Je pars vers toi, vers l’amour et la mer…
Amour Amer, que je t’aime, que j’aime en toi les pierres et les vapeurs d’eau, les fleurs et le vent… Oh tes cheveux…
Je volerai vers toi dans les cyclones de fumée, dans les câbles électriques chantera le chant trépidant des techniques lancées en avant et à la suite de l’homme qui aime, souffre, vit et meurt…
Certes la vie est absurde, du moins le monde inhumain, mais nous la dotons d’un coefficient de merveille qui décuple nos forces et nos désirs de nous mettre à genoux pour embrasser la terre…
Voilà, je sens remonter en moi l’appétit des nuits du port de pêche… Déambulation dans l’ombre chargée de l’odeur marine, avec les pointillés des lumières électriques, les bateaux à quai…
Ah ce que j’ai pu rêver, imaginer, le long de ces quais, de cette mer verte…
Tu as les yeux bleus ! Quelle merveille ! Souvent je m’étonne et suis follement heureux que le sort m’ait donné tant de choses pour en jouir : le soleil, l’herbe, la mer, le sable, l’air, tes yeux, la pierre, le velours, les fleurs…
Mes limites… mes pauvres limites… Pauvre homme que je suis, simple homme, grattant la terre faiblement… Je trouve la vie merveilleuse…
Voilà, mon amour, je sais bien qu’il faut lutter et j’essaie…
Mais quelquefois je me dis que, même si l’impression d’être vaincu, je suis quand même heureux, et heureux d’un rien (de choses qui feraient rire la plupart des gens…) : un rayon de soleil, un éclat de lumière sur une feuille, un grain de blé, un ventre rond de femme enceinte, une miche brillante et brune… Alors, pourquoi m’empêcherais-je d’être heureux ? Pourquoi ne pas tendre le bras et saisir l’hirondelle en vol ?
À Lorient, ceux qui ont vécu (et que je n’aime pas forcément, mais ils ont composé le morceau de musique de mes deux ans maritimes…) Jean, Roselyne, Le F*, Annick, Annie, Yves et tant de visages, tant de corps…
Est-ce que je retrouverai l’impression que j’ai eue quand j’ai vu pour la première fois la place de la mairie, chien battu sous la pluie, enfoncé dans mon pardessus (il était neuf alors…), une brume d’humidité voilait de gris les maisons, adoucissait les angles, ouate de découverte…
– Note écrite à 19 ans