Archives de catégorie : Santé

Mon état physique

VÉCU – RÉFLEXION

Que faire lorsqu’on apprend que quelqu’un qu’on n’appréciait pas tellement pour sa façon de vivre est atteint d’un cancer et n’en a plus pour longtemps à vivre ?


Je n’ai pu empêcher de me sentir coupable. Que je ne sache pas de quoi n’empêche pas que je le sois. Si l’on considérait les gens, quelle que soit leur situation et leurs mœurs, avec le même détachement et le même amour, on n’aurait pas à se sentir coupable.


Là encore il faudrait distinguer celui qui agirait ainsi par désir d’un engagement philosophique valable de celui qui le ferait pour pouvoir se mettre à l’abri de son sentiment de culpabilité


Dans mon cas, pour moi qu’un effort de réflexion n’a pas su mettre à l’abri des impulsions partiales et des mépris injustifiés, la plus simple honnêteté intellectuelle ne consisterait-elle pas à continuer d’avoir honte, c’est-à-dire de mépriser l’autre… ?


Mais ce qui me fait honte c’est que je ne peux pas être dans une situation claire car, maintenant que je sais, je ne peux même plus le considérer comme avant. Je ressens ce foutu truc atroce qu’on appelle de la pitié.


J’ai honte de moi et je me sens plus méprisable que lui d’avoir de la pitié pour lui.


Je ne le connais pas. Raison de plus car le problème n’apparaît que mieux lorsqu’il est posé par n’importe qui.


Une seule chose peut me sauver : un rapport à n’importe qui, j’essaye (sans y arriver tout le temps) d’adopter une position qui, sans être méfiante, soit « expectative », j’observe ses gestes, ses paroles et dans ce temps d’observation, par bonheur, je ne juge pas. Par bonheur je n’avais pas encore jugé ce type quand j’ai su.


Je ne le méprisais pas encore.


Seul le regard vigilant, lucide, plein d’amour, qu’on pose sur les gens peut nous sauver encore


Que me reste-t-il à faire ?


Continuer à l’observer comme je le faisais et toujours, surtout, avoir honte parce que j’allais le juger.


La Mort remet les choses à leur place. Je n’ai qu’à fermer ma gueule.

(Un an plus tard : ) J’ai revu ce gars-là un an après toujours aussi bien portant qu’au premier jour. Il n’a rien. Il ne fait rien non plus.

Note écrite à 17 ans

RÉFLEXION – CORPS

9 h 30. Voltaire.
Mal au nez. Là encore : dimensions. Je n’ai pas une vision précise de la partie de mon corps qui souffre. J’agrandis mes fosses nasales à la dimension de moi-même : cavernes, couloirs, hantés par la douleur, j’y avance, je m’y engouffre mais je ne les porte pas en moi…


Dimensions des odeurs : grandes odeurs — petites odeurs. Un être énorme doit-il avoir une odeur énorme ?

Note écrite à 19 ans

VÉCU – AGNÈS

(18h50 Gare du Nord)

Dans le train pour aller à Cernay, à la clinique, voir Agnès qui a été opérée de l’appendicite ce matin…
Jocelyne m’a laissé message hier pour m’apprendre ça…
L’opération s’est bien passée. Je l’ai eu ce matin, mais elle était encore faiblarde…
Pour la première fois, ma petite fille allait être opérée : ça m’angoissait… Moins que Jocelyne, toutefois, qui est restée, dans la voiture, hier soir, effondrée, dans un de ces états somnambuliques que j’ai si bien connus (et que je détestais…)
Terrible de découvrir concrètement que son enfant est exposé à la maladie, à la souffrance… Bien sûr, cette fois-ci, c’est bénin, mais voilà qui réactive ma vieille angoisse et ma vieille culpabilité : avoir mis au monde un être promis à la souffrance et à la mort !

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – SANTÉ

Agnès : en parfaite santé physique, mais psychique ?
Elle me reproche de l’avoir vexée parce que j’envisageais que c’était psychosomatique. Elle dit que je ne « lui fais pas confiance ».
Elle ne sait pas ce qu’est l’Inconscient.
Toubib dit (et Jo et moi : OK) de lui dire que c’est d’origine ovulatoire. Version « officielle ».

– Note écrite à 41 ans

VÉCU – AGNÈS – SANTÉ

Pensé un truc à propos des douleurs d’Agnès et de cette cœlioscopie qui nous a spécialement liés tous les deux (cf. le réveil où elle m’appelait en pleurant).
Je me suis demandé s’il n’y avait pas là, mis en actes, un écho de ma nouvelle (de mon projet) des trois garçons qui décident de se suicider si redoublement. Or, pour Agnès : il y avait menace de redoublement…
De là à penser à une « identification à un personnage du père »… (Cela me fait penser à une intervention de G. me faisant remarquer que j’entrais dans le jeu imaginaire de Lucile (tout en la faisant entrer dans le mien, puisqu’elle portait le même prénom qu’un de mes personnages).
À noter aussi, d’ailleurs, qu’Agnès n’est sûrement pas sans se rappeler qu’Agnès est le prénom d’un personnage de « David Copperfield »… (qui meurt… ? non, Agnès, c’est la survivante. C’est l’autre épouse qui meurt, celle d’avant).

– Note écrite à 41 ans