Archives de catégorie : 1ère des 4 femmes de ma vie : Jocelyne

La mère de ma fille – 1ère des 4 femmes de ma vie (1964-78)

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

Annick est sortie de ma vie comme elle y est entrée, brusquement, merveilleusement, tragiquement. Un bateau qui vire de bord et sort du port en disparaissant derrière un môle, de la brume et la ville qui continue à vivre autour. Je dis qui continue à vivre, mais rien n’est mort. Mon histoire a été telle que je l’avais rêvée et prévue, courte, histoire sans histoire, en somme. Si on totalise les heures passées avec elle, on arrive à peine peut-être à une nuit entière. Commencée au début de la nuit, dans un petit bal, elle s’achève à l’aube, sur un embarcadère, à l’aube d’une nuit étirée, allongée à quatre mois. Un rêve très bref et très beau. Un espoir insensé, un petit visage maigre et triste. Un rêve dont on garde vivace encore au matin le souvenir précis et vague à la fois, un rêve qui pourrait être une réalité, on ne sait pas trop si on l’a vécu ou non.


 Je lui ai écrit après n’être pas allé la chercher au bateau. Je lui ai dit que j’avais bien compris son indifférence et que je n’insistais pas. Elle m’a confirmé cela en écrivant à son tour.


 Après cela, je l’ai revue une fois au ciné-club ( « Noblesse oblige »). Nous nous sommes ignorés. Je l’ai revue ensuite en passant en voiture. Je me suis arrêté, je lui ai parlé. Elle était intimidée par mon frère. Je l’ai revue avec sa sœur et un gars un dimanche en ville. Elle a fait comme si elle ne m’avait pas vu.


 Puis je l’ai revue à la quinzaine de la Tchécoslovaquie. Elle m’a dit bonjour de loin en me souriant. Les choses étaient redevenues normales. Je l’ai encore revue au ciné-club ( « La jetée »). Elle m’a dit bonjour.


 C’est donc terminé, d’ailleurs le jeu avait assez duré. Ce n’est plus de mon âge. En m’y laissant prendre, je voulais secrètement retomber en enfance. J’y ai réussi. Il fallait bien redevenir une grande personne. À part ça je pars pour Paris après-demain. Multitude de sentiments complexes et contradictoires. Impression de retrouver quelque chose de connu et d’inchangé. Peur de l’ennui. Plus d’exaltation après l’annonce que Jocelyne restait. M’étais fait  des idées sur ces vacances. La vie nous détrompe toujours. Suis curieux comparer ces impressions pré-parisiennes avec ce que je ressentirai en revenant et sur le moment.


 J’essaierai de  penser à reprendre ce carnet à mon retour de Paris après les vacances de Noël.

 – Note écrite à 17 ans

VÉCU

18 ans

Ces choses-là n’ont plus d’importance aujourd’hui. Problème de l’avenir. Je vais passer le bac. Réussite ou échec ? Si je rate → pion ? Si je le réussis ? Prof ? Je crois que je renonce au cinéma. Ne pas se faire d’illusions. Gagner ma vie. Ne plus dépendre de mes parents. Dans combien de temps serai-je capable gagner ma vie ? La vie = aliénation (Cf. théorie marxiste de Lefèvre). Dans combien de temps pourrais-je être avec Jo sans emmerdements ? On ne fait jamais ce qu’on veut. Vie = contraintes. Les gens s’en rendent compte, mais ne peuvent pas faire autrement. Le premier problème n’est pas d’être intelligent. On ne fait pas le mal par ignorance. C’est le mal qui se fait à travers nous dans le monde. Impression d’être pris dans un engrenage. Nécessité d’accepter ces contraintes. Lucidité. Problème de la mort au bout du compte.


 L’amour. L’art. La collectivité. Dictature nécessaire dans les débuts du Marxisme. Plus d’enthousiasme. Lucidité lourde à porter. Est-ce cela être un homme ? Les hommes d’aujourd’hui ne sont pas des hommes. Accepter l’ordre social, mais reconnaître qu’on y est obligé et ne pas le défendre. Bourgeois : le défend. Certains éléments de la petite bourgeoisie sont récupérables.

Note écrite à 18 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

23 h 25 : couché. Je regarde ma chambre. Je l’ai décorée de photos, d’affiches, de dessins ; j’y ai mis des objets (jouets — bouteilles). Je veux ainsi me donner l’impression de vivre et d’être différemment… Ce soir je n’ai pas travaillé mais c’est parce que j’ai eu des choses à faire et j’étais vraiment fatigué. En ce moment, je fume une cigarette, « Blues et jazz party » s’achève…
Correction de la composition de littérature avec Georges-Albert Astre → 13. Pas mal mais j’ai déformé ma pensée en la systématisant, une fois de plus, je n’ai pas su maîtriser les mots mais j’y arrive mieux qu’avant.
Il y a dans un journal comme celui-ci une tentation de tout mettre, de tout raconter, mais c’est une ambition irréalisable, on ne peut pas maîtriser son existence quotidienne et la condenser, c’est pourquoi je pense à me réduire aux pensées, aux trouvailles.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

Midi. Pas allé en cours. Suis dans la cuisine au Blanc Mesnil. Il y a du soleil dehors sur les maisons et les herbes. J’ai l’impression d’être à Lorient mais cela ne serre le cœur car je ne peux pas traverser la ville pour venir t’embrasser.

– Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

Si j’écris dans ce carnet, c’est que j’ai pris l’habitude de penser et de parler pendant ces vacances avec toi… Quand tu liras cela, nous reprendrons le dialogue…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

J’ai téléphoné pour savoir, pour les réductions en train. On m’a donné des renseignements sur les cartes demi-tarif. C’est intéressant, je pourrai venir à Lorient à peu près une fois par mois…

Note écrite à 19 ans

ÉCRITURE – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – POÈME

Poème de la femme

J’étais petite enfant lorsqu’un jour, ma mère,
me prenant par le bras, me dit :
« Il y a un oiseau mort par terre,
Tourne ta tête… »
Plus tard, jeune fille, mon chagrin m’a dit à l’oreille :
« Ne regarde pas cet amour mort,
Tourne ta tête… »
Enfin, quand j’allais être un jour fille-mère, un homme m’a dit :
« Si tu ne veux pas voir cet enfant mort,
Tourne ta tête… »
Toute ma vie durant, je l’ai tournée, ma tête,
pour ne pas voir les oiseaux, les amours, les enfants et les hommes morts,
mais aujourd’hui je ne veux plus fuir la réalité,
je veux regarder ce qui est mort
pour voir sur son corps et sa face
comment il a vécu
et pour savoir
comment vivre…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

6 heures du soir. Je n’ai pas travaillé. Je suis allé me promener à l’aéroport où j’ai bu un café, vu un quadrimoteur décoller et enregistré sur disque un poème que j’enverrai à Jo si je suis sûr que l’enregistrement soit bon car j’ai des ennuis de ce côté-là.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

J’écris ces notes au rythme de deux pages par jour en moyenne… Je pense que c’est bien (ni trop ni trop peu). Je me rends compte que j’aime rester à la maison, calfeutré, et quand je sors, je pense que je vais rentrer sans histoire, lire, travailler, écouter de la musique. C’est une limitation volontaire. De s’agit pour moi de me donner l’habitude de travailler. Il faut que je réussisse au moins Propé.
Moins de cinéma, peu de théâtre, peu de ballets, pas d’horizon mais je me réserve…
Mais voyons clair : n’est-ce pas aussi un repli aux motivations inconscientes ? Jocelyne partie, avec qui j’ai réussi à créer un univers parfaitement harmonieux, n’est-ce pas la peur des autres, du contact douloureux… ?
Il faut que j’entre davantage en contact avec des gens de la classe que j’aime le mieux. Certains d’entre eux peuvent m’être très bénéfiques.

Note écrite à 19 ans

CINÉMA

Ce matin : neige. Plein partout. J’ai acheté une bobine de Panatomic et j’ai filmé. Un peu n’importe quoi d’ailleurs. J’ai essayé de faire le moins possible de mouvement de caméra (ni pano ni zoom) on verra bien ce que ça va donner. Peut-être que la neige arrange tout. Actuellement je suis au Bourget, assis à une table. J’ai réenregistré le poème, pour voir si ce sera meilleur au point de vue audition. Mais au point de vue diction, c’est sûrement moins bon. Je me suis pas allé en cours aujourd’hui : il y avait trop de neige. Je voulais travailler mais je n’ai encore rien fichu. Il faut dire que la neige y est pour quelque chose. Après m’être réchauffé ici, je vais rentrer.

Note écrite à 19 ans

DANSE – BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

J’écris moins. Décidé : je vais à Lorient le 22. J’irai prendre une carte aujourd’hui à la gare.
Idée de ballet ( à travailler )
Thème de base : une gigantesque photo représentant un personnage. Les danseurs et danseuses arrivent autour d’elle et, se rapprochant d’elle, finissent par la dévorer, arrachent sauvagement de larges bouts de papier, émiettant ainsi l’effigie, qu’ils finissent par détruire. ( Je pense qu’on peut en faire un ballet politique → Effigie = prolétaires, Animaux dévoreurs = capitalistes.
Le style du ballet, la façon de danser doit évoquer la voracité et la sauvagerie cruelle des animaux de proie.  Je pense à plusieurs choses disparates :
1/ mettre finalement le feu.
2/ grignoter l’image, y creuser un trou et passer à travers.
3/ superposer d’autres images ( cartes des pays colonisés ou conquis )
Je compte soumettre cette idée à Jocelyne→ Je viens de trouver une modification à cette idée : Image = carte du Vietnam. Animaux dévoreurs = impérialistes américains. En dévorant le Vietnam, ils font apparaître quelque chose d’autre ( une image typique de la société US ? Drapeau ou Pin-up )

1966.01.15

Note écrite à 19 ans

VÉCU

21 h. Je viens de me coucher et d’allumer une pipe. À mon chevet : la radio. Informations. Figon est mort. Assassiné ? J’ai reçu une lettre de Jo me parlant entre autres de l’école de danse. Nous en reparlerons à Lorient. Ce soir je suis à la fois heureux et triste (« a strange kind of happiness »). Triste à en avoir le ventre crispé, comme quand tu as quitté Paris. Bizarrement : c’est à l’approche de mon départ pour Lorient.
J’ai écrit que j’écrivais moins parce que la vie recommençait plus rapide. En effet. Et j’ai été plus ou moins absorbé par la classe. Mais avec quelque chose de différent : ce matin j’ai présenté « Lorient 64 » au 87 rue de Turbigo a S*, D*, Marie Pierre L*, Y*, Mindla B* et Gérard L*. Dans l’ensemble ils ont aimé (« Ville en dehors du temps » — « en dehors de la réalité » — « tristesse » — « ville pas au présent »…). Ambiance très différente dans une circonstance comme celle-là de l’ambiance en cours… Différence entre l’action (ici c’est une forme d’action collective) et la discussion stérile et intellectuelle.
J’ai l’impression en ce moment de vivre dans un rêve. Peut-être dû au fait que je suis malade (rhume ?) Et un peu dans les vaps. Mais aussi je pense que j’ai été un peu trop absorbé par la classe ; cependant je suis content car je réalise peu à peu mes plans (c’est-à-dire qu’ils se réalisent eux-mêmes, car c’est normal que ça se passe comme ça…) : je m’écarte définitivement des bourgeois intégraux et je gagne la confiance des gens que je trouve les plus intéressants (M* — Y* — L*, etc.)
Il y a une chose que je ne réalise pas, c’est que je vais prendre le train pour Lorient…
Impression crasseuse déjà comme d’être enterré à Paris et de ne pas pouvoir en décoller… Cependant ce matin, en revoyant Lorient cet été 64, noyé de soleil tristement rayonnant, écrasé de chaleur, ce film me fascine toujours quand je le vois (ce n’est pas de l’orgueil), j’ai failli pleurer d’émotion ; c’est incroyable ce que j’aime cette ville et toute la Bretagne qui m’a littéralement séduit et envoûté…
Bon Dieu, il me suffit de survoler Groix… Comment dire tout ce que ça me fait… Et la mer, de Groix à Lorient : les montagnes de Kaolins, sur la côte, avec Delphine, qui y court, au loin : Quiberon, Carnac et tout au fond : Piriac. Bleu profond de la mer et du ciel ; nuages mélancoliques…
Il me faut retrouver, patiemment, me réveiller au rêve qui est ici la réalité… Construire la merveille…
Je vais partir, imaginons le voyage : départ au petit matin : Oh ! Que j’aime les départs, les grands départs, les merveilleux départs

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Je pars vers toi, vers l’amour et la mer…
Amour Amer, que je t’aime, que j’aime en toi les pierres et les vapeurs d’eau, les fleurs et le vent… Oh tes cheveux…
Je volerai vers toi dans les cyclones de fumée, dans les câbles électriques chantera le chant trépidant des techniques lancées en avant et à la suite de l’homme qui aime, souffre, vit et meurt…
Certes la vie est absurde, du moins le monde inhumain, mais nous la dotons d’un coefficient de merveille qui décuple nos forces et nos désirs de nous mettre à genoux pour embrasser la terre…
Voilà, je sens remonter en moi l’appétit des nuits du port de pêche… Déambulation dans l’ombre chargée de l’odeur marine, avec les pointillés des lumières électriques, les bateaux à quai…
Ah ce que j’ai pu rêver, imaginer, le long de ces quais, de cette mer verte…
Tu as les yeux bleus ! Quelle merveille ! Souvent je m’étonne et suis follement heureux que le sort m’ait donné tant de choses pour en jouir : le soleil, l’herbe, la mer, le sable, l’air, tes yeux, la pierre, le velours, les fleurs…
Mes limites… mes pauvres limites… Pauvre homme que je suis, simple homme, grattant la terre faiblement… Je trouve la vie merveilleuse…
Voilà, mon amour, je sais bien qu’il faut lutter et j’essaie…
Mais quelquefois je me dis que, même si l’impression d’être vaincu, je suis quand même heureux, et heureux d’un rien (de choses qui feraient rire la plupart des gens…) : un rayon de soleil, un éclat de lumière sur une feuille, un grain de blé, un ventre rond de femme enceinte, une miche brillante et brune… Alors, pourquoi m’empêcherais-je d’être heureux ? Pourquoi ne pas tendre le bras et saisir l’hirondelle en vol ?
À Lorient, ceux qui ont vécu (et que je n’aime pas forcément, mais ils ont composé le morceau de musique de mes deux ans maritimes…) Jean, Roselyne, Le F*, Annick, Annie, Yves et tant de visages, tant de corps…
Est-ce que je retrouverai l’impression que j’ai eue quand j’ai vu pour la première fois la place de la mairie, chien battu sous la pluie, enfoncé dans mon pardessus (il était neuf alors…), une brume d’humidité voilait de gris les maisons, adoucissait les angles, ouate de découverte…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES – MADELEINE

What do you want ? To have the power or to have the truth ?

Note écrite à 19 ans

Commentaire du 04 décembre 2011 :

Cette note fait suite à la précédente et concerne également mon aventure avec Madeleine B. : je me demandais à moi-même si je devais préférer la vérité (dire à Jocelyne ce que j’avais fait) ou la manipulation (« the power »), c’est à dire le lui cacher… J’ai choisi de ne pas dire la vérité. Mais je l’ai fait plus tard, pour d’autres relations « extra-conjugales », dans les années 70, où « tout se dire » était devenu une sorte d’obligation. Aujourd’hui, je n’ai pas davantage d’idées claires et tranchées sur ce sujet qu’à cette époque.

– Commentaire écrit à 65 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

20 h 20. Bus. Petit incident amusant mais qui aurait pu me faire rater le train : le bus a coulé une bielle → transbordement dans un autre bus où j’écris actuellement. Je décolle à 22 heures
« Lullabye of Birdland »

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION – AMIS – ZYF – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

N’est-ce pas en « jouant » les marxistes qu’on le devient le plus sûrement… ? (Art = jeu + réalité… participation → Engagement ← (Lorient-Plage Les mouettes) – Jocelyne nous lisait à Yves et à moi des passages de Marx)

Note écrite à 19 ans

PROJET BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

J’ai écrit à Jo pour lui donner des idées nouvelles (et synthétiques) pour le ballet « Vietnam ». Côté bestial. Côté simiesque. J’attends sa réponse. Je verrai Jean-Jacques après.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Pour l’instant elle se découvre elle-même à travers moi par la création commune. Mais quand elle se sera trouvée, n’aura-t-elle pas envie de créer seule de son côté ?

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce matin : reçu lettre Jocelyne. Lettre calme, pacifiée. Assurance. Elle a l’air vraiment heureux. Elle est parvenue à la sérénité. Moi, pauvre type, encore déchiré. Est-ce parce que je me lance dans des entreprises trop difficiles pour moi ? Modestie ? Mais non, c’est mal voir. L’important : libération de la famille. Elle : oui, avec moi. Moi : oui, avec elle

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Stasera penso a te


Tu as plusieurs visages. Artiste ? Visage de Piriac (Tom Jones). Je te construis, pour moi ? Vrai visage et faux même temps, ma contemplation… Si tu étais là… Avenir ? Où, quand, comment vivrons-nous ensemble ? Qui serons-nous ?


Ma femme, ma femme


Femme, avec tes cheveux blonds, tes yeux bleus, des mains douces, le duvet de tes aisselles, ton entre cuisses sombre, tes mollets ronds, tes reins profonds… —–I am alone


Je me rappelle : tu me reprochais de parler en anglais (snob). Palais des sports : Noureev. Tu étais en colère parce que les gens applaudissaient trop (culte de la personnalité), je jouais avec un projecteur… Nous étions jeunes : je parle comme si nous étions vieux. Nous sommes jeunes. Merveilleux (et pourtant : je suis triste ?? Hier soir : chez P*. Quinzième étage de la tour des Tilleuls. Blanc-Mesnil. Paysage de lampes électriques… Merveilleux. Émotion. Aéroport vu de haut. Tous les gens qui, dans les villes, tournent des films, se tuent, gagnent de l’argent. Modern World… —–I am a bit tipsy


Ma « Kool » est finie…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – CINÉMA – RESNAIS

Aujourd’hui : grève de l’électricité. Je suis resté à la maison. Ce matin : reçu une lettre de Jo. Elle m’annonce la mort de la marraine.


Actuellement : 14 h 30. Bar de l’aéroport du Bourget. Gens riches autour de moi. Bien vêtus. Dehors : ciel gris. Pourquoi est-ce que je m’obstine à venir ici ? Chaque fois ou presque ça ne satisfait pas mes désirs de départ, de liberté. Au contraire : la masse d’énergie, de fric contenue dans ces tôles brillantes, ces aires d’envol, cette machinerie compliquée me fait mieux mesurer mon impuissance actuelle.


Je souffre d’être conscient ? D’autres jeunes doivent avoir les mêmes désirs ? Mais pas la même obstination… ? Ou bien ils ne les satisfont  pas avec des substituts…


Du temps passera… Encore beaucoup de temps avant que s’ouvre à nous (à toi et moi) les autoroutes, les pistes d’envol, les eaux des ports et du large…


Je regarde. Une fille fait quelques pas en arrière et prend une photo de ses copines attablées dans le bar… Elles se sentent obligées de prendre  des poses, de faire des mines… Toi, quand je t’ai photographiée, tu n’avais pas peur de regarder l’objectif et puis aussi tu t’en désintéressais, après, et je te «prenais sur le vif». C’est qu’il y avait entre toi et moi un rapport vrai, l’objectif, il n’était qu’une machine, tu avais confiance en moi…


Je viens devoir passer un avion, tranquillement, sous le soleil, il a passé dans mon champ de vision, roulant sur le sol dallé… Je pense : impression forte (encore, soleil sur tôles – vacances) le filmer… ? Non : pas la vie, pas la réalité, pas l’impression de vivre… Mais Resnais, mais le cinéma… ? Oui, peut donner cette impression de vie, mais si pas autobiographique, pas destiné à soi mais aux autres, pour le créateur, pas venant de soi mais d’un autre, pour le spectateur. Alors oui : je peux entrer dans le jeu, faire effort, m’imaginer vivre ; sinon je ne peux pas. Voilà mon drame : devant la vie, j’en fait de l’art et devant l’art, je ne peux pas adhérer car je m’imagine créateur et je ne suis plus spectateur…


Départ à destination d’Amsterdam… il est 14 h 49


 Il faut que je parte d’ici, je m’en vais

Note écrite à 19 ans

ÉCRITURE – POÈME – HUMOUR

Dans une nuit livide
Quand hululait le vent
Et roulaient les rapides
Sur le grand continent
Ici, sur l’île de Groix,
À l’Auberge de Jeunesse,
Nous abaissions nos voix
Pour que rien ne paraisse
Exister sous ce toit…
C’est que nous avions peur…
Oui, car il faut le dire,
Dans cette nuit de terreur,
Vient le cambrioleur

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Jocelyne…
Écrire ton nom pour que tu sois présente…
Voilà à quoi j’en suis réduit.
Je me rappelle nos lettres : « Comment faire pour venir chez moi, etc. » Nous avons toujours lutté, nous nous sommes toujours débattus, faibles, sans moyens, séparés… Ça a été notre but, notre univers : nous deux, être ensemble. On nous dispute ce minimum : le droit de se voir, de se toucher. Alors nos rares voyages, nous les attendons avec une impatience amère, nous embrassons des photographies, nous relisons des lettres…
Malheureux enfants que nous sommes… Maudits par le monde, par nos parents… Nous en venons, dans notre impatience exaspérée par l’angoisse et la solitude, à nous entre-déchirer, à nous faire du mal, parce que nous ne comprenons pas que nous avons des droits à revendiquer, une façon de vivre à atteindre…
Jocelyne…
Que j’aime ton nom, et que je t’aime… Je crève de ne pas pouvoir te serrer dans mes bras… Je ressens cette effrayante impression de solitude que je ressentais au Blanc-Mesnil. Un mois aujourd’hui que je ne t’ai pas vue. C’est intolérable ; le cinéma, les rues, Paris ne me distraient pas, ne me font pas supporter ton absence… Il vient un moment où je me rends compte que je suis seul…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – CINÉMA – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Je viens de passer l’oral de l’IDHEC. Je suis soulagé et en même temps énervé, insatisfait. Non, je n’irai pas au cinéma (pas assez décontracté). Je suis assez pressé d’avoir les résultats. Je me demande vraiment comment ça a pu marcher… ? Et aussi je pense à toi, qui ne m’as pas écrit… Dès que j’aurai les résultats, je t’écris. Ou bien je télégraphie ? Oui, je télégraphie et j’écris en même temps. Demain : le psychiatre. J’ai quelquefois l’impression que je n’en ai plus besoin, mais c’est trompeur et de toute façon passager. Je suis curieux de savoir si j’ai moi-même cerné mon problème ou si le mal est complètement à côté. Si j’ai vu juste, ce qui est terrible, ce qu’il ne sert à rien d’être conscient…


Il va falloir t’expliquer… Tu ne peux pas ignorer cela… Je ne me suis jamais totalement dévoilé, mais c’est que je n’en avais pas les moyens, en fait…


Je ne me connaissais pas bien moi-même… Le temps de la clarté approche ?

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Il commence à faire bon sur la Seine. Il y a des couples qui s’embrassent, et des chansons lancées comme des défis. Je reviens à la Seine. Il y a des groupes de jeunes gens, des excentriques déguisés, des pédérastes. Il y a des gens qui s’ennuient, qui traînent leur solitude. Moi, je suis encore comme ça. Mais bientôt tu viendras me rejoindre.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – VACANCES

Téléphoné hier soir aux L. Il faut reconsidérer le problème de nos vacances : il n’est pas possible d’aller à Langoelan (trop de monde → gêne pour eux et pour nous). Reste la solution du camping en Auberge de jeunesse et du stop… N’importe quoi, pourvu que je prenne un mois de repos…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – PSY

Pourquoi est-ce que je te parlais tout le temps de mes projets, de mes idées, etc. parce que, n’ayant pas les moyens de diffusion de mes idées et les moyens de les réaliser, c’est-à-dire n’ayant pas un vrai public, je te prenais pour public. Maintenant que j’accède petit à petit aux moyens de diffusion, je réalise que cette attitude envers toi était nocive, perturbatrice et je ne te prends plus comme auditrice bénéficiaire de mes chefs-d’œuvre ou victime de mes désappointements (parce qu’en plus, tu étais un public qu’on peut accuser tranquillement d’incompréhension ou d’insensibilité, même si l’erreur était de mon côté).

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(Saint-Brévin-les-pins, le 19 juillet 1966)

 1966.07.19
Aujourd’hui, le 19/7/66, j’ai passé en revue les notes de mon cher époux ! Surprise ? Non ! → Nouvelles vues, nouvelles idées → Nouvelles formes de compréhension. Il faut à tout prix classer toutes ces notes de manière à en faire une synthèse. Nécessaire ! Encore une chose : j’aime son petit lapin. (écrit par Jocelyne dans le carnet).

Note écrite à 19 ans

VÉCU – IDHEC – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

« Vous avez dit Einstein (il est fou !) »

Note écrite à 19 ans

Commentaire du 23/12/2011 : Ceci a été écrit par Jocelyne dans mon carnet, se référant par connivence à une phrase de Jean Mitry, juré lors de l’oral du concours d’entrée à l’IDHEC, qui me félicitait d’avoir prononcé le nom d’Einstein en me disant : « Vous avez dit Einstein, c’est très bien ! » Après quoi j’allais souvent répétant cette phrase, par jubilation et dérision à la fois…

– Commentaire écrit à 65 ans

IDÉES SCÉNARISTIQUES – CINÉMA – PROJET « ALICE »

Hier : idée (Jo et moi) :
1/ Une fille, laide, couverte de boutons, s’assoit devant son miroir. Geste de dépit. Elle arrache une photo de visage de star et la place sous le cadre de la glace. Elle regarde et sourit… (Jo)
2/ À partir de l’importance de l’image dans la vie courante. Cadres de photos d’ancêtres : vides. Les ancêtres sont aux chiottes. À la place : jeunes premiers.
3/ Fille qui photographie un gars au télé et qui vit avec lui. Gars qui la photographie aussi et fait de même. Timides. Ils ne se rencontrent jamais.
4/ Strip-tease d’un tableau représentant une jeune fille. D’abord le cadre qui tombe, puis la vitre, puis les vêtements, etc. (court-métrage d’animation. A faire en s’amusant).
5/ Reprendre l’idée de la petite fille dans le sac à main → « Alice au pays des merveilles » moderne. LONG-MÉTRAGE
Une petite fille, soudain rapetissée, part à la découverte du monde moderne. On la voit dans un sac à main, se regardant dans un grand miroir rond, elle se met du rouge avec un tube long comme son bras. → Monde en évolution constante.
1/ Alice change de dimensions constamment
2/ Les objets aussi.
Suivant les dimensions des décors, les objets changent de dimensions eux aussi.
Exempt : le rouge à lèvres. Elle décide de l’emporter avec elle.

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Fait régner l’ambiguïté : que le spectateur se demande si ce sont les objets qui changent de dimensions ou bien Alice ? ← Il me semble qu’il est plus intéressant que ce soit Alice qui change de dimensions…
Variation par rapport aux autres films du même type : la dimension était fixe → Ici elle change (voir 2 pages plus loin) (suite Alice : la dimension variable : prolongement « philosophique » (pour faire plaisir à Siclier et Labarthe) : la petite fille peut rapetisser pour se procurer des objets, qu’elle convoite et qu’elle ne peut approcher lorsqu’elle a une taille normale. Mais cette diminution de sa taille lui joue des tours, car elle est alors aux prises avec des difficultés inattendues. C’est la séquence :
1/ du rêve
2/ du désir de possession
3/ de la société de consommation (le 2 et le 3 sont liés)
4/ de la difficulté (au sein même du rêve).

 Possibilité :
Une personne adulte désire rapetisser pour parvenir à s’emparer de certains objets. Elle rapetisse en régressant à l’adolescence et à l’enfance, avant de rapetisser de dimensions en réalité (?)

Note écrite à 19 ans

VÉCU

Rencontré le « Tonton Charlot ». Il cherche à se marier. Il est allé un jour chez une dame dont il avait entendu dire du bien pour lui demander de se marier. Elle n’a pas voulu, car elle avait des enfants. Intéressant, ces mariages de vieux. Il ne faut qu’une bonne entente, des qualités ménagères. Il s’agit d’échapper à la solitude. Je trouve passionnant ce Tonton Charlot qui ne fait ni plus ni moins qu’aller sonner à une porte inconnue pour ne plus être seul à vivre… Je trouve ça admirable et triste…

Note écrite à 19 ans

VÉCU

Relais « La peau de l’ours ». Exposition de gravures (J*) sur Tristan Corbière. Cadre agréable. Assez bien agencé


Nous sommes allés à Gavres. Nous avons vu « Pépé » et « Mémé », vieillards de 80 ans plus jeunes que nous peut-être, qui sommes des vieux précoces, des morts vivants, des Lazares non ressuscités…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – ÉCRITURE

– Vous la coiffez ?
– Si la sémantique ne venait pas s’en mêler, je dirais oui.

Note écrite à 19 ans

Commentaire du 29 décembre 2011 :

Ce dialogue imaginaire faisait suite à la question (réelle) que m’avait posée mon ancien professeur de lettres du Lycée Paul Langevin, à Suresnes, en 1962, que j’étais retourné voir, car je l’estimais, et avec qui je m’étais entretenu de mes relations amoureuses difficiles avec Jocelyne.

– Commentaire écrit à 65 ans

VÉCU – CINÉMA

Aujourd’hui pas d’idée. Assisté à la troisième journée de tournage du film de G. et D. Un plan excellent : un échange de cigarettes et de feu. Mais ennuis de pellicule → Ils ont été obligés de recommencer. Sûrement moins bon la deuxième fois. D’autre part, Jocelyne est allée travailler le ballet pour le gars de Quiberon. Elle se bagarre dur. C’est bien. Je suis content. Excellente idée : elle voudrait faire un ballet moderne sur les Romans de la Table Ronde. J’entrevois des tas de possibilités très intéressantes, exaltantes. Pour le ballet nous retardons notre départ de cinq ou six jours.


Renoué avec Y.


Revu aujourd’hui L G*. Rien de spécial.


Envie de noter quelque chose mais : rien à dire.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – POLITIQUE

Aujourd’hui : journée importante :
Discussion avec Jocelyne. Prise de conscience.
Compris que les problèmes personnels dépendent des problèmes politiques.
Primauté de la politique.
Nécessité d’un engagement constant et à tous les niveaux.
Nécessité d’une ascèse constante à tous les niveaux.
Nécessité du courage révolutionnaire.
Nécessité d’un style de vie sans concession (pour commencer : à soi-même : réflexion – refus)
Je sens que je ne suis pas encore un révolutionnaire digne de ce nom, mais la direction de départ est nette.

– Note écrite à 19 ans

VÉCU – AGNÈS

1975.02.22

– Dessin fait à 28 ans

Commentaire du 06 avril 2016 :

Dessin d’un meuble que je projetais de fabriquer (et que j’ai d’ailleurs fabriqué, dans une version simplifiée) sur lequel il semble qu’Agnès (2 ans 1/2) ait rajouté les silhouettes de Daisy, notre chienne, et de Poum, notre chat (à moins que ce ne soit moi qui l’ai fait, « jouant » à l’enfant, soit pour Agnès soit pour moi-même, enfant dessinant pour un enfant regardant (ce qui est plus probable, Agnès étant encore un peu petite pour cela, surtout pour écrire « Poum »). Autre hypothèse : qu’elle ait dessiné le chien et le chat et que sa mère ou moi ait rajouté « Poum »).

– Commentaire écrit à 69 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Chaque  » ouikinde  » passe et laisse une âcre sensation de temps gâché. Je suis heureux, non : content, de voir auprès de moi Jocelyne et Agnès, dans le calme d’une journée paisible, je crois que je jouirais mieux de cette paix si je me sentais moins vide, moins stérile, si j’éprouvais ce calme au contact d’une activité intérieure qui lui ferait contraste et la raviverait d’autant.

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

Fin de la neige. Réadaptation à Paris. En fin de compte, ce séjour se révèle bien être ce que j’avais prévu : 8 jours inutiles avec deux emmerdeuses. À peine quelque sensations sur les pentes, quelques lignes lues et quelques-unes écrites ici (+ quelque jours avec Agnès)

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

Agnès aujourd’hui : « C’est pas joli… » Est-ce nous qui lui avons transmis ça ? Je n’arrive pas à m’en souvenir. Plus des jurons… Là non plus, je ne sais pas
Hier et aujourd’hui, elle est allée au jardin public avec sa mère. Hier elle a demandé : « Pas seau, moi ? », car c’était impromptu. Aujourd’hui, Jocelyne lui a pris un seau. Il y a deux ans et demi, elle naissait, aujourd’hui elle fait des pâtés de sable !


J’ai failli partir, il y a quelques jours. Ça été un moment de crise intense. J’ai passé de longs moments à arranger ça, sur le plan matériel. Mais je ne peux pas les laisser. Je ne pense pas que ce soit ce qui m’attend après mon départ qui m’effraye (je sais pourtant que la solitude est la chose dont je m’accommode le moins. Et si je partais, ce serait pour vivre seul, l’histoire ne se répète pas, même la mienne. Chelles et Danièle, c’est une leçon).
C’est une chose terrible que de se rendre compte qu’on a fait dans sa vie des choses qui restent et vont vous suivre jusqu’à… Jusqu’où ?
Cette femme et cette enfant me sont chères, dans tous les sens du terme.

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

(0h45)
Jocelyne est allée à Lorient amener Agnès à ses grands-parents, car Maman, à qui nous devions laisser la petite, a été hospitalisée pour « dépression nerveuse ». Depuis sa chambre d’hôpital, elle continue à avoir l’œil sur tout, et un œil mauvais : elle s’offusque que ce soit les L. qui aient la petite et non René qui s’est proposé pour la garder et qui a dû le dire, sans se rendre compte que c’est une chose dont elle allait s’emparer, comme tant d’autres.
Mes parents sont ma malédiction. J’ai impression d’avoir de l’eau qui me fuit entre les doigts.
Jocelyne est partie. Je me retrouve seul. Pour la première fois depuis bien longtemps (depuis quand ?) J’ai été un peu seul l’été dernier, sur la route ou dans des trains (ou dans cette chambre des Escholiers, quand Danièle s’en allait).
Solitude. Chose étrange ! Je n’arrive pas à la cerner, en vérité. Misère et grandeur, tout ensemble.
Je pense beaucoup, bien sûr, à cette solitude dont j’ai rêvé, cette solitude d’après mon départ, d’après ma séparation d’avec Jocelyne. Mais ce n’est pas pareil. Cette solitude, je la peuplais de présences (de femmes) que j’aurais poursuivies avec cette vieille fièvre. Mais aujourd’hui, cette fièvre n’est pas. Je ne crois pas que ce soit parce que Jocelyne va revenir, mais je ne crois plus. La croyance en l’autre, c’est fini. La rencontre, Nadja, l’amour-fou, la baise des cœurs : foutaises !
Ce qui m’inquiète le plus, c’est que je ne crois plus en moi, non plus. Tout du moins, le ver est dans le fruit. À cause des autres. Et du monde. Jammot m’oppresse. Quand déciderai-je moi-même et quand ferai-je les films que je voudrai faire (car aujourd’hui je ne sais ce que je veux). Tout m’apparaît dérisoire. Et pourtant, j’ai bien plus de possibilités de création que tant d’autres ! La route est longue et dure, et si courte ! Qu’aurai-je dit, quand je finirai ma vie ? Je parle d’imaginaire, mais le réel m’écrase.

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

Revenue de Lorient, Agnès parle de mieux en mieux. Elle a parlé pour la première fois, il y a quelques jours, de « petit frère » et de « petite sœur » qu’elle accole à ses « copines ». Ça donne à réfléchir…
J’ai l’impression d’avoir de moins en moins besoin de la brimer. Mais il y a quand même des obstacles à son désir…

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Paris. Depuis hier soir. Paris, après un détour (une fuite) par Nantes et Lourmarin.
Hier soir : flip intense, mais la solitude s’organise.
Culpabilisation très forte au contact de la maison (vis-à-vis d’Agnès principalement et, secondairement, vis-à-vis de Jocelyne) ← note écrite dans mon carnet par Jocelyne ayant souligné le mot « secondairement » : « Mais je ne suis jamais jalouse de ma fille »
J’aimerais avoir Agnès au téléphone, mais : les parents… Je ne sais pas si je les hais. Je ne crois pas. Mais je leur en veux. Et je m’en veux à moi aussi, bien sûr. Jocelyne va venir (mais il se passera des choses d’ici là). Toujours l’espoir de renouvellement de la relation, mais sans illusion cette fois-ci (un an, il y a un an je revenais plein d’illusions. Un an déjà ! Ah ! Ah !) Quoiqu’on s’oriente (peut-être et peut-être est-ce la meilleure solution ?) vers une divergence de nos vies, je n’arrive pas à l’admettre, à admettre d’être indifférent vis-à-vis d’elle, de vivre mes trucs de mon côté. Il y a une explication possible à cette non-admission : la peur (de moi, de ma vie) et son corollaire : le blocage, l’attachement foetusien à elle.
Autre explication : au fond, j’aime cette petite bourgeoise (est-ce si étonnant ? Je suis un petit bourgeois !) Et l’amour consiste à partager une vie.
Mais qu’il est difficile, l’équilibre entre le partage et la solitude : il faut d’abord réussir sa solitude et réussir à la contredire.
Je doute fort d’un changement réel. Et d’ailleurs veut-t-elle que nous restions ensemble ?
Si elle avait changé d’avis, de son côté ? Je crois cependant que, même en ce cas, alors que j’ai tant souhaité ça, je maintiendrais les choses en l’état pour l’agneau. Pas de sacrifice sur l’autel de la « liberté ».
Je veux changer des choses matérielles, dans la maison, dans mes vêtements. Je n’y crois guère. On verra ça. Rendez-vous ici dans quelque temps.

– Note écrite à 28 ans

Note écrite dans mon carnet par Jocelyne le 04/04/1978 : « Tu as fait le « sacrifice » sur l’autel de la liberté. »

VÉCU – BELLE-FAMILLE – CONFLIT – CINÉMA – GODARD – AGNÈS

Il faut que je parle, ici.
En écoutant David Crosby, sur un coussin de velours vert dans le salon de Momo aujourd’hui dimanche que je ne passerai pas chez moi, car il y a chez moi des gens que je ne peux plus supporter, ces vieux, cette vieille, quel autre mot, terrible, je sais, cruel, je sais, cette pauvre femme qui s’accroche à sa fierté et à sa schizophrénie solide, refusant de s’admettre handicapée pour garder cette fenêtre sur la vie, Agnès, qu’elle aime et qui le lui rend bien et moi, aussi, fier et schizophrène, avec des réflexes de possession, d’autorité, de dignité, parti, fuyard, venu au cœur de cette musique, avec l’amitié à deux pas, recours à la solitude, lisant Jean-Luc Godard qui dit en 1966 : « L’ennui au cinéma, c’est qu’on nous impose la longueur du métrage ». Il est aussi question, plus loin, de « naissance du cinéma,. Oui. Ne pas appliquer des recettes

Faut-il continuer à risquer des colères comme celle-là

Je transcris (du 27/12/1976 nuit)

En nous couchant – agressivité emmagasinée en moi par petites conneries avec belle-mère – ← Note écrite dans mon carnet par Jocelyne : « Oui, mais définis-la. » Je parle à Jocelyne du problème du voyage au Luc. Elle ne me répond pas et tourne le dos. Je la prends violemment par les cheveux pour l’obliger à me faire face, hors de moi. Agnès, couchée à côté, en larmes. Après cette crise, la petite s’endort. « Nous » (je) parlons. Il en ressort qu’elle se demande si je suis paranoïaque ! Dois-je oublier de noter ça ? J’ai si mauvaise mémoire ! (Autre chose à noter : ces dix jours « sans », elle les qualifie de mascarade. ← « sans » signifiait sans masturbation. Je me culpabilisais de me masturber et avais entrepris de « me mettre au régime » de la masturbation (Commentaire écrit le 06/06/2015). Je n’oublierai pas, non plus, de noter que j’ai sangloté, revoyant Agnès en larmes, alors que j’avais prise pour la mettre de son lit dans le « nôtre », nous enlacer tous les deux pour nous dire : « Je vous aime tous les deux, mais je ne vous aime pas quand vous « faitez » la colère… » Faut-il continuer à risquer des colères comme celle-là ou bien divorcer ? Peut-il y avoir cette communication dont je rêve, cette complicité ? Suis-je vraiment paranoïaque et est-ce moi qui l’empêche ? Le problème des familles, vieux boulet, est au centre. Si je suis là pour cette rituelle mascarade de Noël, pourquoi pas à la mascarade du Nouvel An auprès de ma famille ? Pourquoi une injustice ? Ou alors Jocelyne aurait pu être ma complice dans le crime de lèse-famille. Mais son triangle de fille unique la satisfait tant !

– Note écrite à 30 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – AGNÈS

Je suis aujourd’hui (jour gris, plafond bas) dans un état propre être appelé désespoir.
Je me méprise. J’ai honte de moi. Par rapport à elle et aussi par rapport à Agnès. Ce qui est insupportable, c’est de penser qu’Agnès même parce qu’elle ignore tout de moi. Elle a de moi l’image qu’un enfant innocente se faire de son père. J’ai, dans mes rapports avec elle, un insupportable avantage, immense bénéfice non du doute mais de l’ignorance. Je pense à plus tard : quand elle aura grandi. Ou bien elle saura (oh ! La honte) et alors… ou bien elle ne sera pas et j’aurais alors cette même brûlure de honte à penser que je cache quelque chose. Elle aura l’âge de me mépriser elle aussi. Si je pouvais, pour elle par rapport à elle, me purifier, sortir de cette ornière de secret, de vénalité, de mépris, d’insincérité, de compromission ? Je suis coupé, cassé en deux. Je me contredis moi-même et cette paix que je désire tant s’éloigne toujours plus.

– Note écrite à 30 ans

Écrit dans mon carnet par Jocelyne : « Tout ça, c’est con. C’est moi qui en ai fait un problème. Il n’y avait pas de quoi, mon Dieu. Tolérance. »

Commentaire du 19/06/2015 : ma grande honte, c’était que je me masturbais. Ça n’en est plus une aujourd’hui, car j’ai compris depuis longtemps que c’est simplement un plaisir dont refuse de se priver ma nature sensuelle, tandis que, dans ma jeunesse, je subissais la pression de la morale sociale et traditionnelle et de ma famille, de confession catholique.

– Commentaire écrit à 68 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – AGNÈS

Avant-hier samedi, je rentre de tournage à 15 heures. Je trouve Jocelyne qui dort. Agnès me dit qu’elle n’a pas mangé. Colère. Je lui mets de l’eau sur la figure. N’arrivant pas à la réveiller, je la tire du lit, la traîne jusqu’à la douche et l’asperge de flotte. Trempée, elle part se recoucher.
C’est dire à quel point ça va mal.
Par moment – souvent  – je me rappelle à moi-même que c’est moi qui l’ai démolie. Mais, à côté de ça, il y en elle tant de mauvaise foi, Commentaire de Jocelyne : « Et toi ? » Le même piétinement en rond que je ne peux m’empêcher de penser, malgré Agnès, que la seule solution est d’en finir une bonne fois.
Ce soir, je vérifie en le lui demandant qu’elle a dormi à cause de sa nostalgie en écoutant Anne Sylvestre. Elle me sort dans la discussion cette énormité : si elle n’est pas – c’est elle qui le dit – une bonne mère, c’est de ma faute ! Parce que je suis parti ! Je suis si indigné qu’il faut que je note ça.

– Note écrite à 30 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

La beldoche est arrivée ! Je me retranche dans le mutisme. La présence de mes parents me gêne, canalise mon attitude. Je partirais bien volontiers. Les voilà plongés dans leur conversation imbécile, hypocrite, respectueuse des conventions : pas de remous, pas de vagues. Chacun n’en pense pas moins. La beldoche est très à l’aise : elle est soutenue par sa fille ! Décidément Jocelyne a toujours choisi le camp de ses parents, ne comprenant même pas, ne parvenant même pas à concevoir ce qui m’éloignait d’eux tout autant que des miens, cette gangue, cette prison de médiocrité, d’illusions, d’apparences soigneusement entretenues…
Oui mais : Agnès ! Toujours la lancinante torture de cette pensée ! Je reviens à l’époque où elle n’était pas là : qu’est-ce qui me retenait près de Jocelyne ? Ma faiblesse, mon inconscience, celle-là même qui m’a joué de sales tours par ailleurs (Jacquet – Denis Manuel – etc.)
Ah, si c’était à refaire ! Si on pouvait faire marche arrière, comme dit la complainte ! Je reviendrais bien au tout début : à ce Lorient de 63. Quand je compare le trajet de Zyf au mien : la différence d’itinéraire ! Le temps que j’ai perdu. Ce n’est tout de même pas un hasard si j’ai fait « La saisie » en 74. Je me souviens de cet élan, de cette détermination qui m’a jeté sur mes pieds, m’a lancé en avant, balayant les difficultés, cet élan créateur, cette énergie…
Hier soir, je repensais à cette période de 74. À ces huit mois de liberté. Que d’erreurs, bien sûr, que d’illusions. Mais ça en valait la peine. Si j’avais tout de suite pris un avocat, si j’étais allé jusqu’au divorce, le problème Agnès, qui a été mon principal frein, aurait été réglé.


Je sens l’hostilité latente de Jocelyne mon égard.

– Note écrite à 31 ans

ÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – ÉCRITURE – HUMOUR

Mon humeur en ce moment est au flash-back. Sur ma vie j’essaye de faire un plan d’ensemble. L’idéal serait de partir en travelling pour aller faire sur les choses un grand panoramique. Je garde Agnès en gros plan. Le risque est que tout ça finisse par une plongée…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Si je pars, je me laisserai pas souffler Agnès comme la première fois ! Quand je pense que cette salope avait interdit à la nourrice de me la laisser prendre !
Ah ! Ne pas me laisser avoir par ses inévitables sanglots, son air tragique de victime innocente.
J’écris comme pour rendre irrémédiable (les paroles ou les pensées s’envolent, les écrits restent) mon projet de départ.
Me jeter à l’eau. Me jeter dans la solitude. L’affronter. La vaincre

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(3 h du matin)
J’ai dans la tête la chanson enfantine du bouquin que j’ai acheté à Agnès : « Mon âne, mon âne, a bien mal à la tête… » et, en même temps, je pense très fort et très concrètement à partir.
Je n’ai pas réussi à dormir, il a fallu que je rallume, que j’aille chercher le dernier paquet de cigarettes dans le bureau où dormait mon père et que j’ouvre ce carnet pour écrire, pour « fixer » les choses, parce que – comme cela m’est déjà arrivé –ça m’a « sorti de ma torpeur », mis debout, « réveillé », secoué !
Partir. La quitter. Quitter cette merde. Cette mort. Cette prison. Cette médiocrité. Trouver la solitude, je le sais, les moments difficiles, je le sais. Surtout que mon expérience passée m’aura servi de leçon : ma libération sera solitaire ou ne sera pas !
Je m’organise : d’abord l’hôtel, en attendant.
Trouver une piaule. Une merde, je m’en fous. Douche : dans l’immeuble, s’il y en a. Sinon, on verra. Cuisine : je ne boufferai pas là ou du pain et du jambon ou alors : camping-gaz. Meubles : matelas-mousse. Une table. Une chaise. Une lampe. Une armoire (?).
Mon problème, c’est le téléphone. Surtout en ce moment. Et le courrier. Le faire expédier sur boîte postale.
Mais je crois bien que cette fixation sur le concret est une surenchère, un activisme destiné à déplacer l’apparition (la mienne) de l’abstrait, c’est-à-dire de la décision qui naît d’une chose pas concrète, d’un sentiment, d’une conviction.
J’ai attendu. J’attends le moment où je serai sûr que je ne peux pas faire autrement.
En fait, il faut envisager de changer ma vie. Ne pas être acculé par elle, mais la dominer, la diriger, la prendre en main.
Qu’espérer de Jocelyne ? Qu’espérer lui apporter ? Elle soutiendra sans doute farouchement qu’elle trouve son compte à la vie avec moi. Mais, en réalité quel « contentieux » entre nous !
– Le vieux problème sexuel, jamais réglé, réactualisé par cet enfant dont je ne veux pas : je refuse de faire l’amour avec elle si elle ne prend pas la pilule, elle ne veut pas la prendre – vieux refus – voulant cet enfant et s’accommode bien, s’accommode en tout cas, de cette cessation de nos rapports.
– Nous nous éloignons l’un de l’autre sans manque. Nous n’avons pas à être ensemble d’autre satisfaction que celle de l’habitude.
– Nous ne faisons plus rien en commun.
Nous ne nous aimons plus. L’amour, cette joie d’être ensemble, cette compréhension, cette complicité… J’ai l’impression d’en avoir perdu la clé, que quelque chose s’est brisé en moi et que j’ai vis-à-vis de l’amour désormais une très grande méfiance, un manque absolu d’illusion. De ce côté-là, ce n’est peut-être pas plus mal. L’avenir me le dira. Si je pars, je me promets que c’est la lucidité qui conduira ma vie

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce soir j’ai voulu parler à Jocelyne, savoir comment elle voit les choses, si, des fois, elle n’étouffe pas, elle aussi, et ne comprend pas la nécessité de nous séparer.
– « C’est pas le moment : j’ai sommeil et j’ai mal au crâne. » Je me suis tu.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Elle a ouvert ce carnet et l’a lu, ce matin. Nous avons parlé : je suis lâche, égoïste, je n’ai pas fait d’efforts, tout est de ma faute.
J’ai dit que ce n’était pas possible de continuer ainsi, que nous avions tout essayé.
Je n’ai pas essayé. Même sur la seule fois où j’ai essayé vraiment – l’analyse – ça a été le même discours. Contre.
Je suis venu chez Dominique avec Agnès, qui joue avec Alexandre.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Je suis parti. Ce matin. Elle est arrivée en courant. Elle a cherché à me retenir, mais pas trop. Elle a pleuré. Je suis au « Familia-hôtel ». Quel ironique symbole.
C’est la première fois que je suis à l’hôtel à Paris, mise à part la pension B. (« Chez-soi ») qui était aussi une sorte d’hôtel, d’une certaine façon.
Tout à l’heure : le balcon, la rue, les cafés. Je me suis cru un instant en été.
En fait, elle ne croyait pas que j’allais partir. Je l’ai compris hier soir en rentrant.
Comme c’est dur de faire mal. Et quelle sera ma route ? Est-ce qu’au moins ça vaut le coup ?
Ce matin, en arrivant au montage, avec Françoise, j’ai acheté le Figaro, pour les petites annonces.
J’ai cerclé les studios. J’avais des rendez-vous pour en visiter. Je n’y suis pas allé. Je suis seulement allé en voir un, que m’a fait visiter la gardienne – qui m’a fait attendre pour « finir son courrier » – rue Georges Pitard. Gadget marrant : au 30e étage : une piscine ! Avec des baies vitrées dominant Paris. Un vrai décor (mais le syndic refuse les tournages).
Le studio donnait sur les voies ferrées de Montparnasse. Merci bien pour les trains…

Commentaire du 20 juin 2015 :

Je ne savais pas que j’allais vivre pendant huit ans, de 1998 à 2005, au-dessus des trains de la Gare d’Austerlitz, du RER, et du métro, au 13e étage d’un foyer Sonacotra donnant sur les voies.

Commentaire écrit à 68 ans

Après y être allé, je suis passé à Monttessuy. Petite affichette mise par un caméraman des actualités télévisées. Je dois visiter mercredi. Mais c’est petit. L’intérêt c’est l’absence de bail qui me permet de partir quand je veux, l’absence d’agence qui m’éviterait de filer du fric à des requins et le prix « normal ».
J’ai pris conscience que je n’avais pas réussi à quitter ma mère (Œdipe mal réglé) → masturbation. J. était pour moi la seconde mère. (En lisant  » J. était « , j’ai lu : « j’étais ». Quel sens ?)

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

 20h50 : Henri ne répondant pas (je devais passer chez lui ce soir), je me suis couché. Tout à l’heure, je l’ai appelée pour donner mon numéro ici, au cas où…
Elle a hurlé au téléphone, m’a insulté, a posé des ultimatums. Je pensais qu’elle accepterait les choses pas trop mal, mais j’ai de plus en plus de mal à le croire. Pourtant, au début, elle m’a dit que, bien que très malheureuse, elle allait voir un psychologue et essayer de « repartir à zéro ».

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce soir j’appelle les parents pour leur donner mon adresse. Maman m’apprend que, dès 74, cette salope a tout déballé de notre vie et qu’on en était arrivés- sans qu’elle m’ait rien dit (la colère me remue en écrivant) – au point où même son père me surveillait quand j’allais aux toilettes ! « Vous n’avez fait que des gamins ! » dit la beldoche, la venimeuse, l’ordure prétentieuse et reptilienne, « Ma fille a besoin d’un homme… »
Je crois bien que ça, ça me fait mal. Parce que je suis bien obligé de reconnaître qu’elle a raison et j’allais dire : que ça me fait voir combien les rapports hommes-femmes passent par la domination, l’établissement d’une domination du mâle sur la femelle (tout ce que j’aime), mais je m’aperçois que c’est peut-être vrai pour le vieux couple. Ça ne peut pas être vrai pour l’avenir.
Un homme… Ma faiblesse, ma lâcheté, mon problème, comment se sentir homme quand on se branle ? Il va bien falloir que je règle ça. Je ne peux plus faire autrement
Pourtant j’essaye tant bien que mal de m’en sortir. Ce soir j’ai abordé une fille, sur la passerelle du plateau du « Grand échiquier » : Virginie. Elle ne faisait triquer. Qu’est-ce que j’aimerais niquer une fille vraie et pas en papier. Espoir débile : qu’elle m’appelle…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

On est samedi. J’avais prévenu, par Dominique, que je prendrais Agnès ce week-end. Je l’avais confirmé par lettre, puis avais téléphoné, suite à ce coup de fil, à ma mère.
Je suis arrivé ce matin. Fermé. Trouvé un mot : elle s’était tirée en week-end avec Agnès, prétendant n’avoir pas pu me joindre hier soir. Désormais, c’est vraiment la guerre. Elle compte sur ma faiblesse. Je ne sais pas encore comment je vais réagir.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Hier soir été voir Jocelyne suite à coup de fil à propos week-end prochain, soi-disant pour se mettre d’accord sur ce qu’on dirait tous les deux à Agnès. En fait : discussion triste. On s’est quitté sur une déclaration de guerre. J’ai rappelé pour négocier. Je dois la rappeler demain soir.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – FEMMES – CINÉMA – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Pas de réponse à la lettre de l’avocat. Je pense qu’elle va faire la morte, faire traîner les choses.

Agnès me manque de plus en plus. Je ne sais comment elle est, comment ça se passe. A-t-elle senti, compris ?

Je sors beaucoup le soir. Dans la journée aussi, j’ai toujours quelque chose à faire. Sauf aujourd’hui où je traîne ma flemme – mais c’est un peu normal après cette panique des meubles, du ponçage et du vernis – pourtant il faudrait que je fasse le ménage, il y a une tonne de crasse et de sciure sur toute chose et des affaires en vrac à droite et à gauche.
La musique me manque. Et mes livres. La bibliothèque, terminée, fait très vide.

Jean-Pierre Bertrand au « Magazine de l’image ». Parlé de mon sujet sur les jeux. Ça a l’air de l’accrocher. Je dois l’écrire. J’hésite à le faire dès maintenant ou après avoir fait le compte des jeux existants.

Bouillon : en sommeil car il est occupé par un dossier d’agrément au CNC.

Reggiani : j’attends. Si ça marchait avec Bouillon, j’envisagerais d’aller le voir en tournée.

Toutes les lignes que j’avais lancées, ça ne mord pas : Armorial, Mnouchkine, Rassam, Roitfeld, Kermadec, Office Kréation. Sans compter les « consultants » : Miller, Fansten, Monnier et autres.
Mais ça ne me chaut que peu.
Mon emploi du temps récent (en remontant) :
Hier, jeudi : soir : Sario. Assedic. Conférence Aujourd’hui Madame.
Mercredi : soir avec Bertrand, son père, François Maistre. Jour : fini meubles. Avocat le matin.
Mardi : soir théâtre avec les C. (dormi chez eux dans le lit de Caroline). Après-midi : AFI.
Lundi : soir : dormi chez Jean-Claude et Sido cause vernis.

Je m’aperçois que ça fait trois semaines que je suis parti (plus : vingt-six jours ! Presque un mois). Temps passé très vite : un mois déjà ! Déjà, l’hôtel des premiers jours, les petites annonces, les visites d’appartements, tout ça m’apparaît très loin. Déjà, j’ai mon passé à moi, à moi seul.
Hier, en rentrant avec Sario chez lui, lorsque sa nana lui a fait la gueule parce qu’il était tard, j’ai ressenti ça comme intolérable, insupportable, ces relations de couple, d’oppression mutuelle, de reproches, cette angoisse pas possible. Ah être seul, être libre, malgré les mauvais moments, les moments de manque, d’ennui, c’est quand même précieux.
En ce moment, il fait gris et très froid, c’est la seule chose qui me gêne. Vivement le printemps. C’est drôle comme ça ressemble à 74, de ce point de vue-là : jours d’hiver (et même de neige), puis jours radieux du printemps (cerisier par la fenêtre de la cuisine des Coudreaux) L’ai-je voulu ?
Je viens d’accrocher au mur des posters achetés il y a déjà quelque temps : Turner « Le paquebot Téméraire » – « Wings of Love » et un petit Magritte.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Michel projetait des films super 8 de vacances. « T’as pas un film où je suis ? » ai-je demandé niaisement.
Il m’a passé un film fait chez lui, au Coudreaux, et j’ai revu Agnès. À trois ans environ. Pris ça dans la gueule. Un grand coup de cafard. Ça a réveillé en moi des tas de choses.
D’abord : sa pensée. Je m’aperçois ce soir combien elle me manque. Combien plus que je ne crois.
Le choc, en la revoyant petite. Le choc de me rendre compte que j’avais oublié son visage de cette époque. Tous les visages de son enfance. Pourtant pas si loin.
Le remord. La culpabilité d’avoir laissé le temps passer, implacable, irréversible, et de ne pas m’être assez occupé d’elle, de n’avoir pas suivi mieux son évolution, le changement de son visage, de son être.
Affreusement coupable ce soir. À en pleurer. Et puis : moi, dans le coup. Si je ne m’en souviens pas, c’est que je n’ai pas vécu cette enfance d’Agnès assez intensément. L’intense marque. Et pas intense parce que je n’étais pas heureux. N’est-ce pas une théorie ? Je ne crois pas.
Ce temps qui ne reviendra pas. Ces bouts de pellicule, seule trace de ce temps. Déchirant.
Son visage… Ce visage grave, ces grands yeux qui fixaient la caméra. En voyant cette gravité, en connaissant son fond de gravité, je me prends à douter qu’elle encaisse bien mon départ. Et J’ai affreusement peur.
Je mesure, ce soir, mon égoïsme.
Ma fille, mon enfant, ce soir je pense à toi je pleure..

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS -1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – SEXE

En ce moment, c’est le creux de la vague. Je vais mal. Branlettes tous azimuts et ce soir, one more time, une pute et l’impuissance. Je prends conscience de plusieurs choses : mon inconscience de ce qui m’attendait réellement en partant. Et de ce qui attendait Agnès. Le fait que je m’abime dans une agitation frénétique pour combler mon vide. Mes difficultés de communication avec les autres. Ce côté hyper susceptible, hypertendu, confinant à la schizophrénie, à la parano. Le fait que je ne m’aime pas (tout en m’aimant) et que, par suite, je ne peux aimer les autres (tout en les aimant). Mon rapport aux femmes m’inquiète. Mon rapport à la vie aussi. Mon rapport à moi aussi. Pourtant, quand je considère les choses avec tant sois peu de recul, je me dis que ça ne va pas si mal. Qu’il me faut de la patience. Un peu de patience. Je n’attends qu’une chose : une femme. Le boulot : c’est l’attente aussi, mais celle-là, je la connais et je peux plus ou moins la combler.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

J’ai appelé Jocelyne pour savoir si elle avait reçu la lettre de l’avocat. Pas reçu. Elle a parlé à Agnès : « Papa préfère vivre seul. »
D’après ce qu’elle dit – et je la crois – Agnès n’en parle jamais « Ne me parle plus de cette affaire ». Je l’ai eue au téléphone. Elle a pleuré un peu, mais ça s’est arrangé. En repartant, elle a passé le téléphone en demandant à Jocelyne « Tu vas pas pleurer ? » Jocelyne accepte que je la prenne ce week-end.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Demain je verrai Agnès pour la première fois depuis un mois, jour pour jour. Je suis angoissé à cette idée et aussi contrarié parce que j’ai voulu – peut-être par inquiétude – assurer à Agnès la présence d’autres enfants, en l’occurrence Raphaël, le fils de Sido et Jean-Claude et que je ne sens pas de bonnes vibrations autour de ça.
Je me tâte pour passer le week-end seul avec elle, mais maintenant c’est arrangé comme ça et il faut que je contre ma parano, car ce qui compte, c’est Agnès et non moi. À cet égard, elle préférerait peut-être être seule avec moi. Je vais peut-être le lui demander demain matin.
Je suis très angoissé, mécontent de moi, comme toujours, estimant que je ne me surveille pas assez. Comment vivre ainsi ? Quel père suis-je pour elle ?

Jocelyne au téléphone m’a dit qu’elle ne pouvait vivre seule et qu’elle se remarierait probablement et qu’elle aurait ainsi un homme solide. Tout se confirme. Je suis lamentable. Il ne faut pas que je pleure demain.

Jocelyne m’a dit qu’Agnès avait fait deux fois caca au lit et qu’elle venait parfois dans son lit.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Chez les L. Agnès, Carole, Raphaël. Agnès a tenu à venir voir comment c’était « chez moi ». Bertrand regarde un match de rugby. J’ai l’impression – mais est-ce bien certain ? – qu’Agnès prend assez bien les choses. En tout cas, elle ne refuse pas la situation.
Tout à l’heure, j’étais bien. Maintenant, ce rugby me fait chier. (J’ai agressé Bertrand).

Agnès mange une crêpe, assise près de moi sur le lit. Elle n’en veut plus, Raphaël la remporte, elle sort.

Elle ne mord assez souvent

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Premier week-end avec Agnès. Dimanche soir. J’écris couché. Bilan :
Ça s’est bien passé jusqu’à ce soir, où ça a coincé. À partir d’un accrochage avec Carole qui, sans doute, manquant de tendresse, « se venge » sur Agnès.
Agnès s’est mise à pleurer, s’en prenant à moi : « Tu veux pas rester à la maison, tu nous laisses, Maman et moi, je vais m’inquiéter et m’ennuyer. »
– Tu as l’école, des petites copines…
– Elles sont méchantes.
– Toi aussi, ça t’arrive d’être méchante, tu as ton petit caractère, c’est normal.
Larmes. Je tente de la consoler, silencieusement, la tenant dans mes bras. Silence autour de nous. Tout le monde sent que c’est grave.
Plus tard, dans la voiture, je lui parle. J’essaye de lui expliquer notre désaccord, Jocelyne et moi, mais que, si je suis parti, je l’aime toujours aussi fort. Je lui explique qu’elle ira un week-end avec sa mère, l’autre avec moi. Elle m’avait demandé avant : « Pourquoi tu viens pas en week-end avec Maman et moi ? »
Elle accepte apparemment bien l’idée de partage. Un moment : « Maman, elle touche rien, avec son travail. » Je lui explique qu’elle ne manquera jamais de rien.
Elle me demande, quand je lui dis que je l’aime grand comme le ciel « Tu aimes pas les autres enfants »
– Je les aime bien, mais pas comme toi. Je t’aime plus que tout au monde.
Elle se calme, sèche ses yeux, suce ses pouces, l’air grave, puis se distrait avec son arbalète en tirant des fléchettes sur le pare-brise.
Arrivé à Pierrefitte, je retranscris tant bien que mal cette conversation à Jocelyne qui me chasse, très agressive « Je préfère ne pas te voir ici » et m’accuse d’avoir tardé à venir la chercher samedi matin.
« Tu t’es pas ennuyée ? » a-t-elle demandé à sa mère en arrivant.
À un moment, dans la voiture : « Tu es une grande fille, maintenant »
– Oui, je suis grande. Et je comprends tout.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Agnès est ici. Couchée sur la banquette. Elle a tenu à ce qu’on dresse autour de son lit une barrière faite de chaises, de tabourets et de la porte du placard qu’elle a tirée contre la banquette. Au-dessus d’elle, contre le plafond : le ballon bleu acheté au jardin d’acclimatation.
On y a passé l’après-midi après avoir été au restaurant chez Bébert.
Elle a fait tous les manèges, toutes les balançoires, tous les jeux (les animaux, ça ne l’intéresse pas). Très détendue, rieuse. Ça s’est très bien passé. On est rentrés ici, elle a préféré rester dessiner pendant que je faisais les courses. On a mangé tous les deux sur la petite table. Un côté dînette. Le repas venait juste de se terminer, on a sonné. C’était Jocelyne. À peine entrée, elle a commencé à pleurer. Agnès, heureusement, ne s’en est – apparemment – pas aperçu. Elle devait aller chez Marie-Odile, qu’elle a relancée.
Elle a dit qu’elle n’irait finalement pas. Elle dit que je lui manque, qu’elle ne comprend pas, que je disais que j’étais bien en rentrant à la maison, que je faisais des projets.
Moi, j’ai parlé de la complicité disparue, du plaisir d’être ensemble oublié, de la tendresse enfuie, de notre vie sexuelle impossible.
La petite, entre-temps, prenait son bain. Je devais la coucher. Elle est partie. Agnès a bien pris son départ, sans réaction autre qu’un « Au revoir maman… » plutôt joyeux.
De temps à autre, Agnès me dit « Je t’aime » ou vient poser sa tête contre moi. Les doux moments !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Dimanche soir. Je viens de rentrer après avoir été voir un des premiers films de Scorsese « Bertha Boxcar » (qui m’avait attiré parce que j’aime les séries B).
Auparavant longue discussion avec Jocelyne. De ces discussions dont je n’ai jamais réussi à me souvenir des détails et qui m’ont toujours laissé une boule d’angoisse et un goût d’échec.
Je peux au moins noter qu’elle a été successivement jusqu’à envisager : qu’on vive ensemble dans mon studio (pour changer) – qu’elle devienne ma « meilleure amie » – qu’on fasse une analyse à deux…
Elle a pleuré. Je l’ai consolée, du moins j’ai tenté. J’avais de la peine à la voir souffrir.
Propos d’Agnès qu’elle m’a rapportés :
– Mon papa, il est parti et ne reviendra plus
– Moi, j’ai plus de papa, parce qu’un papa sans maman, c’est plus un papa…
Et à moi, en descendant de chez Odette :
– Pourquoi tu as quitté maman ? Puis se reprenant : « Non, on parle plus de ça et ne le dis pas à Maman sinon elle va me gronder… »
Demandé à Jocelyne, qui ne lui a nullement fait ce genre de recommandations.
Non, le tabou sur ce sujet vient d’elle. Comme je voulais prendre des cassettes et que Jocelyne s’y opposait, en voulant me les prendre des mains, Agnès a commencé à pleurer parce que « Jocelyne me grondait ». Plus tard, elle s’est relevée et est venue nous voir qui parlions dans le salon, demandant pourquoi « Maman pleurait ».

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce matin, nez pris. Gros rhume. Pas envie de bouger (surtout pour aller au froid). Assez grande tristesse. Dehors : soleil, mais il ne me réjouit pas, il n’y parvient pas.


Jamais le « Je suis très aimant, mais j’attire peu » ne se sera appliqué à moi comme en ce moment…


Ce soir, je suis triste, j’ai été triste toute la journée en pensant à Jocelyne et à son chagrin.
Faire souffrir les autres…!

– Note écrite à 31 ans

ÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Tout à l’heure Jocelyne m’appelle et met le téléphone devant Frédéric Mey. Je lui dis que ça n’a pas l’air d’aller. Elle pleure. Agnès est « devant la télé ». Je gueule qu’elle y est toujours, qu’il fait beau, qu’elle pourrait sortir, qu’elle est en train de bousiller cette gosse, de ne pas tenir son rôle de mère. Je suis furieux. « Tu ne comprends rien ». Elle raccroche.
Elle m’angoisse

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Premier jour du printemps : je suis resté couché toute la journée avec la crève !
Hier : sinistres élections ! Après avoir ramené Agnès, je suis resté pour regarder la télé. Comme je voulais rentrer dormir ici, Jocelyne s’est mise en rogne. Elle m’a frappé, menacé d’une bouteille. Puis elle a pleuré, bien sûr, et parlé de suicide.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES- ANNE – AMIS

Avant-hier soir : parlé pendant 1h30 au bistrot avec Anne (la petite libraire). L’ai raccompagnée chez elle et hier soir, elle m’a rappelé. Avant-hier soir aussi joué aux échecs avec Bertrand et Thierry. G. a voulu parler du haschisch. Hier soir ici : Sario (pendant qu’il était là : orageuse discussion téléphonique avec Jocelyne. J’ai refusé son chantage au suicide)
Dans l’ensemble : la solitude reflue…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Hier soir, rentré à la maison de bonne heure, je note ce qui précède, puis Jocelyne m’appelle pour recommencer son cirque d’auditions obligatoires. Plusieurs fois de suite. Je finis par décrocher et m’en vais pour aller voir « Mister Goodbar » « . Complet. Furieux, je décide d’aller voir « Elmer Gantry » du même Brooks. Complet aussi. J’atterris à une terrasse de bistrot place Saint-Michel à côté de deux petites. Un type se met à les draguer, mais on sentait bien le dragueur amateur. Or ça marche ! Je décide d’aller à minuit voir « Week-end ». Mais le bistrot à côté de la Clef ferme et j’ai trois quarts d’heure à attendre ! De rage, je me tire. Je tourne en bagnole, l’Arc de Triomphe, l’avenue Foch, le Bois… En rentrant, la déprime est la même qu’en partant !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES – ANNE

(2h10)
Reviens du ciné. Séance de minuit au Lucernaire : « Lisztomania ». Merdique.
Week-end avec Agnès : en la ramenant, dans la voiture, crise de larmes.
Ça avait commencé par la question : « Pourquoi tu nous as quittées ? » (Avant, chez Odette : « Tu resteras un peu ? » J’ai été ferme et le plus clair possible. Ça été long, dur. Elle a fini par s’arrêter de pleurer. Et je crois que cette explication sera marquante.
À Pierrefitte : « J’espère que mon mari ne me quittera pas. » – « On va passer des vacances ensemble ? C’est quand ? Un mois ? C’est long ! »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(Lundi)
J’écoute à la radio la « Fugue d’autrefois » par Catherine et Maxime. Bouffées de nostalgie, de chagrin qui m’envahit. Cette mélancolie du passé qu’exprime cette chanson. C’est vers Agnès qu’elle me porte, et vers moi aussi. Vers nous qui sommes prisonniers du temps qui passe, si vite, vertigineusement vite ! Ce temps qui nous met toujours au pied du mur : qu’auront été nos vies ? Aurons-nous réussi à être heureux, à être ensemble ?
Hier, il faut que j’en parle, sans être sûr de trouver les mots, ça été le drame absolu, le fond de l’abîme.
J’avais passé avec Agnès un week-end bien : samedi piscine après le jardin de Dominique avec elle. Dimanche : Beaubourg (les tuyaux) et Luxembourg. La fois d’avant, il y avait eu cette explication et Agnès, je le crois, avait admis, commencé à admettre certaines choses. Bref, c’était bien.
J’arrivais à Pierrefitte pour ramener Agnès, animé d’intentions pacifiques. Or, pour une histoire de disques que je voulais emprunter pour les recopier, ça été le drame. Elle s’est mise en travers de mon chemin, physiquement. J’ai voulu me faire un passage, physiquement. Coups. Chutes.
Agnès a assisté à tout en larmes, suffocant, hurlant : « Ne vous grondez pas ! Il te les rendra les disques, c’est vrai ». « Je vous en supplie… »
Lentement, lentement, les choses sont revenues au calme et aux larmes. De Jocelyne, d’Agnès (et de moi, refoulées, quand Agnès m’a montré son cadeau de Fête des Mères, affectueusement fait de ses mains).
Écrire, ainsi, réduire… Les mots ne rendront jamais ce qu’on peut ressentir, ce que j’ai ressenti.
Des injures (double sens. « Tu vois, Agnès, papa, il a plusieurs femmes… » – « Pourquoi il en a plusieurs ? »
Noter. Noter tout. Ne pas oublier. La suivre, la scruter. J’ai peur maintenant. L’enjeu m’épouvante. Je m’en veux d’avoir déclenché des forces irrépressibles peut-être, qui prendre de détruire cette enfant merveilleuse, de l’abîmer. Oh, j’espère que non. J’aimerais avoir dix ans de plus pour savoir, pour être sûr.
Comment rattraper ?
J’y pense. La gentillesse envers Jocelyne. C’est ça qu’elle attend, Agnès. Une fois tous les quinze jours, ça doit bien être possible… Je ne suis qu’une brute. Rattraper. Rattraper. Oh, pourvu que je puisse rattraper ça !
Depuis hier soir, je ne pense qu’à ça. Les larmes m’aveuglent.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(2h30. Cap d’Agde)
En tournage, ici. Je veux noter la carte que j’ai envoyée à Agnès. Repartir. Tentative désespérée de rattraper les choses.
Y parviendrons-nous, Jocelyne et moi, ensemble enfin ?
Il le faut, pour elle, pour Agnès.
J’ai la terrible impression d’avoir gâché ce bien précieux : la confiance qu’elle avait en nous.
Un doute affreux m’est venu : et si, quand Jocelyne lui a lu ma carte, elle n’y croyait pas ?
Des pensées horribles, comme celle-ci, commence à m’assiéger. Oh, pourvu qu’il ne soit pas trop tard !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Samedi.
22 h. Couché. Agnès, allongée sur le bide, dans son lit-banquette, fait des décalcomanies. Moments heureux. Paix. Douce lumière. Stevie sur cassette, en sourdine.
Choses à noter, de ces derniers jours :
– Jocelyne au téléphone. Apparences d’un accord, d’un acquis de la crise qui semble ainsi se révéler positive. Mais, ce matin, dans la voiture (l’amenais chez sa tante) larmes perlantes quand j’ai parlé des vacances avec Agnès. Fuite rapide à l’arrivée.
– Hier après-midi, chez Guylaine, couture. Mot-cadeau sur frigo.
– Aujourd’hui : resto avec Anne et Agnès.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avec Agnès, aujourd’hui, pour sa carte d’identité : bien. « Normal ». Sauf ses larmes lorsque, alors qu’elle me le demandait, je lui ai dit que je ne pouvais pas « rester ». Devant ses pleurs, je lui ai dit que je resterai un peu.
Sa joie lorsqu’elle a su qu’Armand, son instituteur, est venu à la maison pour la voir…
Choses à noter, sur Agnès :
– Appris par Jocelyne, au téléphone, qu’elle était allée voir Armand qui lui avait demandé si Agnès pleurait à la maison. Elle a répondu que non. Il lui a dit qu’elle pleurait à l’école, chaque fois qu’il s’en allait, le midi et le soir (très clair !)
– Dimanche soir, retour du week-end avec Agnès, resto chinois à Pierrefitte, à trois. À un moment, Jocelyne dissimule ses larmes sous une quinte de toux, prétextant un rhume. « Tu te forces ! » lui dit Agnès. Puis elle s’allonge, la tête sur mes genoux, disant à Jocelyne : « Je ne peux pas m’allonger sur toi, alors je m’allonge sur Papa, c’est pas grave… »
– En voiture, elle avait mal à la tête. « J’en ai marre de ce mal de tête. Quand je serai grande, j’aurai pas de voiture. Je prendrai le bus, comme ça, j’aurai pas mal à la tête… »
– Aujourd’hui, on rentre ensemble chez moi. Elle embrasse la porte en arrivant !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Il faut parler aussi de la triste soirée d’aujourd’hui où je suis allée (je viens de mettre un « e » à allé, comme si j’étais la mère d’Agnès, peut-être parce que je considère qu’elle n’a pas, plus vraiment de mère, car Jocelyne a été dégueulasse) : allé chercher Agnès pour l’emmener demain chez ma mère.
Hostilité de Jocelyne. Mauvaise foi (sur les vacances, sur mes parents). « Tu vois que tu as pas fait la paix… » lui a dit Agnès. Je lui ai tendu la perche au moment de partir : « Faisons la paix ! »
Agnès : « Faites la paix. »
– « Oui. »
J’ajoute : « Vraiment ! »
Jocelyne : « Non. C’est pas possible. »
Et Agnès, encaissant tout ça.
Jocelyne m’a appelé, une fois qu’on était rentrés ici. Elle voulait s’excuser. Je lui ai parlé d’Agnès. « Il n’y a pas qu’Agnès… » « Tu veux m’atteindre, en la sacrifiant, lui ai-je dit, parce que tu sais que c’est le défaut de ma cuirasse. Tu m’as déjà fait revenir comme ça une fois, mais, cette fois-ci, je ne reviendrai pas, alors tu joues gros… »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Tout à l’heure Agnès me demande : « Tu sais tout ? » Je lui dis que non, qu’il y a beaucoup de choses que je ne sais pas. « Dis-moi 2 choses que tu ne sais pas ! » « Je ne sais pas réparer une voiture cassée, ni une télévision. » « Non, pas ça, est-ce que tu sais faire du papier ? » Je lui explique que ça ne se fait pas avec ses mains, qu’il faut une machine, ce qu’elle comprend très bien.
Dans le bain, elle jouait au « pétrolier ». Je lui demande si elle sait ce que c’est. « C’est un monsieur qui prend le pétrole et le met dans les usines… » « J’ai trouvé ça toute seule, on me l’a pas dit, j’ai pensé dans ma tête que ça devait être comme ça… »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Agnès, au Luc, chantonnant dans la voiture : « Quand la mer était solide… » (mer = mère ? Solide = forte ? Quel sens ?)
Elle est de plus en plus adorable. Me fait des bises spontanées, on rit ensemble, on se fait des câlins. Mais elle a néanmoins bien accepté mon départ du Luc.
Agnès, à Tata Adèle, qui  parlait  « Je ne t’ai pas  suivie.. »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

11 h. Je suis furieux. Attendu Jocelyne jusqu’à 10h30. À cette heure-là : coup de fil de Pierrefitte, crevée, elle veut récupérer Agnès seulement demain !
À sa place, même crevé, après un mois de séparation, j’aurais foncé pour la retrouver… ! Je me demande si elle l’aime vraiment. Une chose pareille témoigne que non. C’est bien pour Agnès que tout ça me rend triste et rempli d’une rage impuissante. Car que faire devant cette voix sèche, cassante, méprisante, cette morgue ? Je la hais carrément et je me demande comment j’ai pu vivre onze ans de ma vie avec cette conne ?

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(23 h)

Déjeuner avec Agnès (première fois que je la vois depuis les vacances. Jocelyne me dit qu’elle a pleuré en disant qu’elle n’avait plus de papa (parlé avec elle dans la voiture, lui ai dit qu’elle avait un papa, que je l’aimais, que je n’étais jamais loin d’elle. « Si tu me dis ça, je vais encore pleurer… » Elle a un peu pleuré. L’ai distraite. Vite oublié. À un moment chez Jocelyne, je voulais prendre le jeu d’échecs. Jocelyne pas voulu → Agnès : « Vous allez pas encore vous disputer ? » La bagarre l’a marquée).

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avec Agnès aujourd’hui car je devais la prendre le week-end prochain, mais je ne pourrais pas, allant tourner à Lyon. Vu Mistigri, le nouveau petit chat d’Agnès (elle m’a téléphoné pour me le présenter → message sur le répondeur que j’ai enregistré). Raccompagné Agnès (présence de la bande de monos du camp de Jocelyne cet été.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS

Samedi : Agnès vomit. Fièvre. Abattue. Mal à la tête, à la gorge. Dimanche, je la ramène à Jocelyne qui m’engueule de n’avoir pas appelé le toubib, m’accusant d’être un « mauvais père », d’être « père quand ça m’arrange » (ce qui n’est peut-être pas faux, donc porte…)
Elle appelle le toubib, exige que je l’attende pour aller chercher les médicaments à la pharmacie de garde. En attendant, elle engage une conversation portant sur « la » question. Au passage, à noter : « Tu la perdras aussi » (parlant d’Agnès). Elle me dit, une fois de plus, ne pas comprendre pourquoi je suis parti. Le toubib arrive, prescrit pour l’immédiat une demi-aspirine. Malgré ça, après son départ, elle exige que j’aille chercher les médicaments. Galère pas possible : commissariat d’abord (obligation d’y aller), coup de fil des flics au pharmacien, attente des médicaments dans la cage d’escalier. En apprenant qu’Agnès avait la scarlatine, c’est tout juste si elle ne s’est pas mise à pleurer. Elle est toujours aussi immature. Je me demande toujours quelles conséquences exactes cela aura sur Agnès…

– Note écrite à 32 ans

VÉCU – AGNÈS

Pris arrangement avec Gilda afin qu’Agnès aille avec David et passe la nuit là-bas.

Je voulais me rapprocher d’Agnès : coup de fil de Jocelyne qui tombe sur Colette et qui, quand je la rappelle, me reproche de me foutre d’Agnès… ) Je dirai à la suite de ça à Colette  » Il faut que je sache te dire non… J’aurai du ne pas aller à cette soirée et rester avec Agnès comme j’avais dit que je ferais…  »

– Note écrite à 32 ans

AGNÈS – PARENTS – MA MÈRE – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ma mère crie quand je ramène Agnès du parc, ayant joint Jocelyne au téléphone pour l’heure du retour. Elle dit qu’elle ne laisse pas la petite jouer au parc toute seule, quand je ne suis pas là. Agnès pleure. Je m’énerve, disant que c’est moi qui ai donné l’autorisation qu’elle reste jouer seule. En partant, seuls tous les deux, je demande à Agnès pourquoi elle a pleuré, elle me dit que « Mémé, elle en a après Maman, qu’elle dit que ça me retombe toujours dessus… (à moi
Je m’aperçois là qu’Agnès a compris la haine de ma mère envers Jocelyne…
Dans le métro, Agnès chante des chansons « qu’elle a inventées ». Je note celle (à partir robe de mariée vue dans une voiture, sur le quai) de la femme qui s’est mariée 10 fois avec le même homme qui se « déguisait ».
(Noté aussi, chez ma mère : « Je suis à toi. À Maman et à toi… » que je reprends en corrigeant « Tu es de moi et de Maman… »)
Au métro Saint Denis, elle est contente de voir Marc avec un nouveau blouson « Grâce à Maman, sûrement… »

– Note écrite à 34 ans

1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – AGNÈS

(Épisode Jocelyne : le samedi, je lui avais dit que sa nouvelle coiffure la vieillissait. Elle l’avait mal vécu. Après, j’avais été triste sans comprendre exactement pourquoi, puis je me le suis formulé. Le dimanche soir, Jocelyne veut me faire boire du champagne. Elle me dit : « On parle faux ! » Je lui dis : « Je voulais te dire que si je n’ai pas aimé ta coiffure, c’est que je ne voulais pas que tu vieillisses ! » Elle dit : « Oui : notre jeunesse… ! » Je parle de l’enfance d’Agnès qui m’obsède. Nous nous serrons très fort. Elle me dit : « On y arrivera… Je t’en veux encore, mais on y arrivera… » Agnès entre à cet instant… Pendant un instant, nous sommes réunis tous les trois).

– Note écrite à 36 ans

AGNÈS

Il s’est passé tant de choses, ces derniers jours… !
Samedi : pris Agnès école. Courses ensemble (Félix potin). Après-midi ici (Agnès télé).
Agnès, le matin, quand je la prends, me dit : « Je voudrais vivre avec Papa et Maman » Moi : « Tu ne t’es pas encore habituée ? » Elle : « Si je ne me suis pas habituée, c’est que tu te disputais tout le temps avec Colette ». Elle me parle aussi de sa mère qui a répété publiquement ce que je lui ai dit quand j’ai téléphoné le jour de Noël (« Je regrette de ne pas t’avoir aimée comme tu aurais voulu »).
Ce soir, j’amène Agnès chez Tata Lucie, où est Maman.
Rendez-vous Boule d’or avec Mathilde. (Corsage en satin noir avec col blanc). On va voir « L’empire des sens ». Malaise → restaurant en sortant (Taverne Strasbourgeoise près Odéon). Discussion sur sexualité enfants (ma culpabilité vis-à-vis d’Agnès → culpabilité Mathilde par rapport à ses enfants (elle pleure).
Elle ne m’expliquera ses larmes que plus tard, à la maison (j’ai aussi pleuré parce que j’espérais de « L’empire des sens » une excitation érotique et qu’elle n’a été que tendre et oppressée).
Maison : amour fort. Je crois que c’est là que Mathilde me dit « Je jouis » (sur moi »)
Dimanche : après-midi. Nous allons chercher Agnès boulevard Pasteur→ jardin d’acclimatation. Moments heureux. On joue à plusieurs jeux. Dépense physique. Rires. Joie. Détente. On raccompagne Agnès ensemble
Par la suite, je montrerai à Mathilde combien Agnès est ouverte par rapport à elle. (Pour Agnès soulagement chez elle par rapport à femmes comme Pascale ou Mathilde) (À un moment, Agnès parle de sa condition d’enfant unique et évoque, à mots couverts, difficultés relationnelles avec autres enfants).

– Note écrite à 36 ans

AGNÈS – MES PARENTS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – MA 1ÈRE PSYCHANALYSE (1980-1987)

Autre phase de la séance : le triangle brisé
Papa/ moi /Maman
(les séparant fantasmatiquement)
Moi / M. (amant de J.) / Jocelyne
Son père / M. / sa mère
Moi/ Agnès / Jocelyne ← moi me culpabilisant de la culpabilisation d’Agnès par rapport à notre conflit (Agnès : « C’est ma faute »)
G. : « Il est probable que vous projetez sur Agnès votre culpabilité par rapport à votre désir de séparer vos parents… »
+ « Agnès est probablement amoureuse de vous et donc ravie et coupable de votre séparation. »

– Note écrite à 37 ans

 

AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(22h15)
Heures fertiles en événements :
Je raccompagne Agnès à la gare d’Ermont Eaubonne. Jocelyne m’y attend. Elle me propose de me prêter de l’argent.
Après, j’ai la gorge nouée. Les larmes aux yeux. Immense tristesse. Pensé à la mort. Sentiment de culpabilité devant cet amour qui ne se dément pas (Elle m’a dit : « Je t’aime tant ! »)
Je songe aussi au rapprochement que je peux faire avec ma mère me donnant de l’argent.

– Note écrite à 37 ans

VÉCU – AGNÈS

(18h50 Gare du Nord)

Dans le train pour aller à Cernay, à la clinique, voir Agnès qui a été opérée de l’appendicite ce matin…
Jocelyne m’a laissé message hier pour m’apprendre ça…
L’opération s’est bien passée. Je l’ai eu ce matin, mais elle était encore faiblarde…
Pour la première fois, ma petite fille allait être opérée : ça m’angoissait… Moins que Jocelyne, toutefois, qui est restée, dans la voiture, hier soir, effondrée, dans un de ces états somnambuliques que j’ai si bien connus (et que je détestais…)
Terrible de découvrir concrètement que son enfant est exposé à la maladie, à la souffrance… Bien sûr, cette fois-ci, c’est bénin, mais voilà qui réactive ma vieille angoisse et ma vieille culpabilité : avoir mis au monde un être promis à la souffrance et à la mort !

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Pendant le week-end Agnès a reparlé de sa haine des murs en briques rouges (elle y est revenue plusieurs fois, elle l’évoque avec insistance) me disant qu’elle n’en saurait sûrement jamais l’origine…
Moi, je repense à ceux du Pré-Saint-Gervais (elle aussi s’en souvient bien) et je me dis qu’elle y a sûrement été – mais « sans le savoir » – malheureuse…
Ah, si l’on pouvait revenir en arrière… !


Qu’est-ce que je ferais, en ce cas-là ? Je resterai avec Jocelyne, pour Agnès ? Pour qu’elle ne souffre pas de ce divorce ? Peut-être… !
J’aurais pu – c’est vrai – comme me l’a d’ailleurs dit Jocelyne elle-même – rester avec Jocelyne et avoir des aventures (je l’ai fait d’ailleurs…) Alors pourquoi l’avoir quittée… ?
Pour vivre quelque chose dans le genre Colette sûrement, ce que je me suis d’ailleurs empressé de faire… !
Quel gâchis !
Est-ce une chance, ma relation avec Mathilde ou bien quelque chose de « mérité », de logique, disons, au fil d’une évolution de ma part… ! ?

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

(Paris)
Fini tournage avions. Récupéré tirages photos Agnès à Pierrefitte…
Magnifique série. Sort très bien en 18 x 24 (et une en 40 x 50, choisie par Agnès).
Je me suis retenu de pleurer jusqu’ici…
Puis, arrivé ici : éclaté en sanglots. Je me sens si coupable, quand je vois ce visage rieur, innocent, cette  adorable petite fille, dont j’étais fou…!
(« Comme un géant »… « Elle a trois ans, je suis fou d’elle… ! ») Un géant… ! Tu parles !
J’ai pleuré sur ma culpabilité, sur ma lâcheté, sur ma connerie.
On ne fait pas d’enfants si c’est pour les quitter
René, mon frère, lui, au moins, est en paix avec sa conscience et avec ses filles…
Quant à moi, Agnès est bien en droit ne me faire des reproches…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – LORIENT

(14h25 Lorient. Cours de la Bove. Café « Le théâtre », celui où j’ai dit à Jocelyne « J’ai envie de faire l’amour avec toi… » et où elle a disparu dans les toilettes…)

(Je suis assis à peu près dans le coin où nous étions, bien que la décoration du café ait changé, mais l’implantation du lieu reste apparemment la même).
J’ai filmé ce café, à l’extérieur.
Pourquoi est-ce que je fais ces images ?
Je ne sais pas. Peut-être pour Agnès. Pour qu’elle ait une trace du lieu où ses parents ont décidé de s’unir sexuellement, ce qui devait par la suite lui donner naissance…
Par ailleurs, ici, j’attends l’heure de la vedette pour aller à Gavres…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – ARGENT

(22h20)

Agnès devait venir. Elle laisse message. J’appelle Jocelyne, lui demande argent. Elle va regarder si elle en a, ce qu’elle a est « pour faire son marché » et elle n’a pas le temps d’en retirer.
Moralité : je ne prendrai pas Agnès ce week-end ! Je suis humilié et furieux.
Ah, manque d’argent ! C’est violent… !

– Note écrite à 41 ans

VÉCU – AGNÈS

Soirée à coups de fil (Agnès, qui veut sortir avec Philippe R. que j’ai donc invité à dîner (je monte les coups pour ma fille !)

[11 h : Marc m’appelle. Agnès flippe suite à ce coup de fil car sa mère la fait chier pour son boulot de classe. Elle veut venir chez moi. (Pourtant : pris Jocelyne téléphone pour lui dire plein de choses positives mais Jocelyne n’est pas vraiment détachée de moi, je crois…)]

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Hier, appelé Jocelyne au sujet Agnès. En ai profité pour lui dire 1/ que j’allais l’aider financièrement 2/ que je l’aimais toujours…


(01h)
Mal m’en a pris : l’ai appelée ce soir vers 10 h du soir pour proposer qu’Agnès vienne à la neige et arranger ça pratiquement : elle m’a fait toute une histoire (l’histoire d’une vie…) se plaignant que je la réveille. Une fois rentré, trouvé un message d’elle, raccroché après un « et puis crotte… ! »
Je dois la rappeler demain matin

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Jocelyne veut me voir mais seuls, sans qu’Agnès le sache.
« J’ai été bien, non ? » lui ai-je dit. « J’ai fait des gestes envers toi… »
Ça l’a fait rire, mon côté gamin quêtant une approbation. Lui ai dit qu’en effet, j’avais toujours eu l’impression de passer un examen avec elle (je repense à mes télégrammes « sobrement triomphaux » à chaque examen réussi…
Elle a dit qu’enfin, maintenant, on pouvait être d’accord ensemble…
Lui dit que c’était important pour Agnès…

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Agnès m’a rappelé (d’abord laissé un message où elle me disait que sa mère l’avait mise au courant et qu’elle appelait pour ça). L’ai rappelée. On s’est réconciliés. Elle a reconnu le bien-fondé de ma position (« Mais c’était difficile ! » a-t-elle dit. Je l’ai reconnu bien volontiers).
Catastrophée par l’affaire M..
M’a même proposé de l’argent mais je n’ai pas voulu…
Je suis heureux que notre brouille soit terminée. Elle l’a affectée elle aussi. Elle doit venir le week-end en 15


Quand je lui ai parlé des bons rapports entre sa mère et moi, elle m’a dit : « Vas y doucement… »
Je ne lui ai bien sûr pas dit que Jocelyne voulait qu’on se voie seuls. C’est vrai que je redoute que Jocelyne et moi ne soyons toujours un peu amoureux l’un de l’autre…!

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – VIOLENCE

Elle vient de m’appeler pour me souhaiter une bonne Fête des Pères. Je ne savais même pas que c’était le jour de cette fête ! Je vis en dehors d’à peu près tout !
Quand elle a appelé, était justement en train de transcrire une de carnet la concernant, une note particulièrement douloureuse (*), à la relecture de laquelle j’avais refoulé mes larmes (chose que je n’ai pas réussie à faire hier, pour une autre note, ne pouvant m’empêcher d’éclater en sanglots lamentables…)
Une épreuve…
Pourvu qu’elle apporte quelque chose…

(*: Celle où j’évoque lutte physique avec sa mère, devant elle…)

– Note écrite à 68 ans