Carnet 15 – Du 8 février 1973 au 2 février 1976
08/02/1973
VÉCU – HUMOUR – ZYF
Histoire juive. Un juif est arrêté par un passant qui lui demande :
– « Pardon, Monsieur, pourriez-vous me donner l’heure ? »
Le juif répond :
– « Non ! » (Ou : « Pas question ! »)
ÉCRITURE
Vieux de quelque temps. Notez ailleurs. Je le re note ici :
– « L’existence est gratuite. Mais la vie est chère… » (2015 : from Internet : pas fait)
26/02/1973
VÉCU – HUMOUR – ZYF
Zyf, au téléphone, de Lorient, m’a dit que cette histoire est très vieille. Je ne le savais pas.
VÉCU – CINÉMA – LYCÉE LAKANAL
Tourné à Lakanal.
Retourné à Lakanal.
04/03/1973
(3h20)
VÉCU – RÉFLEXION
Sur les pages précédentes (couvertes de notes et schémas pour fabrication de meubles par moi-même) : témoignage de mon être social. Pris dans les mailles de ma société. L’amour du beau : un besoin qui complique les choses ou un simple alibi ?
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Pour une émission sur un pays étranger ( exemple : la Pologne ) un Français se réveille un matin et autour de lui tout a changé : il est en Pologne ( toutes les inscriptions sont en polonais – tout le monde parle polonais, etc… ) Sa femme est polonaise, ses enfants sont polonais…
Vécue, une découverte de la Pologne.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
A la suite d’une catastrophe survenue parce que les produits qu’ils fabriquent l’ont occasionnée, des ouvriers cessent la production et exigent une production selon de nouvelles normes.
(Stade positif après stade négatif. Reprise en main )
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Raconté par Jocelyne. Employée de la Sécurité Sociale pour les cas litigieux : un type vient la voir. Sa femme est enceinte. Il se plaint de la pilule. C’est lui qui la prenait…
CINÉMA – RÉFLEXION – POLITIQUE
Le temps est venu de faire des films positifs pour une grande masse de gens.
Le film de Krivine à « Armes égales » : la vraie télévision. En liaison directe avec le réel. Au cinéma : impossible. Il ne colle pas à l’actualité. Il faut être moins ponctuel.
Ce qui m’a le plus frappé : le présentateur du journal qui est viré en direct. C’est une dialectique avec un cadre existant. Est-ce applicable au cinéma ?
À l’intérieur d’un film de montage d’actualité ?
Autre élément : l’ironie.
06/03/1973
ÉCRITURE – CINÉMA – RÉFLEXION
L’image cinématographique : la réalité tempérée…
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION – AGNÈS
Ces temps-ci : en général, en m’endormant, il m’arrive que mon assoupissement s’interrompe brusquement parce que certains faits se présentent soudain à ma conscience sous une lumière très vive (je ne dis pas que j’en prends conscience, parce que je ne suis pas sûr que ces états de conscience soient en prise sur la réalité, mais plutôt sur une autre forme de subjectivité).
Il y a eu : ma fille, des gens qui travaillaient et réussissent à faire des choses, etc.
de plus en plus, je pense que réel imaginaire se mélange pour moi et que c’est le nœud du problème.
Mon imaginaire déborde sur le réel et perturbe la perception que j’en ai (à moins que ce ne soit l’inverse. Là est la question).
11/03/1973
VÉCU – POLITIQUE
Élections.
Quelles crises faudra-t-il à la France (et au capitalisme mondial) pour s’engager sur la voie du socialisme ? Quand on pense qu’une fantastique secousse comme celle de la deuxième guerre mondiale n’y a pas suffi. Hitler brouillait les cartes. Il y a toujours du brouillage. Quand les choses deviendront-elles claires ? On le souhaite, mais on se dit qu’elle ne se clarifieront que dans les plus grands malheurs.
12/03/1975
(2 h)
CINÉMA – RÉFLEXION
Faire une image d’avion.
Repenser à mon image de la voiture poursuivant l’avion. C’est typiquement l’image qui est un « supplément réel ». Un avion tout seul : faire confiance au réel. Les choses qu’on filme ont plus d’importance que la manière de les filmer. (*) Être attentif au réel au niveau du tournage.
C’est le dortoir de Lakanal qui m’a fait découvrir ça.
Mais il faudrait dégager toutes les implications analytiques de ses remarques. Il est actuellement peu de choses que je puisse dire ou faire sans qu’il me vienne la conviction qu’elles ont un sens psychanalytique.
Ça ne me dit pas pour autant lequel…
(*: Il ne faudrait pas pour autant s’en remettre au réel. Le dortoir : oui, mais il est « digéré » par le plan séquence. ← Significatif : dans le plan séquence, l’impact du décor s’use, en fonction directe du temps qui passe. Un découpage morcelé est une suite de surprises pour l’œil qui déconnecte les spectateurs du sens général. C’est alors le découpage qu’il faut charger de sens.)
VÉCU – POLITIQUE
Les Français ont une majorité, mais ils ne sont pas majeurs…
22/03/1973
VÉCU – MA MÈRE – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – ÉCRITURE
Et la mort de ma mère – qui s’approche – et ma honte et ma peur. Il faut parler. Il faut que je te dise la douceur et la paix le calme le silence le McGregor honteux le voile et la douceur la rue de Neuilly le paratonnerre
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Grève d’écrivain. Bras croisés devant sa feuille blanche. Les CRS prennent position autour de sa maison…
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Une petite coiffeuse qui utilise un casque de son patron, la nuit, dans le salon, pour faire une indéfrisable à une copine….
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une grève « en négatif »… Grève de quelqu’un ou quelques uns qui ne font jamais la grève ( les patrons )
Ou bien :
Une grève qui tourne court. Personne en les écoute. Personne ne fait attention à eux. Le patron ne songe même pas à négocier. Les flics ne songent même pas à investir. Les journalistes ne songent même pas à rendre compte. Le public ne songe même pas à soutenir. Peut être, seulement, les gauchistes, qui se démènent comme de beaux diables.
( + le syndicat qui ne bouge pas non plus, occupé à la préparation des élections de 1995… )
Cette conspiration du silence a différentes motivations suivant les gens. On peut interpréter le film comme une symbolisation :
Le patron : laisse pourrir la grève ( = réel )
Les flics : ne jugent pas utile d’intervenir ou n’osent pas ( = réel )
Les journalistes : font les sourds ( = réel )
Les gauchistes : se démènent ( = réel )
Le syndicat : ne prend pas en charge ( = réel )
…/… (?) Créer une atmosphère un peu de rêve où les grévistes se heurtent à une sorte d’indifférence, d’apathie étrange, comme s’ils parlaient à des dormeurs, dans leurs rêves
Séquence 1 : La grève éclate. Ou a déjà éclaté ( banderole )
Séquence 2 : Les grévistes chez le patron. Ils ouvrent la porte du bureau. Il téléphone. Ils avancent jusqu’au bureau. Il les regarde mais de ces regards rapides et vides des gens qui téléphonent. Poing sur la table :
– Y en a marre… Un franc d’augmentation par heure, le treizième mois, réduction des cadences, réintégration des 2 camarades licenciés la semaine dernière pour activités syndicales : pour la satisfaction de ces revendications, à dater d’aujourd’hui, on est en grève illimitée !
Jusque là, le patron écoutait son correspondant, en marquant des chiffres sur un papier. A la fin de la tirade, il demande au téléphone :
– Penaroya, combien ? ( Il marque ) Et Rhône Poulenc ?
Les mecs : grand coup de poing sur le bureau :
– On est en grève !
Le patron, au téléphone :
– Un moment… ( il bouche le téléphone ) Vous êtes en grève ? Bon, et alors ?
Les mecs se regardent, ébahis. Le patron s’apprête à reparler dans l’appareil. Un mec :
– On vous séquestre !
Le patron, rebouchant à nouveau le combiné :
– Bien… Je peux continuer à téléphoner ? ( Il reprend l’appareil ) Combien disiez vous, Rhône Poulenc ? Il note. Les mecs se regardent, interloqués.
– Bon, Émile et Jean, vous gardez le bureau, nous on va s’organiser… Ils sortent.
Séquence 3 : Le délégué syndical entre dans un bureau vide. Il téléphone :
– Allô, la CDT ? Ici, Dumas, délégué aux usines Ponsard… Je voudrais parler à mon secrétaire fédéral… ( il précise la branche ) Allô, Louis ? Salut, c’est Fernand. Dis donc, ici on s’est mis en grève… Illimitée, oui… Les revendications sont les suivantes ( il énumère ) Je t’appelle parce que les gars comptent sur le soutien de la Fédération… Qu’est ce que tu dis ? Les élections… Quelles élections ? 1995 ? Ah, oui… Bon, attend une seconde. Moi, qu’est ce que je fais ? Je suis les évènements…? Bon, d’accord, entendu… Salut Louis…
Il raccroche.
Séquence 4 : ( écriture interrompue )
23/03/1973
VÉCU – MES PARENTS
La doctoresse est optimiste.
Commentaire du 3 avril 2016 :
Cette note concerne la santé de l’un de mes deux parents (oublié lequel)
– Commentaire écrit à 69 ans
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Un train qui passe dans la nuit. Un objet tombe du train et roule dans l’herbe. Une lampe électrique s’allume. On découvre l’objet dans son faisceau
→
Couloirs du train qui roule dans la nuit :
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Près d’une voix ferrée, un personnage ( enfant ? Jeune homme ? ) découvre un message ( papier autour d’un objet lourd, comme un cendrier métallique de la SNCF, retenu par un élastique, enveloppé de plastique transparent pour le protéger de la pluie ) Ce message l’invite à se rendre à la ville où la personne qui a écrit le message allait en train.
24/03/1973
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Manif dans la rue des accordéonistes qui protestent parce que plus personne ne les écoute ni ne leur donne d’argent. Ils défilent en jouant : « Accordez, accordez, accordez donc l’aumône à l’accordéon… » (peut-être avec Greco qui chante en tête).
ÉCRITURE
Le temps s’est remis en place
et je suis tout surpris.
Il est dix heures
et je croyais
qu’il en était onze et demie.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Un ouvrier dont le travail a été déplacé et qui vit avec sa famille dans une caravane stationnée dans un champ.
Il vient installer sa caravane devant la préfecture et déploie une banderole…
( Commentaire : un bon départ mais encore le logement…! )
Se servir du cinéma pour inciter à la révolte.
Commentaire du 05 avril 1975 :
On se sert de la révolte pour faire du cinéma
– Commentaire écrit à 29 ans
Autre problème important : la vieillesse. Une manif de vieux où ils utilisent ( avec l’aide des gauchistes ) le principe du fauteuil roulant ( un mannequin de Pompidou dans un fauteuil roulant ? )
« Monsieur Pompidou, vous aussi vous serez vieux ! »
( Ou bien rien du tout. Ou bien : slogan = « La retraite pour Pompidou » )
Suivi de banderoles et de milliers de gauchistes portant chacun une petite pancarte au bout d’un bâton qu’ils tiennent en l’air :
« Je m’appelle Maurice Filoche. J’ai 73 ans et 230 francs par mois pour vivre… »
« Je m’appelle Alice Frelut. J’ai 76 ans et 190 francs par mois pour vivre… »
Ils peuvent brûler le mannequin et le fauteuil roulant.
La manif est filmée par la télé.
Devant son poste ( ou bien à sa fenêtre ) une petite vieille :
– Tiens, là : c’est moi…!
( Voir attentivement les mots d’ordre de la manif ) Exemple : « T’as fini d’travailler
Maint’nant tu peux crever ! »
ÉCRITURE
– Je suis engagé…
– Par qui ?
ÉCRITURE
Le haut Ferré…
Ou plutôt : « Les hauts Ferré… »
25/03/1973
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Idée (trouvée hier au fil d’une discussion avec Jo) :
Manif de couturières qui défilent en portant chacune un mannequin revêtu d’une robe extrêmement coûteuse et portant un écriteau : « Madame Dassault » ou « Madame Boussac » ou « Madame Pompidou », etc…
Et derrière suivent d’autres couturières qui portent des banderoles :
« Elles ont des robes parce qu’elles ont des sous…
Les robes, on s’en fout,
mais on veut des sous… »
( Slogan à revoir ) ( peut être rien du tout )
IDÉE – PHOTOMONTAGE
Une rue pavée. Un mur le long de cette rue. Sur le mur : l’inscription de Mai « Sous les pavés, la plage… « Une fille descend du trottoir en maillot de bain. (2015 : from Internet : fait)
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
L’ouvrier qui pisse près de sa machine. Le contremaître arrive, scandalisé… « C’est pour pas faire baisser la production ! »
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une scène (d’un film) pour Patrice (connu en 1969 au service militaire. M’impressionnait beaucoup par son anarchisme et son courage physique) (longtemps que je pense à faire quelque chose avec lui) :
Scène où un ouvrier cherche à se faire virer :
Il utilise la machine sur laquelle il travaille pour faire quelque chose pour lui…
Il arrête de bosser sur la pièce du patron et commence la sienne intervention du contremaître ( sans effet ) il va chercher le patron. Le patron arrive :
– Qu’est ce que vous faîtes ?
– Ben, vous voyez : un … ( suit le nom de la pièce )
– Vous vous servez de mes machines pour votre compte personnel et vous me dites ça comme ça, froidement…!
– Quand je bosse 8 heures sur cette machine : pendant 3 heures, je bosse pour moi parce que vous gagnez sur mon boulot sert à payer mon salaire mais pendant les 5 heures qui restent, vous faites du bénéfice… Alors je me suis dit comme ça que je pouvais me permettre de diminuer un peu votre bénéfice en vous « empruntant » la machine pendant une heure… Mais c’est vrai : j’ai oublié de vous demander votre accord… Où avais je la tête !
– Mon vieux, tu peux te tirer : t’es viré…
– D’accord mais pas avant que j’ai fini d’aléser mon cylindre…
– Fous le camp tout de suite, je te dis, sinon j’appelle les flics…
– Appelle les, les flics, pour voir, mon p’tit mec, je leur causerai de… ( il évoque un cas de non respect d’une législation du travail où le patron est en tort mais sur quoi habituellement les autres mecs ferment leur gueule… ) T’inquiète pas : j’en ai marre de ta taule. T’as pas besoin de me virer : c’est moi qui me tire mais je vais d’abord finir ma pièce et tu vas me foutre la paix, vu ?
Le patron se tire.
CINÉMA – RÉFLEXION – SOCIAL – POLITIQUE – TÉLÉVISION
Pourquoi ai-je plus de facilité à « inventer » en ce moment, c’est-à-dire à innover : parce que je cherche dans le domaine politique et social et qu’on n’a rien fait ou peu de choses jusqu’ici dans ce domaine.
Il est plus difficile sinon impossible d’innover dans le domaine du fantastique parce que c’est un domaine du passé (dépassé).
La création (au sens d’innovation) est ancrée dans l’histoire. Tout se passe comme s’il suffisait (peut-être) de bien se placer dans la phase historique où l’on se trouve pour que les cordons de la bourse-création se délient…
Une bonne idée pour neuf mauvaises : une chose que je n’arrive pas à admettre. Je l’admets peu à peu (influence de la télé peut-être (illisible), mais ce qui est malheureux chez les réalisateurs de télé, c’est que les dix passent à l’antenne. = Impératifs économiques. Les réalisateurs courts après les émissions – pour vivre. Ils obtiennent émission avant d’avoir des idées sur ce qu’ils vont mettre dedans. Ça devrait être l’inverse.
O.R.T.Esbrouffe
26/03/1973
ÉCRITURE
Les vagues sont les aiguilles de l’horloge marine.
ÉCRITURE
Aujourd’hui tout film qui n’est pas un film de combat est un film fantastique.
27/03/1973
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Patrice dans lieu bourgeois (appartement où l’amène son copain ?)
01/04/1973
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
L’ouvrier et la caravane.
Le texte qu’il affiche :
« Je suis un ouvrier qui, comme 243 autres, travaille (interrompu)
« Je suis ouvrier, venu travailler à la construction du complexe pétrochimique Cogirep. En guise de logement, les patrons nous haussent des caravanes entassées dans un camp. On veut un logement décent. C’est déjà assez dur de quitter sa région pour aller travailler ailleurs. Puisqu’on ne m’offre qu’une caravane, j’ai décidé de venir l’installer ici, c’est plus agréable que dans ce camp où on nous parque… »
Plan 1
bord de Seine. Voiture + caravane arrive, vient vers caméra, s’arrête.
Il descend, positionne la béquille de la caravane, prend dans la voiture l’affiche qu’il scotche sur la caravane. On est en plan rapproché sur l’affiche pour la lire. Il passe dans le champ → panneau d’accompagnement. Il va la voiture prendre quelque chose. Apparition au fond du champ d’un pépé. Il le regarde, puis entre dans la caravane. Le pépé arrive, lit l’affiche. L’ouvrier sort de la caravane : le pépé l’apostrophe :
– « J’en ai rien à foutre de vos conneries, moi. J’avais pas le droit d’être là. C’est un terrain privé… »
L’ouvrier : « Allez chercher les flics… J’en ai rien à foutre. Ça me dérange pas qu’il y ait du grabuge. Au contraire : je veux que les gens sachent ce qui se passe… Qu’il y ait des journalistes… La télé… Comme ça, ça me fera de la publicité et peut être qu’il aura quelque chose qui changera…
Le pépé :
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Plan 1 :
Bord de Seine. Voiture + caravane arrive, vient vers caméra, s’arrête. Il descend, positionne la béquille de la caravane, prend dans la voiture une affiche qu’il scotche sur la caravane : « Je suis ouvrier, venu travailler à la construction du complexe pétrochimique Cogirep. En guise de logement, les patrons nous offrent des caravanes entassées dans un camp. On veut un logement décent. C’est déjà assez dur de quitter sa région pour aller travailler ailleurs. Puisqu’on ne m’offre qu’une caravane, j’ai décidé de venir l’installer ici, c’est plus agréable que dans le camp où on nous parque… » On est en plan rapproché sur l’affiche pour la lire. Il passe dans le champ panoramique d’accompagnement : il va à la voiture chercher quelque chose. Apparition au fond du champ d’un pépé. l’ouvrier le regarde puis entre dans la caravane. Le pépé arrive, lit l’affiche… L’ouvrier ressort de la caravane. Le pépé l’apostrophe :
– J’en ai rien à foutre de vos conneries, moi. Vous avez pas le droit d’être là, c’est un terrain privé…
L’ouvrier : « Allez chercher les flics… J’en ai rien à foutre. Ça me dérange pas qu’il y ait du grabuge. Au contraire : je veux que les gens sachent ce qui se passe… Qu’il y ait des journalistes… La télé… Comme ça, ça me fera de la publicité et peut être qu’il y aura quelque chose qui changera…
Le pépé : Je vais te foutre les flics au cul, mon gamin… Et il s’en va. L’ouvrier lui fait un bras d’honneur…
Fondu au noir
Plan 2 :
Arrivée de 3 flics dans une voiture. L’ouvrier est à la porte de la caravane. Un flic lui parle :
– Le flic : Vous savez que vous êtes sur une propriété privée ? Veuillez me suivre pour vérification d’identité…
– L’ouvrier : Mon cul…!
– Le flic : Outrage à un policier dans l’exercice de ses fonctions… Suivez moi immédiatement… Et il avance vers l’ouvrier. Celui ci prend un fusil de chasse planqué dans la caravane, près de la porte et le braque sur le flic…
– L’ouvrier : On nous prend pour des cons. On nous parque, on nous fait trimer comme des bêtes. Ça fait trop longtemps que ça dure. Y en a marre. Maintenant tirez vous ou je vous brûle…
Le flic se barre. Ils remontent dans la voiture.
Fondu au noir
Plan 3 :
Arrivée du patron ( en Jaguar ) Il descend de voiture et appelle l’ouvrier. Celui ci apparaît à la porte de la caravane, fusil à la main…
– Le patron : Je viens négocier…
– L’ouvrier : Attention : je vous ai à l’œil…
Le patron s’avance. L’ouvrier descend et se place devant la porte de la caravane. Le patron est devant lui à quelques pas…
– Le patron : Qu’est ce que tu veux exactement ?
– L’ouvrier : Un logement…
– Le patron : Les caravanes, c’est provisoire. Dans quelques semaines, vous serez logés dans du dur…
– L’ouvrier : Dans quelques semaines… Encore des promesses… Ça fait 2 mois que ça dure…
– Le patron : Je peux envisager de vous verser une prime mensuelle…
– L’ouvrier : Non. Un logement…
– Le patron : Je ne peux pas faire d’exception… Si je te donne un logement tout de suite, les autres vont en vouloir autant et ce n’est pas possible…
– L’ouvrier : Alors on n’a plus rien à se dire…
A cet instant, la caméra panoramique et découvre, rampant sous la caravane : un flic…
L’ouvrier se retourne rapidement et braque son fusil sur lui mais un coup de feu claque…
Il s’écroule.
Des flics accourent et se penchent sur lui.
Le patron va à l’affiche scotchée sur la caravane et l’arrache.
Véhicules + accessoires
Une caravane
Une voiture
Une voiture flic
3 uniformes flics + armes
Un (illisible)
Un fusil de chasse
Autorisation terrain bord de Seine
4 plans séquences
1 jour de tournage
Comédiens :
Ouvrier : Le M.
Pépé + flic : figurants (4)
Patron : Desfons ?
02/09/1973
VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
Écrit par Jocelyne dans mon carnet :
21h 45 : Je suis partie me coucher parce que le film ne m’intéresse pas et que le livre que je lis (« Le pavillon des cancéreux ») me passionne. Je suis allée me coucher et, en lisant, je t’attendais. J’ai entendu que tu couchais les animaux, alors j’ai posé mon livre et j’ai mis ma tête sur ton oreiller. J’ai entendu que tu fermais les lumières. J’ai attendu. J’ai entendu que tu fermais la porte. J’ai compris. Je suis allée à la fenêtre et j’ai vu la voiture partir. Tout ce que j’ai ressenti alors n’a plus d’importance. Je m’excuse d’écrire dans ton carnet.
Jo
Commentaire du 03 avril 2016 :
Douleur et honte à lire cela.
– Commentaire écrit à 69 ans
06/09/1973
ÉCRITURE
(Peyrat le Château – hôtel)
Je suis jaune, il est vrai, mais, aux sabres bien nés, l’avaleur n’attend pas le nombre des armées… (2014 : from Internet : fait)
VÉCU – BANDE DESSINÉE
Pour « Pilote » :
Le gosse dans la voiture (idée)
« La saisie » (idée)
Le métro (idée)
Campagne (continuité)
27 ans
02/12/1973
VÉCU – BANDE DESSINÉE
« Pilote » : non.
Tant pis… lote…
CINÉMA – RÉFLEXION – FANTASTIQUE – SOCIAL – POLITIQUE
Métro :
Aspects à dégager :
– Fantastique (les dimensions : synthétiser les 2 aspects fantastiques (humoristique + social) dans les dimensions)
– Révolte – chamboulement social
VÉCU – CONFLIT – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – ÉCRITURE
(Après une scène au sujet de l’argent) : les victimes qui s’entre déchirent… Si les bourreaux étaient des artistes, au lieu d’être des gens d’affaires, on pourrait dire qu’ils ont réussi un chef d’œuvre…
1974
03/02/1974
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Feu rougeoyant sous les grilles du métro dans la rue
03/02/1974
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une association de joueurs de billard. Peu à peu le côté association l’emporte sur le côté billard. Les leaders apparaissent qui transforment l’association en phalange politique (possible dans un certain contexte).
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une voiture qui n’a que trois roues. Un gars court en soutenant la voiture : il remplace la roue qui manque.
VÉCU – AGNÈS
Bilan 73 : 30 pages !
Bilan 74 : 1/3 de page ! ! !
Est-ce parce que j’ai vécu que je n’ai pas écrit ? Mais ai-je vécu ?
28 ans
1975
20/02/1975
VÉCU – AGNÈS
Un an d’intervalle et je reprends ce carnet. Mais est-ce que je le reprends vraiment ? Quand je pense que je ne trouve même plus la force de noter les quelques maigres idées dont je parsemais autrefois ce carnet rouge, entre deux épanchements inutiles, du style « Viens que je pleure sur ton épaule… »
Ces derniers jours, j’en ai eu, deux ou trois, des idées. Enfin deux ou trois choses à noter. Mais je me suis empressé de les oublier (naturellement).
Agnès parle beaucoup mieux maintenant.
Il y encore quelques groupes de sons qu’elle n’arrive pas à formuler, mais c’est merveilleux de l’entendre répéter les mots en les associant aux choses. Ce qui est peut-être encore plus frappant, c’est les abstractions comme : « Moi », découvert il y a déjà quelque temps, « Pourquoi ? » ou « Je ne sais pas » (entendu pour la première fois aujourd’hui). Ses facultés d’imitation se développent également et, par extension, la notion de jeu (au sens théâtral) avec un magasin ou une cuisinière imaginaire où elle va chercher les aliments pour nourrir sa poupée, nous ou elle-même…
Notables aussi : son agressivité. Elle nous frappe, nous crache à la figure et nous défie verbalement. Jocelyne ne prend pas très bien la chose. Moi non plus, parfois (l’« ingratitude des enfants »…)
Mais ce qui domine – pour moi, en tout cas – c’est l’émerveillement de la voir grandir et acquérir de plus en plus de choses. La voir apprendre à pédaler sur un tricycle, à donner un coup de pied dans un ballon, allumer ou éteindre la lumière, ou la télé, baisser sa culotte, autant de choses qui nous paraissent normales et dont elle renouvelle la vision. Autre chose remarquable : elle a parfois des peurs, subites, et dont la motivation paraît parfois faible : peur du chat ! Parfois, au contraire, évidente (les chiens, souvenir de Daisy ou d’un autre chien effrayant ?) Peur de certaines séquences à la télé (je ressens à travers elle combien la télé est une lucarne, sur un « réel » tangible, à portée de la main et qui nous met à portée de sa propre main).
Je regrette assez souvent de ne pas la photographier davantage, ni de l’enregistrer, car sa voix et sa façon de parler vont changer très vite. Je compte le faire bientôt.
L’autre jour, ses grands-parents étaient là, au grand complet (que la vie les préserve). Elle a découvert « C’est une méchante mère », de Kerval, sur l’électrophone. « Boum ba liboum » est devenu pour elle : « Baboum » Qui peut dire combien une chose pareille est émouvante ? Elle l’a réclamé vingt fois et, vingt fois, elle a dansé, car elle adore ça.
Il semble qu’elle aimera la danse, mais tous les enfants, presque, ont une période « danse », du moins, il me semble. Moi-même je dansais, enfant !
CRÉATION – IDÉES
Je cherche à retrouver les idées de ces derniers jours, mais… rien à faire.
21/02/1975
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION
Moi qui suis si curieux de retrouver mon passé par le menu des jours, sinon des heures, je n’ai pas la force de tenir un journal…
Tout à l’heure, dans le noir du lit, revenant à la veille après avoir été très près de dormir, comme cela arrive souvent, j’ai regretté de n’en avoir pas tenu un durant cette année qui vient de s’écouler, « L’année de la séparation »…
J’essayais de rassembler ce que j’ai vécu, ce que j’ai ressenti, de le synthétiser pour me « placer » dans le monde, car je cherche ma place, je cherche à définir mes rapports avec le monde et surtout à savoir comment ces rapports peuvent évoluer, si mes illusions et mes désirs ont un avenir, en somme.
Pourquoi tenter d’éclairer l’avenir par un retour sur le passé ?
Parce que je me sens ce moment, depuis peu de temps, le négatif de ce que j’étais il y a un an.
Il y a un an, j’étais ouvert, enthousiaste, avide, plein d’espoir.
Aujourd’hui, j’ai perdu l’espoir et l’enthousiasme, j’ai perdu la confiance « en l’autre ».
Aujourd’hui je pense – et ce n’est pas neuf – que nous mourrons tous, que nous avons peu de temps et que nous gaspillons le temps précieux, en agissant comme si nous « l’avions », ce temps (ce qui peut être une manière de nier la mort. Presque tout ce qui dure moins qu’une vie humaine est produit en série et remplaçable dès destruction ou prendre de même par la Nature, (les fleurs, les feuilles). Tout le reste dure plus que nous. Il y a permanence en ce monde. On s’y installe. Il est fait pour durer. Il a la tranquillité des bovins).
Or celui qui ne veut plus « perdre son temps » perdra sa vie, celui qui veut découvrir et aimer (ce qui me paraît l’essentiel de la vie), celui-là ne le peut pas. Et par qui en est-il empêché ? Par les autres. Ceux qu’il veut aimer sont ceux qui l’en empêchent. L’amour se dérobe ou s’éteint après la flambée. Ce qu’on veut découvrir s’avère décevant ou le devient par l’habitude. Ce soir, je m’appelle Marcel Proust. Et il est certain que cette année passée m’a amené lentement mais sûrement à ce point et, comme les autres années (mais avec un charme particulier) elle m’aura laissé un goût doux-amer de nostalgie :
– Premier soir aux Coudreaux. Pépé le Chilien. Olivier l’enfant. Du bruit dans la maison, du monde, de la lumière. On attendait des amis pour projeter des films. Myriam, là-haut dans la chambre. « Comment tu t’appelles et est-ce que tu portes une perruque ? »
J’ai cherché une femme dès le premier soir, jusqu’à la gare nous somme allée attendre ceux qui arrivaient en train.
– La fin de Laure après la soirée chez elle, où nous sommes allés faire les courses chez cet épicier de luxe de Neuilly-sur-Seine…
– Myriam et moi dans la cuisine, échangeant nos œuvres écrites.
– Myriam et moi dansant sur « Le début de la fin » d’Eddy Mitchell (je savais bien que ce titre était symbolique…)
– Le week-end avec Fanou. Le chapiteau de Stivell. L’hôtel sous la neige. Le croisement de ma route pédestre. Mon premier texte « nouveau » en pensant à Danielle 1.
– Danielle 1. Le repas au restaurant. Le baiser dans la voiture. Les fuites futures.
– La rue Saint-Maur. Les nuits dans des lits différents. Les inconnus de passage dans cette grande maison. La vieille attaquée par un voleur précédé par mon dialogue avec Renata.
– Le cerisier par la fenêtre de la cuisine durant les matinées de paresse où je n’allais pas au travail. La maison vide, avec le soleil sur le carrelage. L’espace de la maison avec la musique. Les disques de Gilles D.. Le jazz des années 50. L’électrophone monté dans ma chambre. Les spots avec des filtres bleus et rouges. La couverture écossaise sur mon lit en mousse. Ma chambre, grande et nue.
– Marie. J’ai tout noté déjà, ailleurs. Mais je me rappelle le mieux le repas au restaurant corse.
– Danielle 2. Danielle. Les G. sinistres. Le cours d’art dramatique. Les nuits à Chelles. Agnès avec nous. Coluche (c’était avant, en fait). Les week-ends à Montpellier. La première fâcherie : elle, dans le noir, assise sur mon lit. Le retour en voiture : nos paroles. L’harmonie. Idi Amin Dada à la radio. « Ton Sud ».
– Jocelyne. Les passages à la maison. La crise de larmes dans la cuisine. Agnès. Jocelyne à Chelles.
– Myriam après Pépé. Son foyer de jeunes sinistrement moderne. La nuit de la mort de Pompidou.
– La décision de faire un film, sur l’autoroute. « Les plantes » avec Gros puis Zyf. La station-service.
– L’infirmière (j’ai oublié son nom) (→ Élisabeth) La foire du trône. La nuit ensemble : le corps-mort.
– Et puis le début de la fin : les vacances. Le stop. Momo sur la route. L’auberge du Mont-Dore. La fille qui m’a pris en voiture. Le passage chez P., chez C.. Nantes repérage. Montpellier. La résidence universitaire. Le séjour à la ferme. La promenade matinale avec Odette. Le départ. La gare, seul.
Nantes tournage. La lettre à Jocelyne. La maison seul.
Jocelyne et sa tunique blanche.
Danielle encore quelques jours. Puis la fin.
Jocelyne et des discussions. Des explications. Des précisions. Des rectifications. Et puis « La saisie ».
Et nous voilà ce soir. Une année en trois pages. Ma vie tiendra en 60 pages de ce carnet.
Quand j’y pense, la seule chose née cette année (l’amitié avec « Gros » date d’avant), c’est ce film, né d’une décision de mars ou d’avril, seul prolongement de cette année. Il y a aussi B.. Mais je ne sais quelle valeur attacher à B..
Les autres m’ont échappé ou je leur ai échappé. Ma belle confiance est morte. On ne part pas.
22/02/1975
CINÉMA – RÉFLEXION
Vu hier soir, à la Nation, avec Jocelyne : « Pas si méchant que ça » de Goretta.
Très beau film. Comédiens remarquables, surtout Marlène Jobert (que j’ai en quelque sorte découverte dans ce film). J’ai constaté une fois de plus avec ce film une chose récente chez moi : le goût pour les acteurs. Après tout : on peut se poser la question : pourquoi met-on des gens devant une caméra pour « jouer » la vie ? Pourquoi ne se contente-t-on pas de la filmer, la vie ? Pourquoi la fiction ? Pourquoi pas le documentaire ? Parce que cela correspond à une demande des « consommateurs ». Si la fiction, le scénario, le film « à histoire » s’est développé, c’est parce que les spectateurs aiment se voir dans l’écran comme dans un miroir, mais un miroir révélateur, fonctionnant comme un appareil à rayons X, par la sélection de certains visages d’acteurs, concentrant en eux-mêmes le maximum d’humanité, condensant les émotions que les spectateurs ont ressenties dans leur vie, mais enrichies, réchauffées par ceux qui les expriment sur l’écran, par quelque chose qui est tout à la fois leur photogénie, leur « aura », leur talent.
Or s’attarder, fixer un visage humain, implique de suivre cet être dans sa vie. On sélectionne dans la foule un être que l’on suit. Dès lors, on raconte une histoire, la sienne. Et la fiction est née. Car il faut reconstituer la temporalité. Mais ce qu’il est essentiel de saisir, c’est, je crois, que plus que les accidents de parcours (scénario), ce qui compte, c’est ce paysage humain qu’est un visage d’acteur (lorsque c’est un grand). J’ai essayé d’écrire ça à Zyf à propos de Redford.
C’est pour cela que, lorsque je voulais écrire un scénario où l’on passerait d’un personnage à un autre, au moment de leur rencontre, pour repasser à un nouveau et ainsi de suite, je commettais une erreur. Un tel film ne serait valable que comme « curiosité ». Un visage est aussi dessiné dans le temps.
DESSIN (d’un meuble en construction à ce moment-là)
28/02/1975
CINÉMA – TÉLÉVISION – RÉFLEXION
Écrit à Jourd’hui. Pas de « Monde étrange des plantes ». Je suis aigre. Je reviens de « Pas si méchant que ça ». Irréel. Les gangsters à meurtre et otages de cette nuit nous replongent dans la réalité.
15/03/1975
VÉCU – ÉCRITURE
Long abandon de ces pages. Pensé plusieurs fois à noter. Pas sous la main.
Au lit, les soirs de fin de « ouikinde », cet essai d’écrire, de créer, régulier, répétitif. L’impression de « refaire » le même effort.
Les mêmes directions :
– Les textes « automatiques » (qui ne sont pas si automatiques que ça. L’écriture du temps de la séparation ?)
– Les poèmes (mode oublié ?)
– Scénarios (inventer des personnages forts).
CINÉMA – RÉFLEXION
Ce soir, peut-être : une faible base.
Dans la lignée de mes réflexions piriaciennes sur « l’image » : le réel naissant de l’image (fantastique) :
– On amène une couronne. On attend la tête.
S’il vient autre chose qu’une tête… (par exemple : un champ d’herbe, dont les ondulations sont analogues aux cheveux), il est logique que la couronne (vu de profil) devienne un mur à créneaux :
Très mauvais en soi. Mais : une indication sur un processus. Glissement d’image ou un élément en amène un autre.
Mais il y a peut-être deux processus. L’un où l’élément en amène un autre et le second où l’élément en appelle un autre. La couronne appelle la tête → en relation (mais je ne vois pas tout de suite laquelle).
Palette avec agglomérat de peintures couleurs différentes feuilles ou toiles blanches. Le bleu disparaît → sur toile : élément bleu, etc.
23/03/1975
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Journal télévisé où les nouvelles seraient du quotidien sélectionné sans critères de « sensationnalisme »
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Un film où les mêmes phrases ou gestes dits ou faits par des personnages plongés dans des situations différentes prendraient de ce fait des sens complètement différents.
CINÉMA – THÉORIE – HUMOUR – SATIRE
Le cinéma de la vessie et le cinéma de la lanterne
Principe d’un essai à écrire : les actuels tenants de « l’underground » et autres cinémas de la « déconstruction » prétendent qu’il ne faut pas faire prendre spectateurs des vessies pour des lanternes. Il veut nous montrer les vessies en tant que vessie.
Moi je trouve qu’une lanterne, c’est bien plus chouette une vessie. Je suis pourra cinéma de la lanterne. C’est un cinéma plus éclairant.
De plus, cinéma de la vessie et, comme son nom l’indique, un cinéma de pisse-froid.
VÉCU – AGNÈS
Chaque « ouikinde » passe et laisse une âcre sensation de temps gâché. Je suis heureux, non : content, de voir auprès de moi Jocelyne et Agnès, dans le calme d’une journée paisible, je crois que je jouirais mieux de cette paix si je me sentais moins vide, moins stérile, si j’éprouvais ce calme au contact d’une activité intérieure qui lui ferait contraste et la raviverait d’autant.
CINÉMA – RÉFLEXION
Je suis à la recherche d’une « idée ». Mes notes des pages précédentes me déplaisent car tout cela est trop concerté, fabriqué. Je cherche une idée de « scénario », car je crois de plus en plus à la nécessité de personnages « vrais », engagés dans des situations qui doivent être réelles et en même temps, précisément, fortes. Il m’est difficile de les définir, de cerner cette « idée » que je cherche. Je ne peux que penser à des précédents qui m’ont frappé et devraient me guider. « Le Père Noël a les yeux bleus », par exemple.
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Le gars, payé pour prendre des photos de passants, qui, lassé des refus successifs, photographie tout autre chose ( une petite fille ? Et il lui donne les photos ? Il se fait virer pour ça… )
ÉCRITURE
« Vous ne me voyez pas comme je me vois… Moi non plus. »
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Un homme avait fabriqué un réveil-revolver pour se suicider. Il le mit à cinq heures. Il se réveilla à six heures, comme tous les jours : l’heure d’aller travailler (réflexe conditionné)… Il n’était pas mort car il avait mis le réveil à sept heures, croyant le mettre à cinq. Il alla travailler. C’est une façon de mourir plus lente mais aussi sûre !
24/03/1975
ÉCRITURE
Cafétéria des Buttes-Chaumont. : pullulement sonore. J’aime être bercé. Berceau de bruit sur la ville grise. Et toujours ce désenchantement.
HUMOUR – CINÉMA – ÉCRITURE
Acheté pour 5 Fr. chez mon « bouquiniste » au marché : l’anthologie « Planète » de l’humour noir. Des choses merveilleuses là-dedans.
Le Fantastique est grand quand il est une leçon. Mais l’image peut-elle avoir cette efficacité, celle des mots ?
25/03/1975
CINÉMA – RÉFLEXION
(1h45)
J’ai rencontré les D.. Je dis à Jocelyne que j’en ai assez des gens qui n’ont pas besoin de moi. Elle me dit que ça ne l’étonne pas et confirme mon égoïsme. Je ne pense qu’à moi. Dès cet instant, je ne pense qu’à partir : ce que je fais en claquant la porte. Je vais voir « Le long de la rivière Fango » après être arrivé trop tard à « Concert pour le Bengladesh » faute d’avoir lu attentivement le programme.
« Rivière Fango » : un vieux paradoxe : la paix a besoin de la violence pour se maintenir. Mais quelle paix ? Quel bonheur ? Les couleurs sont trop belles. L’image trop filtrée, trop diffusée. Mais les comédiens sont bons. Enfin : les seconds rôles, car ni Rufus ni Riva ni Bouteille ne m’ont enthousiasmé. Riva joue de la prunelle. C’est la femme d’un seul film : « Hiroshima ». Après, elle n’avait plus qu’à s’arrêter. Elle ne l’a pas fait : elle se répète. Les intentions de l’auteur (Sotha, qui c’est-y ?) se devinent, mais ne se perçoivent pas clairement.. Il fait tout pour nous donner à choisir, mais ne choisit pas lui-même entre les gens du Fango et les deux étrangers. S’il ne veut pas juger (« Je filme, simplement, je me contente de filmer »), alors qu’il nous amène sur ses positions de tolérance. Il n’en est rien
CINÉMA – ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Pendant la projection du film : scène d’orage. Personnes couchées, à l’abri. Son : tonnerre. Éclairs, comme si c’était une fin de bobine = rayures sur le film. C’était comme une pluie.
Quelque chose à tirer de ça : un élément qui se transforme par la synthèse avec un autre (note du 15).
ÉCRITURE
Les 4 vertus cardinales, s’il faut en croire Laurence Sterne :
Bâtir une maison
Planter un arbre
Écrire un livre
Faire un enfant
Quant à moi, j’ai…
Planté une maison
Fait un arbre
Bâti un livre
Écrit un enfant
La maison s’est fanée
L’arbre s’est défait
Le livre s’est écroulé
Et l’enfant reste à lire.
28/03/1975
IDéE
Un type avec un bonnet de fourrure dans un endroit chaud :
– J’ai la tête ailleurs…
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Les gens se rassemblent autour du château d’eau pour recevoir de l’eau qu’on leur descend dans des seaux suspendus à des cordes…
Comment faire pour qu’une image comme celle là se situe sur un autre plan, en plus du plan symbolique. Il est déjà difficile ( pour moi ), sinon impossible, de maîtriser le réseau des enchaînements de significations inconscientes…
MORT – RÉFLEXION
L’homme pacifique, le jour où le meurtre devient possible (parce que la mort devient souhaitable ?), tue.
Est-il possible de prendre goût à cette chose : jeter un autre dans la mort ?
(Dans la lignée des histoires fondées sur une hypothèse et qui renvoient de l’hypothèse au réel).
ÉCRITURE – HUMOUR
Cavanna : « Qui sème des lames de faux récolte des culs-de-jatte »
Cappa : Qui sème des lames de vrai récolte des coups de pied au cul.
ÉCRITURE
L’écriture est un masque pour moi. Quand je suis seul dans une pièce, en train d’écrire, si j’entends quelqu’un venir, j’écris plus vite, je noircis la page, à toute allure. Alors je disparais. On dit en entrant : « Tiens, de la Littérature ! » Ou alors, si je n’ai pas eu le temps de disparaître complètement, on dit : « Tiens, un écrivain ! »
02/04/1975
VÉCU – HUMOUR – LITTÉRATURE
Il y a deux ou trois jours, un « mot » de Jocelyne :
Moi : (lisant la vie de Goethe) « C’est drôle : il y a des gens dont on ne connaît pas le prénom, on ne connaît que leur nom. Goethe, par exemple… ou Byron… »
Jocelyne : « Ah si… Lord… »
VÉCU – VACANCES – NEIGE
Ski. Glissotter sur deux planches : une victoire pour moi.
03/04/1975
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Tout à l’heure, en revenant de la piste de ski, j’ai tapé sur un panneau de stationnement interdit. Idée à partir de là :
Le gars tape sur le panneau et la vibration se transforme en un son prolongé ( proche de la vibration par la couleur ) par exemple une sirène de voiture de pompier.
Là : 3 voies
Voie A : Une voiture de pompiers apparaît. Le gars retape sur le panneau : elle disparaît. Le son s’arrête net. Le bruissement des skis sur la neige le remplace. Un skieur apparaît.
Voie B : Idem pour le son moins l’image.
Voie C : début son voiture pompiers + apparition voiture
disparition + arrêt son. Le gars retape
début son glissement skis + apparition skieur, etc…
ÉCRITURE
L’enflure, cette bouffissure de l’art. Mon obésité…
05/04/1975
PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION
La plus grande contradiction en moi, peut-être : l’antinomie entre une tendance « communautaire », affectifs, généreuses, emprise sur l’instant et un individualisme de fond, moroses, négateurs, passif, mais aussi créatif. Je ne rêve que seul. Je ne crée quand rêvant. Je ne suis qu’en créant.
Je crée peu. Je suis peu. Peu de choses.
Je relis ce carnet. Seule idée actuellement exploitable : le film sur les mêmes gestes et mots dans des situations différentes (notée le 23/03) (en contradiction avec note du 22/02).
CINÉMA – IMAGE – RÉFLEXION
Je viens d’être frappé – boum – par la couverture d’un hebdomadaire (« L’express ») : un drapeau américain constitué de têtes d’allumettes (de couleur appropriée) avec une allumette, en bout, allumée…
Une image « significative »… En trouver de semblables…
Les mots qui me viennent en tête, en voyant cette image, sont : « Ça va flamber (le drapeau – l’Amérique).
Peut-on trouver les images, en faisant le chemin inverse, en partant de mots « Ça va tomber », par exemple. (De toute façon, ne resterait-on pas ainsi dans le domaine « graphique » ? J’ai remarqué ces temps-ci que j’avais trop tendance à considérer le cinéma comme une suite de photos – ce qu’il est (succession de photogrammes) seulement niveau technique, mais non au niveau du résultat sur l’œil. Chaque photogramme subissant une modification qualitative, lorsqu’il est perçu dans une série. D’où l’impression très particulière que produisent les photos extraites de films dans les revues ou sur les murs des cinémas. Peut-être cependant, y a-t-il profit à tirer des acquis « graphique » dans une application auvent titre ?)
ÉCRITURE
Divaguécrivons… Divaguécrire est peut‑être un moyen de filmébaucher…
CINÉMA – RÉFLEXION
Un mendiant. Le thème du mendiant contient plusieurs choses : l’errance – le dénuement – la liberté – le provisoire – et d’autres choses encore, mal définissables. Avec un chemineau, les rapports sont « différents ». Il apporte une exigence.
Un mendiant, on peut
1/ Le voir arriver
2/ Arriver avec lui
Voie 1 : il arrive
a/ On le chasse
b/ On l’accueille
Voie a de 1 : il arrive, on le chasse.
1/
2/ etc. etc.
Je n’aboutis à rien ainsi.
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Une situation « engrenage » :
Des gens ou un gars trouve(nt) un type étendu par terre. Mort ? Blessé ? Il sont obligés de « faire quelque chose »…
A partir de là…
Il peuvent déjà savoir s’il est mort. Il respire donc il n’est pas mort. Mais alors : est il blessé ? Pas de traces de blessures. Donc il est malade. Mais quel genre de maladie ? Peuvent ils y faire quelque chose eux mêmes ?
On peut voir surgir quelqu’un d’autre ( je vois une vieille femme ) Si c’est en forêt, elle peut dire qu’elle sait où se trouve une maison forestière pour téléphoner et appeler du secours. S’ils sont en randonnée ( sac au dos ), ils n’ont donc pas de voiture pour le transporter.
S’ils sont 2 ( 2 randonneurs ), l’un peut aller chercher du secours tandis que l’autre reste auprès du malade ( ou du blessé, il peut l’être… )
Situation intéressante : celle de celui qui reste, avec ce corps inanimé près de lui.
Si l’autre tarde à revenir, que va-t-il faire ? Aller à son tour chercher de l’aide…
Ils peuvent aussi fabriquer un brancard et emmener le type…
Pensé que ce serait une situation intéressante si le « malade » était un enfant et que ce soit en fait un faux malade, un simulateur…
( Mais je ne vois pas pour l’instant sur quoi ça pourrait déboucher )
Pensé que cette simulation de mort pourrait avoir la mort comme origine, celle d’un frère ou d’une sœur par exemple…
Je m’écarte de la situation d’origine, dans ce qu’elle peut avoir de « bunuélien » : l’obligation de faire quelque chose à quoi s’ajoute l’impossibilité de la faire ( L’ange exterminateur )
Ils pourraient emmener le malade sur un brancard de fortune et se heurter à une suite de dérobades, de refus ou d’aveux d’impuissance
il serait plus astucieux, au lieu de s’installer dans l’arbitraire ( ce qui m’avait gêné dans le film de Chabrol pour la télé ), que le fantastique s’installe par progression, d’une impossibilité « naturelle » à l’autre…
06/04/1975
VÉCU – AGNÈS
Fin de la neige. Réadaptation à Paris. En fin de compte, ce séjour se révèle bien être ce que j’avais prévu : 8 jours inutiles avec deux emmerdeuses. À peine quelque sensations sur les pentes, quelques lignes lues et quelques-unes écrites ici (+ quelque jours avec Agnès)
RÉFLEXION
Si plus personne ne voulait être… gardien de prison (par exemple) ?
CINÉMA – DIMENSIONS
L’homme qui rétrécit, c’est le monde qui s’agrandit.
CARNETS – VÉCU – RÉFLEXION
Qui peut savoir ce qui se concentre dans un carnet rouge, un cahier bleu ou un classeur noir ? Ma vie ne sera donc que ça, quelques pensées ? Quelques fleurs rares, si ternes ?
VÉCU – ÉCRITURE – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE
L’un ou l’autre se lasse et tout est disloqué…
VÉCU – AGNÈS
Agnès appelle : « Maman ! »
Je vais voir. Elle veut sa poupée. Si tendre…
ÉCRITURE
L’Express qu’on lit comme on le boit
Comptoir du monde, à la va-vite
Avec deux sucres, on remue ça,
Autant de malheurs qu’on évite…
07/04/1975
VÉCU – TÉLÉVISION
Réaliser chez Jammot ?
10/04/1975
VÉCU – TÉLÉVISION – ÉMISSION « LES VITRINES »
Vu ce matin, en roulant en voiture, une fille qui installait une vitrine de vêtements. Point de départ d’une émission sur les vitrines que j’ai proposées à Jammot. Il a accepté et m’a proposé de la faire moi-même. Si j’obtiens un congé sans solde d’un mois, je la ferai.
Commentaire du 3 avril 2016 :
Naissance de l’idée de ma première émission de télévision qui allait être suivie de plusieurs autres pendant 22 ans, jusqu’en 1997. Une particularité : le deuxième mari de Jocelyne, Marc, avait « flashé » sur Jocelyne dans cette émission (où elle jouait un rôle) avant de la rencontrer dans la vie. Vertigineux écho de mes réflexions sur les rapports entre image et réalité !
– Commentaire écrit à 69 ans
CINÉMA – IDÉE scénaristique
Fille debout devant fenêtre, téléphonant en regardant à l’extérieur…
11/04/1975
VÉCU – ZYF
11h30 du soir. Zyf m’appelle au téléphone. Il est à Paris. On se voit demain.
VÉCU – AGNÈS
Agnès chante souvent « Une souris verte »
13/04/1975
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Dans sa voiture, un gars met sur son lecteur de cassettes une cassette où est enregistrée une voix de femme.
Entre cette voix et lui : dialogue…
→ Il peut varier son texte à lui (s’il écoute la cassette plusieurs fois)
14/04/1975
ÉCRITURE
Et si, un jour, un « artiste » avait besoin pour terminer son œuvre d’un jour de plus, d’une journée supplémentaire, un jour arraché au temps… (Pourquoi n’aurait-il pas ce jour ? Ça reste à voir).
Et si on lui proposait de prendre ce jour, à son choix, dans la vie de quelqu’un (qui ?) Il pourrait replonger dans le passé de cet être, revoir son existence et choisir un jour de cette vie qui serait supprimée, rayé de cette vie, l’être en question ne l’aurait pas vécu.
Quel jour choisir ? En fonction de quels critères ? Quelles seraient les conséquences de ce choix, de cette néantisation ? Autant de questions.
21/04/1975
VÉCU – CINÉMA
Vu hier avec Jocelyne « Les Misfits » (après une promenade dans ce dédale de petites rues du quartier Saint-Séverin où j’ai regardé les vitrines en pensant à l’émission, bien sûr. Il faisait un temps printanier. On est même allés voir les bouquinistes ! Et j’ai acheté une revue sur le cinéma français avec un texte d’Alain Resnais où j’ai redécouvert cette idée que le Fantastique naît dans les décors naturels.
« Les Misfits » : une contestation radicale de « l’équilibre américain », né de la conquête. Une méditation rigoureuse sur la vie et la mort, la violence et la tendresse, la haine et l’amour, enfin tout ce qu’est forcément un grand film.
Pour mon propre compte, il me semble qu’en voyant ce film j’ai pu faire le résumé de ma philosophie personnelle (cette chose à la recherche de laquelle je suis toujours pour l’exprimer. Que dire dans un film ? Voilà ma question. Ai-je un début de réponse ?) Le film est indéniablement centré sur Marilyn Monroe, à laquelle s’offrent trois hommes, trois voies possibles : Clark Gable : le protecteur. Montgomery Clift : le protégé et l’autre, Elie Wallach : l’associé (faute d’autre mot). Marilyn a le « don de la vie » (dans le film). L’histoire de ses rapports avec les hommes du film, c’est l’histoire de la façon dont chacun traite la vie. Les réactions de Maryline les renvoient à eux-mêmes, car elle est l’innocence et l’attention perpétuelle. Clair miroir.
Amère leçon du film : la violence est dans la vie, dans l’homme. Il faut blesser et tuer pour vivre. Marilyn, dans le film, ne l’admet pas. Elle est l’idéalisme même.
Nous nous aimons au voisinage des bourreaux et dans les cris de la torture. Comment s’aimer ainsi ? Là est la question du film (pour moi, à travers mon prisme). Et c’est là qu’intervient le facteur temps, car il permet aux choses d’évoluer, de se nuancer. Là où est la souffrance aujourd’hui, demain sera la joie et la tendresse là où il y avait oppression.
Il faut attendre les êtres, espérer d’eux la paix (« Gimme Shelter») mais non passivement.
Le thème de l’oppression omniprésente est constant pour moi, on le trouverait dans ces carnets rouges. Il y a déjà là une matière.
Le thème de l’alternance violence-amour permet des personnages vivants, évolutifs.
Le thème de l’action pour la paix (sous toutes ses formes) peut déboucher sur deux issues : la réussite (« Les Misfits ») ou l’échec.
Avec ces trois thèmes, je devrais pouvoir faire des films, car je ressens tout cela profondément.
22/04/1975
CINÉMA – RÉFLEXION
On peut aussi considérer « Les Misfits » comme un film machiste, avec cette glorification du combat masculin, de cette soif de dompter, d’être le vainqueur, même si le combat est le dernier.
VÉCU – AGNÈS
Agnès aujourd’hui : « C’est pas joli… » Est-ce nous qui lui avons transmis ça ? Je n’arrive pas à m’en souvenir. Plus des jurons… Là non plus, je ne sais pas.
Hier et aujourd’hui, elle est allée au jardin public avec sa mère. Hier elle a demandé : « Pas seau, moi ? », car c’était impromptu. Aujourd’hui, Jocelyne lui a pris un seau. Il y a deux ans et demi, elle naissait, aujourd’hui elle fait des pâtés de sable !
J’ai failli partir, il y a quelques jours. Ça été un moment de crise intense. J’ai passé de longs moments à arranger ça, sur le plan matériel. Mais je ne peux pas les laisser. Je ne pense pas que ce soit ce qui m’attend après mon départ qui m’effraye (je sais pourtant que la solitude est la chose dont je m’accommode le moins. Et si je partais, ce serait pour vivre seul, l’histoire ne se répète pas, même la mienne. Chelles et Danièle, c’est une leçon).
C’est une chose terrible que de se rendre compte qu’on a fait dans sa vie des choses qui restent et vont vous suivre jusqu’à… Jusqu’où ?
Cette femme et cette enfant me sont chères, dans tous les sens du terme.
03/05/1975
VÉCU – AGNÈS
(0h45)
Jocelyne est allée à Lorient amener Agnès à ses grands-parents, car Maman, à qui nous devions laisser la petite, a été hospitalisée pour « dépression nerveuse ». Depuis sa chambre d’hôpital, elle continue à avoir l’œil sur tout, et un œil mauvais : elle s’offusque que ce soit les L. qui aient la petite et non René qui s’est proposé pour la garder et qui a dû le dire, sans se rendre compte que c’est une chose dont elle allait s’emparer, comme tant d’autres.
Mes parents sont ma malédiction. J’ai impression d’avoir de l’eau qui me fuit entre les doigts.
Jocelyne est partie. Je me retrouve seul. Pour la première fois depuis bien longtemps (depuis quand ?) J’ai été un peu seul l’été dernier, sur la route ou dans des trains (ou dans cette chambre des Escholiers, quand Danièle s’en allait).
Solitude. Chose étrange ! Je n’arrive pas à la cerner, en vérité. Misère et grandeur, tout ensemble.
Je pense beaucoup, bien sûr, à cette solitude dont j’ai rêvé, cette solitude d’après mon départ, d’après ma séparation d’avec Jocelyne. Mais ce n’est pas pareil. Cette solitude, je la peuplais de présences (de femmes) que j’aurais poursuivies avec cette vieille fièvre. Mais aujourd’hui, cette fièvre n’est pas. Je ne crois pas que ce soit parce que Jocelyne va revenir, mais je ne crois plus. La croyance en l’autre, c’est fini. La rencontre, Nadja, l’amour-fou, la baise des cœurs : foutaises !
Ce qui m’inquiète le plus, c’est que je ne crois plus en moi, non plus. Tout du moins, le ver est dans le fruit. À cause des autres. Et du monde. Jammot m’oppresse. Quand déciderai-je moi-même et quand ferai-je les films que je voudrai faire (car aujourd’hui je ne sais ce que je veux). Tout m’apparaît dérisoire. Et pourtant, j’ai bien plus de possibilités de création que tant d’autres ! La route est longue et dure, et si courte ! Qu’aurai-je dit, quand je finirai ma vie ? Je parle d’imaginaire, mais le réel m’écrase.
– Note écrite à 28 ans
04/05/1975
VÉCU – AGNÈS
(0h)
Je viens d’aller voir « Alice au pays des merveilles ». J’ai été double pendant toute la projection (en version française, malheureusement). J’étais moi, aujourd’hui, 28 ans, « adulte », et j’étais un petit bonhomme de quatre ou cinq ans qu’on avait emmené, avec toute sa classe de l’école maternelle d’Hammam-Lif, voir un dessin animé au cinéma.
À vrai dire, je n’étais qu’un, mais je cherchais à être deux. Ou à être un autre (c’est frappant comme tous mes « grands thèmes » se trouvent ici rassemblés : « La saisie » vient de Lewis Carroll qui vient de cette vision enfantine d’Alice, qui a aussi donné « les plantes »).
J’essayais de voir le film, de le re-voir comme je l’ai vu. Impossible entreprise, bien sûr. Une légère angoisse, peut-être, m’a évoqué la force des sentiments d’un enfant, prêt à être « impressionné » par tout ou presque (pellicule ?) Mais n’était-ce pas une angoisse d’aujourd’hui ? Est-ce par l’angoisse que nous retrouverions l’enfance ? Intéressante question, qui donnerait une intéressante justification de l’angoisse.
Comment le petit garçon que j’étais a-t-il pu voir Alice ? Voilà ce que je me suis tout le temps demandé. J’ai regardé le film en me disant : j’ai déjà vu ce film et j’ai bien regardé pour voir si je me rappelais certaines images. Rien. Je ne me souvenais de rien. Sauf le labyrinthe, mais je m’en souvenais déjà avant, c’est une image qui m’a suivi depuis la première vision. Et ce qui m’a frappé ce soir, c’est qu’il n’y a d’elle, seule dans ce labyrinthe, qu’un seul plan ! On le revoit après, mais avec les cartes qui la poursuivent et là, j’ai cru reconnaître !
Pensant à moi, j’ai pensé à Agnès, essayant une fois de plus d’imaginer comment elle vivait les choses. J’ai si peur qu’elle souffre !
Il est indéniable que les « deux dimensions » me viennent d’Alice. L’idée du tube de rouge à lèvres y est, mais avec le flacon de potion miracle. J’ai remarqué ce soir une chose : Alice, même redevenue grande après avoir bu la potion, paraît petit tout du long du film (sauf lorsqu’elle grandit spectaculairement). De cette incertitude sur la dimension est peut-être née toute ma méditation sur ce sujet. Quant au « Plantes », il n’y a pas de doute : elles sortent tout droit d’Alice.
La vision de ce film, ce soir, m’a fait méditer sur la vie (quel événement !). C’est moi qui étais celui qui a vu ce même film d’une tout autre façon. Et, de ce moi, je suis complètement coupé. J’ai été un autre. Le même et un autre. Inconcevable vérité que cette existence non pas ici maintenant, mais étalée dans cette étendue qu’est le temps.
J’ai été, il y a 24 ans, quelqu’un qui a vu ce film d’une tout autre façon que moi ce soir.
Autant me dire que j’ai été le Pape. Je ne veux pas me sentir Pape. Je m’échappe à moi-même.
C’est le même symptôme que de me dire que je suis de la viande qui pense ou que je pourrirai et sentirai très mauvais.
Que de pensées profondes sur un petit Mickey !
06/05/1975
ÉCRITURE – TÉLÉVISION- RAOUL SANGLA
Raoul Sangla m’a entraîné au bistrot. Longue conversation (surtout monologue) sur « l’auteur » de télévision. Je constate que la grandeur (ou ce qui en tient lieu ?) débute par la croyance à ses propres paroles.
Quand Sangla me parle d’un plan où il quitte une vieille paysanne pour passer sur une procession de communiantes à couronne de roses, il ne se pose pas la question de savoir comment ce plan sera « reçu ».
Qui divague, parle net…
VÉCU – MON NEVEU JEAN-MARC
Passé la soirée avec Jean-Marc. Il m’a dit n’avoir jamais autant parlé. Il ne m’en a pourtant pas dit long !
08/05/1975
VÉCU – ZYF – AMITIÉ
Longue conversation avec Zyf, au téléphone. Très belle. Je crois qu’on regrettait autant l’un que l’autre d’être à 500 km.
17/05/1975
VÉCU – TÉLÉVISION
Deux jours de tournage. Très bon contact avec l’équipe. Assez content de moi, dans les limites de ma lucidité.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une idée d’il y a quelques jours :
Une rue où l’asphalte est remplacée par de l’herbe…
VÉCU – AGNÈS
Revenue de Lorient, Agnès parle de mieux en mieux. Elle a parlé pour la première fois, il y a quelques jours, de « petit frère » et de « petite sœur » qu’elle accole à ses « copines ». Ça donne à réfléchir…
J’ai l’impression d’avoir de moins en moins besoin de la brimer. Mais il y a quand même des obstacles à son désir…
01/06/1975
VÉCU – BIEN-ÊTRE
Je suis à Saint-Léger. Assis au soleil sur la petite terrasse au flanc de la maison. Le soleil chauffe à blanc le papier (brûlant silence de la feuille vierge).
08/06/975
ÉCRITURE
J’en ai fait un poème
Concerne la note du 01/06/1975
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Des gens descendent tranquillement un escalier en colimaçon.
Tandis que tombe dans la cage d’escalier, lentement, quelqu’un à la hauteur de qui ils se maintiennent en descendant l’escalier…
VÉCU – AGNÈS
Aujourd’hui : passé l’après-midi avec Agnès, d’abord aux Coudreaux, où les B. n’étaient pas là, puis au Luxembourg.
Aujourd’hui, elle m’a, pour la première fois, demandé de lui lire l’histoire du petit garçon et du renard sur « son livre ». Ce que j’ai fait. Ce que je trouve remarquable, c’est qu’en reprenant le livre, elle a elle-même reconstitué l’histoire. Elle acquiert le sens de la « figuration narrative » ! Et elle mettait les « bulles » : un couple dont l’homme porte du bois : « C’est lourd ! C’est lourd ! » ou bien le petit garçon pleurant : « Papa ! Maman ! »
Maman lui a offert, il y a quelques jours, son premier disque ! Des chansons enfantines.
27/06/1975
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Trouver une situation où A réunit deux solitaires B et C pour un court moment seulement.
Alors B et C crachent à la gueule de A et se rejoignent complètement.
17/07/1975
VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION
À Lorient, une fois de plus. J’oscille entre mon habituelle angoisse et une (apparente ?) acceptation des choses.
Que tirer du présent ? Tout va mal. Je ne serais jamais content de rien.
Avec Jocelyne, c’est l’habituel gâchis : des engueulades – des silences – des corps morts. Agnès grandira. La vie est vide, vaine.
Même côté boulot, nulle satisfaction n’est possible. Continuer à gérer la pénurie n’est pas pour moi une perspective réjouissante. Je suis sans enthousiasme, mais sans sagesse. Ayant l’impression d’avoir devant moi un avenir stérile et derrière un passé sans acquis.
Seule leçon des années écoulées : la certitude que mes élans vers les autres sont inutiles, voués à l’échec.
Aussi je me garde d’eux, je me replie sur moi-même. Le tourbillon parisien n’est qu’illusion, parlers haut et pensers bas. J’aurais matière à réflexion dans les choses qui s’offrent à faire à la rentrée, mais ça ne vient pas. L’article sur les dimensions reste au sec. Je ne me sens de rien faire.
Aujourd’hui : il pleut. Enfermé dans cette cage à fantômes, je pense une fois de plus à ma mort et à celle des autres, à la souffrance, à la stupidité sans nom de notre existence.
Je ne suis jamais parvenu à accepter ma solitude. Et pourtant elle est indéniable. Étrange attitude que celle-ci : nier l’évidence d’une chose que l’on touche du doigt. Il est vrai que l’homme se défend de tout ce qu’il ne peut supporter en l’ignorant. Nous faisons l’autruche.
CINÉMA – VÉCU
J’ai eu ces temps-ci plusieurs idées que j’ai oubliées, faute de les avoir notées ici.
VÉCU – MER
Larmor-plage
(Toulhens)
Petite terrasse au-dessus de la mer. Temps gris. Plage déserte. Seuls quelques enfants jouent. Le bateau de Groix sort de la rade. C’est marée basse. Des voiliers, debout sur leurs quilles, attendent la mer. Cette grande mare s’étend mollement sur le sable : elle ne peut aller plus haut…
18/07/1975
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Retrouvé hier dans une bouffée de joie mes vieilles méditations sur l’espace, à partir d’une maison aperçue en voiture et dont j’ai regardé le « nom » écrit sur une sorte de pancarte ou quelque chose comme ça :
je n’arrivais pas à lire ce nom parce que j’étais trop loin.
Je me suis dit que ce « nom » était écrit dans des lettres d’une certaine grosseur pour être vu depuis une certaine distance et qu’est ce qu’un observateur placé à cette distance peut voir ?
Système spatial.
A fouiller.
Une ville vue sous cette angle.
Passionnant.
Applicable à beaucoup de choses dans la ville.
26/07/1975
VÉCU – VACANCES
(Illisible) interrompue par le mal aux pieds ! En ayant eu marre très vite, nous voici près de Guingamp à Kergoz Kolic, chez Pierre L.. Passé une très belle soirée et nuit de camping (la première à deux dans la petite tente depuis 1964 !) chez un paysan qui était visiblement heureux de parler avec nous et de nous faire plaisir. Nous avons remarqué qu’au toit de sa maison il n’y avait pas d’antenne de télé ! Ceci expliquerait-il cela ?
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
A : damier
B : miroir aux dimensions de 4 cases du damier
C : 2ème damier se réfléchissant dans miroir ( aux cases plus grandes pour s’ajuster en réflexion aux cases du 1er damier )
Dans le miroir peut intervenir n’importe quoi : main, visage, lettre, etc…
27/07/1975
VÉCU – VACANCES – TOURISME
Calvaires : Cléden-Poher – Plougastel-Daoulas – Peyben – Quillinen
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une histoire pour enfants : le sac de voyage qui se révèle être le « sac à malices » : il se déplace, s’ouvre, se ferme, fait toutes sortes de tours. On ne s’en aperçoit, bien sûr, que lorsque le voyage est commencé.
29/07/1975
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Remarqué une maison dont le jardin, en façade, est bordé côté route par une haie taillée à l’imitation d’un rempart avec des créneaux ! Déduction : l’homme qui habite là vit sa maison comme un château fort !
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Vu une maison, avec, au dessus de la porte d’entrée, une maison miniature, réplique exacte de la grande… Imaginé à partir de ça l’enfant de la maison qui, en signe de révolte, saccage la maison miniature ou l’emplit de cendres ( dans la série les actes à signification inconsciente mais claire )
PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME
Vide. Stationnaire.
Je ne touche pas les choses.
Je reviens de tout sans être allé nulle part.
30/07/1975
VÉCU – CONFLITS
Je suis seul, assis dans la cuisine de la marraine, pièce comme l’autre, à côté, toujours hantée par une morte. Lumière électrique. Il est tard. Quelle heure ? Les nerfs encore soulevés par une colère dont j’avais perdu le souvenir.
Pauvre minable petits bourgeois ! Rarement ce mot aura eu autant de sens. Et (illisible) toujours ce sentiment que c’est moi le coupable, que je ne sais pas respecter les gens, les accepter, m’en faire aimer. Je fabrique ma solitude, mais j’y suis bien et peuplée, de surcroît, de sentiments petits, de bouffissure, de velléités de paraître, d’étaler (moi… voyez-vous ça !)
Le dessin se précise, au fil des années, et, au fil des années, on peut mieux voir le tableau final.
Être lucide sur soi-même : quel effort ! Savoir que je ne vaux pas grand-chose me vaut-il quelque chose ?
La comédie du cinéma. J’y pense assez souvent, ces temps-ci. La comédie qui se joue de ce côté-ci de la caméra. Je me crois parfois capable de la jouer. Et il me semble, en effet, l’avoir parfois interprétée et avoir été cru. Peut-être est-ce possible parce que les rapports qu’il s’agit d’installer et de maintenir avec l’équipe, avec les gens qu’on filme, ne sont jamais des (illisible) l’échec. Je ne touche pas les gens !
Pourtant, il m’arrive d’être touché par eux. Pauvre parano. Je ne suis qu’un pauvre parano.
Une rancœur : ce L. rejetant sans appel (sans appel à moi) une émission que je lui avais proposée (par l’intermédiaire de Jocelyne.
Cette rancœur va à ceux que notre miroir aux alouettes ne séduit pas. Je ne souffre pas qu’on n’ait pas besoin de moi (souffrir au sens de supporter).
Je me fatigue de moi. La seule fatigue dont on ne peut se reposer.
Être moi est harassant. Et si futile, quand j’y songe, mais je me colle aux doigts comme de la glu.
Une image piquée ce matin en quittant la propriété de ce L. : champ de blé avec terre en dessous vu (illisible)
ÉCRITURE
T’aimer,
Te suivre,
jusqu’aux silences,
aux secrets.
Ce qui me plaît là-dedans, c’est la notion de « au secret » : le cachot, le mitard. Une prison acceptée. C’est un vieux thème.
01/08/1975
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
L’histoire d’un type qui découvre l’existence de la mort.
Il en voit dès lors des signes ça et là.
Puis ces signes se multiplient, envahissent sa vie.
Il finit par découvrir que la mort est partout, toujours, dans la vie. Que la mort est la vie.
05/08/1975
ÉCRITURE
Concerne la note du 30/07/1975
Je n’avais pas réalisé (je viens de le faire) que ce poème s’adressait à Jocelyne. C’est pourtant clair :
t’aimer
te suivre (c’est pensé dans un train roulant vers Lorient)
jusqu’aux silences (je parlais fort peu ces temps derniers et j’avais l’impression que Jocelyne me parlait aussi très peu)
aux secrets (voir plus haut) prison non acceptée puisque j’ai foutu le camp. Se méfier de cette poésie qui colore le réel d’un chatoiement oratoire et le masque)
VÉCU – CONFLIT
Je suis parti de Lorient dimanche dernier à 22h 46 après un « scandale », comme dit Jocelyne, qui a eu lieu dans un restaurant (Les mouettes) (curieux que ce soit là, dans cet endroit où j’ai pris des photos de Jocelyne, photos tendres sur une femme tendre et avec un ami).
J’écris à Saint-Léger. J’ai pêché hier et aujourd’hui (un poisson). Au bord de l’Acheneau, j’étais bien. Calme. J’étais content d’avoir fait ça (← dérisoire).
12/08/1975
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Le Fou du Roi. Le Bouffon. Pour l’être, il ne fallait pas être un charlatan de l’amusement… Un seigneur qui fait exécuter les bouffons qui ne le font pas rire…
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Quelqu’un (A), de loin, donc hors de portée de voix, voit arriver B devant sa maison. B dit quelque chose mais A ne l’entend pas. A ne veut pas voir B et ne bouge pas. Ce que dit A est très important pour B. A s’en va.
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
2 cyniques à travers le monde d’aujourd’hui.
Ils ne croient en rien. Ne font rien.
Situations diverses auxquelles leur cynisme réagit.
19/08/1975
VÉCU – AGNÈS
Paris. Depuis hier soir. Paris, après un détour (une fuite) par Nantes et Lourmarin.
Hier soir : Flip intense, mais la solitude s’organise.
Culpabilisation très forte au contact de la maison (vis-à-vis d’Agnès principalement et, secondairement, vis-à-vis de Jocelyne) ← note écrite dans mon carnet par Jocelyne ayant souligné le mot « secondairement » : « Mais je ne suis jamais jalouse de ma fille »
J’aimerais avoir Agnès au téléphone, mais : les parents… Je ne sais pas si je les hais. Je ne crois pas. Mais je leur en veux. Et je m’en veux à moi aussi, bien sûr. Jocelyne va venir (mais il se passera des choses d’ici là). Toujours l’espoir de renouvellement de la relation, mais sans illusion cette fois-ci (un an, il y a un an je revenais plein d’illusions. Un an déjà ! Ah ! Ah !) Quoiqu’on s’oriente (peut-être et peut-être est-ce la meilleure solution ?) vers une divergence de nos vies, je n’arrive pas à l’admettre, à admettre d’être indifférent vis-à-vis d’elle, de vivre mes trucs de mon côté. Il y a une explication possible à cette non-admission : la peur (de moi, de ma vie) et son corollaire : le blocage, l’attachement foetusien à elle.
Autre explication : au fond, j’aime cette petite bourgeoise (est-ce si étonnant ? Je suis un petit bourgeois !) Et l’amour consiste à partager une vie.
Mais qu’il est difficile, l’équilibre entre le partage et la solitude : il faut d’abord réussir sa solitude et réussir à la contredire.
Je doute fort d’un changement réel. Et d’ailleurs veut-t-elle que nous restions ensemble ?
Si elle avait changé d’avis, de son côté ? Je crois cependant que, même en ce cas, alors que j’ai tant souhaité ça, je maintiendrais les choses en l’état pour l’agneau. Pas de sacrifice sur l’autel de la « liberté ».
Je veux changer des choses matérielles, dans la maison, dans mes vêtements. Je n’y crois guère. On verra ça. Rendez-vous ici dans quelque temps.
Note écrite dans mon carnet par Jocelyne le 4 avril 1978 : « Tu as fait le « sacrifice » sur l’autel de la liberté. »
24/08/1975
VÉCU
Je suis seul à Paris. Paris. Solitude. Deux choses dont j’ai même oublié ce que j’avais projeté d’en faire.
28/08/1975
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Pompiers du Moyen âge : une barrique d’eau montée sur roues et qui fait pimpon…
17/09/1975
CINÉMA – RÉFLEXION – COMIQUE
L’envie me revient de faire des films comiques. Le public en a besoin (ce qui tombe bien !) et c’est ce que j’aime voir au cinéma, moi. (Je me demande souvent quel film intéresse, m’attire, à titre de test (comment est-ce que je lis Pariscope ?)
Je pense à la formule de « The groove tube » de Ken Shapiro. Je crois à ce chapelet de gags reliés par un fil lâche. Film de joie (fait dans la joie et qui la dispense).
ÉCRITURE
La vie comptée… (2017 : from Internet : fait)
20/09/1975
CINÉMA – COMIQUE – RÉFLEXION
Repensé aujourd’hui à ce comique « surréaliste » qui existait déjà dans le scénario « félinesque » commencé, mais interrompu. C’est peut-être là ma voie ? Mais est-ce assez « fort » ? Ne serait cette interrogation, je serais convaincu de chercher par là. Encore faut-il être inspiré !
Pensé à partir de l’immeuble des H. à ces résidences où les enfants ne sèment jamais la zone, comme dans les HLM. Et pour cause : il y a beaucoup moins d’enfants ! On connaît la contraception dans ces résidences…
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Une fille ne connaissant pas la contraception : on la « prie » de partir…
CINÉMA – ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Distribution d’attaché-cases aux cadres costard cravates qui font la queue pour la distribution, dans un hall d’immeuble.
21/09/1975
CINÉMA – ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
L’illogisme, défaut de mon esprit, devient une qualité exploitable : au lieu de lui apprendre la contraception, on l’élimine parce qu’elle ne l’a pas apprise. C’est que au-delà de la logique ou de l’illogisme du premier degré, il y a, au second degré, une signification : [qui ne présente pas les signes distinctifs d’une classe (culturels, etc.) se dévoile comme n’étant pas de cette classe et doit donc être rejeté. Lui transmettre l’apparence de ces acquis ne lui donnera pas l’essence de son appartenance à la classe]
CINÉMA – ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Autre image me venant ( en même temps qu’une relation globale ) : un noir vendant ses nègreries dans un hall de résidence
ou
un jeune barbu dessinant des Buffet sur le sol d’un hall ( problème technique : non adhérence de la craie )
Réflexion globale : rectifier par rapport au scénario fellinesque : le décor des résidences est plus réel + l’unité.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Une idée peut-être de scénario : un film chaos (cahot) : un jour, le monde se (est) dérange(é) les choses ne sont plus à leur place
le music hall est dans les cafés
la banque est dans un pavillon
le système bancaire est devenu le troc ou bien l’érotisme
le métro est à la campagne
les cadres vont à la distribution d’attaché cases comme des écoliers
les vendeurs nègres sont dans des halls de résidence
25/09/1975
DIVAGATION
Si les gens parlaient. S’ils ne vivaient plus enfermés dans leur casemate. Si c’était la révolution… Il me pousserait au bout d’un bras une caméra, au bout de l’autre un micro… !
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Un système comique possible : la fiction acceptée. Exemple ( mauvais ) : avec en main un écrou, comment trouver le boulon qui va avec ?
Fiction acceptée ( jeu accepté ) : faire de cette recherche une véritable enquête policière. ( Il y a, en l’occurrence, des quincailleries pour ça. Mais, pour certains sujets, cette fiction acceptée aurait un sens révélateur, une ironie signifiante… )
Ex. : enquête pour retrouver le mot qui manque, le 3ème mot après « Liberté » et « Égalité ». Il a disparu des monuments, pourtant il en reste une trace… → enquête auprès des gens. Une vendeuse, devant un monument : elle ne levait jamais les yeux jusque là…
Associations d’idées ( si on cherche par la logique ) : Liberté Egalité Prospérité ? Liberté Egalité Vérité ?
06/10/1975
CINÉMA – COURT-MÉTRAGE « LA SAISIE »
« La saisie » est terminée. La copie étalonnée est sortie aujourd’hui.
Aboutissement de presqu’un an d’efforts !
07/10/1975
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Je suis dans le métro. Station Pré St Gervais. D’où m’est venu une idée : ici, dans cette station située très en profondeur, il y a un ascenseur pour monter les voyageurs à la sortie. Et comme c’est une queue de ligne peu fréquentée, les métros, quoiqu’assez fréquents, sont pratiquement vides ( sauf aux heures de pointe ). Imaginé l’employé de la RATP préposé à l’ascenseur. J’ai toujours trouvé à ce type l’air de qqun qui se fait chier comme un rat mort. Un film à faire sur ce type qui s’ennuie et va essayer de parler aux gens ( venu de l’idée qu’il pouvait attendre les gens comme des événements et que les gens, enfermés dans le silence social, ne lui parlaient jamais. Ce serait donc lui qui parlerait. Possible aussi : sur le mode du rêve. Son imaginaire : on viendrait lui parler. Des gens passionnants, de belles filles, etc. Comique possible aussi… Idée majeure, me semble t il.
Commentaire du 25 septembre 2015 :
Seulement possible à une époque où employé devant ascenseurs RATP ! Autant dire la préhistoire !
– Commentaire écrit à 69 ans
27/10/1975
IDÉE POUR CINÉMA OU ÉCRITURE
Un type qui va jouer sur une machine à sous bombardier où on lâche des missiles sur un paysage nocturne qui défile en dessous. On est censé appuyer sur un bouton pour faire partir les fusées. Il survole le paysage en le regardant attentivement, baigné par la nuit bleue et ne lâche pas une bombe.
09/11/975
VÉCU – AMITIÉ – RÉFLEXION
Cette nuit, « virée » dans les bistrots de Paris jusqu’à 4 h du matin, à l’instigation de Jean-Paul.
Première fois que je prends conscience qu’on peut vraiment croire à l’alcool et à cette vie de traîne-taverne jacasseur comme à une solution définitive et permanente aux problèmes, aux tracasseries de la vie.
Comme on est euphorique, comme tout est agréable, quand on bavarde avec des gens, avec quelques bières dans le nez… !
Sentiment d’un cérémonial (pas le mot juste. Plutôt un rite. La nuit entière dans les bistrots. Ça, c’est du Jean-Paul…)
Cette nuit est une conséquence de « l’explosion » de Jocelyne.
VÉCU – AGNÈS
Un « mot » récent d’Agnès : sa mère lui demandait de dire ce qu’elle avait fait à l’école. Elle répond : « Mais je t’ai déjà raconté l’histoire dans la voiture : alors… ! »
24/11/1975
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Idée d’avant hier : un film très simple (?) à faire : notre vie, notre ville jalonnée par des pancartes indiquant qu’à cet endroit on fait telle chose, on pense, on sent telle chose. On verrait tout le monde obéir aux pancartes ( on pourrait inclure ici le cadre point de vue photographique ) sauf celui ou ceux qui se révoltent : là où il faut être triste, ils sont gais et autres irrévérences du même genre ) Ceux là, on les tabasse. Ca pourrait être un film muet au jeu démesurément grossi, où les pancartes en GP joueraient le rôle d’intertitres du muet.
CINÉMA – COURT MÉTRAGE « LA SAISIE »
Confirmation aujourd’hui de la vente à FR3 de « La saisie ». Grande joie car c’est pour moi la certitude (ou du moins presque, car je n’arrive pas y croire tout à fait) que je vais faire « La saisie » (*) « Une seconde jeunesse » (*: ← lapsus révélateur ?)
1976
29 ans
02/02/1976
CINÉMA – COURT-MÉTRAGE « UNE SECONDE JEUNESSE »
Je vais tourner « Une seconde jeunesse » dans 14 jours. Les problèmes pratiques noient les sentiments, mais quand même : angoisse et joie.
ÉCRITURE – IDÉE SCÉNARISTIQUE
Un gosse qui laisse toujours tout tomber alors il attache les objets à son poignet avant de les prendre. Lorsqu’il les lâche, ils pendent à son bras et ne se cassent pas. Mais c’est lui qui tombe, alors…? Aussi décide-t-il de se pendre à une branche pour ne plus tomber…