens qui appellent ! » Ou bien il appelle de l’intérieur et dit qu’il a demandé un numéro et qu’elle ne le lui fait pas. « C’est pas de ma faute si je n’ai pas de ligne libre. De toute façon, j’en ai d’autres à faire avant vous. Vous n’avez qu’à attendre… » (il y a là une copine à elle qui assiste à tout ça. Pour parler avec elle, elle décroche alors que ça sonne) « Ne quittez pas… » « Qui demandez-vous ? Son poste est occupé… » Elle le branche sur la musique « Toi, mon vieux, t’y coupes pas : t’as droit à la musique pendant un bon bout de temps… » et elle cause…

Quelques considérations sur son boulot.

 

05/07/1978 

 

(1h du matin)

 

Je veux reparler ici de l’après-midi du 2 (dimanche) avec Nane :

Un souvenir, une image : à la pointe ouest de l’île Saint-Louis, elle assise sur le bord du quai, moi assis sur le banc, la regardant.

(Elle plus près du courant de la vie que moi ?)

 

Aujourd’hui on a bouffé ensemble au restaurant et, au détour de la conversation, comme ça, crac, elle me parle de Roger, de sa vie avec lui, de ses colères, de la baffe qu’il lui a foutue un jour (et qu’elle a rendue en double), de ses hésitations entre elle et Catherine. Je lui dis que je trouve cette conversation importante. « J’adore parler avec toi ! » me dit-elle. On se dit que, dans notre relation, on ne veut plus de ces conflits, que ça entre en ligne de compte, que ça crée la relation telle qu’elle est. « J’étais colère toute la matinée, avec toi je ne suis pas colère » m’avait-elle dit. « J’ai tellement mal vécu ça que quand ça va mal entre nous, tu as vu : j’ai une réaction très forte… » (de flip).

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

Il faut parler aussi de la triste soirée d’aujourd’hui où je suis allée (je viens de mettre un « e » à allé, comme si j’étais la mère d’Agnès, peut-être parce que je considère qu’elle n’a pas, plus vraiment de mère, car Jocelyne a été dégueulasse) : allé chercher Agnès pour l’emmener demain chez ma mère.

Hostilité de Jocelyne. Mauvaise foi (sur les vacances, sur mes parents). « Tu vois que tu as pas fait la paix… » lui a dit Agnès. Je lui ai tendu la perche au moment de partir : « Faisons la paix ! »

Agnès : « Faites la paix. »

– « Oui. »

J’ajoute : « Vraiment ! »

– Jocelyne : « Non. C’est pas possible. »

Et Agnès, encaissant tout ça…

Jocelyne m’a appelé, une fois qu’on était rentrés ici. Elle voulait s’excuser. Je lui ai parlé d’Agnès. « Il n’y a pas qu’Agnès… » « Tu veux m’atteindre, en la sacrifiant, lui ai-je dit, parce que tu sais que c’est le défaut de ma cuirasse. Tu m’as déjà fait revenir comme ça une fois, mais, cette fois-ci, je ne reviendrai pas, alors tu joues gros… »

 

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – HASCHISCH

 

Je repense, en relisant mes notes du 2 sur la fumette, au chemin parcouru depuis 70, depuis l’époque où il n’y avait chez moi par rapport à la drogue que répulsion et effroi. Il y a toujours aujourd’hui inquiétude, mais c’est vrai qu’il y a aussi attirance, joie à l’idée d’avoir fait un pas, d’avoir fait du chemin…

 

05/07/1978 

 

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

 

Découvert ce soir, par hasard, chez Jocelyne une lettre « à Charly » visiblement un Guadeloupéen.

 

05/07/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

Tout à l’heure Agnès me demande : « Tu sais tout ? » Je lui dis que non, qu’il y a beaucoup de choses que je ne sais pas. « Dis-moi 2 choses que tu ne sais pas ! » « Je ne sais pas réparer une voiture cassée, ni une télévision. » « Non, pas ça, est-ce que tu sais faire du papier ? » Je lui explique que ça ne se fait pas avec ses mains, qu’il faut une machine, ce qu’elle comprend très bien.

 

Dans le bain, elle jouait au « pétrolier ». Je lui demande si elle sait ce que c’est. « C’est un monsieur qui prend le pétrole et le met dans les usines… » « J’ai trouvé ça toute seule, on me l’a pas dit, j’ai pensé dans ma tête que ça devait être comme ça… »

 

07/07/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

Agnès, au Luc, chantonnant dans la voiture : « Quand la mer était solide… » (mer = mère ? Solide = forte ? Quel sens ?)

Elle est de plus en plus adorable. Me fait des bises spontanées, on rit ensemble, on se fait des câlins. Mais elle a néanmoins bien accepté mon départ du Luc.

 


Agnès, à Tata Adèle, qui  parlait  « Je ne t’ai pas  suivie.. »

 

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION

 

À Brignoles vu Dominique et Jean-Claude.

Dîné le soir, hier, chez Mona et Jean-Pierre (psychologue scolaire).

Noté une image que j’ai sortie à Dominique (que j’avais « oubliée » et cherchée pendant un moment) ! Comme Dominique disait qu’il ne se faisait pas à l’idée qu’il était maigre : « Tu me fais penser à ces amputés d’un bras qui ont un doigt qui continue à les gratter… »

Mon maigrissement = castration ?

Je ne comprends absolument pas.

 Je comprends (! !) soudain : rapport maigrissement-masturbation

Maigrissement = volonté de séduire, d’avoir un rapport sexuel, de dépasser la masturbation. Mais « le doit continuer à gratter » : la masturbation est toujours nécessaire (bien que la balance m’ait appris que je ne pesais plus que 75 kg).

 

IDÉE – MOT – ÉCRITURE

 

Pensé, à partir des 2 conversations chez 2 psychologues scolaires : Jean-Pierre et Josiane, à écrire ces dialogues subtils, d’analyse, de dissection, d’un au niveau moral et intellectuel

(reconstituer ça pour le dominer ?)

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Jean-Claude a raconté Sibylle : Jean-Pierre dit des choses intéressantes sur le réel « daté » dès que filmé, donc peut-être : nécessité pour le cinéaste d’ajouter toujours un plan… (lui réécrire pour demander supplément d’explication ?)

 

08/07/978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE 

 

Écrit par elle dans mon carnet :

 

Sans lire le reste, je mets un mot dans ton carnet

 

Allongé. Là

derrière le soleil éclaire

le rideau

dors – , la fatigue glisse

le long de tes paupières

Je te regarde un instant

que tu es beau

dans ce lit de lumière

Je me glisserai bien me 

mettre au chaud

tout près de toi

 

Nanou

 

10/07/1978

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

70 projets

4 ou 5 films subventionnés + projets en sursis

4 à 5 semaines pour la convention CNC-Production

 

7 oui

1 vote négatif 

 Sibylle

 

VÉCU – FEMMES – ANNE 

 

Anne

Poste restante

82 – Casals par Saint-Antonin Nobleval

 

11/07/1978

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Hier, la subvention !

Joie, bien sûr. Mais aussi tristesse, déprime.

 


Et tout de suite : les problèmes de fric !

 

12/07/1978

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE » – PEINTURE

 

Hier j’ai dessiné pour Robert D. le plan 66 de Sibylle, le plan large avec « réflexion » sur l’écran. En regardant le dessin, que j’ai punaisé sur la bibliothèque, j’ai pensé aux « Ménines » de Vélasquez.

Quelle audace dans ce tableau, quel courage et quel génie !

 

Hier soir : anniversaire de Fanou. Nous étions réunis rue Gorki : les 2 L., les 3 H., Bertrand et moi.

Discuté avec Dominique du problème que me pose Sido, puis raccompagné Bertrand rue de Cléry.

Parlé du film. Lui ai expliqué la logique interne du film, sa structure, le sens symbolique de chaque pièce de l’ensemble.

En tenir compte au niveau de chaque détail.

 

13/07/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

(4 h du matin)

 

Je rentre d’une fête chez Monique B. (anniversaire). Déprime parce que : désir de séduction toujours insatisfait. Foirage (je m’aperçois que je rejoue inlassablement le même numéro de pousse-au-foirage).

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Hier après-midi, au resto fast-food, avenue des Ternes : avec Robert, Stefan et Bertrand.

« Vidé le sac » avec Robert. Exprimé clairement mon désir qu’il se mette à mon diapason, que la communication s’établisse entre nous, qu’il ne soit pas « l’homme d’images » à part et en dehors.

 

14/07/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

(2 h du matin)

 

Écrit par Anne dans mon carnet :

 

Passe la lumière

dans tes cheveux

randonnées et nature

chemins et campagne

est notre joie

ce soir calme règne

bonsoir

 

Fumé tout à l’heure. J’avais décidé de ne pas être angoissé. Je ne l’ai pas été (ou juste un peu tendu, par moments).

Je disais à Anne « si le H ne me procure que de l’angoisse ou rien du tout, ça ne vaut pas le coup que je fume… »

Je suis sûr que Jojo (mon inconscient) est pour quelque chose dans cette alternative étroite et répétée. C’est louche.

 

Noté tout à l’heure : Laurence évoquait la réaction de rejet de musiciens indiens devant ses chats. J’ai demandé la raison de cette réaction. Elle m’a répondu n’avoir pas demandé pourquoi…

J’ai dit « Je n’aime pas les mystères… »

Puis je réfléchis que, dans mes films, il y avait toujours le mystère, que je pratiquais couramment le mystère dans mes « créations ».

Or c’est un mystère qui crée l’angoisse chez le spectateur.

Est-ce parce que le mystère m’angoisse dans ma vie que je rejette dans mes films, cette angoisse sur le spectateur ?

Nota :

Mystère = mort (?)

Moi = jamais « spectateur » de mes films (en « faisant » l’angoisse, je la dépasse. « Envers » de la relation angoisse-spectateur).

Jeu = « jouer » l’angoisse, comme l’enfant joue ce qui l’effraie.

 

15/07/1978

 

VÉCU – CINÉMA – SHOAH – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – ANGOISSE

 

Samedi après-midi. Soleil d’été (ça aura été rare » !)

Allongé, écoutant Stevie (eu envie de réécouter « Songs in the key of life », les chansons que j’aime bien : « Es une istoria » – « Knocks me off my feet » – Summer soft).

Suis allé tout à l’heure voir, tout seul « Le jardin des Finzi Contini » Que le film soit bon ou pas, peu importe, c’est ce qu’il évoque qui m’a fait monter les larmes aux yeux, à la fin, surtout avec ce déchirant chant juif des camps, qu’il m’est impossible, qu’il m’a toujours été impossible d’écouter sans frissonner, sans avoir le cœur serré. Pensé à me procurer cette musique, mais je ne pourrai pas l’écouter à n’importe quel moment…

Je suis sorti presque en courant, pour me retrouver seul, noyé dans la foule, réprimant mes larmes.

Mais c’est passé, ça passe toujours… Je me suis acheté une chemise !

Pauvres riens que nous sommes…

Nous ne pouvons pas vivre avec la souffrance…

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Écrit par Anne dans mon carnet :

 

La joie monte intense

toi et moi nous somme très bien

passons un bon moment ensemble.

Là serres

hors du temps hors de tout

moments silencieux, moments doux

et extraordinaires hier au soir

moment simple où nous étions bien – 

et ce soir ou demain

nous serons encore bien

ensemble je t’aime

Nanou

 

19/07/1978 

 

VÉCU – AGNÈS 

 

19h58 départ

6h26 Paris

 

Trace de la panne de bagnole survenue en remontant du Luc sur Paris avec Agnès et la tante Adèle : remue-ménage. « Réquisition » de Jean-Pierre B. et Mona. Retour en train de nuit. Angoisse et joie mêlées. M’accepter, accepter ma façon de vivre, mon choix. Je ne le dépasserai pas en le refusant, en me culpabilisant.

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Samedi dernier, soir chez parents de Nane pour voir à la télé une émission sur la musique. Horloge arrêtée dont je fais osciller le balancier. Nanou remonte le mécanisme, « remonte le temps » (« J’ai horreur de l’horloge arrêtée »… (on venait juste avant de feuilleter des photos d’enfance. Larmes communes.)

 


Écrit par Anne dans mon carnet :

 

Le départ de Laurence, le tien, celui de Gnouche, tout ça en deux jours ! Le ras-le-bol me prend depuis un certain temps – Envie de partir loin, loin – L’angoisse me prend déjà tout à l’heure, en parlant de départ. Déjà depuis trois jours je m’étais plus ou moins « habituée » – plus ou moins – à ton absence – La tendresse de tout à l’heure me fait dire que je n’ai plus envie que tu partes – Plus envie d’être seule. Il va falloir plus de temps pour me réhabituer de ton départ. L’angoisse de 15 jours surtout parce que je serai à Paris vraiment seule sans toi ni autre copain ni Laurence, ma copine, avec que des merdes de l’ANPE par exemple. Gnouche tableau extra tout à l’heure. L’angoisse tout à l’heure. Si proche. Je voudrais bien reculer ce moment – parce que seule et à Paris – Je t’embrasse et attendrai avec impatience tes mots, tes descriptions de là-bas, de tes nouvelles. Je t’aime et penserai beaucoup à toi – Coucou ! Nane.

 

22/07/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Je viens de relire les lignes écrites par toi, Nane…

Mes mots, mes descriptions… ! Quels mots, quelles descriptions ?

Ici, dans ce système de vacances organisées, c’est la solitude au milieu de la foule.

Fausse chaleur, fausse sympathie des prospectus, fausse « gentillesse ». (Écrit la suite à Nane sur feuilles de ce carnet arrachées et envoyées).

 

VÉCU – LITTÉRATURE – CITATION

 

Lecture au Club Méditerranée (bibliothèque locale) (à Korba – Tunisie) :

Dans l’Anthologie de l’humour noir (Breton, dans le Livre de Poche)

 

Aphorisme de Lichtenberg :

Page 63 : Il raconte un rêve ou un jeune homme mange au milieu de joueurs de dés et jette en l’air une cuillerée sur deux en la recevant à nouveau dans sa cuillère.

« Ce qui fait pour moi la singularité de ce rêve, c’est que je m’y faisais ma remarque « habituelle » : que de pareilles choses ne peuvent être inventées, il faut les voir (je veux dire que jamais un romancier n’aurait eu une pareille idée) ; et pourtant, je venais d’inventer cela à l’instant même. » (*)

Il cite aussi un autre passage de ce rêve où il apprend d’une joueuse de dés qu’à ce jeu on ne peut rien gagner ni perdre (il l’écrit mieux, bien sûr).

C’est Lichtenberg qui parle d’un « couteau sans lame auquel manque le manche… » ! !

 


La peinture de Magritte me paraît être typiquement la matérialisation de ce genre d’» images »…

 

 (*: Moi : « La vie est le plus grand des scénaristes… » Sa remarque « habituelle » est la mienne.

 

23/07/1978 

 

VÉCU – AGNÈS 

 

Agnès, tout à l’heure, chantonnant :

« Mélancolie, au bord de la rivière, mélancolie… »

Et tout de suite après, elle me demande ce que ça veut dire mélancolie ?

 

24/07/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Je sais maintenant le pourquoi du plaisir comme neuf que je ressentais au contact physique avec Anne, les premiers temps : tout simplement la privation…

« My kingdom for a horse… »

« My heart for a woman… »

 

25/07/1978

 

VÉCU – ENFANCE – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – CHAGRIN

 

Je suis à Saint-Germain. Assis dans la voiture de location, garée devant le cinéma où j’étais venu voir « Samson et Dalila » avec René.

J’attends plus ou moins que le magasin de photos d’en face rouvre pour acheter de la pellicule pour continuer à photographier. Mais vais-je le faire ? Je ne sais pas si j’en ai vraiment encore envie. J’ai très chaud. Je transpire à grosses gouttes. J’ai beaucoup fumé.

On dirait que je tourne autour du pot, en notant des détails physiques, matériels, présents, pour éviter d’en venir au centre : ce passé.

Des dizaines de fois, je me suis dit, depuis quelques heures : « Regarde ! Il te suffit de regarder, tu es sur les lieux-même où ça s’est passé. Je n’ai qu’à relever la tête de dessus cette page :j’ai devant moi l’avenue qui mène à la maison, après avoir traversé le passage à niveau. L’avenue et ses palmiers. C’était Nini ou moi qui en avais dessiné un sur un cahier d’écolier ?

Revu l’école. Le préau du prestidigitateur n’existe plus. Le bâtiment se poursuit, à la place. Bien revu pourtant l’espèce de préau d’attente. Cour pas bougée. Revu les classes. Autres bancs. Ombre.

La cour du fond, un bâtiment inconnu sur le côté. La maison aux eucalyptus : insaisissable. Le terrain vague près de l’école : bâti. Gare : pareille mais pas reconnue sauf la structure (chose que je sais n’avoir pas bougé sans les avoir reconnues). Maison des Gusmano : reconnu. Retrouvé la structure (beaucoup fait jouer les structures, les plans, les masses, jamais ou très peu les matières (sauf pour le bassin).

Rond-point de l’église : retrouvé. Mais plus d’église (bien sûr. Fait partie de la dimension politique de ce voyage).

(Le magasin de photos ouvre)

(J’arrête. Je photographie. À tout à l’heure, petit).

 


 (Petit, me revoilà. Pas de diapos au magasin de phot. (salut, Jean-Marc : « Elle habite un chat… » !)

 

Farouche, mon langage solitaire. Seuls quelques murs… (la famille. Cœur déchiré, en morceaux, pour la famille. Papa, Maman, vieux, malade, près d’elle (la mort, salope).

Nini, lui, déjà avalé. Il a vécu là, je me disais : la maison des Gusmano : il a été le « prétendant » dans cette maison (Plus de jardin sur la droite. Bâti.)

 

(Soleil sur cette page, parce que changé de place, j’attends à l’autre magasin de photos).

Des gens assis qui traînent. Ça traînait tant que ça à l’époque ? Demander ça aux anciens.

Que je les aime mieux maintenant, ces anciens ! (Mes amours à effet boomerang, les merdes que c’est !)

L’école : revu classe cours d’arabe. Tableau à la même place. Classe du porte-plume qui écrit seul : le tableau ?

Alors : la maison. C’est là que j’ai le plus pleuré (avec l’école maternelle d’Hammam-Lif).

Reconnue à 100 %. Choc. Coup au bide. Tout ce qui s’ensuit (ah, je finasse avec le langage, je joue, je m’abrite. Le passé est déjà dépassé).

Pompe à essence à 10 m de moi. Y était-elle ? Bof !

La maison donc. Je me souviendrai du vieil homme, de la jeune fille, des deux enfants.

Reconnu : les bordures d’allées, la structure des allées, le bassin, les fenêtres, le garage, la vigne, le poirier.

La barrière (mur en place du grillage sur maison Vito).

Le champ : miraculeusement, il existe encore, mais plus d’herbe (+ maison juste en bordure rue du Docteur Calmette).

Plus de roseaux. Plus d’orangers (ils sont morts).

Ils ont ouvert une porte sur le garage.

Dérisoire, mon constat d’huissier. Dérisoire. La peine. Le chagrin. Le désespoir.

Tout ça qui vous serre, vous triture. Je me dis ça : pleure, pleure, soulage toi. Est-ce que c’est agréable de pleurer ? Est-ce que ça arrange quelque chose ? (C’est une vraie question).

 

(J’arrête, petit, j’arrête, je te trahis. Je m’éloigne de toi. Je reviendrai).

 

25/07/1978

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Métier…

Un gag : poubelle sur poteau. X met un détritus. Poubelle sans fond : le détritus tombe. X ramasse le détritus, décroche la poubelle, la pose par terre et jette le détritus dedans.

(Fin parenthèse métier. Je suis aujourd’hui).

 

Commentaire du 21 juin 2015 

 

J’écrivais cela en Tunisie, où j’étais en vacances avec Agnès, en plein retour sur mon enfance. « Métier » indiquait une parenthèse dans ce retour pour une idée se rattachant à mon métier. 

 

   Commentaire écrit à 68 ans

 

26/07/1978

 

VÉCU-FEMMES-ANNE

 

Longue lettre à Anne. Je raconte.

 

LITTÉRATURE – CITATION

 

Corbière, à la fin, à sa mère : « Je suis à Dubois dont on fait les cercueils… »

 

29/07/1978

 

Ici (Korba), les jours traînent à n’en plus finir. Monotonie. Toujours même absence de contacts vrais, de chaleur. Comme le disait Stéphane, un moniteur-tailleur de pierre (!) du mini-Club (qui me disait que depuis le début il n’avait pas parlé une fois) : « La finalité de notre société des loisirs, c’est ici… »

 

ÉCRITURE

 

Suite de vers-devinette :

Exemple :

Le froid la rend petite… 

(C’est la bitte)

Il rougit sous l’affront… 

(C’est le front)

 

ÉCRITURE

 

Quelqu’un assis. Il sent tout à coup un souffle chaud qui vient le frapper, émanant d’un point qu’il ne voit pas. Il se retourne vivement dans cette direction : une personne vient de s’asseoir près de lui. C’est le Diable. 

 

VÉCU – FEMMES

 

Guylaine m’a écrit et m’a demandé de lui rapporter de Tunisie une « tunique brodée » (suite au 23/06)

 

29/07/1978

 

ÉCRITURE

 

Suite du poème-devinette :

L’âge aura raison d’elle…

(La cervelle)

Il faut bien les laver… 

(Les deux pieds)

Aucun d’eux n’est pareil… 

(Les orteils)

 

Commentaire du 16 septembre 2019 :

 

J’ai poursuivi et terminé ce poème en… 2019 !

 

   Commentaire écrit à 72 ans

 

Anatomie

 

L’emplir est notre quête

notre tête

 

L’âge aura raison d’elle

la cervelle

 

On les frise si l’on veut

les cheveux

 

Ridé par le mouron

c’est le front

 

Chacun les a pareilles

les oreilles

 

La vie entre par eux

les deux yeux

 

Roses, leur charme est fou

les deux joues

 

Gênant s’il est bouché

notre nez

 

Trop longues, elles font bravache

les moustaches

 

De notre âme elle accouche

notre bouche

 

Une écharpe on y noue

c’est le cou

 

Il bat jusqu’à ce qu’on meure

notre cœur

 

D’air nous les remplissons

les poumons

 

Ce qu’ils produisent est sain

les deux seins

 

mais ne l’est plus s’ils sont

des nichons !

 

Il stocke un vrai magma 

l’estomac

 

Il aime la Badoit

notre foie

 

Elle déteste la hâte

notre rate

 

Du sang ils sont frangins 

les deux reins

 

Ça en fait, du boudin 

l’intestin

 

Le temps l’affaiblira

notre bras

 

C’est sur eux qu’on s’accoude

nos deux coudes

 

Ce sont de bons larbins

nos deux mains

 

Ils sont vraiment adroits

nos dix doigts

 

Fine, quel charmant détail

c’est la taille

 

Larges, elles sont un dimanche

Les deux hanches

 

Le froid la rend petite 

c’est la bitte

 

Ils sont sous le piston

les roustons

 

Il vaut mille rubis

Le pubis

 

Elles font bondir l’ingambe

les deux jambes

 

Barrière des délices

les deux cuisses

 

Le ciel on amadoue  

à genoux

 

S’ils sont trop gros, c’est laid

les mollets

 

Il faut bien les laver 

les deux pieds

 

Aucun d’eux n’est pareil

les orteils

 

ÉCRITURE – PROJET – TÉLÉVISION – LECTURE

 

Notes pour « Lectures d’enfance »

 

Lecture : « Les cartes du temps » de José Cabanis : Livre de poche. Page 23 :

« Dans le salon, c’est moi que je retrouve, étendu sur le canapé où j’ai lu tant de livres pendant les après-midi de vacances. Ce canapé restera pour moi celui de « Guerre et Paix » : on se souvient de la date et du lieu d’une lecture quand elle a été une grande joie… »

 

01/08/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

Fait hier, par l’intermédiaire d’Agnès, la connaissance de Maja et son fils Mathias…

 

CINÉMA – COURT-MÉTRAGE « SIBYLLE » – RÉFLEXION – MORT

 

Trouvé dans Pierre Boulle (« Le photographe ») une confirmation qu’il existe un rapport entre l’image et l’éternité (via la mort).

 

04/08/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Écrit par Anne dans mon carnet :

 

Joie de te retrouver

15 jours d’emmerdes

maintenant le bien-être

moments de tendresse

moments d’amour ton écharpe magnifique

luit la lune Fontainebleau

que de souvenirs

moments éblouissants

que nous avons passés ensemble – et que nous passerons

 – encore – 

Maintenant les randonnées

moments meilleurs

moment tant attendu

heureuse,

et toi qu’en penses-tu ?

 

VÉCU – FEMMES

 

Maja le jour sur la plage, Maja la nuit, regrettée. Jasmin sur sa porte. Baiser sur mes lèvres, billet glissé.

Une expérience de femme et, parfois, l’ingénuité, la sincérité d’une adolescente.

Beaucoup repensé à elle.

Pourquoi n’avons-nous pas fait l’amour, le dernier soir ?

Impossibilité pratique ?

Volonté de repousser la chose, pour m’enchaîner ? Non-envie ?

Je n’ai pas demandé. Temps de silence et j’ai accepté. Accepté la nuit et la séparation.

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Écrit par Anne dans mon carnet :

 

L’angoisse me prend d’un coup pas savoir pourquoi Pourquoi ? L’ennui. Agnès ne supporte plus. Voudrais être au calme et je vais m’y mettre – Pourquoi ce cafard ? – Maintenant peut-être je crois savoir

 

05/08/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Elle a su parce qu’elle a lu ce qui précédait (on en a reparlé ce midi au McDonald, après avoir parlé de « La femme libre »).

Je repense beaucoup à Maja. Pourtant, entre Anne et moi, il y a des moments…

 


Aimer. L’amour, chose étrange… L’instant et la durée. Deux façons d’aimer ? Ou bien un amour vrai et une illusion, chez moi ? Ai-je jamais su aimer, vraiment ?

Amour et liberté sont-ils inconciliables ?

 

05/08/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

11 h. Je suis furieux. Attendu Jocelyne jusqu’à 10h30. À cette heure-là : coup de fil de Pierrefitte, crevée, elle veut récupérer Agnès seulement demain !

À sa place, même crevé, après un mois de séparation, j’aurais foncé pour la retrouver… ! Je me demande si elle l’aime vraiment. Une chose pareille témoigne que non. C’est bien pour Agnès que tout ça me rend triste et rempli d’une rage impuissante. Car que faire devant cette voix sèche, cassante, méprisante, cette morgue ? Je la hais carrément et je me demande comment j’ai pu vivre onze ans de ma vie avec cette conne ?

 

13/08/1978

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Pas mal de choses depuis ça…

J’écris assis sur un banc, soleil en face, de la gare de Sainte-Cécile d’Andorge (!) Quelque part dans le coin, Anne L., une jeune fille de 21 ans, attend, comme moi, le train qui va nous ramener à Paris et à notre point de départ, amour et randonnée terminés.

On en est venus, en quelques heures, au point où l’on se déteste, où l’on ne se parle plus. Et pourtant on est encore forcé de se supporter jusqu’à demain matin, Gare de Lyon. Je ne voulais pas de ces vacances avec elle. Uniquement pour lui faire plaisir, j’avais accepté l’idée de l’emmener en randonnée avec les autres, puis de renoncer à cette éventuelle balade en bateau (qui d’ailleurs ne se fera pas). Ça n’a pas raté : elle ne s’est pas du tout intégrée au groupe qui, il faut bien le dire, ne l’a pas intégrée non plus.

Puis nous les avons, elle et moi, quittés, au col de Jalcreste pour aller toujours à pied éventuellement jusqu’à l’Aigoual, mais, au moins, jusqu’à Barre des Cévennes.

C’est ce matin, juste avant d’y arriver (car nous avions renoncé à l’Aigoual, la dynamique du groupe, pourtant non-homogène, nous manquant) que ça a éclaté.

J’avais déjà pris la décision de la larguer après les vacances, voulant qu’elle ait quand même des vacances chouettes, pour lui faire plaisir, toujours.

Et puis, non, ça n’a pas été possible. J’en étais déjà venu à ne plus pouvoir la supporter, à m’irriter intérieurement de ses gestes, de sa voix, de son corps, de pratiquement tout d’elle…

Ainsi finit cette relation. Mal, très mal. Comme un bateau qui sombre, lamentablement, sans même que ceux qui l’ont mené se soucient l’un de l’autre, chacun dans son coin, se préoccupant déjà de surnager dans le désastre. En fait, je me serai aperçu que je ne l’ai jamais vraiment aimée…

J’aurai fonctionné sur l’illusion pendant tous ces mois. Illusion d’aimer. Et j’ai bien eu raison de remarquer que c’est le corps, le corps seul, parce que soumis à la privation, qui me faisait trouver forts les moments du début.

Quelle étrange situation que celle où je suis maintenant : attente au bistrot et, taxi, car, train, tout ça à deux, alors que, virtuellement, nous ne nous sommes plus ensemble !

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que c’était une séquence…

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

À noter, de ces derniers jours :

– Repensé (et reparlé avec Dominique et Michel) à mon idée de court-métrage sur le photographe et le berger.

(Il faudra régler un problème : un troupeau transhumant (car, cette fois-ci, j’ai situé ça dans le cadre de la transhumance) peut-il passer dans une ville suffisamment touristique pour qu’il y ait un photographe-tireur de portrait ? Ou alors, j’en reviens l’idée du berger descendant du Causse à Florac (pour une brebis malade ?)

Ça reste à régler. Il faudra voir qui peut répondre à ça.

– Vu, au détour du chemin, des apiculteurs allant visiter des ruches. Apparition fantastique : tels des astronautes, dans leurs combinaisons claires, avec leur machine à fumée à la main, fumant déjà légèrement et leur sac de foin (pour la fumée) sur l’épaule.

 

VÉCU

 

J’ai décidé, en arrivant à Paris, d’acheter un Solex…

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Jusqu’à ses mots sur ce carnet que je relis et qui m’horripilent… Cette manière d’écrire d’analphabète ignare et débile. Une vraie rage. Je n’aurais pas dû la laisser écrire sur ce carnet…

 


Parlé tout à l’heure (j’écris dans le train) pour qu’on ne se quitte pas d’une façon trop moche. Mais le dialogue s’est vite rompu. Chacun dans sa couchette. Silence.

 


À noter, dans cette situation : tout à l’heure, salle d’attente de la gare. Elle au bout du banc, prostrée, et à côté : affiche : fille accueillante dans un train « Prenons le train » ou quelque chose comme ça

 

VÉCU – ÉCRITURE – ANGOISSE – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME

 

(Capparouac)

 

Et de nouveau la nuit est pleine de tout un tas de trucs, et tout ça…

Il faudra penser sérieusement à revoir comment j’ai vécu. En attendant : se délecter de l’extinction proprement complète de toute angoisse et savourer le subtil plaisir que je trouve à vivre. Jusqu’à la prochaine fois, bien entendu, la prochaine fois où les Démons grimaçants s’empareront de moi, me tenaillant de leur main de fer, avec toute cette sueur sur mon front et mes paumes moites. Vous ne savez pas, vous ne pouvez pas savoir l’étendue de ma misère dans ces mauvais moments-là. Et moi ? Est-ce que je peux savoir celle de tel ou tel fou dans sa camisole de saloperies chimiques, de tel ou tel type crucifié sur son lit d’hosto et toute ces sortes de souffrances totalement et irrémédiablement dans la seule tête du type en question ?

 

14/08/1978

 

VÉCU -FEMMES- ANNE 

 

On s’est quittés ce matin, sur le quai de la gare. D’habitude, c’est pour un départ. Là c’est pour une arrivée.

 

CINÉMA – ÉCRITURE – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – ANGOISSE

 

Cette nuit, comme souvent : plusieurs idées fulgurantes, subtiles, riches et maintenant il n’en reste plus rien. Tout oublié. J’en ai marre d’oublier, de ne pas profiter de cet état de demi (ou de plein) sommeil où mes capacités créatives se débloquent.

Ça m’a fait penser, tout à l’heure, en bus, à cette blague du scénariste qui oublie toujours ses rêves et un jour se lève la nuit pour noter « Garçon aime fille » » Ça ne fait jamais rire personne, que moi, et encore d’un rire qui cache quelque chose… Pas étonnant : ce n’est pas une histoire drôle. Au contraire, elle exprime une profonde angoisse, qui est la mienne, l’angoisse du Kréateur…

 

VÉCU – AMIS

 

En rentrant : appelé Stefan, très chaleureux et heureux avec son Isabelle (demandé des nouvelles de Marion).

Appelé aussi Momo.

Je passe la soirée avec Béatrice et un copain à elle sans doute. On passera voir Michel S.. Je lui apporte le script de « Sibylle ».

Allé voir cet après-midi « Carrie », un film dont, comme déjà avec De Palma, je ne parviens pas à penser s’il est bon ou mauvais…

Promené ensuite sur les quais, puis rentré en bus (plein de monde). Chaleur terrible. Soleil aveuglant. Un vrai mois d’août, enfin.

 

VÉCU – FEMMES – ANNE

 

Anne : 31/03 – 13/08 :4 mois et demi.

 

15/08/1978

 

VÉCU

 

15 août : maison. Seul. Retrouvé cette solitude.

 

16/08/1978

 

VÉCU – AMIS

 

Message tout à l’heure en rentrant des courses de Gros. Je le rappelle. Il va mal. Problèmes de couple classiques. Je m’aperçois de plus en plus que, pour moi, maintenant, chaque fois, dès que je sentirai le ver dans le fruit, je le jetterai…

 

ÉCRITURE

 

Juste quelques morts pour te dire que je ne vais pas très bien… (2014 : from Internet : pas fait) (inclus dans Manuscrit « L’homme que les plantes aimaient »)

 

17/08/1978

 

IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE

 

Morbide : le dernier repas du mort… Quelqu’un qui vit dans le souvenir : repas sacré. refaire ce même repas : signification précise. ( chaque jour le même repas ? )

 

21/08/1978

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Chauffeur de taxi mystique : images pieuses sur le tableau de bord, silence monacal, cassette de chants grégoriens sur l’auto-radio….

 

21/08/1978

 

VÉCU

 

Je note ici, bien des jours après, ce moment capital : celui où j’ai vu, par le hublot de l’avion alors que je quittais la Tunisie (et ce fut une des dernières visions de ce pays), Hammam Lif, au pied du Bou-Kornine, entre la montagne et la mer. À cet instant, j’ai eu réellement un choc, un choc métaphysique, j’avais sous les yeux, cerné par le hublot, isolé, présenté à mes yeux, l’endroit où j’avais cessé d’être du néant pour commencer à être.

Et c’est curieux comme les grands thèmes de ma vie étaient présents dans cette vision : la mer – la ville – la montagne. Trois ordres d’espace, trois formes de vie, trois thèmes symboliques.

 

VÉCU – FEMMES – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME

 

Cette nuit, j’ai rêvé de Béatrice. Nous étions assis l’un près de l’autre et elle posait sa tête sur mon épaule…

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Réécrit cet après-midi les dialogues de Sibylle. Il reste d’ailleurs 2 ou 3 choses à modifier encore

 

23/08/1978

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Passé hier la journée avec Robert et Stefan à essayer projecteurs et visionner négative poussée à 500 ASA. Difficultés pour réaliser le « plan 66 ». J’envisage de le sucrer et de rester tout le temps sur l’écran.

 

VÉCU – FEMMES

 

Dîné hier soir chez Isabelle avec Stefan, F., frère d’Isabelle, Yves, copain de Stefan, et Béatrice.

Je ne cesse, en ce moment, de penser à elle. Je ne cesse d’hésiter entre la pensée qu’elle peut m’aimer et celle qu’elle ne m’aimera jamais.

 

23/08/1978

 

ÉCRITURE

 

Pensé, à partir d’hier en voiture avec D. que nous guidions, à une écriture sur nous, les gens d’une grande région urbaine, obligés de se guider les uns les autres, vivant perpétuellement dans un inconnu où, chacun son tour, l’un dirige l’autre. Métaphysique et communautaire.

 

23/08/1978

 

ÉCRITURE

 

Pensé à un jeu de glissement de mots d’une langue à une autre :

exemple : as if = oisif

faire des phrases ainsi.

 

VÉCU – FEMMES

 

Toutes ces heures, je me dis qu’elle ne m’aime pas, qu’elle m’aime bien, comme un très bon copain et un type qu’elle estime.

C’est beaucoup, bien sûr, mais c’est peu. C’est rien. C’est désespérant.

 

VÉCU – AMOUR – RÉFLEXION

 

Depuis quelques jours, je réfléchis sur l’amour. Je ne pensais pas auparavant que ce soit une chose qui existe et je ne sais quoi maintenant me fait m’interroger. Non que ce soit une certitude, juste une interrogation dont je ressens la nécessité d’une manière plus aiguë. Je me sens malheureux, beaucoup plus que dans la solitude du début de l’année parce qu’en pensant à l’amour, je pense qu’on ne rencontre pas la femme qu’on aime à tous les coins de rue. Et si j’aime Béatrice, étant donné qu’elle ne m’aime pas, je ne rencontrerai pas l’amour de sitôt.

Et je vois devant moi un avenir sans amour, désespérant, vide. Il aura fallu que je le trouve en moi pour que l’amour me manque dans ma vie. Je n’étais pas parti, en janvier, pour trouver l’amour. Je sens en moi des choses qui changent.

Mais peut-être, une fois de plus, tout cela n’est-il en moi qu’illusion. J’ai tendance à me dire que, si j’aimais vraiment, je serais assuré du contraire. Mais peut-être est-ce que je refoule en moi un sentiment, par prudence, par crainte de l’échec.

 


Je me dis aussi parfois que c’est l’amour dont je serais l’objet qui me manque. Mais s’il en était ainsi, je n’aurais pas quitté Anne. Non. C’est l’amour partagé !

 

24/08/1978

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE » – FEMMES – AMIS

 

Déjeuné à midi avec Michel, Manuel et Stefan. Parlé avec Stefan après au sujet de Robert D.. Longue conversation au cours de laquelle, pour résumer, Stefan m’a conseillé d’attendre et si Robert recommençait un coup genre « J’ai pas que ça à faire » de le reprendre, mais sans le virer.

 


We’ll see…

 


Parlé aussi avec lui de Béatrice.

 


Je repense à ce jour où, fâché après Bertrand, je lui ai dit au téléphone que je ne voulais plus déjeuner avec Bouillon, Bréhat et compagnie et où, dans l’heure qui suivait, il a rappliqué à la maison, sincèrement penaud. Chouette réaction, par elle-même et par son instantanéité…

 


Écrit il y a peu de jours à Maja. Lettre dont je regrette déjà les termes, trop adorateurs, trop scrupuleux, mais étalant les scrupules).

J’attends avec impatience la réponse…

 

27/08/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

(14h15)

 

Je me lève. Dîné hier soir avec Béatrice chez elle, puis cinémathèque : « Contes de la lune vague, » puis écouté Michel.

Cette nuit, je me tournais et retournais. Grand désespoir d’être ce que je suis, de n’être que cela. Solitude. Jalousie (si forte, c’est nouveau) (et pénible).

Je me disais que je n’ai pas de chance avec les femmes et que je ne sais pas « y faire ». Trop de sérieux ? Pas assez d’humour (pas du tout d’humour). Alors, ayant constaté que je n’étais pas un « homme à femmes », il me reste à trouver la femme, mais ça, c’est encore plus difficile…

Sans solution, sans issue d’où  désespoir.

 

CINÉMA – RÉFLEXION – VÉCU – FEMMES – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Matérialisme et Cinéma 

 

Il me faudra revenir sur le problème que mon premier mémo à D. contenait implicitement (« Le spectateur ne remonte pas en amont d’une image vers les conditions de sa production »).

C’est le problème du matérialisme. On fait, je fais un cinéma idéaliste.

Ma réflexion sur l’image n’est même pas commencée.

Je regardais mes meubles. Ils sont finis (id est ils sont à leur fin, détachés des moyens de leur fabrication, détachés de cette fabrication. On les verrait différemment s’ils étaient en train d’être faits (non encore vernis, en cours d’assemblage), mais est-il possible, praticable, de ne pas passer à la vision N°2 (meubles existant, donnés une fois pour toutes, extraits de leurs processus de production) ?

Je ne le crois pas. Ce n’est pas vivable. Idem pour l’image. J’en suis là. Je n’ai pas encore vu de cas où l’on me montrait une image en me faisant sentir que c’était une image (on me l’a fait comprendre, ça oui).

La lanterne s’impose, remplaçant la vessie.

 


 (23h30)

 

Je rentre du Quartier latin où, décidément, toujours, mes pas me mènent et me ramènent… (Pas de taxi, ce soir, c’est la grande rentrée ! Rentré en métro jusqu’à Saint-Lazare. Là : plus de bus. Pris un taxi).

Suis allé voir « Los ojos vendados » Beau film resnaisien. C’est seulement maintenant que l’héritage de Resnais est véritablement acquis…

Suis allé au Latin quarter  à pied ! J’avais tourné en rond dans la piaule (travaillé à Sibylle. Modifié la structure en rajoutant ou réorganisant les gonflements successifs).

En marchant : la vieille tension. Les nerfs, toujours les nerfs. Véritablement cyclothymique, mézigue…

Une scène des « Yeux bandés » m’a ému physiquement : celle où ils dansent en se déshabillant (ou se déshabillent en dansant) et le jeu, la danse, la représentation se transforment, lentement mais sûrement (et prévisiblement) en gestes qu’on ne peut plus contrôler en jouant, en caresses, en toucher, en baiser.

Scène véritablement érotique où éclate le besoin impérieux et merveilleux qu’ont les humains les uns des autres.

 


Vu hier soir à la Thèque… (je m’aperçois que je l’ai déjà écrit : je n’ai que ça à faire : noter et si peu de choses à noter).

Témoignage, cette redite, de mon grand désarroi actuel, de ma grande solitude.

Pourtant il est bon que j’aie quitté Anne. On se forge dans les décisions difficiles (elle était difficile, non en elle-même, mais dans ses conséquences).

 


Demain, peut-être, une lettre de Maja ? Pensé à elle très fort, ce soir, à sa présence près de moi. Elle, la Femme. Elle est la Femme. Vraiment. Elle, oui. Pour moi.

 


VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Dans ma « modification » de « Sibylle », je bute encore sur un dernier problème qui est en fait le principal : la scène de la « rencontre ». Les essais démontrent que la difficulté majeure est de filmer simultanément le réel et l’image sur écran.

Quelle solution ?

1/ obtenir les conditions pour le faire (avec écran de 2 x 2 66)

2/ le faire mais avec image plus petite (en réorganisant le découpage)

3/ supprimer le réel et être tout le temps sur l’écran

4/ ne pas le faire simultanément mais en marchant

C’est cette dernière solution qui demande a été examinée (la 1 et la 3 ne réclamant pas de changement – la 2 devant être écartée pour cause d’inefficacité) (En fait, peut-être la 2, le plan de Sibylle au premier plan et image au fond, peut-elle s’intégrer à la 4 mais ne pas compter dessus comme l’effet majeur).

Donc, comment ça pourrait se passer dans la solution 4 ?

 

28/08/1978

 

IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE

 

On ne demande jamais son prénom un agent de police… !

Penser à une scène (?) où quelqu’un le fait !

 

VÉCU – FEMMES

 

Ces temps-ci deux choses dominent, dans ma vie et ma tête : je vois beaucoup Béatrice, en copain, bien sûr, because paralysie à l’idée de l’échec, et je parle avec Gros qui a de sérieux ennuis « conjugaux ».

 


Ce matin, guetté le courrier, mais il y en a pas. Alors : appelé Maja chez elle, mais ça ne répondait pas. Heureusement…

 


À noter : depuis hier matin (dimanche 27/8) : commencé un régime sérieux.

Mangé hier juste un bol de soupe !

Curieusement : pas très faim, aujourd’hui… 

 

VÉCU – AMIS

 

Étonnante, cette scène, samedi chez Michel B. où Gros se faisait friser par Évelyne. Il n’y avait parmi les gens présents que moi, vraiment, pour comprendre ce que ça contenait pour lui. Je suis resté longtemps à le regarder, qui se faisait faire des mèches, dans la cuisine…

 

VÉCU – AMIS – TÉLÉVISION

 

Vu aujourd’hui Marc B.. Parlé 1/ du tournage pour lui 2/ de mes projets (« Lieux utopiques » l’accroche).

 

ÉCRITURE

 

À qui parler lorsqu’on est seul ?

Alors on s’écoute,

on s’écrit

 

29/08/1978

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Dans une réunion autour d’une table style conférence de rédaction ou conseil d’administration, les gens écoutent, parlent, très sérieux, etc. et l’un d’entre eux trépigne, tape des poings, déchire ses papiers, pique une crise de nerfs dans la sérénité générale… ( Buñuel )

 

29/08/1978

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Hier je méditais à ma solution 4 et, en dérivant, j’ai trouvé… ! (Tellement excité, agité que j’ai été obligé de téléphoner à Manuel B. Pour lui raconter).

Je sors Sylvain de la salle de projection et « la rencontre » se fait (sans être montrée) dans la spirale infernale de l’escalier, dans cet « espace de la fatalité »…

 

30/08/1978

 

ÉCRITURE

 

Imaginé un personnage qui montre ou découvre un texte bizarre, incompréhensible. Texte  » à clef « . Il cherche la clef. C’est un texte double, Oulipo. Il peut se lire en texte N°2 avec les mêmes phonèmes mais pas vraiment plus de sens qu’avec le 1 ( Voulez-vous terrasser deux dragons d’eau ? )

 

31/08/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

Je rentre de chez Béatrice (dîné là avec elle, son père et un couple de ses copains Laurence et Pascal).

En partant, je lui ai caressé la joue, nos lèvres se sont presque touchées en un presque baiser.

Je sens, mais est-ce juste ? Je crois sentir en elle… Ah si c’était vrai ! Je n’ose pas y croire…

 

01/09/1978

 

VÉCU

 

(8h45)

 

Lyon. Hôtel des Artistes.

Moment agréable. Je viens de prendre mon petit déjeuner et de téléphoner à Stefan pour vérifier s’il ne s’était pas rendormi. « Je suis réveillé. J’ai bien dormi ». Autour de moi : bruits de l’éveil dans l’hôtel.

Moi allongé, tranquille, fumant une clope en écrivant ça, avant de partir pour une journée de travail. Moment tranquille.

 

Hier soir : fumé avec Robert D.B., G. et Stefan. Bien.

À noter, quelques petits trucs :

1/ Passage (bref) de l’» état », très précisément à partir de l’évocation de l’hosto et de la mort (impossible- du moins difficile, puisque je l’ai fait – de bouger (suis allé pisser dans le lavabo) mais pas pu parler pendant un moment).

2/ Choses dites pendant le truc : (à R.) Tu ne me fais plus peur…

 – Lui : Moi, je te faisais peur ? Pourquoi ?) (Moi : tu le sais… Lui : Non (vrai ou faux, je ne sais toujours pas). Moi (croyant qu’il ne sait) : Ça fait rien, ne le dis pas… Ça n’a pas d’importance puisque je n’ai plus peur…)

Discussion sur l’image de Sibylle

À Stefan : sur son rapport avec Isa (alors qu’il disait : « Combien de filles, qui le pensaient sincèrement, m’ont dit « je t’aime… »

Moi : « Là, l’essentiel n’est pas qu’elle t’aime mais que tu aimes… »

 

D’une manière générale : la mémoire, l’oubli (j’avais l’impression, car ce n’était pas tout à fait vrai) d’oublier ce que je venais juste de dire d’où une difficulté dans les longues séquences du discours.

Mais en même temps : une acuité plus grande de la pensée, la sérénité par rapport à ce que je disais, une distance par rapport à ça.

La rigolade (par vagues collectives), la connivence, la sympathie (dit à un moment : « Quand j’ai fumé, j’aime les gens… »)

Le sens de l’importance de certaines choses, à dire, à ne pas manquer (le sens du moment). Le sens de l’analyse, l’acuité par rapport au discours de l’autre.

 

Retrouvé, idem the first time chez Momo, la découverte de l’autre, son fonctionnement mental (j’ai forcément quelque chose en commun avec un militaire con facho puisque ce qui le fait être ce qu’il est est en moi aussi)  la compréhension (globale), la tolérance.

 

02/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

(7 h)

 

Maja 258 76 64  je l’attendais… Son silence m’étonnait. Je ne comprenais plus grand-chose.

À travers le choc heureux, c’est sa voix, surtout, qui m’a frappé, ses intonations. Discours très construit avec, en même temps, des moments comme ceux où on lâche la main d’un enfant qu’on retenait et qu’il part en courant, librement, des moments de sincérité vraie.

C’est ce qui me fait penser que je peux, avec elle, « y aller » relativement à fond. Relativement, car il me faut rester prudent, faire attention, rester libre, ne pas m’aliéner.

 


Je ne suis pas habitué à la joie. Elle me trouble. Je « n’en reviens pas »…

 


Maja. Béatrice. Et aussi Laure, qui fait dans ma vie un come-back surprenant et fortuit (rencontre de couloir à la télé). 

J’ai toujours pensé, dans le fond, qu’entre Laure et moi, tout le possible n’avait pas été vécu. La suite des choses démentira telle cette impression ?

Je me dis, d’une part, trois femmes, trois chances de réussir et, d’autre part : si les trois « marchent »…? Comment m’en sortir ?

 


 « À bientôt j’espère… » (Maja)

Je ressens ces trois mots très profondément, par la manière dont ils sont dits. Je me demande si déjà, une intonation a eu autant d’importance pour moi.

 

03/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

Vu Maja. Après-midi au Luxembourg. Toujours sans réponse à mes caresses.

 


Décidé de brusquer le mouvement avec Béatrice. L’ai appelée :

 – Béatrice, est-ce que tu sais toute la tendresse que j’ai pour toi ? (Je raconte le rêve du 21/8)

 – Je la sais un peu…

 – C’est assez fort pour que j’en rêve. Il y a des choses qui sont difficiles à dire parce que j’ai peur, parce que je me dis qu’une fille comme toi ne peut pas aimer un pauvre mec comme moi…

(Silence)

 – Dis-moi que tu ne m’aimes pas, comme ça, je le saurai…

 – Je t’aime beaucoup…

 – Aimer beaucoup, ça ne veut pas dire aimer tout court…

 – Oui, ça ne veut pas dire aimer tout court.

 – À tout à l’heure, Béatrice…

 


Je suis malheureux.

 


Mais quand je vais vérifier, très vite, qu’en fait je peux très facilement vivre sans l’amour de Béatrice, je vérifierai que je ne l’aime pas vraiment.

 

Pas grave, tout ça. Pas grave.

Je ne suis pas doué avec les femmes, c’est tout.

Trop à la recherche de l’amour pour m’en tenir à les draguer pour tirer un coup, outre le fait que 1/ physiquement je ne suis pas armé 2/ Je ne sais pas m’y prendre.

 


Il entre en moi une forte part de jalousie à l’égard de quelqu’un comme Stefan, que tout le monde aime, y compris les femmes.

Stefan : « Tu es cinéaste : soigne ton image… » : je n’y arrive pas. Je pense que je suis un mauvais cinéaste.

 


Après tout je me demande si sur les « quatre », je ne cherche pas à en éliminer. Par masochisme ? Ou par désir de trouver « la bonne » ?

Surtout entre Béa et Maja, j’» hésitais ». Provoquer l’arrêt des opérations avec l’une pour mieux me concentrer sur l’autre ?

Sûrement beaucoup de masochisme…

 

VÉCU – COURT MÉTRAGE « SIBYLLE »

 

Revenons à notre œuvre (ce qu’il y a de plus solide en ce moment).

Mercredi dernier (29), j’ai rencontré Manuel B. chez L. Parlé de la scène de l’escalier. Pendant qu’il allait payer les consommations, trouvé « idée géniale » : Sylvain rencontre son double, en reculant vers l’écran, jusqu’à le toucher tandis que, sur l’écran, la silhouette de Sibylle apparaît à la porte. 

À partir de là, je ne bute plus que sur le découpage de cette scène de la rencontre.

Cet après-midi, au Luxembourg, en remontant vers le taxi avec Maja et son fils, trouvé le personnage-jalon que Sylvain va questionner avec le photogramme : un employé de jardin public qui ratisse une pelouse derrière le banc où elle est assise (ou l’allée devant).

Pensé aussi à l’instant (mais c’est plus flou) à un photographe (lequel ? qui ?) qui photographierait Sibylle.

(Les personnages-jalons peuvent être  ramenés à 1 (le balayeur ?).

 

VÉCU – FEMMES – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME

 

Ce qui me frappe en relisant mes notes récentes sur les femmes, c’est ma fatuité, et surtout ma faculté inouïe d’erreur !

Erreur sur ce qui peut se passer dans leurs jolies petites têtes…

 

04/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

4h40. Je reviens de l’anniversaire de Michel S*. Type adorable. Rencontré là sa sœur, Colette. Colette : étrange Colette. Étrange pour moi : cette peau noire, si douce. Cet air attentif, comme étonné presque. Ce corps si rond… L’imprévu, la surprise. C’est toujours quand on n’attend pas les choses qu’elles arrivent… Échangé aussi nos téléphones. Je veux aussi noter, sur son visage, cette expression presque de gravité. Belle fleur noire. 

 


21 h 10 Je viens d’appeler Colette. Rendez-vous Mercredi soir. Douceur de nos rapports. Enfin des rapports « qui répondent. »

« J’ai pensé à toi. Et toi ? » 

« Moi aussi. J’ai relu ton mot avec « Grosses bises, Colette » : ça m’a fait rire… »

 

06/09/1978

 

(1 h 20)

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

Je me demande en relisant ma note d’hier si la conversation téléphonique avec Colette n’est pas empreinte d’un remarquable humour involontaire : au mec qui lui demande si elle a pensé à lui, la fille répond qu’elle a rigolé… Mais tout de même, je me dis qu’avec Colette peut-être c’est différent…

 

06/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

À noter : ma soirée avec Laure, dont je reviens.

Repas à l’Échaudé, cadre simple mais de bon ton.

Première partie de la conversation : nos vies sous leur aspect psychologique (légèrement teinté de social) – Deuxième partie consacrée à une séance de cassage de sucre sur le dos des petits copains dans le meilleur style télévision. – Troisième partie : chez elle où elle m’invite à prendre un verre. Nous tombons d’accord sur la non nécessité de causer et quand je me rapproche d’elle et la caresse : que dalle… ! One more Time. Mais, me dit-elle : « Tu as changé. : tu fais plus mec, y a pas à dire ».

Elle évoque la nécessité des rapports de force entre hommes et femmes. Je fais beurk. Tu es trop ouvert me dit-elle, tu fais peur. Puis, se contredisant cinq minutes après : « Je n’ai pas envie avec toi parce que je n’ai pas peur ».

Je la quitte, très décontracté, elle me rejoint sur le pas de la porte. Je lui dis que je ne veux pas partir sans faire une chose : caresser son corps. Là je mets la gomme : je l’embrasse (enfin !), la caresse, elle chauffe visiblement. Suprême habileté : je me paye le luxe de vibrer pour de bon. Puis je la repousse délicatement. « Au revoir, Laure ». Elle est soufflée : c’est comme ça que tu fais tes sorties ? Oui ! T’es dégueulasse… ! (riant mais jaune). 

Je m’en vais.

 

06/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

Tout de même ce qu’elle m’a dit hier soir + le « Soigne ton image » de Stefan m’a fait réfléchir : trop gentil. Trop ouvert. Tu comprends tout, tu analyses tout.

Ce matin, mais est-ce que ça durera, je me sens à une bifurcation : continuer ou changer. Choisir : si je veux modifier mes rapports avec les femmes, sortir de l’échec chronique, il faut me modifier moi-même.

« Tu es un mec vraiment gentil, toi… ! » m’a dit Stefan. Tout se passe comme s’il avait, il fut un temps, essayer de me pousser à cesser d’être gentil, puis, n’y étant pas parvenu, avait renoncé et prenait maintenant mes défauts pour des qualités. Tout ça est mal écrit. Mais je me comprends : me remettre en question dans mes rapports avec les femmes.

 

07/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

(2h30)

 

« All is fair in love… » : « Tout est beau dans l’amour » : c’est ce que j’écoute en ce moment et je trouve que c’est bien vrai… Colette, j’avais raison de croire en toi… Non, mes rapports avec les femmes ne sont pas à remettre en question parce que ce sont les bons, ce sont les vrais. Peut-être pas avec une Laure torturée et malheureuse mais sûrement avec quelqu’un comme Colette, qui est venue à moi avec fougue puis avec douceur, mais toujours avec sincérité… Sortis ensemble ce soir. Dès le début, alors qu’on cherche un taxi, elle me prend par le bras. Les caresses entre nous se multiplient tout naturellement. Je prends sa main au restaurant ( où je lui ai raconté Béatrice, me livrant ainsi, prenant une fois de plus un risque ). C’est dans le taxi pour monter écouter Michel que nous nous embrassons pour la première fois. ( Ah, les premières fois… ) Pendant la musique un moment, j’ai peur et me durcis, pensant que je la lasse en me donnant trop, en l’adorant trop. Mais elle ne tarde pas, un moment lointaine ( apparemment ? ) à revenir à moi et la soirée se termine dans la tendresse et les caresses ( invités par Michel à prendre un verre ). Je la raccompagne en taxi. Nous nous voyons bientôt. ( A noter là-haut, la présence imprévue de Béatrice ). 

 

« Soft skin, soft woman… » 

 

09/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

(0h20)

 

Je rentre de dîner au restaurant avec Maja suite à notre visite chez Marie-Josée Lepicard (interruption pour appeler Bertrand rue de Cléry au sujet clé appartement pour Maja. Je parle avec lui de la possibilité de repousser le film en janvier, ce à quoi je suis pratiquement décidé).

Avec Maja : regards, frôlements, paroles, mais, quoique tenté très fort, je ne sors pas de ma réserve.

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

 Cette nuit ( nuit du 8 ), Colette a dormi ici. Après notre petit repas, fait l’amour. Moyen pour moi. Pour elle, m’a-t-elle dit : bien. Parlé en dînant : elle m’a confirmé que tout en trouvant ça bien, elle était gênée par moi. Elle a des jambes superbes ( saugrenu dans le texte, mais véritable émotion pour moi, ainsi que ses mains, fines, aux longs doigts aux ongles effilés… ) 

 

(9h50) 

 

À l’instant : douce conversation avec Colette. S’il fait beau, on se verra demain avec les enfants. J’écoutais « Sunshine of my life » et ça m’a donné envie de l’appeler. Naïve notation : pour la première fois elle m’a appelé « Chéri ». Ah ce viscéral besoin de tendresse…! 

 

09/09/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE 

 

(23 h)

 

Déjeuner avec Agnès (première fois que je la vois depuis les vacances. Jocelyne me dit qu’elle a pleuré en disant qu’elle n’avait plus de papa (parlé avec elle dans la voiture, lui ai dit qu’elle avait un papa, que je l’aimais, que je n’étais jamais loin d’elle. « Si tu me dis ça, je vais encore pleurer… » Elle a un peu pleuré. L’ai distraite. Vite oublié.

À un moment chez Jocelyne, je voulais prendre le jeu d’échecs. Jocelyne pas voulu  Agnès : « Vous allez pas encore vous disputer ? » (La bagarre l’a marquée).

 

VÉCU – AMIS

 

Déjeuner chez Yves dans, ainsi que Rober D. et Ideko.

Resté l’après-midi et à dîner.

 

09/09/1978

 

ÉCRITURE

 

Une idée m’est venue à l’instant : pensant aux femmes qui m’ont, ces jours derniers, dit au revoir en agitant la main, alors que je partais en taxi ( ou l’inverse ) :

3 personnes, 3 plans ( même structure : vu à travers vitre voiture démarrant ) Pensé à un film comme ça, trame lâche,  » gens dans ma vie « , le côté excitant de la vie, parfois les drames, un film qui échappe au récit traditionnel et soit un peu comme le reflet de ce qu’il y a d’important ( même si ce sont des détails ) dans la tête et la vie d’un mec. Ca, ça plait. Ca plairait. Ca me plairait. Transcrire l’ivresse, le côté  » plein « , riche de ma liberté, de ma nouvelle vie, le tout dans un style à l’image de cette vie : des  » moments « … ( voir suite notes le 16/9)

 

13/09/1978 

 

VÉCU – AGNÈS – COLETTE  

 

Dimanche : Jardin d’acclimatation avec Agnès, Colette et sa fille. On ne s’est pas trouvés au rendez-vous. Appel haut-parleur. 

 

13/09/1978

 

VÉCU – AMIS – FEMMES

 

(0h30)

 

À l’instant longue conversation au téléphone avec Bertrand qui a des problèmes avec sa Laurence.

Parlé des rapports entre hommes et femmes, de la « mise à nu » qui gêne des femmes, leur fait peur : de ce besoin qu’elles ont d’être dominées, de subir un pouvoir qu’ont sur eux les mecs qui leur font clairement sentir qu’ils n’ont pas besoin d’elles (cas innombrables…)

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – AGNÈS – KRYSTELLE

 

Dimanche : Jardin d’acclimatation avec Agnès, Colette et sa fille. On ne s’est pas trouvé au rendez-vous. Appel haut-parleur. Lundi, je l’appelle du lieu où je tournais ( appart HLM des 3 féministes ), elle m’appelle « Doudou » ( créole ). 

Lundi soir : rendez-vous à la Fontaine Saint Michel. On bouffe au « Gît le cœur » ( idem Maja le 8 ). Un moment, je sens entre nous l’unité, quand elle me dit qu’elle n’a « jamais parlé comme avec moi » et que je lui dis que j’ai maintenant compris qu’elle s’exprimait peu et qu’il m’avait d’abord fallu me rassurer sur ses sentiments, mais que maintenant j’accepterai ses silences. ( Elle me dit que Dimanche au jardin d’acclimatation, elle a eu l’impression de revivre son histoire avec son type divorcé ). Je lui demande ce qu’elle aime chez un homme ( suite à sa question inverse du 1er soir ici ), elle me dit, en cherchant : « sa virilité ». On parle des hommes qui confondent la fausse et la vraie. Rentrés ici, on fait l’amour une première fois. On parle, je lui demande d’être franche. Elle me dit qu’elle est longue, qu’il faut longtemps la caresser. Je lui reproche de ne pas être active. On commence à s’endormir puis refaisons l’amour plus « sauvagement » ( et mieux ). Je lui dis que j’ai beaucoup de tendresse pour elle. « C’est doux, ce que tu viens de dire, ça te ressemble… »

 

16/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE

 

 Tout à l’heure Colette est partie. Je l’ai accompagné jusqu’à l’arrêt du bus. Amour, très fort, cette nuit. De mieux en mieux entre nous, sur ce plan et sur les autres. Suis allé hier chez elle, chez sa mère. Chaleur de cette famille, unité. ( Parlé avec Raymond, frère de Colette, qui est sans doute celui d’entre eux que son origine torture à travers un déchirement entre 2 cultures, une recherche d’identité. ). Après ça : passés dans un restau voir Maryse et son mec, Marc. Parlé avec lui boulot. Appris avec surprise qu’il magnétoscopait certaines émissions « d’Aujourd’hui Mémé » ! Puis allés écouter Michel, redescendus avec lui prendre un verre. Ce matin au téléphone : Michel ( parlant de C. ) : « C’est une enfant qui a beaucoup souffert … » et aussi « C’est une fille douce, pas compliquée »… Et c’est bien vrai … C’est fou, ce qu’elle m’apporte et comme ça, par surprise. Sans que je puisse le pressentir au départ. Joué le bon numéro. Avec elle, je me sens, maintenant, bien, passés les premiers jours d’interrogations, de doute. Elle est vraiment le calme, ce calme auquel j’aspire tant. Ma douce Colette. Soft skin, long legs… C’est elle qui, maintenant, me regarde. Entre nous : de plus en plus d’implicite. Cette soirée chez sa mère, je l’appréhendais, calculais mon attitude, dosais les effets à l’avance. Tout s’est passé naturellement, dans mes rapports avec elle aussi. 

 

VÉCU – AMIS

 

(23h 30)

 

Bertrand est là, assis près de moi. Il couchera ici (sinon : chambre de bonne)

 

VÉCU – IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE

 

Marielle B., vendeuse chez Peugeot, a eu mon numéro (pour une confirmation d’essai). Elle m’a demandé comment joindre Moatti pour question sur l’adoption.

Imaginé la fille qui a le numéro du mec pour raisons professionnelles et le rappelle, hardiment), pour sortir avec lui (fantasme mais : une séquence).

 

VÉCU – FEMMES

 

À noter : la déception dans l’affaire Maja qui suggère froidement à la proprio de piquer sur caution des copains le fric des peintures de l’appartement.

Elle est bien celle que j’ai pressentie, par moments : dure, sans cœur. Et dissimulatrice…

 


 (Ce qui était pour moi, au Club Mémé, une répulsion devant la fausseté et le manque de chaleur, était chez elle de la haine et du mépris.)

 

IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE

 

En parlant avec Bertrand à l’instant : « Un couple » : cinématographique. En faire quelque chose.

Autobiographique, j’en prends conscience aujourd’hui : « Un couple » = mon couple (j’ai noté – coquille « moi », alors ?)

 

16/09/1978

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

Suite note du 09/09 :

Sujet de long métrage

Une structure peu usitée : les séries d’événements (ou de personnage ou de situations) le tout à la première personne avec récitant disant « Je ».

 

18/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

Hier Dimanche passé après midi aux Puces avec Colette, Maryse et Marc. Sensation nouvelle pour moi d’appartenir momentanément à cette frange de jeune gens ( un peu moins de la trentaine ), consommateurs légèrement sophistiqués, sortie en couples connaissant des relations légèrement mondaines ( Arthur P* ?! ). Sensation agréable. Agréable aussi la soirée chez eux. Marc fait le poulet, moi les pâtes. Écouté musiques en commun. Discuté avec Marc. Vu « Ladies man » au magnétoscope. L’amour cette nuit avec Colette. Très bien. De mieux en mieux. De plus en plus sensuel. Et ce matin. Simplement, un moment, flippé car je n’arrivais pas à la trouver pour entrer en elle. ( » L’horrible personnage » ). L’ai interrogée – vieille angoisse sur la longueur de mon sexe. « Peu importe, si je suis bien ». Réponse évidente. Parlé au petit déjeuner de nos passés amoureux. Lui ai proposé la liberté respective, faire « ce qui nous plaît ». « Tu as envie de faire ce qui te plaît ? » m’a-t-elle demandé. Lui ai parlé de ma jeunesse à retardement, de mon appétit, mais que je commençais à me stabiliser. ( on en est restés là ). Je l’ai appelée, harcelée quasiment ( image : tu vas raccrocher = soleil qui se couche ). 

 

19/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

(0h30)

 

Dîner ce soir avec Danielle et Joëlle.

Au cours du repas : moments de tension et d’émotion. Joëlle : parlé de sa chienne « suicidée ».

Tension entre Danielle et Joëlle.

En se séparant, Joëlle dormant à l’arrière de la voiture, baiser d’adieu Danielle et moi. Notre histoire…

 

22/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

(1h30)

 

Chez Michel (S.) ce soir avec Michel (B.).

Parlé de l’enregistrement de « Blue Sunset » puis montés l’écouter.

Arrivée de Béa, flanquée de deux chevaliers servants copains de fac. Avec Michel, il y avait Irène, passée ici prendre un verre avant que Michel (B.) la raccompagne à Villetaneuse.

Eu avant-hier un message de Maja. Mais : pas vraiment envie de la rappeler. Suis vraiment déçu.

 

VÉCU – VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

La nuit dernière Colette est venue ici. L’amour, fort. « C’est doux… » me disait-elle quand j’entrais doucement et sensuellement en elle. ( On est allée avant au Bilboquet écouter les « Ice » avec Maryse et Yvane. Dansé ( un peu ). En allant de chez sa mère à chez Yvane parlé avec Colette. Dit que si je n’avais pas insisté, on ne se serait pas vu. Elle m’a répondu en parlant de sa volonté de préserver ma liberté ( en gros ) ) et a reparlé de Béatrice ( Michel lui a dit, au téléphone. Elle lui a répondu qu’elle le savait par moi ). « Heureusement que tu m’en avais parlé, ça m’aurait fait drôle de l’apprendre comme ça… » – « Je trouve absurde de freiner mes sentiments » lui ai-je dit. On a repris cette conversation ce matin. « J’aime parler avec toi, m’a-t-elle dit. Je lui ai parlé du retour en moi, par elle, de la notion de couple, mais ajouté que j’étais vigilant. A un moment, elle me dit : « J’ai peur… » Les mots de Michel sur elle, au téléphone : sens profond : « Ne la fais pas souffrir… » Comment lui répondre 

 

23/09/1978

 

VÉCU – AMIS

 

Ce matin, au courrier : une « lettre » de Zyf. En fait : la mienne, « revue et corrigée » pour en faire une réponse aussi sèche que ma lettre.

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

 Message aujourd’hui de Colette : « Bonjour, je voulais te dire que je n’ai envie que de toi… Toi seul. Je voulais te dire que je t’embrasse aussi, que j’ai très envie de toi ! Au revoir. » 

 


L’ai rappelée. Lui ai dit que je trouvais son message très beau. « Ça t’a fait plaisir ? » N’ai pas su lui dire que c’était autre chose et plus que du « plaisir ». Terminé en lui disant que je ne voulais pas ne pas lui dire que je dînais ce soir avec Béatrice. Je me ronge en me demandant si elle n’a pas cru que ça signifiait chez moi une hésitation, un « retour de penchant »… 

 

VÉCU – FEMMES – AGNÈS note agnès à uploader

 

Quel jeu implacable et dangereux que l’amour !

Reçu une lettre d’Anne, avec deux poèmes, ingénus, comme toujours, où elle se montre à vif, souffrant sûrement beaucoup.

Appelé Maja. Elle n’était pas là. C’est Mathias qui m’a répondu. Un « petit homme » déjà. Soutenant toute une conversation. Sûrement mieux armé (par sa mère) que ma petite Agnès, tenant de ses parents sa vulnérabilité visible, sa sincérité spontanée.

 


Ce soir, pendant un bref moment où Martine s’est absentée, « parlé » avec Béatrice

   Moi (crânant) : « J’encaisse pas mal… !

 – « Ce n’est pas comme ça qu’il faut voir les choses. »

 – « C’est toi qui le dis »

 – « On parle ou pas ? On se jette à l’eau ou pas ? »

 – « Je m’y suis jeté, à l’eau. J’ai même bu la tasse. »

 – « Pas comme ça qu’il faut voir les choses. »

(Un moment songeur, cherchant, en fait, mes mots) « Je me suis conditionné à les voir autrement… »

Et Martine est revenue.

J’ai envie, tout de même, de prolonger cette « conversation ».

 

24/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

(0h45)

 

Ce matin, dans mon bain : coup de fil. Dégoulinant de flotte savonneuse, je prends l’appareil, c’était Maja.

Au cours de la conversation, je lui parle de ce que j’avais sur le cœur (son attitude dans la question de l’appart).

Elle se défend, donne « sa » version des faits.

Elle doit me rappeler, pour ses peintures de mur…

On doit faire rencontrer les enfants dans 15 jours…

 


Tout à l’heure : Anne au téléphone. Acte manqué : je lui ai envoyé ses poèmes au 22 bis au lieu du 33 bis ! Conversation pénible. Que faire devant sa souffrance ? Je suis le dernier qui puisse l’aider.

Je ne me vois pas, je ne réussis pas à me voir entretenir avec elle des rapports « copains ».

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

 Tout à l’heure, pensant à Colette, je me suis mis à écouter sa cassette ( Cocciante ) et à recopier les paroles. Ce type est nul, à part deux ou trois éclairs mais il aborde ( mal ) des thèmes vrais ( bien que rabâchés mille fois ) : il est vrai qu’il est littéralement « incompréhensible », inacceptable, révoltant, qu’après avoir aimé, on n’aime plus… A chaque amour qui meurt, c’est l’Amour qui meurt. Une victoire de la mort, du néant. Et pourtant, c’est moi qui ai cessé d’aimer. Et qui – c’est bien plus terrible – cesserai encore d’aimer. Terrible lucidité : je le sais. Mais vraiment, je ne sais pas : peut-il exister un amour vrai qui dure toute une vie d’homme, jusqu’au dernier instant…? 

 


Je ne cesse de penser à ma dernière conversation téléphonique avec Colette. Je lui ai dit que je sortais avec Béatrice, que Béatrice m’avait invité. A-t-elle cru que je voulais dire que Béatrice venait vers moi ? Souffre-t-elle ? S’éloigne-t-elle de moi ? J’ai envie d’aller à elle, de lui parler, de la détromper. Et je me dis cyniquement, avec ce cynisme qui m’est si peu familier – qu’il ne faut pas – au moins pas se précipiter pour le faire – pour 1/ « assurer ma prise » sur elle 2/ tester son amour. 

 

ÉCRITURE

 

Qui, quel employé des postes, ouvrira l’enveloppe envoyée à Anne au mauvais numéro ? Il lira ces poèmes. Qu’en fera-t-il ? Les jettera-t-il au panier ? Les emportera-t-il chez lui ? Que deviendra ce morceau de notre vie, détaché par erreur et dérivant vers une destination inconnue, comme un aérolithe d’une composition incompréhensible pour les Terriens… ?

 

24/09/1978 

 

VÉCU – AGNÈS 

 

(9h40)

On vient de se réveiller, Agnès et moi. Elle dessine un oiseau sur son cahier. Emmylou Harris chante « Here there and everywhere… »

 

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME

 

Je veux noter un rêve de cette nuit (que je m’en souvienne clairement me parait important : suis-je mûr pour un « retour de conscience » ?) :

(Je ne me souviens pas, pourtant, de la totalité du rêve).

À un moment donné, j’étais avec Claire Bretécher chez Jean-Claude Forest. Il n’était pas là, mais il y avait sa femme (dont je ne me souviens pas les traits, mais qui n’était pas sa vraie femme). Je ne sais pourquoi, Claire Bretécher et moi voulions faire l’amour dans ce lieu et avant que Forest revienne.

Aussi, aidés les conseils de l’épouse, avons-nous recherché dans la bibliothèque de Forest des ouvrages plus ou moins érotiques afin de nous exciter sexuellement. Mais ce fut sans succès.

 

26/09/1978 

 

VÉCU – AGNÈS 

 

À noter : en revenant de Fontainebleau (embouteillages sur autoroute) « bavardage » avec Agnès (qui m’avait dit, samedi matin, en partant, qu’elle « s’habituait » : « Tu vois, quand t’es parti, la dernière fois, eh ben : j’ai été jouer dans ma chambre. Tout de suite, comme ça, j’y ai plus pensé et j’ai pas eu de peine ».)

Agnès, me disant qu’elle regrette de ne pas pouvoir me « faire de cadeaux », qu’elle veut devenir infirmière, pour me soigner. Grande explication sur les étoiles, les planètes, les soucoupes volantes.

« J’aime pas quand tu conduis, parce que je ne peux pas te câliner… »

Chanson inventée fredonnée l’arrière de la voiture : « Courir en liberté… »

 

26/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

 Colette ici cette nuit. Ce matin, elle est partie à 13 heures ( coup de fil inquiet de Maman Doudou ). Parlé. Beaucoup parlé. Je me suis dévoilé, ce qu’il y avait dans ma tête après le coup de fil de Vendredi. Elle ne m’aurait pas appelé ! Contradiction en elle : elle n’est pas contre le fait que je voie d’autres femmes, mais a été jalouse après mon coup de fil. Parlé du « niveau supérieur de communication » suite à son récit de sa rencontre avec une fille ( Samedi soir, au Bilboquet ) nommée Stella, qui a su « la lire » : « Tu donnes, mais on ne voit pas que tu donnes… » 

 

26/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

Cette nuit, en faisant l’amour, Colette m’a dit « Je t’aime » pour la première fois. 

 

27/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

(1h35)

 

Je peste après ma mauvaise mémoire : je veux noter qu’hier matin, pendant notre discussion, Colette, une fois de plus, a pleuré, mais j’ai beau me torturer l’esprit pour m’en souvenir, je ne me rappelle pas pourquoi !

 

VÉCU – TÉLÉVISION

 

Je rentre d’une réunion (théâtre de Paris, rue Blanche) pour la création d’un « Mouvement des réalisateurs de télévision ». Sorte de SRF des réalisateurs TV. Contrairement à mon attente, la CGT a soutenu chaleureusement (via Marchand) cette création.

Discussion de bistrot après, avec Stéphane Teichner, parlant de la « proposition » de Fansten que la télé paye plus cher les films (comment ? par quels moyens l’y obliger ?), ce qui mettrait les chaînes devant un choix : produire ou acheter moins cher. Me suis dit que notre problème professionnel était lié aux problèmes politiques et économiques : la domination de l’impérialisme US. Et, devant ça, nos forces sont dérisoires.

Pensé aussi que les gens aient chez eux une machine à laver, une télé, une chaîne hi-fi américaine ou japonaise, ça ne les dérange pas. Une émission télé, par contre, même si c’est un produit, n’est tout de même pas un produit analogue : il ne peut y avoir à la télé que des programmes d’origine US ! Le spectateur le ressent et renâcle et le gouvernement le freine (nécessité de véhiculer de l’idéologie française).

Ce frein que la bourgeoisie française met à l’impérialisme US nous sert, mais là encore nous sommes manipulés (cf. Josiane Serror parlant des instances gouvernementales ou sénatoriales (Diligent ?) accueillant d’un bon œil un projet de rapport sur l’invasion du « franglais ».)

 

VÉCU – SEXE

 

Aujourd’hui : trois solitudes.

 

27/09/1978

 

ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE

 

À noter, pour LM « Gens dans ma vie » : les visages qu’on reconnaît, qu’on connaît, dans une foule, une rue, un café, une soirée. les amis : on est avec eux, près d’eux, parce qu’on les a déjà vus, on leur a parlé ( sécurisation. renforcement de soi ).

 

27/09/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

Il m’est encore possible, parce qu’il n’est pas loin, ce moment, de me souvenir, de retrouver la Colette inconnue, en pleine découverte du premier soir chez Michel, quand elle venait s’asseoir près de moi, quand je lui ai passé les bras autour du cou en disant « Tu sais : Je ne suis pas en forme, parce que je suis triste ! » Quand je lui ai dit : « Je vais rentrer, mais j’aimerais te revoir » et que nous avons échangé nos téléphones dans la cuisine… Moment où la porte sur elle s’ouvrait, où je n’étais pas encore entré. J’étais sur le seuil, pour elle inconnu aussi. 

J’en parle avec nostalgie, mais je ne suis pas vraiment nostalgique : ma relation avec elle est encore fraîche, riche, pleine de « possibles », encore « à vivre »… 

 

28/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

Hier matin Guylaine m’appelle, en catastrophe :

Besoin de me voir, ça allait mal.

Je l’ai rencontrée à la sortie de son boulot. Raccompagnée chez elle (la tête sur mes genoux dans l’auto).

Resté très peu car je devais rejoindre Colette pour aller chez son neveu Rodolphe (je la vois ce soir).

 

VÉCU – TÉLÉVISION

 

Je fais mon entrée sur TF1. Émission pour B. : 26 et 15 minutes.

Bien meilleures conditions que sur A2.

 

VÉCU

 

14 h. Avenue McMahon. Une feuille jaune sur mon pare-brise : l’automne est venu d’un coup !

 

VÉCU – FEMMES

 

(22h30)

 

Chez Guylaine, couché. Calmos. L’eau chauffe pour le thé.

 

29/09/1978

 

VÉCU – FEMMES

 

(17 h)

 

À la maison, un moment entre le tournage (Hirsch) et le moment de retrouver ma douce…

Cette nuit, chez Guylaine : suite à ça (voir note précédente du 28/09) :

On éteint la lumière après avoir bu le thé (après aussi que je lui ai lu à sa demande le début de ce carnet).

Nos corps se trouvant (double élan) et nos bouches…

Long parcours sinueux entre nous. Elle veut mais sans vouloir.

D’abord : elle est bien « comme si elle était morte ».

Ensuite elle appréhende « comme si elle était vierge, comme si elle allait être violée ».

Elle veut bien, mais me demande de me retirer si elle a mal, expliquant son vagin douloureux, sa vulve enflammée.

J’entre en elle : elle a mal. Je cesse. 

Je repartirai au matin, sans frustration, sans crainte que ce soit moi qui aie « manqué » à quelque chose… en lui disant que ce n’est pas grave pour moi, que j’ai trouvé ma gratification ailleurs (Anne – Colette), qu’elle avait tort de croire que cela pouvait « casser » quelque chose entre nous.

 

02/10/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

(15 h)

 

Cet après-midi : une solitude.

J’ai laissé Colette au Châtelet. J’allais retrouver René pour un papier qui manquait (pour la signature de la location appartement parents).

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

Petite déprime aujourd’hui. Je sens plus fort que d’habitude les freins qui entravent nos vies, nos amours, nos mouvements du cœur. Hier soir, on est rentrés du week-end à Étretat. Week-end gentil, sympa ( avec Maryse et Marc ). Balades en voiture cause pluie, froid. Nuit à l’hôtel Morgan, à Veulettes ( pas vu Craby ). 

Matelas par terre, cause lit qui grinçait. Colette a beaucoup crié ( c’était très bien, cette nuit-là… )  plaisanteries que j’adore, qui me ravissent. 

En revenant de chez Marc et Maryse où on a fini le Dimanche ( film débile à la télé, dont on a fini par couper le son pour écouter Jorge Ben ) fait l’amour puis parlé ( à partir de ma question : « Qu’est-ce que tu ressens ? » et de son refus de répondre ). Dit à Colette que même si c’était dur parfois pour moi, je comprenais qu’elle pratiquait la tolérance, instinctivement, et réclamait son droit à ce qui m’émerveille chez les gens, que je trouve impensable : la profondeur, le secret. 

Elle m’a parlé des moments où nous étions à la fois loin et près ( lui ai raconté l’enfant et son jouet attaché par une ficelle ) ( parmi ces moment : la danse ). 

Elle a employé l’image : « Tu perds pied un moment puis tu te remets à nager et tu es bien. Lui ai demandé si ce que j’avais dit, elle ne croyait pas que c’était ça ma « rampe » à tenir par la main pour ne pas décrocher d’elle. Elle n’a d’abord pas compris que j’ai mieux expliqué : elle était d’accord. Elle m’a dit que je la comprenais bien, que j’étais le seul homme qui la comprenne si bien. M’a questionné sur l’amour : « Est-ce que tu me sens bien du début à la fin ? » Lui ai dit que chaque fois que c’était fini, j’étais émerveillé par la façon dont on faisait l’amour, par la manière dont elle se « donnait » ( un bref instant me suis interrogé sur cette notion de « cadeau » ). Elle m’a parlé de ce week-end : pour la première fois nous avons « vécu » ensemble, avec le quotidien et les autres qui nous « font » ( ai cité : « Je te connais comme si je t’avais fait. D’ailleurs : je t’ai fait… » ). Parlé d’Anne aussi ( qui m’a appelé pendant que j’étais dans le bain. Colette a répondu ). Elle croyait que ce n’était pas « fini » et ne comprenait pas que je demande à Anne « du temps ». Pour elle : quand c’est fini, c’est fini. 

 


Aujourd’hui : retour en force du quotidien, de la grisaille ( même s’il fait beau, cet après-midi ). J’écris à table, téléphone posé dessus : plein de coups de fil à passer. Pas envie. Pas bien. Pourquoi ? « Les lendemains qui déchantent… » 

 


Dit hier soir par Colette : « Je comprends les choses. Je comprends tout… »

 

VÉCU – SEXE

 

Ce soir : une solitude en images mouvantes…

 

03/10/1978 

 

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

 

Je termine ce carnet en beauté, dans l’ordure et le désastre : appelé Josette F. cet après-midi. Alors que j’allais raccrocher, elle commence à me parler de Jocelyne et de son Charly. J’écoute, intéressé. Et là se déverse un flot de révélations qui me laissent stupéfait : dès avant mon départ, il y a eu plein de mecs : non seulement Jean-Louis C. (avec qui ça n’a pas été passager, mais a duré, au contraire, un an et peut-être plus, je ne sais plus), Lucien, son frère, Philippe, un petit gars, ado rencontré en camp venu repeindre l’entrée, Gilles F., qu’elle a appelé pour se l’envoyer +1 autre type du CES.

Depuis mon départ, il y en a eu plusieurs, ai-je appris (dont Charly, le premier soir, en alternance avec un autre).

Ce soir, je suis déprimé, écœuré. Quel naïf je peux faire ! Moi qui n’ai jamais rien vu, rien compris. Et de découvrir que j’ai vécu pendant dix ans avec une professionnelle du mensonge… Désastre…

 

03/10/1978

 

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE 

 

 On parlait avec Colette ( Quand ? Au restau, chez Gilles ? ) de la danse. « Tu m’apprendras ? » disais-je. « Non, a-t-elle répondu, je ne veux pas t’apprendre. Tu apprendras tout seul » ( Je note ce « non », ferme et catégorique. « Non » dans l’amour, aussi, plusieurs fois ) Voilà un silence « typique » : Pourquoi non ? J’évoque des hypothèses, dans une gamme large, dont l’éventail est rendu possible par le « mystère » : – parce qu’elle considère que ce n’est pas important que je sache danser et subordonne cela à moi, à mon envie de savoir le faire, acquis qui viendrait avec la pratique. – Parce qu’elle n’a pas envie m’apprendre – Parce qu’elle trouverait « diminuant » « pour un homme » qu’une femme lui apprenne à danser ( tenant compte de l’importance de la danse dans sa culture. ) Autant de possibilités qui sont autant d’ouvertures sur une Colette qui reste à découvrir.

 


Au fond : désespérance…

 


Il est 2 heures (le 04/10/1978). Je n’arrive pas à dormir. J’écoute les Rollingstones…

 

Mes carnets personnels depuis 1963