Roland C. : 59 rue des Dames Paris 18e
– Note écrite à 16 ans
Mes rapports avec mes amis
Roland C. : 59 rue des Dames Paris 18e
– Note écrite à 16 ans
Je repense souvent à toi, Bruno, j’aimerais bien te revoir, tu es le seul de mes amis que je regrette vraiment. J’ai passé avec toi des moments vraiment formidables et tu m’as fait découvrir beaucoup de choses. Je me demande si tu te souviens encore de moi. On s’est perdus de vue bêtement et je me demande ce que tu es devenu.
– Note écrite à 17 ans
Commentaire du 28 novembre 2011 :
Quelques années plus tard, j’ai revu ce garçon : il était marié, « rangé », il me regardait avec stupéfaction (devant moi ? devant lui ? devant nous ? nous d’alors ? nous d’autrefois ?) Il était devenu banal, il n’avait plus « la flamme », lui qui avait essayé de se suicider « par surréalisme ». Une déception horrible
– Commentaire écrit à 64 ans
Théophile Gautier a hésité : peintre ou poète ? J’ai eu tort de me moquer de Zyf (Yves L.) qui veut faire les Beaux-Arts. Il a besoin de changer de personnalité. D’ailleurs moi-même ne me suis-je pas remis à écrire ? Peut-être faudrait-il que je lui dise que je l’ai compris (lui écrire)
– Note écrite à 19 ans
Aujourd’hui je téléphone à Victor pour avoir des nouvelles de Michèle. J’ai eu des remords. J’aurais dû le faire avant + ne pas oublier les vœux (H***, L***, S*** + Gildas ?) Voir trois pages avant
– Note écrite à 19 ans
J’ai téléphoné à Victor mais il n’était pas là. Je dois acheter des cartes de vœux ce soir
– Note écrite à 19 ans
Zyf : « La vie des mots » (Boris Vian) « Des mots plus forts que ça » Richard Antony
… plus grand que tout…
… plus petit que rien…
tout — rien ? ? ? Qui est-ce ?
– Note écrite à 19 ans
« Yves, fais attention : Nerval aussi voulait jouer Pierrot, il est mort fou… »
– Note écrite à 19 ans
N’est-ce pas en « jouant » les marxistes qu’on le devient le plus sûrement… ? (Art = jeu + réalité… participation → Engagement ← (Lorient-Plage Les mouettes) – Jocelyne nous lisait à Yves et à moi des passages de Marx)
– Note écrite à 19 ans
13 h 10. Café en face du jardin du Luxembourg. J’attends Jean-Jacques pour aller chercher la batterie. Cet après-midi : enregistrement de la musique du ballet. Cette nuit : couché chez lui. L’autre nuit : après avoir été avec Édith P* et Jean V* bouffer couscous et écouter du jazz, dormi dans une piaule de Jean. Lu » Cahiers du cinéma » : » Muriel « .
Je viens de rencontrer Emmanuel : il m’a fixé rendez-vous jeudi prochain à 14 h 30 avec Victor.
– Note écrite à 19 ans
26 mars : « Main basse sur la ville ».
23 h 10 : couché. Pipe. J’aime écrire au crayon feutre. Hier : enregistrement. Le matin : je suis parti de chez Jean-Jacques à midi (le réveil n’avait pas sonné). Il faisait gris. Je suis arrivé au Luxembourg. Sur le boulevard Saint-Michel j’ai rencontré Emmanuel. Ça m’a fait plaisir de le revoir. A lui aussi je crois. Après ça, je suis resté quelque temps dans un troquet puis Jean-Jacques est arrivé en Dauphine. Chez Pasdeloup : plus de batterie à louer. On a foncé à Clichy dans une autre boîte. Ils en avaient une mais dégueulasse. On l’a prise quand même. Garé devant un garage. Engueulade. Coups de klaxon. Il était déjà 15 h. On fonce à la maison. C. n’était pas encore là mais il y avait René. C. s’est pointé vers 16 heures. Le temps de s’installer (on a rembourré ma chambre avec des matelas et des couvertures pour le son), il était 18 h. L’enregistrement n’a pas été facile, il a fini à deux heures du matin. J’ai dû imposer une contrainte à Jean-Jacques car je pensais aux danseurs. On a enregistré mouvement par mouvement et l’ensemble sera reconstitué au repiquage. J’attends avec une certaine impatience le résultat. Et j’ai aussi très peur que le spectacle lui-même ne puisse pas marcher. J’espère avoir des nouvelles fraîches bientôt. J’ai écrit à Jo et à L*. Il y a aussi l’importante question de l’avenir. Projets de films ? Avec Ch* ? Avec C* ? Les gens que je dois voir, les choses à faire. Les coups de téléphone à donner. Les articles à écrire. Il est 23 h 20.
– Note écrite à 19 ans
17 heures — Bar du Bourget avec Victor. Nous avons couru depuis la cité des Tilleuls. Nous sommes essoufflés. Nous avons mal aux oreilles (le froid). Mais je nous soupçonne de ne pas être malheureux. Calme (on récupère). Ambiance ouatée. Au dehors : gris et pluie. Chaleur à 2,30 fr…
– Note écrite à 19 ans
Bar « Le rapide » avec Jean-Jacques. Nous attendons le départ
– Note écrite à 19 ans
Sur la scène : militaire. Il s’habille en civil. «De toute façon, vous continuerez à dormir sur vos 2 oreilles. Alors de toute façon, il vaut mieux rentrer chez soi…» Et il sort par la salle…
– Note écrite à 19 ans
Les jours passent vite, heureusement. J’ai écrit à Bruno, en l’engueulant plus ou moins. Je me demande comment il va réagir ?
J’ai rendez-vous avec le producteur rencontré à la projection, à Voltaire. Qu’est-ce qui peut en sortir ? Je compte surtout lui demander du travail pour les vacances (oui ?)
– Note écrite à 19 ans
J’ai le dégoût de tout, y compris de moi.
Roland et Monique, qui sont venus me réveiller à 1 h du matin. Nuit « Jeu de la vérité » merdeux → Mauvaise humeur. Prise de bec avec Monique → Crise. Sécession. Rupture. Mépris. Mécontentement. Moi-même enfin, tel qu’en moi-même enfin la maladie me change.
Hier, chez le producteur (T*) commis une erreur : j’ai prêté le flanc en ne le traitant pas d’égal à égal → Recul. Mais il en sortira peut-être quelque chose.
J’ai peur.
J’ai peur.
– Note écrite à 19 ans
Téléphoné hier soir aux L. Il faut reconsidérer le problème de nos vacances : il n’est pas possible d’aller à Langoelan (trop de monde → gêne pour eux et pour nous). Reste la solution du camping en Auberge de jeunesse et du stop… N’importe quoi, pourvu que je prenne un mois de repos…
– Note écrite à 19 ans
Aujourd’hui pas d’idée. Assisté à la troisième journée de tournage du film de G. et D. Un plan excellent : un échange de cigarettes et de feu. Mais ennuis de pellicule → Ils ont été obligés de recommencer. Sûrement moins bon la deuxième fois. D’autre part, Jocelyne est allée travailler le ballet pour le gars de Quiberon. Elle se bagarre dur. C’est bien. Je suis content. Excellente idée : elle voudrait faire un ballet moderne sur les Romans de la Table Ronde. J’entrevois des tas de possibilités très intéressantes, exaltantes. Pour le ballet nous retardons notre départ de cinq ou six jours.
Renoué avec Y.
Revu aujourd’hui L G*. Rien de spécial.
Envie de noter quelque chose mais : rien à dire.
– Note écrite à 19 ans
Jazz – les visages de nos amis… (s’opposant à) l’inhumanité de la « rêverie solitaire » musicale
André a répondu il y a quelques jours à ma première lettre. Sa lettre a mis du temps à me parvenir car, comme je n’avais pas mis mon adresse, elle est passée par Lionel Erhart. D’ailleurs j’ai honte d’avoir eu ce réflexe idiot – car je ne crois pas qu’on soit fiché parce qu’on écrit à un déserteur. Je vais lui indiquer l’adresse dans ma prochaine lettre.
C’est drôle d’écrire à quelqu’un qu’on ne connaît pas : nous n’avons, pour l’instant, en commun que sa souffrance. Il est très jeune, sa lettre le prouve. C’est d’autant plus terrible : j’ai l’impression que c’est un enfant qu’ils ont mis en prison.
Il parle de son « univers carcéral ». Je pense aux types qui sont chargés – et qui l’acceptent, pour de l’argent – d’en empêcher un autre de franchir une porte. Qui le surveillent, qui limitent ses déplacements, ses gestes, qui réduisent sa vie un squelette, un fantôme de vie, à la survie. Une survie végétative où l’être entier en prend un coup.
Je repense à ce que j’ai, moi, souffert d’être seulement limité comme je l’ai été à l’armée où je n’étais pas complètement enfermé, comme il l’est, lui. J’arrive difficilement, (…)
Dessin d’Agnès (5 ans 1/2) à cet endroit de la page:
Dessin d’Agnès
Agnès a fait ce dessin avant que je n’écrive sur cette page car j’ai continué à écrire la suite de mon texte en contournant son dessin !
(…) mais je crois que j’y arrive, à imaginer ce que ça peut être un jour plus un autre et un autre, une semaine, des mois en prison. Il parle d’idées suicidaires. Elles doivent venir au bout d’un certain temps, d’un certain désespoir.
Enfant, pauvre enfant, mon pauvre frère. Plein d’idéal. Il a des mots, des formules qui feraient sourire s’il était libre. Quand on est libre, on est surtout libre de dire des conneries. Quand on n’est plus libre et qu’on continue à les dire et à y croire, ça n’est plus des conneries.
Quand je pense qu’on enferme des hommes parce qu’ils refusent d’en tuer d’autres ! S’il avait connu d’autres petits malins, joué les dingues, on l’aurait réformé, il n’en serait pas là.
– Note écrite à 30 ans
Je suis chez Sario qui lit les notes Bianchetti père et fils. Parlé tout à l’heure à Dominique. Tout à l’heure, en voiture, pensé à ces 14 ans qui finissent.
– Note écrite à 31 ans
Demain je verrai Agnès pour la première fois depuis un mois, jour pour jour. Je suis angoissé à cette idée et aussi contrarié parce que j’ai voulu – peut-être par inquiétude – assurer à Agnès la présence d’autres enfants, en l’occurrence Raphaël, le fils de Sido et Jean-Claude et que je ne sens pas de bonnes vibrations autour de ça.
Je me tâte pour passer le week-end seul avec elle, mais maintenant c’est arrangé comme ça et il faut que je contre ma parano, car ce qui compte, c’est Agnès et non moi. À cet égard, elle préférerait peut-être être seule avec moi. Je vais peut-être le lui demander demain matin.
Je suis très angoissé, mécontent de moi, comme toujours, estimant que je ne me surveille pas assez. Comment vivre ainsi ? Quel père suis-je pour elle ?
Jocelyne au téléphone m’a dit qu’elle ne pouvait vivre seule et qu’elle se remarierait probablement et qu’elle aurait ainsi un homme solide. Tout se confirme. Je suis lamentable. Il ne faut pas que je pleure demain.
Jocelyne m’a dit qu’Agnès avait fait deux fois caca au lit et qu’elle venait parfois dans son lit.
– Note écrite à 31 ans
Commentaire du 05/10/2015 : ci-dessous les notes déposées (dans cet ordre) dans mon carnet après projection de mes courts métrages à la salle de projection de Claude Lelouch avenue Junot par tous les convives que j’avais invités au restaurant Graziano (Moulin de la Galette) le 06/04/1990 :
– Marielle, mon amie du moment
– Pierre (Clémenti), dont je venais de voir les films (dont « À l’ombre de la canaille bleue ») et que je fréquentais à l’époque, voulant le faire tourner dans mon film « Mélissa » si je l’avais réalisé
– Jean M., co-scénariste avec moi du projet de film « l’Image de Pierre »
– Annie D., comédienne dans mon court métrage « Une seconde jeunesse » (1976)
– Olivia, une amie astrologue
– Stéphane, un jeune graphiste ayant réalisé les dessins du scénario du film « Mélissa »
– Agnès, ma fille…
– Commentaire écrit à 68 ans
– Note écrite à 43 ans