Pendant la projection de « Masculin féminin », cet après-midi, j’ai eu une impression épouvantable : je venais de projeter « Delphine » à Resnais. J’avais avec moi la bobine, dans sa boîte métallique, posée sur mes genoux. En portant la boîte à mon nez, j’ai senti par un interstice de la boîte, l’odeur de cellulose et de bande magnétique. J’ai eu l’impression que tout le cinéma, c’était ça : du celluloïd, de la bande magnétique, de la matière, inerte, figée, dont les sentiments et l’expression sont absents. C’était injuste pour Godard. Pour « Masculin », que je voyais au même instant, je pensais pareil : du celluloïd, de la matière qui défile mécaniquement à 24 saccades par seconde. C’était injuste : ce n’est pas parce que je pense ça de mon propre film, où j’ai impression de ne pas m’être assez mis, que je peux penser la même chose de « Masculin » et de Godard. Certains films sont inertes et sentent le celluloïd. D’autres vivent.
– Note écrite à 19 ans