Archives de catégorie : Agnès : ma fille unique

Ma fille unique

VÉCU – AGNÈS

Deux ans et demi d’arrêt ! Pourquoi ce soir plutôt qu’un autre pour reprendre ce carnet ? Pourquoi aussi bien me suis arrêté ?
(…)
72 : mort de Nini. Naissance d’Agnès. Dépôt d’« Appartement témoin ».
Pourquoi t’écris sur ce carnet ? Tu causes à qui ? À personne. Alors c’est pour le plaisir ? Quel plaisir ? Ça m’emmerde. Ça me fatigue la main. Ce qui était intéressant, c’était de noter les « idées » qui me venaient.
Est-ce qu’il n’y a plus d’idées qui me viennent ? Sans doute que je suis moins à la recherche de « trouvailles ».
Ce qui est fascinant, c’est de voir ce blanc se remplir, se noircir.
Résumer une année en 3 mots !
Des « idées »… Oui ! J’en cherche toujours…
Le fantastique ne m’intéresse plus, plus autant…
Écrire entre les lignes…
Si peu créateur !

– Note écrite à 26 ans

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION – AGNÈS

Ces temps-ci : en général, en m’endormant, il m’arrive que mon assoupissement s’interrompe brusquement parce que certains faits se présentent soudain à ma conscience sous une lumière très vive (je ne dis pas que j’en prends conscience, parce que je ne suis pas sûr que ces états de conscience soient en prise sur la réalité, mais plutôt sur une autre forme de subjectivité).
Il y a eu : ma fille, des gens qui travaillaient et réussissent à faire des choses, etc.
De plus en plus, je pense que réel et imaginaire se mélangent pour moi et que c’est le nœud du problème.
Mon imaginaire déborde sur le réel et perturbe la perception que j’en ai (à moins que ce ne soit l’inverse. Là est la question).

– Note écrite à 26 ans

VÉCU – AGNÈS

Un an d’intervalle et je reprends ce carnet. Mais est-ce que je le reprends vraiment ? Quand je pense que je ne trouve même plus la force de noter les quelques maigres idées dont je parsemais autrefois ce carnet rouge, entre deux épanchements inutiles, du style « Viens que je pleure sur ton épaule… »
Ces derniers jours, j’en ai eu, deux ou trois, des idées. Enfin deux ou trois choses à noter. Mais je me suis empressé de les oublier (naturellement).
Agnès parle beaucoup mieux maintenant.
Il y encore quelques groupes de sons qu’elle n’arrive pas à formuler, mais c’est merveilleux de l’entendre répéter les mots en les associant aux choses. Ce qui est peut-être encore plus frappant, c’est les abstractions comme : « Moi », découvert il y a déjà quelque temps, « Pourquoi ? » ou « Je ne sais pas » (entendu pour la première fois aujourd’hui). Ses facultés d’imitation se développent également et, par extension, la notion de jeu (au sens théâtral) avec un magasin ou une cuisinière imaginaire où elle va chercher les aliments pour nourrir sa poupée, nous ou elle-même…
Notables aussi : son agressivité. Elle nous frappe, nous crache à la figure et nous défie verbalement. Jocelyne ne prend pas très bien la chose. Moi non plus, parfois (l’« ingratitude des enfants »…)
Mais ce qui domine – pour moi, en tout cas – c’est l’émerveillement de la voir grandir et acquérir de plus en plus de choses. La voir apprendre à pédaler sur un tricycle, à donner un coup de pied dans un ballon, allumer ou éteindre la lumière, ou la télé, baisser sa culotte, autant de choses qui nous paraissent normales et dont elle renouvelle la vision. Autre chose remarquable : elle a parfois des peurs, subites, et dont la motivation paraît parfois faible : peur du chat ! Parfois, au contraire, évidente (les chiens, souvenir de Daisy ou d’un autre chien effrayant ?) Peur de certaines séquences à la télé (je ressens à travers elle combien la télé est une lucarne, sur un « réel » tangible, à portée de la main et qui nous met à portée de sa propre main).
Je regrette assez souvent de ne pas la photographier davantage, ni de l’enregistrer, car sa voix et sa façon de parler vont changer très vite. Je compte le faire bientôt.
L’autre jour, ses grands-parents étaient là, au grand complet (que la vie les préserve). Elle a découvert « C’est une méchante mère », de Kerval, sur l’électrophone. « Boum ba liboum » est devenu pour elle : « Baboum » Qui peut dire combien une chose pareille est émouvante ? Elle l’a réclamé vingt fois et, vingt fois, elle a dansé, car elle adore ça.
Il semble qu’elle aimera la danse, mais tous les enfants, presque, ont une période « danse », du moins, il me semble. Moi-même je dansais, enfant !

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

1975.02.22

– Dessin fait à 28 ans

Commentaire du 06 avril 2016 :

Dessin d’un meuble que je projetais de fabriquer (et que j’ai d’ailleurs fabriqué, dans une version simplifiée) sur lequel il semble qu’Agnès (2 ans 1/2) ait rajouté les silhouettes de Daisy, notre chienne, et de Poum, notre chat (à moins que ce ne soit moi qui l’ai fait, « jouant » à l’enfant, soit pour Agnès soit pour moi-même, enfant dessinant pour un enfant regardant (ce qui est plus probable, Agnès étant encore un peu petite pour cela, surtout pour écrire « Poum »). Autre hypothèse : qu’elle ait dessiné le chien et le chat et que sa mère ou moi ait rajouté « Poum »).

– Commentaire écrit à 69 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Chaque  » ouikinde  » passe et laisse une âcre sensation de temps gâché. Je suis heureux, non : content, de voir auprès de moi Jocelyne et Agnès, dans le calme d’une journée paisible, je crois que je jouirais mieux de cette paix si je me sentais moins vide, moins stérile, si j’éprouvais ce calme au contact d’une activité intérieure qui lui ferait contraste et la raviverait d’autant.

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

Fin de la neige. Réadaptation à Paris. En fin de compte, ce séjour se révèle bien être ce que j’avais prévu : 8 jours inutiles avec deux emmerdeuses. À peine quelque sensations sur les pentes, quelques lignes lues et quelques-unes écrites ici (+ quelque jours avec Agnès)

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

Agnès aujourd’hui : « C’est pas joli… » Est-ce nous qui lui avons transmis ça ? Je n’arrive pas à m’en souvenir. Plus des jurons… Là non plus, je ne sais pas
Hier et aujourd’hui, elle est allée au jardin public avec sa mère. Hier elle a demandé : « Pas seau, moi ? », car c’était impromptu. Aujourd’hui, Jocelyne lui a pris un seau. Il y a deux ans et demi, elle naissait, aujourd’hui elle fait des pâtés de sable !


J’ai failli partir, il y a quelques jours. Ça été un moment de crise intense. J’ai passé de longs moments à arranger ça, sur le plan matériel. Mais je ne peux pas les laisser. Je ne pense pas que ce soit ce qui m’attend après mon départ qui m’effraye (je sais pourtant que la solitude est la chose dont je m’accommode le moins. Et si je partais, ce serait pour vivre seul, l’histoire ne se répète pas, même la mienne. Chelles et Danièle, c’est une leçon).
C’est une chose terrible que de se rendre compte qu’on a fait dans sa vie des choses qui restent et vont vous suivre jusqu’à… Jusqu’où ?
Cette femme et cette enfant me sont chères, dans tous les sens du terme.

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

(0h45)
Jocelyne est allée à Lorient amener Agnès à ses grands-parents, car Maman, à qui nous devions laisser la petite, a été hospitalisée pour « dépression nerveuse ». Depuis sa chambre d’hôpital, elle continue à avoir l’œil sur tout, et un œil mauvais : elle s’offusque que ce soit les L. qui aient la petite et non René qui s’est proposé pour la garder et qui a dû le dire, sans se rendre compte que c’est une chose dont elle allait s’emparer, comme tant d’autres.
Mes parents sont ma malédiction. J’ai impression d’avoir de l’eau qui me fuit entre les doigts.
Jocelyne est partie. Je me retrouve seul. Pour la première fois depuis bien longtemps (depuis quand ?) J’ai été un peu seul l’été dernier, sur la route ou dans des trains (ou dans cette chambre des Escholiers, quand Danièle s’en allait).
Solitude. Chose étrange ! Je n’arrive pas à la cerner, en vérité. Misère et grandeur, tout ensemble.
Je pense beaucoup, bien sûr, à cette solitude dont j’ai rêvé, cette solitude d’après mon départ, d’après ma séparation d’avec Jocelyne. Mais ce n’est pas pareil. Cette solitude, je la peuplais de présences (de femmes) que j’aurais poursuivies avec cette vieille fièvre. Mais aujourd’hui, cette fièvre n’est pas. Je ne crois pas que ce soit parce que Jocelyne va revenir, mais je ne crois plus. La croyance en l’autre, c’est fini. La rencontre, Nadja, l’amour-fou, la baise des cœurs : foutaises !
Ce qui m’inquiète le plus, c’est que je ne crois plus en moi, non plus. Tout du moins, le ver est dans le fruit. À cause des autres. Et du monde. Jammot m’oppresse. Quand déciderai-je moi-même et quand ferai-je les films que je voudrai faire (car aujourd’hui je ne sais ce que je veux). Tout m’apparaît dérisoire. Et pourtant, j’ai bien plus de possibilités de création que tant d’autres ! La route est longue et dure, et si courte ! Qu’aurai-je dit, quand je finirai ma vie ? Je parle d’imaginaire, mais le réel m’écrase.

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

(Minuit
Je viens d’aller voir « Alice au pays des merveilles ». J’ai été double pendant toute la projection (en version française, malheureusement). J’étais moi, aujourd’hui, 28 ans, « adulte », et j’étais un petit bonhomme de quatre ou cinq ans qu’on avait emmené, avec toute sa classe de l’école maternelle d’Hammam-Lif, voir un dessin animé au cinéma.
(…)
Pensant à moi, j’ai pensé à Agnès, essayant une fois de plus d’imaginer comment elle vivait les choses. J’ai si peur qu’elle souffre !

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

Revenue de Lorient, Agnès parle de mieux en mieux. Elle a parlé pour la première fois, il y a quelques jours, de « petit frère » et de « petite sœur » qu’elle accole à ses « copines ». Ça donne à réfléchir…
J’ai l’impression d’avoir de moins en moins besoin de la brimer. Mais il y a quand même des obstacles à son désir…

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS

Aujourd’hui : passé l’après-midi avec Agnès, d’abord aux Coudreaux, où les B. n’étaient pas là, puis au Luxembourg.
Aujourd’hui, elle m’a, pour la première fois, demandé de lui lire l’histoire du petit garçon et du renard sur « son livre ». Ce que j’ai fait. Ce que je trouve remarquable, c’est qu’en reprenant le livre, elle a elle-même reconstitué l’histoire. Elle acquiert le sens de la « figuration narrative » ! Et elle mettait les « bulles » : un couple dont l’homme porte du bois : « C’est lourd ! C’est lourd ! » ou bien le petit garçon pleurant : « Papa ! Maman ! »
Maman lui a offert, il y a quelques jours, son premier disque ! Des chansons enfantines.

– Note écrite à 28 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Paris. Depuis hier soir. Paris, après un détour (une fuite) par Nantes et Lourmarin.
Hier soir : flip intense, mais la solitude s’organise.
Culpabilisation très forte au contact de la maison (vis-à-vis d’Agnès principalement et, secondairement, vis-à-vis de Jocelyne) ← note écrite dans mon carnet par Jocelyne ayant souligné le mot « secondairement » : « Mais je ne suis jamais jalouse de ma fille »
J’aimerais avoir Agnès au téléphone, mais : les parents… Je ne sais pas si je les hais. Je ne crois pas. Mais je leur en veux. Et je m’en veux à moi aussi, bien sûr. Jocelyne va venir (mais il se passera des choses d’ici là). Toujours l’espoir de renouvellement de la relation, mais sans illusion cette fois-ci (un an, il y a un an je revenais plein d’illusions. Un an déjà ! Ah ! Ah !) Quoiqu’on s’oriente (peut-être et peut-être est-ce la meilleure solution ?) vers une divergence de nos vies, je n’arrive pas à l’admettre, à admettre d’être indifférent vis-à-vis d’elle, de vivre mes trucs de mon côté. Il y a une explication possible à cette non-admission : la peur (de moi, de ma vie) et son corollaire : le blocage, l’attachement foetusien à elle.
Autre explication : au fond, j’aime cette petite bourgeoise (est-ce si étonnant ? Je suis un petit bourgeois !) Et l’amour consiste à partager une vie.
Mais qu’il est difficile, l’équilibre entre le partage et la solitude : il faut d’abord réussir sa solitude et réussir à la contredire.
Je doute fort d’un changement réel. Et d’ailleurs veut-t-elle que nous restions ensemble ?
Si elle avait changé d’avis, de son côté ? Je crois cependant que, même en ce cas, alors que j’ai tant souhaité ça, je maintiendrais les choses en l’état pour l’agneau. Pas de sacrifice sur l’autel de la « liberté ».
Je veux changer des choses matérielles, dans la maison, dans mes vêtements. Je n’y crois guère. On verra ça. Rendez-vous ici dans quelque temps.

– Note écrite à 28 ans

Note écrite dans mon carnet par Jocelyne le 04/04/1978 : « Tu as fait le « sacrifice » sur l’autel de la liberté. »

VÉCU – BELLE-FAMILLE – CONFLIT – CINÉMA – GODARD – AGNÈS

Il faut que je parle, ici.
En écoutant David Crosby, sur un coussin de velours vert dans le salon de Momo aujourd’hui dimanche que je ne passerai pas chez moi, car il y a chez moi des gens que je ne peux plus supporter, ces vieux, cette vieille, quel autre mot, terrible, je sais, cruel, je sais, cette pauvre femme qui s’accroche à sa fierté et à sa schizophrénie solide, refusant de s’admettre handicapée pour garder cette fenêtre sur la vie, Agnès, qu’elle aime et qui le lui rend bien et moi, aussi, fier et schizophrène, avec des réflexes de possession, d’autorité, de dignité, parti, fuyard, venu au cœur de cette musique, avec l’amitié à deux pas, recours à la solitude, lisant Jean-Luc Godard qui dit en 1966 : « L’ennui au cinéma, c’est qu’on nous impose la longueur du métrage ». Il est aussi question, plus loin, de « naissance du cinéma,. Oui. Ne pas appliquer des recettes

Faut-il continuer à risquer des colères comme celle-là

Je transcris (du 27/12/1976 nuit)

En nous couchant – agressivité emmagasinée en moi par petites conneries avec belle-mère – ← Note écrite dans mon carnet par Jocelyne : « Oui, mais définis-la. » Je parle à Jocelyne du problème du voyage au Luc. Elle ne me répond pas et tourne le dos. Je la prends violemment par les cheveux pour l’obliger à me faire face, hors de moi. Agnès, couchée à côté, en larmes. Après cette crise, la petite s’endort. « Nous » (je) parlons. Il en ressort qu’elle se demande si je suis paranoïaque ! Dois-je oublier de noter ça ? J’ai si mauvaise mémoire ! (Autre chose à noter : ces dix jours « sans », elle les qualifie de mascarade. ← « sans » signifiait sans masturbation. Je me culpabilisais de me masturber et avais entrepris de « me mettre au régime » de la masturbation (Commentaire écrit le 06/06/2015). Je n’oublierai pas, non plus, de noter que j’ai sangloté, revoyant Agnès en larmes, alors que j’avais prise pour la mettre de son lit dans le « nôtre », nous enlacer tous les deux pour nous dire : « Je vous aime tous les deux, mais je ne vous aime pas quand vous « faitez » la colère… » Faut-il continuer à risquer des colères comme celle-là ou bien divorcer ? Peut-il y avoir cette communication dont je rêve, cette complicité ? Suis-je vraiment paranoïaque et est-ce moi qui l’empêche ? Le problème des familles, vieux boulet, est au centre. Si je suis là pour cette rituelle mascarade de Noël, pourquoi pas à la mascarade du Nouvel An auprès de ma famille ? Pourquoi une injustice ? Ou alors Jocelyne aurait pu être ma complice dans le crime de lèse-famille. Mais son triangle de fille unique la satisfait tant !

– Note écrite à 30 ans

CINÉMA – IDÉE SCÉNARISTIQUE – VÉCU – AGNÈS

Pensé ce soir, en lisant interview Wiseman parlant de ses films de reportages sur entraînement militaire, que les gens qu’on filme ne se rendent pas compte quand on est « contre » eux et l’infléchissement que l’on peut donner à l’image qu’on transmet d’eux.
Imaginer quelqu’un qui le saurait (flic – facho ?) et qui accepterait tout de même qu’on le filme en se basant sur le fait qu’on est obligé de respecter la règle qui consiste à ne pas déformer et qui a confiance en son message. Ça me paraît dingue, cette idée là.

1977.03.15Par-dessus ces notes : dessin d’Agnès (4 ans 1/2)

– Note écrite à 30 ans

VÉCU – PRISON – AMIS – CORRESPONDANCE – AGNÈS

André a répondu il y a quelques jours à ma première lettre. Sa lettre a mis du temps à me parvenir car, comme je n’avais pas mis mon adresse, elle est passée par Lionel Erhart. D’ailleurs j’ai honte d’avoir eu ce réflexe idiot – car je ne crois pas qu’on soit fiché parce qu’on écrit à un déserteur. Je vais lui indiquer l’adresse dans ma prochaine lettre.
C’est drôle d’écrire à quelqu’un qu’on ne connaît pas : nous n’avons, pour l’instant, en commun que sa souffrance. Il est très jeune, sa lettre le prouve. C’est d’autant plus terrible : j’ai l’impression que c’est un enfant qu’ils ont mis en prison.
Il parle de son « univers carcéral ». Je pense aux types qui sont chargés – et qui l’acceptent, pour de l’argent – d’en empêcher un autre de franchir une porte. Qui le surveillent, qui limitent ses déplacements, ses gestes, qui réduisent sa vie un squelette, un fantôme de vie, à la survie. Une survie végétative où l’être entier en prend un coup.
Je repense à ce que j’ai, moi, souffert d’être seulement limité comme je l’ai été à l’armée où je n’étais pas complètement enfermé, comme il l’est, lui. J’arrive difficilement, (…)

Dessin d’Agnès (5 ans 1/2) à cet endroit de la page:

1977.05.04Dessin d’Agnès

Agnès a fait ce dessin avant que je n’écrive sur cette page car j’ai continué à écrire la suite de mon texte en contournant son dessin !

(…) mais je crois que j’y arrive, à imaginer ce que ça peut être un jour plus un autre et un autre, une semaine, des mois en prison. Il parle d’idées suicidaires. Elles doivent venir au bout d’un certain temps, d’un certain désespoir.
Enfant, pauvre enfant, mon pauvre frère. Plein d’idéal. Il a des mots, des formules qui feraient sourire s’il était libre. Quand on est libre, on est surtout libre de dire des conneries. Quand on n’est plus libre et qu’on continue à les dire et à y croire, ça n’est plus des conneries.
Quand je pense qu’on enferme des hommes parce qu’ils refusent d’en tuer d’autres ! S’il avait connu d’autres petits malins, joué les dingues, on l’aurait réformé, il n’en serait pas là.

– Note écrite à 30 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – AGNÈS

Je suis aujourd’hui (jour gris, plafond bas) dans un état propre être appelé désespoir.
Je me méprise. J’ai honte de moi. Par rapport à elle et aussi par rapport à Agnès. Ce qui est insupportable, c’est de penser qu’Agnès même parce qu’elle ignore tout de moi. Elle a de moi l’image qu’un enfant innocente se faire de son père. J’ai, dans mes rapports avec elle, un insupportable avantage, immense bénéfice non du doute mais de l’ignorance. Je pense à plus tard : quand elle aura grandi. Ou bien elle saura (oh ! La honte) et alors… ou bien elle ne sera pas et j’aurais alors cette même brûlure de honte à penser que je cache quelque chose. Elle aura l’âge de me mépriser elle aussi. Si je pouvais, pour elle par rapport à elle, me purifier, sortir de cette ornière de secret, de vénalité, de mépris, d’insincérité, de compromission ? Je suis coupé, cassé en deux. Je me contredis moi-même et cette paix que je désire tant s’éloigne toujours plus.

– Note écrite à 30 ans

Écrit dans mon carnet par Jocelyne : « Tout ça, c’est con. C’est moi qui en ai fait un problème. Il n’y avait pas de quoi, mon Dieu. Tolérance. »

Commentaire du 19/06/2015 : ma grande honte, c’était que je me masturbais. Ça n’en est plus une aujourd’hui, car j’ai compris depuis longtemps que c’est simplement un plaisir dont refuse de se priver ma nature sensuelle, tandis que, dans ma jeunesse, je subissais la pression de la morale sociale et traditionnelle et de ma famille, de confession catholique.

– Commentaire écrit à 68 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – AGNÈS

Avant-hier samedi, je rentre de tournage à 15 heures. Je trouve Jocelyne qui dort. Agnès me dit qu’elle n’a pas mangé. Colère. Je lui mets de l’eau sur la figure. N’arrivant pas à la réveiller, je la tire du lit, la traîne jusqu’à la douche et l’asperge de flotte. Trempée, elle part se recoucher.
C’est dire à quel point ça va mal.
Par moment – souvent  – je me rappelle à moi-même que c’est moi qui l’ai démolie. Mais, à côté de ça, il y en elle tant de mauvaise foi, Commentaire de Jocelyne : « Et toi ? » Le même piétinement en rond que je ne peux m’empêcher de penser, malgré Agnès, que la seule solution est d’en finir une bonne fois.
Ce soir, je vérifie en le lui demandant qu’elle a dormi à cause de sa nostalgie en écoutant Anne Sylvestre. Elle me sort dans la discussion cette énormité : si elle n’est pas – c’est elle qui le dit – une bonne mère, c’est de ma faute ! Parce que je suis parti ! Je suis si indigné qu’il faut que je note ça.

– Note écrite à 30 ans

VÉCU – AGNÈS

Vacances 77 : je suis à Lorient pour récupérer Agnès qui a passé quinze jours chez les parents de Jocelyne, pour la ramener à Paris où elle prendra l’avion pour aller passer dix jours au Luc. Puis un mois de vacances à trois en balade.
Cet après-midi : plage seul avec Agnès. Moment de joie. Notre relation est chouette. Agnès est chouette (cerf-volant : elle a voulu le tenir. Elle désirait qu’il l’entraîne et qu’elle s’envole avec…)

– Note écrite à 30 ans

VÉCU – AGNÈS

Agnès. Je vais te noter. Il n’est pas trop tard (noter : faire des notes. De la musique. Ta musique).
Un poignant regret me saisit souvent de n’avoir pas gardé plus de trace de ton évolution.
Cet après-midi : tout d’un coup : « J’ai envie de faire pipi ». Et tu es partie, la culotte déjà baissée pour aller faire pipi.
Hier soir : télé. Émission pour l’Unicef. Tu m’as demandé : « Des fois, ils disent : « Agissez ». Qu’est-ce que ça veut dire « Agissez » ? Le sort des enfants dénutris t’a causé du chagrin.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

La beldoche est arrivée ! Je me retranche dans le mutisme. La présence de mes parents me gêne, canalise mon attitude. Je partirais bien volontiers. Les voilà plongés dans leur conversation imbécile, hypocrite, respectueuse des conventions : pas de remous, pas de vagues. Chacun n’en pense pas moins. La beldoche est très à l’aise : elle est soutenue par sa fille ! Décidément Jocelyne a toujours choisi le camp de ses parents, ne comprenant même pas, ne parvenant même pas à concevoir ce qui m’éloignait d’eux tout autant que des miens, cette gangue, cette prison de médiocrité, d’illusions, d’apparences soigneusement entretenues…
Oui mais : Agnès ! Toujours la lancinante torture de cette pensée ! Je reviens à l’époque où elle n’était pas là : qu’est-ce qui me retenait près de Jocelyne ? Ma faiblesse, mon inconscience, celle-là même qui m’a joué de sales tours par ailleurs (Jacquet – Denis Manuel – etc.)
Ah, si c’était à refaire ! Si on pouvait faire marche arrière, comme dit la complainte ! Je reviendrais bien au tout début : à ce Lorient de 63. Quand je compare le trajet de Zyf au mien : la différence d’itinéraire ! Le temps que j’ai perdu. Ce n’est tout de même pas un hasard si j’ai fait « La saisie » en 74. Je me souviens de cet élan, de cette détermination qui m’a jeté sur mes pieds, m’a lancé en avant, balayant les difficultés, cet élan créateur, cette énergie…
Hier soir, je repensais à cette période de 74. À ces huit mois de liberté. Que d’erreurs, bien sûr, que d’illusions. Mais ça en valait la peine. Si j’avais tout de suite pris un avocat, si j’étais allé jusqu’au divorce, le problème Agnès, qui a été mon principal frein, aurait été réglé.


Je sens l’hostilité latente de Jocelyne mon égard.

– Note écrite à 31 ans

ÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – ÉCRITURE – HUMOUR

Mon humeur en ce moment est au flash-back. Sur ma vie j’essaye de faire un plan d’ensemble. L’idéal serait de partir en travelling pour aller faire sur les choses un grand panoramique. Je garde Agnès en gros plan. Le risque est que tout ça finisse par une plongée…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Si je pars, je me laisserai pas souffler Agnès comme la première fois ! Quand je pense que cette salope avait interdit à la nourrice de me la laisser prendre !
Ah ! Ne pas me laisser avoir par ses inévitables sanglots, son air tragique de victime innocente.
J’écris comme pour rendre irrémédiable (les paroles ou les pensées s’envolent, les écrits restent) mon projet de départ.
Me jeter à l’eau. Me jeter dans la solitude. L’affronter. La vaincre

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(3 h du matin)
J’ai dans la tête la chanson enfantine du bouquin que j’ai acheté à Agnès : « Mon âne, mon âne, a bien mal à la tête… » et, en même temps, je pense très fort et très concrètement à partir.
Je n’ai pas réussi à dormir, il a fallu que je rallume, que j’aille chercher le dernier paquet de cigarettes dans le bureau où dormait mon père et que j’ouvre ce carnet pour écrire, pour « fixer » les choses, parce que – comme cela m’est déjà arrivé –ça m’a « sorti de ma torpeur », mis debout, « réveillé », secoué !
Partir. La quitter. Quitter cette merde. Cette mort. Cette prison. Cette médiocrité. Trouver la solitude, je le sais, les moments difficiles, je le sais. Surtout que mon expérience passée m’aura servi de leçon : ma libération sera solitaire ou ne sera pas !
Je m’organise : d’abord l’hôtel, en attendant.
Trouver une piaule. Une merde, je m’en fous. Douche : dans l’immeuble, s’il y en a. Sinon, on verra. Cuisine : je ne boufferai pas là ou du pain et du jambon ou alors : camping-gaz. Meubles : matelas-mousse. Une table. Une chaise. Une lampe. Une armoire (?).
Mon problème, c’est le téléphone. Surtout en ce moment. Et le courrier. Le faire expédier sur boîte postale.
Mais je crois bien que cette fixation sur le concret est une surenchère, un activisme destiné à déplacer l’apparition (la mienne) de l’abstrait, c’est-à-dire de la décision qui naît d’une chose pas concrète, d’un sentiment, d’une conviction.
J’ai attendu. J’attends le moment où je serai sûr que je ne peux pas faire autrement.
En fait, il faut envisager de changer ma vie. Ne pas être acculé par elle, mais la dominer, la diriger, la prendre en main.
Qu’espérer de Jocelyne ? Qu’espérer lui apporter ? Elle soutiendra sans doute farouchement qu’elle trouve son compte à la vie avec moi. Mais, en réalité quel « contentieux » entre nous !
– Le vieux problème sexuel, jamais réglé, réactualisé par cet enfant dont je ne veux pas : je refuse de faire l’amour avec elle si elle ne prend pas la pilule, elle ne veut pas la prendre – vieux refus – voulant cet enfant et s’accommode bien, s’accommode en tout cas, de cette cessation de nos rapports.
– Nous nous éloignons l’un de l’autre sans manque. Nous n’avons pas à être ensemble d’autre satisfaction que celle de l’habitude.
– Nous ne faisons plus rien en commun.
Nous ne nous aimons plus. L’amour, cette joie d’être ensemble, cette compréhension, cette complicité… J’ai l’impression d’en avoir perdu la clé, que quelque chose s’est brisé en moi et que j’ai vis-à-vis de l’amour désormais une très grande méfiance, un manque absolu d’illusion. De ce côté-là, ce n’est peut-être pas plus mal. L’avenir me le dira. Si je pars, je me promets que c’est la lucidité qui conduira ma vie

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce soir j’ai voulu parler à Jocelyne, savoir comment elle voit les choses, si, des fois, elle n’étouffe pas, elle aussi, et ne comprend pas la nécessité de nous séparer.
– « C’est pas le moment : j’ai sommeil et j’ai mal au crâne. » Je me suis tu.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Elle a ouvert ce carnet et l’a lu, ce matin. Nous avons parlé : je suis lâche, égoïste, je n’ai pas fait d’efforts, tout est de ma faute.
J’ai dit que ce n’était pas possible de continuer ainsi, que nous avions tout essayé.
Je n’ai pas essayé. Même sur la seule fois où j’ai essayé vraiment – l’analyse – ça a été le même discours. Contre.
Je suis venu chez Dominique avec Agnès, qui joue avec Alexandre.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Je suis parti. Ce matin. Elle est arrivée en courant. Elle a cherché à me retenir, mais pas trop. Elle a pleuré. Je suis au « Familia-hôtel ». Quel ironique symbole.
C’est la première fois que je suis à l’hôtel à Paris, mise à part la pension B. (« Chez-soi ») qui était aussi une sorte d’hôtel, d’une certaine façon.
Tout à l’heure : le balcon, la rue, les cafés. Je me suis cru un instant en été.
En fait, elle ne croyait pas que j’allais partir. Je l’ai compris hier soir en rentrant.
Comme c’est dur de faire mal. Et quelle sera ma route ? Est-ce qu’au moins ça vaut le coup ?
Ce matin, en arrivant au montage, avec Françoise, j’ai acheté le Figaro, pour les petites annonces.
J’ai cerclé les studios. J’avais des rendez-vous pour en visiter. Je n’y suis pas allé. Je suis seulement allé en voir un, que m’a fait visiter la gardienne – qui m’a fait attendre pour « finir son courrier » – rue Georges Pitard. Gadget marrant : au 30e étage : une piscine ! Avec des baies vitrées dominant Paris. Un vrai décor (mais le syndic refuse les tournages).
Le studio donnait sur les voies ferrées de Montparnasse. Merci bien pour les trains…

Commentaire du 20 juin 2015 :

Je ne savais pas que j’allais vivre pendant huit ans, de 1998 à 2005, au-dessus des trains de la Gare d’Austerlitz, du RER, et du métro, au 13e étage d’un foyer Sonacotra donnant sur les voies.

Commentaire écrit à 68 ans

Après y être allé, je suis passé à Monttessuy. Petite affichette mise par un caméraman des actualités télévisées. Je dois visiter mercredi. Mais c’est petit. L’intérêt c’est l’absence de bail qui me permet de partir quand je veux, l’absence d’agence qui m’éviterait de filer du fric à des requins et le prix « normal ».
J’ai pris conscience que je n’avais pas réussi à quitter ma mère (Œdipe mal réglé) → masturbation. J. était pour moi la seconde mère. (En lisant  » J. était « , j’ai lu : « j’étais ». Quel sens ?)

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

 20h50 : Henri ne répondant pas (je devais passer chez lui ce soir), je me suis couché. Tout à l’heure, je l’ai appelée pour donner mon numéro ici, au cas où…
Elle a hurlé au téléphone, m’a insulté, a posé des ultimatums. Je pensais qu’elle accepterait les choses pas trop mal, mais j’ai de plus en plus de mal à le croire. Pourtant, au début, elle m’a dit que, bien que très malheureuse, elle allait voir un psychologue et essayer de « repartir à zéro ».

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce soir j’appelle les parents pour leur donner mon adresse. Maman m’apprend que, dès 74, cette salope a tout déballé de notre vie et qu’on en était arrivés- sans qu’elle m’ait rien dit (la colère me remue en écrivant) – au point où même son père me surveillait quand j’allais aux toilettes ! « Vous n’avez fait que des gamins ! » dit la beldoche, la venimeuse, l’ordure prétentieuse et reptilienne, « Ma fille a besoin d’un homme… »
Je crois bien que ça, ça me fait mal. Parce que je suis bien obligé de reconnaître qu’elle a raison et j’allais dire : que ça me fait voir combien les rapports hommes-femmes passent par la domination, l’établissement d’une domination du mâle sur la femelle (tout ce que j’aime), mais je m’aperçois que c’est peut-être vrai pour le vieux couple. Ça ne peut pas être vrai pour l’avenir.
Un homme… Ma faiblesse, ma lâcheté, mon problème, comment se sentir homme quand on se branle ? Il va bien falloir que je règle ça. Je ne peux plus faire autrement
Pourtant j’essaye tant bien que mal de m’en sortir. Ce soir j’ai abordé une fille, sur la passerelle du plateau du « Grand échiquier » : Virginie. Elle ne faisait triquer. Qu’est-ce que j’aimerais niquer une fille vraie et pas en papier. Espoir débile : qu’elle m’appelle…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

On est samedi. J’avais prévenu, par Dominique, que je prendrais Agnès ce week-end. Je l’avais confirmé par lettre, puis avais téléphoné, suite à ce coup de fil, à ma mère.
Je suis arrivé ce matin. Fermé. Trouvé un mot : elle s’était tirée en week-end avec Agnès, prétendant n’avoir pas pu me joindre hier soir. Désormais, c’est vraiment la guerre. Elle compte sur ma faiblesse. Je ne sais pas encore comment je vais réagir.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Hier soir été voir Jocelyne suite à coup de fil à propos week-end prochain, soi-disant pour se mettre d’accord sur ce qu’on dirait tous les deux à Agnès. En fait : discussion triste. On s’est quitté sur une déclaration de guerre. J’ai rappelé pour négocier. Je dois la rappeler demain soir.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – FEMMES – CINÉMA – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Pas de réponse à la lettre de l’avocat. Je pense qu’elle va faire la morte, faire traîner les choses.

Agnès me manque de plus en plus. Je ne sais comment elle est, comment ça se passe. A-t-elle senti, compris ?

Je sors beaucoup le soir. Dans la journée aussi, j’ai toujours quelque chose à faire. Sauf aujourd’hui où je traîne ma flemme – mais c’est un peu normal après cette panique des meubles, du ponçage et du vernis – pourtant il faudrait que je fasse le ménage, il y a une tonne de crasse et de sciure sur toute chose et des affaires en vrac à droite et à gauche.
La musique me manque. Et mes livres. La bibliothèque, terminée, fait très vide.

Jean-Pierre Bertrand au « Magazine de l’image ». Parlé de mon sujet sur les jeux. Ça a l’air de l’accrocher. Je dois l’écrire. J’hésite à le faire dès maintenant ou après avoir fait le compte des jeux existants.

Bouillon : en sommeil car il est occupé par un dossier d’agrément au CNC.

Reggiani : j’attends. Si ça marchait avec Bouillon, j’envisagerais d’aller le voir en tournée.

Toutes les lignes que j’avais lancées, ça ne mord pas : Armorial, Mnouchkine, Rassam, Roitfeld, Kermadec, Office Kréation. Sans compter les « consultants » : Miller, Fansten, Monnier et autres.
Mais ça ne me chaut que peu.
Mon emploi du temps récent (en remontant) :
Hier, jeudi : soir : Sario. Assedic. Conférence Aujourd’hui Madame.
Mercredi : soir avec Bertrand, son père, François Maistre. Jour : fini meubles. Avocat le matin.
Mardi : soir théâtre avec les C. (dormi chez eux dans le lit de Caroline). Après-midi : AFI.
Lundi : soir : dormi chez Jean-Claude et Sido cause vernis.

Je m’aperçois que ça fait trois semaines que je suis parti (plus : vingt-six jours ! Presque un mois). Temps passé très vite : un mois déjà ! Déjà, l’hôtel des premiers jours, les petites annonces, les visites d’appartements, tout ça m’apparaît très loin. Déjà, j’ai mon passé à moi, à moi seul.
Hier, en rentrant avec Sario chez lui, lorsque sa nana lui a fait la gueule parce qu’il était tard, j’ai ressenti ça comme intolérable, insupportable, ces relations de couple, d’oppression mutuelle, de reproches, cette angoisse pas possible. Ah être seul, être libre, malgré les mauvais moments, les moments de manque, d’ennui, c’est quand même précieux.
En ce moment, il fait gris et très froid, c’est la seule chose qui me gêne. Vivement le printemps. C’est drôle comme ça ressemble à 74, de ce point de vue-là : jours d’hiver (et même de neige), puis jours radieux du printemps (cerisier par la fenêtre de la cuisine des Coudreaux) L’ai-je voulu ?
Je viens d’accrocher au mur des posters achetés il y a déjà quelque temps : Turner « Le paquebot Téméraire » – « Wings of Love » et un petit Magritte.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Michel projetait des films super 8 de vacances. « T’as pas un film où je suis ? » ai-je demandé niaisement.
Il m’a passé un film fait chez lui, au Coudreaux, et j’ai revu Agnès. À trois ans environ. Pris ça dans la gueule. Un grand coup de cafard. Ça a réveillé en moi des tas de choses.
D’abord : sa pensée. Je m’aperçois ce soir combien elle me manque. Combien plus que je ne crois.
Le choc, en la revoyant petite. Le choc de me rendre compte que j’avais oublié son visage de cette époque. Tous les visages de son enfance. Pourtant pas si loin.
Le remord. La culpabilité d’avoir laissé le temps passer, implacable, irréversible, et de ne pas m’être assez occupé d’elle, de n’avoir pas suivi mieux son évolution, le changement de son visage, de son être.
Affreusement coupable ce soir. À en pleurer. Et puis : moi, dans le coup. Si je ne m’en souviens pas, c’est que je n’ai pas vécu cette enfance d’Agnès assez intensément. L’intense marque. Et pas intense parce que je n’étais pas heureux. N’est-ce pas une théorie ? Je ne crois pas.
Ce temps qui ne reviendra pas. Ces bouts de pellicule, seule trace de ce temps. Déchirant.
Son visage… Ce visage grave, ces grands yeux qui fixaient la caméra. En voyant cette gravité, en connaissant son fond de gravité, je me prends à douter qu’elle encaisse bien mon départ. Et J’ai affreusement peur.
Je mesure, ce soir, mon égoïsme.
Ma fille, mon enfant, ce soir je pense à toi je pleure..

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS -1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – SEXE

En ce moment, c’est le creux de la vague. Je vais mal. Branlettes tous azimuts et ce soir, one more time, une pute et l’impuissance. Je prends conscience de plusieurs choses : mon inconscience de ce qui m’attendait réellement en partant. Et de ce qui attendait Agnès. Le fait que je m’abime dans une agitation frénétique pour combler mon vide. Mes difficultés de communication avec les autres. Ce côté hyper susceptible, hypertendu, confinant à la schizophrénie, à la parano. Le fait que je ne m’aime pas (tout en m’aimant) et que, par suite, je ne peux aimer les autres (tout en les aimant). Mon rapport aux femmes m’inquiète. Mon rapport à la vie aussi. Mon rapport à moi aussi. Pourtant, quand je considère les choses avec tant sois peu de recul, je me dis que ça ne va pas si mal. Qu’il me faut de la patience. Un peu de patience. Je n’attends qu’une chose : une femme. Le boulot : c’est l’attente aussi, mais celle-là, je la connais et je peux plus ou moins la combler.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

J’ai appelé Jocelyne pour savoir si elle avait reçu la lettre de l’avocat. Pas reçu. Elle a parlé à Agnès : « Papa préfère vivre seul. »
D’après ce qu’elle dit – et je la crois – Agnès n’en parle jamais « Ne me parle plus de cette affaire ». Je l’ai eue au téléphone. Elle a pleuré un peu, mais ça s’est arrangé. En repartant, elle a passé le téléphone en demandant à Jocelyne « Tu vas pas pleurer ? » Jocelyne accepte que je la prenne ce week-end.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – IDÉE SCÉNARISTIQUE

Une idée de court-métrage qui me vient en me voyant en train de discuter avec Agnès dans un bistrot :
– C’est attendrissant un père avec sa fille dans un café, comme image. C’est joli, ça provoque un sourire. Mais moi, je le vis avec plein de choses dans le cœur et comme un nœud dans le ventre. L’image ne restitue pas l’émotion des « personnages » → un film qui serait « vu » par un spectateur d’abord en amorce, puis se retirant disant « Prenez ma place ». Un spectateur qui remarquerait le « joli », « l’émouvant », qui aurait le regard « tranquille » du spectateur-type. Tout un film où le texte serait – ironiquement, férocement – anesthésiant (soulignant la distance spectateur-image).

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Demain je verrai Agnès pour la première fois depuis un mois, jour pour jour. Je suis angoissé à cette idée et aussi contrarié parce que j’ai voulu – peut-être par inquiétude – assurer à Agnès la présence d’autres enfants, en l’occurrence Raphaël, le fils de Sido et Jean-Claude et que je ne sens pas de bonnes vibrations autour de ça.
Je me tâte pour passer le week-end seul avec elle, mais maintenant c’est arrangé comme ça et il faut que je contre ma parano, car ce qui compte, c’est Agnès et non moi. À cet égard, elle préférerait peut-être être seule avec moi. Je vais peut-être le lui demander demain matin.
Je suis très angoissé, mécontent de moi, comme toujours, estimant que je ne me surveille pas assez. Comment vivre ainsi ? Quel père suis-je pour elle ?

Jocelyne au téléphone m’a dit qu’elle ne pouvait vivre seule et qu’elle se remarierait probablement et qu’elle aurait ainsi un homme solide. Tout se confirme. Je suis lamentable. Il ne faut pas que je pleure demain.

Jocelyne m’a dit qu’Agnès avait fait deux fois caca au lit et qu’elle venait parfois dans son lit.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Chez les L. Agnès, Carole, Raphaël. Agnès a tenu à venir voir comment c’était « chez moi ». Bertrand regarde un match de rugby. J’ai l’impression – mais est-ce bien certain ? – qu’Agnès prend assez bien les choses. En tout cas, elle ne refuse pas la situation.
Tout à l’heure, j’étais bien. Maintenant, ce rugby me fait chier. (J’ai agressé Bertrand).

Agnès mange une crêpe, assise près de moi sur le lit. Elle n’en veut plus, Raphaël la remporte, elle sort.

Elle ne mord assez souvent

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Premier week-end avec Agnès. Dimanche soir. J’écris couché. Bilan :
Ça s’est bien passé jusqu’à ce soir, où ça a coincé. À partir d’un accrochage avec Carole qui, sans doute, manquant de tendresse, « se venge » sur Agnès.
Agnès s’est mise à pleurer, s’en prenant à moi : « Tu veux pas rester à la maison, tu nous laisses, Maman et moi, je vais m’inquiéter et m’ennuyer. »
– Tu as l’école, des petites copines…
– Elles sont méchantes.
– Toi aussi, ça t’arrive d’être méchante, tu as ton petit caractère, c’est normal.
Larmes. Je tente de la consoler, silencieusement, la tenant dans mes bras. Silence autour de nous. Tout le monde sent que c’est grave.
Plus tard, dans la voiture, je lui parle. J’essaye de lui expliquer notre désaccord, Jocelyne et moi, mais que, si je suis parti, je l’aime toujours aussi fort. Je lui explique qu’elle ira un week-end avec sa mère, l’autre avec moi. Elle m’avait demandé avant : « Pourquoi tu viens pas en week-end avec Maman et moi ? »
Elle accepte apparemment bien l’idée de partage. Un moment : « Maman, elle touche rien, avec son travail. » Je lui explique qu’elle ne manquera jamais de rien.
Elle me demande, quand je lui dis que je l’aime grand comme le ciel « Tu aimes pas les autres enfants »
– Je les aime bien, mais pas comme toi. Je t’aime plus que tout au monde.
Elle se calme, sèche ses yeux, suce ses pouces, l’air grave, puis se distrait avec son arbalète en tirant des fléchettes sur le pare-brise.
Arrivé à Pierrefitte, je retranscris tant bien que mal cette conversation à Jocelyne qui me chasse, très agressive « Je préfère ne pas te voir ici » et m’accuse d’avoir tardé à venir la chercher samedi matin.
« Tu t’es pas ennuyée ? » a-t-elle demandé à sa mère en arrivant.
À un moment, dans la voiture : « Tu es une grande fille, maintenant »
– Oui, je suis grande. Et je comprends tout.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Eu tout à l’heure une conversation téléphonique avec Jocelyne.
D’abord orageuse : elle m’a traité de salaud, pensant que j’avais voulu monter Agnès en lui disant qu’on s’était disputés.
On a hurlé tous les deux. Elle a raccroché. Puis elle m’a rappelé, on a parlé plus calmement. Je me suis défendu. Je dois y aller jeudi avec l’ampli

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Agnès est ici. Couchée sur la banquette. Elle a tenu à ce qu’on dresse autour de son lit une barrière faite de chaises, de tabourets et de la porte du placard qu’elle a tirée contre la banquette. Au-dessus d’elle, contre le plafond : le ballon bleu acheté au jardin d’acclimatation.
On y a passé l’après-midi après avoir été au restaurant chez Bébert.
Elle a fait tous les manèges, toutes les balançoires, tous les jeux (les animaux, ça ne l’intéresse pas). Très détendue, rieuse. Ça s’est très bien passé. On est rentrés ici, elle a préféré rester dessiner pendant que je faisais les courses. On a mangé tous les deux sur la petite table. Un côté dînette. Le repas venait juste de se terminer, on a sonné. C’était Jocelyne. À peine entrée, elle a commencé à pleurer. Agnès, heureusement, ne s’en est – apparemment – pas aperçu. Elle devait aller chez Marie-Odile, qu’elle a relancée.
Elle a dit qu’elle n’irait finalement pas. Elle dit que je lui manque, qu’elle ne comprend pas, que je disais que j’étais bien en rentrant à la maison, que je faisais des projets.
Moi, j’ai parlé de la complicité disparue, du plaisir d’être ensemble oublié, de la tendresse enfuie, de notre vie sexuelle impossible.
La petite, entre-temps, prenait son bain. Je devais la coucher. Elle est partie. Agnès a bien pris son départ, sans réaction autre qu’un « Au revoir maman… » plutôt joyeux.
De temps à autre, Agnès me dit « Je t’aime » ou vient poser sa tête contre moi. Les doux moments !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Dimanche soir. Je viens de rentrer après avoir été voir un des premiers films de Scorsese « Bertha Boxcar » (qui m’avait attiré parce que j’aime les séries B).
Auparavant longue discussion avec Jocelyne. De ces discussions dont je n’ai jamais réussi à me souvenir des détails et qui m’ont toujours laissé une boule d’angoisse et un goût d’échec.
Je peux au moins noter qu’elle a été successivement jusqu’à envisager : qu’on vive ensemble dans mon studio (pour changer) – qu’elle devienne ma « meilleure amie » – qu’on fasse une analyse à deux…
Elle a pleuré. Je l’ai consolée, du moins j’ai tenté. J’avais de la peine à la voir souffrir.
Propos d’Agnès qu’elle m’a rapportés :
– Mon papa, il est parti et ne reviendra plus
– Moi, j’ai plus de papa, parce qu’un papa sans maman, c’est plus un papa…
Et à moi, en descendant de chez Odette :
– Pourquoi tu as quitté maman ? Puis se reprenant : « Non, on parle plus de ça et ne le dis pas à Maman sinon elle va me gronder… »
Demandé à Jocelyne, qui ne lui a nullement fait ce genre de recommandations.
Non, le tabou sur ce sujet vient d’elle. Comme je voulais prendre des cassettes et que Jocelyne s’y opposait, en voulant me les prendre des mains, Agnès a commencé à pleurer parce que « Jocelyne me grondait ». Plus tard, elle s’est relevée et est venue nous voir qui parlions dans le salon, demandant pourquoi « Maman pleurait ».

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce matin, nez pris. Gros rhume. Pas envie de bouger (surtout pour aller au froid). Assez grande tristesse. Dehors : soleil, mais il ne me réjouit pas, il n’y parvient pas.


Jamais le « Je suis très aimant, mais j’attire peu » ne se sera appliqué à moi comme en ce moment…


Ce soir, je suis triste, j’ai été triste toute la journée en pensant à Jocelyne et à son chagrin.
Faire souffrir les autres…!

– Note écrite à 31 ans

ÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Tout à l’heure Jocelyne m’appelle et met le téléphone devant Frédéric Mey. Je lui dis que ça n’a pas l’air d’aller. Elle pleure. Agnès est « devant la télé ». Je gueule qu’elle y est toujours, qu’il fait beau, qu’elle pourrait sortir, qu’elle est en train de bousiller cette gosse, de ne pas tenir son rôle de mère. Je suis furieux. « Tu ne comprends rien ». Elle raccroche.
Elle m’angoisse

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Premier jour du printemps : je suis resté couché toute la journée avec la crève !
Hier : sinistres élections ! Après avoir ramené Agnès, je suis resté pour regarder la télé. Comme je voulais rentrer dormir ici, Jocelyne s’est mise en rogne. Elle m’a frappé, menacé d’une bouteille. Puis elle a pleuré, bien sûr, et parlé de suicide.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES- ANNE – AMIS

Avant-hier soir : parlé pendant 1h30 au bistrot avec Anne (la petite libraire). L’ai raccompagnée chez elle et hier soir, elle m’a rappelé. Avant-hier soir aussi joué aux échecs avec Bertrand et Thierry. G. a voulu parler du haschisch. Hier soir ici : Sario (pendant qu’il était là : orageuse discussion téléphonique avec Jocelyne. J’ai refusé son chantage au suicide)
Dans l’ensemble : la solitude reflue…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AMIS – FEMMES – ANNE – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avant-hier : après-midi chez Anne. Il y avait des copines à elle. Elle en a eu marre. Elle est sortie avec moi. On est allés voir Bertrand. Elle était heureuse qu’il y ait des gens. Crevée, elle a dormi. Je l’ai ramenée chez elle. Bertrand a lu le début du manuscrit de Bianchetti. Il trouve ça bon. Vu ensuite Anefrance au Bateau Ivre.
Hier : déjeuné à la Mouffe avec Jocelyne et Agnès. Allés au ciné voir une connerie (« Coccinelle ») pour Agnès (mais elle-même a-t-elle trouvé ça bien ?) Puis je les ai ramenées à Pierrefitte. Agnès voulait que je reste le soir. « On va faire une fête ! » a-t-elle dit !
Retrouvé Bertrand et François Maistre. Bonne soirée. On doit se revoir. J’aime ce mec.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Hier soir, rentré à la maison de bonne heure, je note ce qui précède, puis Jocelyne m’appelle pour recommencer son cirque d’auditions obligatoires. Plusieurs fois de suite. Je finis par décrocher et m’en vais pour aller voir « Mister Goodbar » « . Complet. Furieux, je décide d’aller voir « Elmer Gantry » du même Brooks. Complet aussi. J’atterris à une terrasse de bistrot place Saint-Michel à côté de deux petites. Un type se met à les draguer, mais on sentait bien le dragueur amateur. Or ça marche ! Je décide d’aller à minuit voir « Week-end ». Mais le bistrot à côté de la Clef ferme et j’ai trois quarts d’heure à attendre ! De rage, je me tire. Je tourne en bagnole, l’Arc de Triomphe, l’avenue Foch, le Bois… En rentrant, la déprime est la même qu’en partant !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES – ANNE

(2h10)
Reviens du ciné. Séance de minuit au Lucernaire : « Lisztomania ». Merdique.
Week-end avec Agnès : en la ramenant, dans la voiture, crise de larmes.
Ça avait commencé par la question : « Pourquoi tu nous as quittées ? » (Avant, chez Odette : « Tu resteras un peu ? » J’ai été ferme et le plus clair possible. Ça été long, dur. Elle a fini par s’arrêter de pleurer. Et je crois que cette explication sera marquante.
À Pierrefitte : « J’espère que mon mari ne me quittera pas. » – « On va passer des vacances ensemble ? C’est quand ? Un mois ? C’est long ! »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(Lundi)
J’écoute à la radio la « Fugue d’autrefois » par Catherine et Maxime. Bouffées de nostalgie, de chagrin qui m’envahit. Cette mélancolie du passé qu’exprime cette chanson. C’est vers Agnès qu’elle me porte, et vers moi aussi. Vers nous qui sommes prisonniers du temps qui passe, si vite, vertigineusement vite ! Ce temps qui nous met toujours au pied du mur : qu’auront été nos vies ? Aurons-nous réussi à être heureux, à être ensemble ?
Hier, il faut que j’en parle, sans être sûr de trouver les mots, ça été le drame absolu, le fond de l’abîme.
J’avais passé avec Agnès un week-end bien : samedi piscine après le jardin de Dominique avec elle. Dimanche : Beaubourg (les tuyaux) et Luxembourg. La fois d’avant, il y avait eu cette explication et Agnès, je le crois, avait admis, commencé à admettre certaines choses. Bref, c’était bien.
J’arrivais à Pierrefitte pour ramener Agnès, animé d’intentions pacifiques. Or, pour une histoire de disques que je voulais emprunter pour les recopier, ça été le drame. Elle s’est mise en travers de mon chemin, physiquement. J’ai voulu me faire un passage, physiquement. Coups. Chutes.
Agnès a assisté à tout en larmes, suffocant, hurlant : « Ne vous grondez pas ! Il te les rendra les disques, c’est vrai ». « Je vous en supplie… »
Lentement, lentement, les choses sont revenues au calme et aux larmes. De Jocelyne, d’Agnès (et de moi, refoulées, quand Agnès m’a montré son cadeau de Fête des Mères, affectueusement fait de ses mains).
Écrire, ainsi, réduire… Les mots ne rendront jamais ce qu’on peut ressentir, ce que j’ai ressenti.
Des injures (double sens. « Tu vois, Agnès, papa, il a plusieurs femmes… » – « Pourquoi il en a plusieurs ? »
Noter. Noter tout. Ne pas oublier. La suivre, la scruter. J’ai peur maintenant. L’enjeu m’épouvante. Je m’en veux d’avoir déclenché des forces irrépressibles peut-être, qui prendre de détruire cette enfant merveilleuse, de l’abîmer. Oh, j’espère que non. J’aimerais avoir dix ans de plus pour savoir, pour être sûr.
Comment rattraper ?
J’y pense. La gentillesse envers Jocelyne. C’est ça qu’elle attend, Agnès. Une fois tous les quinze jours, ça doit bien être possible… Je ne suis qu’une brute. Rattraper. Rattraper. Oh, pourvu que je puisse rattraper ça !
Depuis hier soir, je ne pense qu’à ça. Les larmes m’aveuglent.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(2h30. Cap d’Agde)
En tournage, ici. Je veux noter la carte que j’ai envoyée à Agnès. Repartir. Tentative désespérée de rattraper les choses.
Y parviendrons-nous, Jocelyne et moi, ensemble enfin ?
Il le faut, pour elle, pour Agnès.
J’ai la terrible impression d’avoir gâché ce bien précieux : la confiance qu’elle avait en nous.
Un doute affreux m’est venu : et si, quand Jocelyne lui a lu ma carte, elle n’y croyait pas ?
Des pensées horribles, comme celle-ci, commence à m’assiéger. Oh, pourvu qu’il ne soit pas trop tard !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Samedi.
22 h. Couché. Agnès, allongée sur le bide, dans son lit-banquette, fait des décalcomanies. Moments heureux. Paix. Douce lumière. Stevie sur cassette, en sourdine.
Choses à noter, de ces derniers jours :
– Jocelyne au téléphone. Apparences d’un accord, d’un acquis de la crise qui semble ainsi se révéler positive. Mais, ce matin, dans la voiture (l’amenais chez sa tante) larmes perlantes quand j’ai parlé des vacances avec Agnès. Fuite rapide à l’arrivée.
– Hier après-midi, chez Guylaine, couture. Mot-cadeau sur frigo.
– Aujourd’hui : resto avec Anne et Agnès.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avec Agnès, aujourd’hui, pour sa carte d’identité : bien. « Normal ». Sauf ses larmes lorsque, alors qu’elle me le demandait, je lui ai dit que je ne pouvais pas « rester ». Devant ses pleurs, je lui ai dit que je resterai un peu.
Sa joie lorsqu’elle a su qu’Armand, son instituteur, est venu à la maison pour la voir…
Choses à noter, sur Agnès :
– Appris par Jocelyne, au téléphone, qu’elle était allée voir Armand qui lui avait demandé si Agnès pleurait à la maison. Elle a répondu que non. Il lui a dit qu’elle pleurait à l’école, chaque fois qu’il s’en allait, le midi et le soir (très clair !)
– Dimanche soir, retour du week-end avec Agnès, resto chinois à Pierrefitte, à trois. À un moment, Jocelyne dissimule ses larmes sous une quinte de toux, prétextant un rhume. « Tu te forces ! » lui dit Agnès. Puis elle s’allonge, la tête sur mes genoux, disant à Jocelyne : « Je ne peux pas m’allonger sur toi, alors je m’allonge sur Papa, c’est pas grave… »
– En voiture, elle avait mal à la tête. « J’en ai marre de ce mal de tête. Quand je serai grande, j’aurai pas de voiture. Je prendrai le bus, comme ça, j’aurai pas mal à la tête… »
– Aujourd’hui, on rentre ensemble chez moi. Elle embrasse la porte en arrivant !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Il faut parler aussi de la triste soirée d’aujourd’hui où je suis allée (je viens de mettre un « e » à allé, comme si j’étais la mère d’Agnès, peut-être parce que je considère qu’elle n’a pas, plus vraiment de mère, car Jocelyne a été dégueulasse) : allé chercher Agnès pour l’emmener demain chez ma mère.
Hostilité de Jocelyne. Mauvaise foi (sur les vacances, sur mes parents). « Tu vois que tu as pas fait la paix… » lui a dit Agnès. Je lui ai tendu la perche au moment de partir : « Faisons la paix ! »
Agnès : « Faites la paix. »
– « Oui. »
J’ajoute : « Vraiment ! »
Jocelyne : « Non. C’est pas possible. »
Et Agnès, encaissant tout ça.
Jocelyne m’a appelé, une fois qu’on était rentrés ici. Elle voulait s’excuser. Je lui ai parlé d’Agnès. « Il n’y a pas qu’Agnès… » « Tu veux m’atteindre, en la sacrifiant, lui ai-je dit, parce que tu sais que c’est le défaut de ma cuirasse. Tu m’as déjà fait revenir comme ça une fois, mais, cette fois-ci, je ne reviendrai pas, alors tu joues gros… »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Tout à l’heure Agnès me demande : « Tu sais tout ? » Je lui dis que non, qu’il y a beaucoup de choses que je ne sais pas. « Dis-moi 2 choses que tu ne sais pas ! » « Je ne sais pas réparer une voiture cassée, ni une télévision. » « Non, pas ça, est-ce que tu sais faire du papier ? » Je lui explique que ça ne se fait pas avec ses mains, qu’il faut une machine, ce qu’elle comprend très bien.
Dans le bain, elle jouait au « pétrolier ». Je lui demande si elle sait ce que c’est. « C’est un monsieur qui prend le pétrole et le met dans les usines… » « J’ai trouvé ça toute seule, on me l’a pas dit, j’ai pensé dans ma tête que ça devait être comme ça… »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Agnès, au Luc, chantonnant dans la voiture : « Quand la mer était solide… » (mer = mère ? Solide = forte ? Quel sens ?)
Elle est de plus en plus adorable. Me fait des bises spontanées, on rit ensemble, on se fait des câlins. Mais elle a néanmoins bien accepté mon départ du Luc.
Agnès, à Tata Adèle, qui  parlait  « Je ne t’ai pas  suivie.. »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS

19h58 départ
6h26 Paris
Trace de la panne de bagnole survenue en remontant du Luc sur Paris avec Agnès et et la tante Adèle : remue-ménage. « Réquisition » de Jean-Pierre B. et Mona. Retour en train de nuit. Angoisse et joie mêlées. M’accepter, accepter ma façon de vivre, mon choix. Je ne le dépasserai pas en le refusant, en me culpabilisant.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

11 h. Je suis furieux. Attendu Jocelyne jusqu’à 10h30. À cette heure-là : coup de fil de Pierrefitte, crevée, elle veut récupérer Agnès seulement demain !
À sa place, même crevé, après un mois de séparation, j’aurais foncé pour la retrouver… ! Je me demande si elle l’aime vraiment. Une chose pareille témoigne que non. C’est bien pour Agnès que tout ça me rend triste et rempli d’une rage impuissante. Car que faire devant cette voix sèche, cassante, méprisante, cette morgue ? Je la hais carrément et je me demande comment j’ai pu vivre onze ans de ma vie avec cette conne ?

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(23 h)

Déjeuner avec Agnès (première fois que je la vois depuis les vacances. Jocelyne me dit qu’elle a pleuré en disant qu’elle n’avait plus de papa (parlé avec elle dans la voiture, lui ai dit qu’elle avait un papa, que je l’aimais, que je n’étais jamais loin d’elle. « Si tu me dis ça, je vais encore pleurer… » Elle a un peu pleuré. L’ai distraite. Vite oublié. À un moment chez Jocelyne, je voulais prendre le jeu d’échecs. Jocelyne pas voulu → Agnès : « Vous allez pas encore vous disputer ? » La bagarre l’a marquée).

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS

À noter : en revenant de Fontainebleau (embouteillages sur autoroute) « bavardage » avec Agnès (qui m’avait dit, samedi matin, en partant, qu’elle « s’habituait » : « Tu vois, quand t’es parti, la dernière fois, eh ben : j’ai été jouer dans ma chambre. Tout de suite, comme ça, j’y ai plus pensé et j’ai pas eu de peine ».)
Agnès, me disant qu’elle regrette de ne pas pouvoir me « faire de cadeaux », qu’elle veut devenir infirmière, pour me soigner. Grande explication sur les étoiles, les planètes, les soucoupes volantes.
« J’aime pas quand tu conduis, parce que je ne peux pas te câliner… »
Chanson inventée fredonnée l’arrière de la voiture : « Courir en liberté… »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU- AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE

Vendredi : Avec Colette à l’inauguration du bistrot de Danielle et Joëlle. Week-end avec Agnès : Nuit au Bilboquet, puis chez Maryse. Agnès dormi chez Colette. Dimanche : ballade au Luxembourg avec les deux enfants. Agnès chez Colette :  » Vous vous embrassez sur la bouche ?  » –  » Parce qu’on s’aime  » – Ma maman aussi elle aime quelqu’un. Si vous vous mariez, j’aurai peut-être une petite sœur.  » –  » C’est déjà ta petite sœur…  » – A une dame au Luxembourg :  » Ma mère et ma sœur, elles sont mortes !  » Krystelle m’adopte peu à peu.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avec Agnès aujourd’hui car je devais la prendre le week-end prochain, mais je ne pourrais pas, allant tourner à Lyon. Vu Mistigri, le nouveau petit chat d’Agnès (elle m’a téléphoné pour me le présenter → message sur le répondeur que j’ai enregistré). Raccompagné Agnès (présence de la bande de monos du camp de Jocelyne cet été.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS

Samedi : Agnès vomit. Fièvre. Abattue. Mal à la tête, à la gorge. Dimanche, je la ramène à Jocelyne qui m’engueule de n’avoir pas appelé le toubib, m’accusant d’être un « mauvais père », d’être « père quand ça m’arrange » (ce qui n’est peut-être pas faux, donc porte…)
Elle appelle le toubib, exige que je l’attende pour aller chercher les médicaments à la pharmacie de garde. En attendant, elle engage une conversation portant sur « la » question. Au passage, à noter : « Tu la perdras aussi » (parlant d’Agnès). Elle me dit, une fois de plus, ne pas comprendre pourquoi je suis parti. Le toubib arrive, prescrit pour l’immédiat une demi-aspirine. Malgré ça, après son départ, elle exige que j’aille chercher les médicaments. Galère pas possible : commissariat d’abord (obligation d’y aller), coup de fil des flics au pharmacien, attente des médicaments dans la cage d’escalier. En apprenant qu’Agnès avait la scarlatine, c’est tout juste si elle ne s’est pas mise à pleurer. Elle est toujours aussi immature. Je me demande toujours quelles conséquences exactes cela aura sur Agnès…

– Note écrite à 32 ans

AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – KRYSTELLE

Agnès est là. Elle lit ses bouquins, qu’elle a sortis de ses tiroirs. Tout à l’heure, on est allés avec Colette et Krystelle au Jardin des Tuileries. Grand froid : les gosses étaient gelées. En revenant dans la voiture, j’ai mis le chauffage à fond. Ça les a revigorées et elles se sont mises à rire et à faire les folles…

– Note écrite à 32 ans

VÉCU – AGNÈS

Pris arrangement avec Gilda afin qu’Agnès aille avec David et passe la nuit là-bas.

Je voulais me rapprocher d’Agnès : coup de fil de Jocelyne qui tombe sur Colette et qui, quand je la rappelle, me reproche de me foutre d’Agnès… ) Je dirai à la suite de ça à Colette  » Il faut que je sache te dire non… J’aurai du ne pas aller à cette soirée et rester avec Agnès comme j’avais dit que je ferais…  »

– Note écrite à 32 ans

AGNÈS

Problème que j’ai en ce moment : mes rapports avec Agnès. Je n’arrive pas à la toucher, à être vraiment avec elle (sauf par éclairs, tout de même). J’ai l’impression de ne pas avoir en moi l’énergie de la gaieté, du rire, du jeu…
Il y a toujours quelque chose qui ne va pas. J’ai bien progressé avec Colette, maintenant c’est la famille, ou Agnès, demain ce sera le fric… On n’en sort jamais ?

– Note écrite à 32 ans

AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – KRYSTELLE

Elle n’a jamais accepté Agnès, l’hostilité d’Agnès elle n’a non seulement jamais, pas une fois, cherché à la faire disparaître (impossible pour elle, hors de question de se faire aimer) mais même ça l’a bloquée dans sa susceptibilité (non seulement il faut que j’encaisse cette enfant du passé, mais en plus, elle ne m’aime pas !)(ou n’aime pas ma fille ce qui est pareil).

Et quand, plus tard, Agnès a fait des efforts, pour moi, elle n’en a pas vraiment tenu compte. C’est vrai que ce ne sont que des efforts, et qu’au fond Agnès n’a jamais aimé Krystelle (ce qui se comprend malheureusement trop bien.)
Colette toute seule, Agnès aurait peut-être pu l’aimer (elle l’a appelée  » Maman  » ce qu’elle a relevé sans émotion.)(D’ailleurs elle l’a dit elle même :  » Il aurait fallu qu’il n’y ait qu’un des 2 enfants… « )
Cette situation était impossible. J’ai cédé, lâchement, en gommant Agnès autant que possible, pauvre fou…
Mais au delà d’un certain point, ce n’était plus possible. Combien de fois ai-je donné tort à Agnès par rapport à l’autre ?
Et quand j’ai crié après Krystelle pour le couvercle de la boite à fromage (dérisoire détail), elle l’a appelée à elle dans la salle de bains. Reconstruction de la barrière que je m’efforçais de détruire en criant pareil après l’une qu’après l’autre. D’où : une nouvelle fois : démarche pour la récupérer . Colère. Violence et les larmes d’Agnès qu’elles n’a pas voulu voir.
Je lui en veux de cela.


On ne peut pas supporter une dépersonnalisation. On ne peut pas nier ses propres valeurs

– Note écrite à 33 ans

AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – KRYSTELLE

Agnès accepte Marc, pas une autre femme pour son père : rivale de sa mère ou sa propre rivale…
Savoir maintenant que le rêve que j’avais : qu’elles s’aiment (toutes les trois) était impossible.


Qu’est-ce qui s’est joué, là ?
Le soir où Agnès a eu sa crise de larmes en nous entendant nous battre.
Toute ma culpabilité est remontée. Revu les affrontements avec sa mère.
Eu l’impression que, dans ça, ni Agnès ni moi n’étions compris.
Pas compris ce lien du malheur entre Agnès et moi.
Ce lien tissé par ma culpabilité : coupable vis a vis d’Agnès, je ne suis pas libre vis a vis d’elle.
Comme si je m’étais condamné moi même.
J’ai essayé de m’en libérer, étant avec toi. Je me suis aperçu ce soir-là que ma culpabilité était entière.
Tu m’as poussé à m’en libérer.
Elle est restée là.
Et toi, ne te sens-tu pas coupable, toi aussi ?
Je ne l’ai jamais vraiment su.
On ne comprend pas une culpabilité qu’on ne vit pas. On croit toujours que les personnes s’accusent sans fondement.
Tu n’as pas compris, pas accepté ma culpabilité vis à vis d’Agnès.
Toi aussi, je crois que tu te sens coupable mais tu ne réagis pas à cette culpabilité de la même façon que moi.
Coupable et victime.
Moi, je ne me sens victime de personne.
Je sais que la parole de mon père m’a manqué mais je sais qu’il n’a pas voulu cela.

– Note écrite à 33 ans

2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – KRYSTELLE – AGNÈS – MA 1ÈRE PSYCHANALYSE (1980-1987)

Je veux reprendre ma psychanalyse.

Commentaire du 11 août 2015 :

Suite à une crise d’angoisse pendant mon service militaire, en 1970, j’avais fait un bref séjour au service psychiatrique de l’hôpital du Val-de-Grâce où les médecins militaires m’avaient dirigé vers un psychanalyste, le Dr G. avec qui j’avais ensuite entamé une analyse, interrompue sans résultats notables, au bout de moins d’un an.

– Commentaire écrit à 69 ans

Je ne peux pas vivre avec une vieille inquiétude, une telle angoisse, un tel besoin d’être rassuré.
Notre échec est donc ma faute.
Pourtant, tu sais bien, au fond de toi, qu’il faut toi aussi, te remettre en question.
Tu sens bien en toi qu’il y a aussi des difficultés qui sont à l’origine de notre échec.
Et tu en souffres.
Je n’ai pas assez compris combien tu souffrais, combien toi aussi, à ta façon, tu étais mal dans ta peau.
Chacun de nous deux comptait sur l’autre pour régler ses problèmes.
Mais on n’aide que qui veut bien être aidé. Pour cela, il faut d’abord affronter ses propres problèmes.
Je me sentais, par inquiétude propre, mais aussi par ton histoire à toi, avoir si peu de possibilités de te débloquer, que j’ai préféré plutôt que de renoncer et de te perdre, ne pas te poser les vrais problèmes, ne pas t’obliger au vrai choix : ta mère ou moi.
Nous l’avons seulement évoqué vers la fin il y a très peu de temps et la question était tranchée dans le temps même où elle était posée.
Le problème des enfants ne doit pas nous servir d’alibis, nous avions nos difficultés avant même qu’il se pose, c’est à dire avant même de vivre ensemble mais il renvoie aux autres :
Je veux être clair : partons de l’origine :
– si tu n’avais pas eu l’enfance que tu as eu, la relation avec ta mère que tu as eue – tes rapports avec moi auraient été différents, moins romanesques, moins  » dramatiques « , moins enfantins donc moins  » enivrants « , moins féériques
mais
plus solides ; étant moins étouffée tu serais plus venue à moi, par la parole, par les gestes, tu aurais pris plus d’initiatives, donc j’aurais été plus rassuré.
(Ce raisonnement suppose que de mon côté j’aie pu vaincre mes blocages, mon inquiétude. Autre affaire, que je n’oublie pas mais que je mets momentanément de côté pour faire l’hypothèse d’une autre Colette.)
Cette autre Colette prenant des initiatives, aurait pu prendre celle de
soustraire Krystelle à sa mère.
Tu aurais ainsi résolu ton problème et le mien.
La réalité est différente :
tu attendais beaucoup de moi. Tu me demandais d’être père sans que j’en aie les moyens.
Père d’opérette, je te l’ai dit.
Le père c’est celui qui fait l’enfant.
Comment s’étonner que je n’aime pas Krystelle, que je n’aime pas ce qu’on (ta mère) avait fait d’elle puisque faute de l’avoir faite avec mon corps, je ne pouvais même pas la faire avec mon coeur, mon esprit, mon temps, c’est à dire par l’éducation.
Sans doute est ce pour cela que tu n’acceptais pas, au fond, mon rapport avec Agnès :
tu sentais bien que, bien que n’étant plus avec elle, j’étais quand même le père d’Agnès alors qu’avec Krystelle je ne pouvais pas le devenir, on m’en refusait le droit.)
Là, oui : j’accuse violemment. Et je te reproche d’avoir accepté cela
 » Si tu fais ça, tu tues ma mère…  » C’est sur le plan symbolique qu’il faut comprendre cette phrase : ça aurait été nier ta mère, la tuer, commettre un sacrilège.
Et pourtant, tu l’as dit après avoir lu ce carnet, après avoir lu mes lignes sur Krystelle : tu as repris mes mots :  » Elle le restera  » et tu as ajouté :  » Et c’est grave…  »
Tu sais, au fond de toi, que ni à toi ni à Krystelle tu n’as fait du bien, il n’y a qu’une seule personne à qui tu as fait du bien : ta mère !

(Repris le lendemain à 11h 30) :

Tu lui a fait un enfant.

– Note écrite à 33 ans

AGNÈS

Paroles d’Agnès, ces derniers temps : « Je préfère te poser des questions… » (en séance : apparu rapport entre ça et souvenir de moi questionnant mon père sur « l’alimentation en eau d’Alger ») Pareillement : Agnès posant des questions sur les usines, la fabrication des choses. Sens : dans mon cas et le sien, dégagé par G. : « Quelle est ta vie sexuelle ? » Je pense à lui répondre. En parler avant avec sa mère. Autre parole : « Un père, c’est un peu le serviteur de son enfant… » Cette parole me questionne. Pas de réponse.

– Note écrite à 34 ans

2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – KRYSTELLE – AGNÈS

Arrivé ici avec Agnès, j’appelle Colette après qu’Agnès ait dit, apprenant la reprise des rapports, qu’elle fait une surprise à C et C (: 2 petits bonhommes de papier découpés mis dans enveloppe à leurs noms.)
Colette dit  » On vient voir Agnès.  » Le soir : je découvre que Colette n’avait pas l’intention de rester.
Elle reste finalement.
Week-end où :
samedi soir : Agnès câline Colette, la demande. Agnès et Krystelle dansent devant la télé. On est très bien.
Feuilleton : Agnès et l’amour, et le bébé (via le feuilleton  » Dallas « .)
Nuit : Krystelle ne se réveille pas, comme si souvent.
Dimanche : repas. Ménage. Après-midi : feuilleton télé.  » Drôles de dames  » : Agnès distribue les trois rôles à elle-même, (Chris), C et C.  » Je suis Chris « , elle se projette complètement.
Aux Buttes-Chaumont, « On va jouer : je serai Chris !  » D’ailleurs, aux Buttes, elle ramassera une boite d’allumettes par terre, en disant :  » C’est un indice.  » (à noter : ceci est important. Se rapporte à l’impression générale que j’ai qu’Agnès se pose des questions sur la sexualité.)
Aux Buttes : à propos d’un risque de chute de Krystelle sur pente, dialogue Colette-moi :
–  » J’ai peur qu’elle tombe  »
Moi :  » Qu’elle se salisse et que ta mère te le reproche ?  »
Plusieurs minutes plus tard, alors que je redescends, (je jouais à cache-cache avec les enfants.)
– C :  » Ne me parles pas de ma mère comme ça. Je ne te parle pas de la tienne…  »
Moi :  » Si tu veux…  »
Le week-end se termine pour moi (séparation dans le métro sur le quai. Je cherche C. et C. du regard. Colette non. Regard fixe.) avec l’impression que Colette à fait un effort mais qu’Agnès est résolument récalcitrante, toujours hostile (Krystelle, sur le chemin des Buttes, essayant de la prendre par la main et Agnès :  » C’est de la glu… « )
Mais aussi toujours : Krystelle et la possession des objets et les conflits autour de ça entre les 2 gosses. Et moi :  » Débrouillez-vous. « 

– Note écrite à 34 ans

AGNÈS

À noter, l’autre jour, un récit d’Agnès (je déjeunais chez Jocelyne et Marc, elle était à table avec nous). (Récit qu’elle a dit faire là pour la première fois)
Souvenir des vacances d’été dernières, chez ses grands-parents à Lorient. Elle jouait au Bois du Château avec sa copine Nathalie. Elles trouvent par terre une revue porno. La regardent (sans la toucher, dit-elle). Un homme surgit, les emmène chez lui, leur montre des revues pornos. Elles s’enfuient.
– Je ne sais que penser de ce récit. Est-il réel, est-il inventé ? Je lui ai posé la question, elle a soutenu que c’était réel. Je lui ai dit qu’il ne fallait pas suivre des inconnus. J’ai ressenti (Jocelyne et Marc aussi d’ailleurs, je l’ai senti) un choc.

– Note écrite à 34 ans

AGNÈS – PARENTS – MA MÈRE – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ma mère crie quand je ramène Agnès du parc, ayant joint Jocelyne au téléphone pour l’heure du retour. Elle dit qu’elle ne laisse pas la petite jouer au parc toute seule, quand je ne suis pas là. Agnès pleure. Je m’énerve, disant que c’est moi qui ai donné l’autorisation qu’elle reste jouer seule. En partant, seuls tous les deux, je demande à Agnès pourquoi elle a pleuré, elle me dit que « Mémé, elle en a après Maman, qu’elle dit que ça me retombe toujours dessus… (à moi
Je m’aperçois là qu’Agnès a compris la haine de ma mère envers Jocelyne…
Dans le métro, Agnès chante des chansons « qu’elle a inventées ». Je note celle (à partir robe de mariée vue dans une voiture, sur le quai) de la femme qui s’est mariée 10 fois avec le même homme qui se « déguisait ».
(Noté aussi, chez ma mère : « Je suis à toi. À Maman et à toi… » que je reprends en corrigeant « Tu es de moi et de Maman… »)
Au métro Saint Denis, elle est contente de voir Marc avec un nouveau blouson « Grâce à Maman, sûrement… »

– Note écrite à 34 ans

AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – KRYSTELLE

Aujourd’hui je me réveille mal. J’agresse Colette sur son attitude vis-à-vis d’Agnès. Elle m’affirme qu’elle a compris des choses et qu’elle « prendra sur elle » s’il y a des problèmes… Je lui dis que je ne la crois pas, que je n’ai pas confiance en elle. La discussion prolonge sur :
Moi « dangereux ». Krystelle pas revenue ici depuis des semaines. Moi à elle : « Pourquoi ? ».
Elle : « Je ne sais pas » et, plus tard : « Il y a des problèmes. Ça ne se règle pas comme ça et tu n’es pas tout seul, il n’y a pas que Roberto Cappadoro… »
Un enfant d’elle et moi. Elle : « Tu as une grosse culpabilité vis-à-vis d’Agnès et tu veux un autre enfant ? Je me demande si tu es prêt ? ».
Malaise. Impossibilité de se rejoindre.
Elle : « Tu as peur de toi… ».
Moi : « Je suis malheureux… ».
Elle : « Moi aussi… ».
Moi : « Qu’est ce que je peux faire pour t’aider ? ».
Elle : « Devenir serein… ».
Là pour la première fois, elle est partie se promener. Pris la voiture et partie.

– Note écrite à 34 ans

VÉCU – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – AGNÈS – KRYSTELLE

À propos d’Agnès ( qui pleurait parce que Krystelle avait dit  » la grosse Agnès  » et que j’étais seul à la consoler – éclatement ( il y avait eu avant le refus de Colette de s’associer à mon contentement, d’avoir managé ces vacances là et qu’elle dise  » ne pas vouloir devenir, neurasthénique…
Suite à quoi : elle, dans la cuisine :  » J’en ai marre de ces vacances…  » Moi, me dressant d’un bond, venant à elle :  » On peut les abréger, je peux t’amener au train… « .
Et, de là, enchaînement : elle téléphone à ses demi-sœurs pour qu’on vienne la chercher… Moi :  » Tu as été vite…  » Colère. Cris. Violence. Krystelle pleurant. Agnès m’arrêtant (  » Ça tourne pas rond ? « )
Par 2 fois, les choses manquent se raccrocher :
1 – Avant arrivée d’une des demi-sœurs, elle vient me voir, jouant avec l’ordinateur dans la petite bibliothèque :  » Je peux les renvoyer…  » mais je ne cède pas.
2 – Quand ils sont là et que je vois qu’elle va repartir avec eux, je monte observer tout ça du haut de la tour ( Agnès m’y rejoint.)
Mais je crois qu’elle a décidé de rester, car elle ne part pas avec eux. Je dis à Agnès :  » Elle reste parce qu’elle m’aime…  » Agnès se rembrunit  » Alors il va falloir que je fasse un effort…  » Elle m’avait dit juste après la scène de violence :  » Si elle était venue à moi, j’aurais répondu…  » Chacun attendait que l’autre fasse le premier pas…
Nous descendons et rencontrons Colette et Krystelle qui reviennent de chez le vieil ébéniste. Agnès se jette dans les bras de Colette qui dit :  » Ils ne peuvent pas me prendre…  » Je reçois ça sur la tête et me fige.  » Alors Agnès et moi on s’est fait un roman ?  »
À partir de ce moment, il n’y aura plus de machine arrière d’aucun des deux côtés…

– Note écrite à 34 ans

VÉCU – FEMMES – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – AGNÈS

Je rentre dans la chambre d’enfants. Un dessin d’Agnès est coincé derrière une affiche. Je le punaise sur le mur. Marqué dessus : « Le lapin pour Colette… » Ses mots d’Agnès me serrent le cœur… Ma fille niée, rejetée. C’était vrai qu’il n’y avait de place pour personne d’autre que Krystelle…

– Note écrite à 34 ans

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – AGNÈS

Week-end avec Agnès désastreux. C’est Colette qui est violente. (Le dimanche d’abord devant Krystelle à je fuis (expulsé par elle) → tabac Gambetta. J’écris scénario. On se retrouve dans la rue, rentrant, elle et Krystelle et moi. Rentrés ensemble. Le soir : elle violente. Agnès : « Promettez-moi de ne pas vous disputer… » → on ne se dispute pas à sommeil (Agnès, le samedi matin, m’avait dit : « Tu crois qu’elle m’aime vraiment ? Vous me faites peur. »
Lundi (Pentecôte) après midi au Luxembourg (chacun de son côté avec son gosse) → ramène Krystelle chez sa grand-mère. Là je dis que je sors le soir → violence devant Agnès, en larmes.
Je ramène Agnès qui me fait promettre d’arrêter.
Je téléphone à Hervé et passe avant de le voir à la maison → elle est là.
Folle.
Folie. Taxi. Commissariat. Cabine pour appeler Hervé, car je veux fuir. Elle m’en empêche, veut m’emmerder, me « faire payer ». Je renonce, on marche. J’appelle Hervé. On rentre. Elle fume, parle. Je parle aussi. Elle se couche, pleure. Je me couche, me masturbe.
On en est là. C’est la fin.
Agnès et ses larmes. Agnès et ma culpabilité.
Agnès oubliée par moi, négligée, délaissée, pleine de bonne volonté.
Douce Agnès. Mon enfant chérie. Je t’aime. Je t’aimerai toujours.
Je t’ai tant demandé ou plutôt obligée à tant !
Mise si jeune devant des choses qui te dépassaient et dont tu souffrais sans les comprendre.
Chacun sa culpabilité : la mienne est envers toi.
Tout à l’heure : appelé Hervé pour lui raconter.
Senti qu’il ne tenait pas à me voir.
M’a chagriné.
→ Je dérive sur le problème du désir : un début de proverbe inventé me vient : « Désir trop fort… (je cherche une suite qui rime »
Cette idée qui revient en boomerang, c’est qu’il faut brider son désir.
Vieille erreur avec mon désir.
Il faut savoir en différer la réalisation, ça oui.
Chagriné qu’Hervé ne me dise pas « Viens. »
Et bien, il faudra savoir rappeler Hervé, être patient.
Parler aux gens, « normalement », établir avec eux les passerelles de la communication, au jour le jour.
Seule solution.
Je note que, disant à Hervé « j’ai chargé Agnès de plein de problèmes. Elle sera mûre pour l’analyse… », il dit « Ce n’est pas sûr ! » J’acquiesce. Vrai que c’est ma culpabilité qui parle et que l’autre, extérieur à ma culpabilité, ne peut me comprendre, vrai qu’il me contredit et vrai aussi qu’il a peut-être raison. Disons : en partie raison. Agnès n’a pas que des problèmes, elle a aussi des joies, des oublis, des rêves.
Voir la totalité des choses. Tendre à cela, en tout cas.
Vrai aussi que l’avenir d’Agnès dépend de moi aussi.
Le passé est joué. Il est ce qu’il est.
Je pensais dans le métro, à lui parler de Colette et moi. Encore une erreur : affaires d’adultes, comme dirait G. Je choisis les attitudes qui m’arrangent…

Non : ça me revient : je pensais que mes pensées ont « déteint » sur elle, comme disait G. et qu’elle a pris peut être ce pli de « majesté » que je lui aurais transmis… Je voulais lui dire que dans la vie, les choses étaient différentes de ce qu’on a dans sa tête.
J’ai réfléchi. Pourquoi pas ? C’est vrai.
Je pense qu’à l’issue de ce conflit, Agnès se sentira « gagnante ».
C’est moi qui ai créé cela, moi aussi en tout cas.

– Note écrite à 35 ans

VÉCU – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – AGNÈS

Il y a de l’enfant en moi, dans mes rapports avec les femmes. Elles savent d’ailleurs me le dire pour me faire mal, oubliant alors qu’elles ont aussi aimé cet enfant en moi… Il y a de l’enfant naïf, confiant, aveugle, enthousiaste… Je n’écris pas cela avec amertume. Cet enfant, au lieu de chercher à l’étouffer, il me faut l’aimer, le comprendre, l’aider à grandir et à devenir moi. J’ai déjà écrit cela, à peu près, dans les dialogues du  » Premier livre…  » Mais je parlais de l’écouter, cet enfant, seulement de l’écouter. Alors qu’un enfant ne peut pas toujours parler, dire… (comme disait Agnès :  » Krystelle ne peut pas vous dire ce qu’elle ressent… « ) Cet enfant en moi, il faut l’aimer pour le comprendre. Entre  » Le premier livre  » et maintenant, il m’aura fallu un an pour comprendre cela…

– Note écrite à 35 ans

VÉCU – AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – KRYSTELLE

Pensé tout à l’heure à Agnès appelant – dans les débuts – Colette : « Maman ».
Je me demande si ce n’est pas parce qu’elle a été empêchée d’entrer dans la voie de cette illusion (d’être la mère d’Agnès) que les rapports Colette – Agnès ont été bloqués.

Refus d’une prise en charge dont elle sentait intuitivement qu’elle était source d’erreur (prétexte : « Elle a une mère, déjà… »), ce dont j’ai mis, moi, si longtemps à me rendre compte et encore a-t-il fallu l’analyse !
D’autres part, ce qui gênait sans doute Colette dans Agnès, ce n’était pas qu’elle ait une mère, mais un père !
Ça n’entrait pas dans son schéma de l’enfant sans père (elle – Krystelle), au contraire, il y avait là motif d’une jalousie inconsciente qui s’exprimait pourtant clairement dans ses colères à propos de nos rapports à 2, Agnès et moi (occultant carrément ses rapports à 2, Krystelle et elle, pourtant plus fréquents et délibérément affirmés comme « en miroir »…)

– Note écrite à 35 ans

2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE – AGNÈS

Je suis rentré et j’ai  » grignoté  » (comme elle dit) devant la télé. Ai fait un de ses gestes : me suis servi du vin dans un verre…
Me suis senti bien là…
(Ai compris qu’elle se sente bien, seule… qu’elle ne connaisse pas mon angoisse.)
On était bien ensemble, souvent…
Je me créais l’angoisse pour ne pas goûter ces moments là…


Chaque fois que j’ai ce type de pensée, je me dis :  » Oui mais Agnès ?  » Ce qui m’apparaît c’est l’énormité de ma culpabilité vis-à-vis d’Agnès, devant le fait que l’ai abandonnée… J’ai voulu faire partager cette culpabilité à Colette. Cependant, il est vrai qu’elle ne l’aimait pas. (« Je ne détestais pas ta fille » m’a-t-elle dit la dernière fois encore qu’on s’est vus. Ni aimée, ni détestée. Cette mentalité n’aurait-elle pas pu me suffire. Il y avait Krystelle et on la le problème du « père fictif »…

– Note écrite à 35 ans

AGNÈS – MA 1ÈRE PSYCHANALYSE (1980-1987)

Séance de ce soir : j’ai tant pleuré.
Sur l’enfance d’Agnès perdue (= la mienne).
C’est parti du fait qu’hier matin, j’ai cherché dans carnets ce que j’avais écrit en 70, au moment de l’analyse. Me suis aperçu que : rien écrit !
Repris carnets deux ans et demi après. À ce moment : écrit résumé des deux ans et demi.
En en parlant à G.,  je me suis aperçu que j’avais oublié de noter la naissance d’Agnès ! → Vive culpabilité → sanglots douloureux et soulageants.

– Note écrite à 36 ans

1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – AGNÈS

(Épisode Jocelyne : le samedi, je lui avais dit que sa nouvelle coiffure la vieillissait. Elle l’avait mal vécu. Après, j’avais été triste sans comprendre exactement pourquoi, puis je me le suis formulé. Le dimanche soir, Jocelyne veut me faire boire du champagne. Elle me dit : « On parle faux ! » Je lui dis : « Je voulais te dire que si je n’ai pas aimé ta coiffure, c’est que je ne voulais pas que tu vieillisses ! » Elle dit : « Oui : notre jeunesse… ! » Je parle de l’enfance d’Agnès qui m’obsède. Nous nous serrons très fort. Elle me dit : « On y arrivera… Je t’en veux encore, mais on y arrivera… » Agnès entre à cet instant… Pendant un instant, nous sommes réunis tous les trois).

– Note écrite à 36 ans

AGNÈS

Il s’est passé tant de choses, ces derniers jours… !
Samedi : pris Agnès école. Courses ensemble (Félix potin). Après-midi ici (Agnès télé).
Agnès, le matin, quand je la prends, me dit : « Je voudrais vivre avec Papa et Maman » Moi : « Tu ne t’es pas encore habituée ? » Elle : « Si je ne me suis pas habituée, c’est que tu te disputais tout le temps avec Colette ». Elle me parle aussi de sa mère qui a répété publiquement ce que je lui ai dit quand j’ai téléphoné le jour de Noël (« Je regrette de ne pas t’avoir aimée comme tu aurais voulu »).
Ce soir, j’amène Agnès chez Tata Lucie, où est Maman.
Rendez-vous Boule d’or avec Mathilde. (Corsage en satin noir avec col blanc). On va voir « L’empire des sens ». Malaise → restaurant en sortant (Taverne Strasbourgeoise près Odéon). Discussion sur sexualité enfants (ma culpabilité vis-à-vis d’Agnès → culpabilité Mathilde par rapport à ses enfants (elle pleure).
Elle ne m’expliquera ses larmes que plus tard, à la maison (j’ai aussi pleuré parce que j’espérais de « L’empire des sens » une excitation érotique et qu’elle n’a été que tendre et oppressée).
Maison : amour fort. Je crois que c’est là que Mathilde me dit « Je jouis » (sur moi »)
Dimanche : après-midi. Nous allons chercher Agnès boulevard Pasteur→ jardin d’acclimatation. Moments heureux. On joue à plusieurs jeux. Dépense physique. Rires. Joie. Détente. On raccompagne Agnès ensemble
Par la suite, je montrerai à Mathilde combien Agnès est ouverte par rapport à elle. (Pour Agnès soulagement chez elle par rapport à femmes comme Pascale ou Mathilde) (À un moment, Agnès parle de sa condition d’enfant unique et évoque, à mots couverts, difficultés relationnelles avec autres enfants).

– Note écrite à 36 ans

AGNÈS – MES PARENTS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – MA 1ÈRE PSYCHANALYSE (1980-1987)

Autre phase de la séance : le triangle brisé
Papa/ moi /Maman
(les séparant fantasmatiquement)
Moi / M. (amant de J.) / Jocelyne
Son père / M. / sa mère
Moi/ Agnès / Jocelyne ← moi me culpabilisant de la culpabilisation d’Agnès par rapport à notre conflit (Agnès : « C’est ma faute »)
G. : « Il est probable que vous projetez sur Agnès votre culpabilité par rapport à votre désir de séparer vos parents… »
+ « Agnès est probablement amoureuse de vous et donc ravie et coupable de votre séparation. »

– Note écrite à 37 ans

 

AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(22h15)
Heures fertiles en événements :
Je raccompagne Agnès à la gare d’Ermont Eaubonne. Jocelyne m’y attend. Elle me propose de me prêter de l’argent.
Après, j’ai la gorge nouée. Les larmes aux yeux. Immense tristesse. Pensé à la mort. Sentiment de culpabilité devant cet amour qui ne se dément pas (Elle m’a dit : « Je t’aime tant ! »)
Je songe aussi au rapprochement que je peux faire avec ma mère me donnant de l’argent.

– Note écrite à 37 ans

VÉCU – AGNÈS

(2h du matin)

Aujourd’hui, ce soir, suis sorti dîner avec Karen et Marion.
Rentrés après le repas (métro).
Rentré à la maison, et finit de lire « Belle du seigneur ». Lu la fin, leur suicide.
Bel et grand amour que le leur, qui préfère se saborder que de se rendre au temps qui l’assiège et le grignote.
C’est si important, l’amour, bien plus important que mes misérables préoccupations de plaire et séduire.
C’est bien ce que j’ai compris, ce soir, et en dînant et en lisant, les deux mis bout à bout, d’abord cette preuve que je peux plaire à une femme, en ne la soulageant pourtant pas de sa souffrance puisque je ne lui apporte pas l’amour… Puis cette image d’amour et de mort, de temps qui passe et quand je lisais Ariane se remémorant son enfance, je pensais Agnès, à l’enfance d’Agnès.
Oh, pourvu que j’ai le temps de vivre assez pour lui dire combien je l’aime, mon enfant chérie, mon « petit bouchon », ma Gnouche, ma Gnouchy !
Oh, grand amour de ma vie, sache combien ton père t’a aimée. Je pleure en te l’écrivant. Je voudrais tellement que tu sois heureuse. Tout à l’heure, j’ai pensé au garçon qui viendra dans ta vie et j’ai eu un élan vers lui, le désir de l’aimer, comme un fils, par amour pour toi.
Je ne peux pas regarder les photos de ton enfance sans frémir, de culpabilité, de souffrance. J’enrage de voir que certaines, inexplicablement, se sont collées les unes aux autres…

– Note écrite à 39 ans

VÉCU – AGNÈS – 3ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : MATHILDE

Depuis dernières notes :
Dimanche dernier : m’ennuyant, j’arrange un dîner à la maison des B. mais Mathilde fait la gueule : je me mets en colère, la frappe. Agnès, présente, en larmes, essaye de m’arrêter, me gifle. Bagarre générale : Mathilde s’y met aussi, casse miroir, me tape sur la tête avec téléphone, se bat avec Agnès.
Ça s’arrange quand je vais téléphoner à Jocelyne pour ramener Agnès et m’en aller ailleurs.
Mathilde s’excuse. Réconciliation
Plus tard, j’en parle avec Karen et Marion.
Marion parle de « chantage ». Ça me remue.
Je pense depuis à cette idée de chantage (cf. Colette).

– Note écrite à 39 ans

VÉCU – AGNÈS

 (Café Costes 1h10)

À la radio : Sting (« Russians ») ← (Plus tard : cette chanson repasse. Ce n’est pas « Russians », mais la chanson sur le loup-garou écoutée sur la FM la nuit)

Commentaire du 16 septembre 2015 :

Je n’arrive pas à me rappeler de quelle chanson je parlais, peut-être : «Moon Over Bourbon Street » ?

– Commentaire écrit à 68 ans

Je pense à Agnès. Cette chanson (« Russians ») restera sans doute comme symbolisant son début d’adolescence. Elle s’éveille à la conscience de l’injustice, de l’absurdité, de la tristesse du monde.
Comment éviter tout cela à nos enfants ?
Malheureusement, c’est impossible… !

(…)

(Plus tard)

Sting à nouveau. Retour d’Agnès… (ce coup-ci, c’est bien « Russians »)

– Note écrite à 39 ans

VÉCU – AGNÈS – MA 1ÈRE PSYCHANALYSE (1980-1987)

Séance d’hier. Je pleure, parlant d’Agnès.
(Évoqué ma peur de ne pas pouvoir la protéger, mon chagrin a n’être pas sûr qu’elle soit heureuse).
G. : « Vous projetez sur elle le désarroi où vous étiez devant ce que vous pensiez être l’impuissance de votre père. » (→ Me fait penser à son impuissance au moment mort de Nini).

– Note écrite à 39 ans

3ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : MATHILDE – AGNÈS – VIOLENCE – COLÈRE – TÉLÉVISION

Cette nuit : crise avec Mathilde.
(Commencé par discussion au lit, partant du passé de Mathilde avec son mari et arrivant à Agnès et Mathilde disant qu’elle n’était pas contente qu’elle se soit « mêlée de ses affaires » → colère.
Violence. Dormi dans le canapé. Re-crise ce matin avant qu’elle parte + elle m’appelle : « J’en ai marre de ces crises » → re-colère.

Mauvaise journée.
Culpabilité.
Abattu.
Rencontré Jean-Claude Salou du « Jour du seigneur ».
Rien avant juillet ou septembre…

Pas pu joindre Horbette.

VÉCU – AGNÈS

Flip. Et puis, en travaillant, c’est passé !
Mais ça me fait penser à Agnès disant : « Je n’y pense plus ! »
Agnès, ma petite enfant !
Quand je pense qu’il a suffi, l’autre jour, que je sois en retard (suite malentendu) et que sa mère se mette en colère et la voilà en larmes !
« Je n’y pense plus, mais je reste fragile… ! »
Malédiction sur moi !
Je suis toujours au bord des larmes.
Et cette blessure déçoit Mathilde et lui pèse !

-Note écrite à 39 ans

VÉCU – AGNÈS

(11h50 café « Père tranquille »)

Bien. Faisons le point.
Hier : samedi matin. Mathilde se réveille de mauvaise humeur. Me fait un procès : elle n’est pas satisfaite de sa vie = ne fait plus rien. Je ne lui propose rien. On ne partage plus.
Elle menace de s’en aller le week-end. Veut m’empêcher de prendre la voiture pour aller chercher Agnès comme prévu (j’essaye de téléphoner pour dire à Marc d’aller la chercher, mais ça ne répond pas. Je suis obligé de me sauver pour y aller, car elle est en colère et veut me retenir.
J’y vais. M’arrange avec Jocelyne pour rendez-vous afin qu’elle récupère Agnès, car j’ai l’intention de passer la nuit à l’hôtel et ne veux pas imposer ça à Agnès.
(…)
Je rapporte voiture et télécommande parking à Mathilde. Je laisse Agnès en bas et monte. Elle gueule parce que je m’en vais et casse deux miroirs. Me dit qu’elle me demande quelque chose que je réponds par départ : égoïsme…
Après-midi avec Agnès (déjeuner dans pizza rue de la Harpe – « Au cœur de la nuit » – Achat dans librairie à côté du ciné : photos d’« Autant en emporte le vent » pour Agnès + bouquin de Michel Chion sur scénario pour moi (acheté aussi aux Puces livres sur Juifs pour Agnès et cartes postales rue des Écoles).
Métro → rendez-vous Porte de la Chapelle. On va dans un bistrot. Y entrent : Marc et le grand-père L. (grand-père d’Agnès côté maternel). Je les invite à boire un verre.
Ils partent.

– Note écrite à 39 ans

VÉCU – AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE

À noter : conversation avec Agnès.
On parlait de ma culpabilité de l’épisode Colette.
– C’était une histoire condamnée d’avance, dis-je.
Agnès : « Quand on aime, on ne sait pas ! »
Quelle lucidité chez cette adolescente de 14 ans !

– Note écrite à 39 ans

VÉCU – MES PARENTS – AGNÈS

(23h35)

Je commence ce carnet par une note de tristesse et d’angoisse : tout à l’heure, en rangeant mes cassettes, j’ai passé cassette conversation avec parent (pourquoi a-t-elle été effacée ? Il n’en reste qu’un petit bout…)

J’ai entendu la voix de Papa et celle d’Agnès, petite (trois ans ?). Une émotion, une angoisse terribles m’ont étreint… Presque autant d’entendre la voix de mon petit bout de chou que celle de mon père chéri… Mathilde elle aussi a été bouleversée…

Dura lex, sed lex… !

Que faire d’autre que vivre ?


(0h30

Joie ! Pleurs de joie ! Je viens de vérifier : l’autre face de la cassette est pleine !

J’en ai réécouté un petit bout. Je réécouterai tout plus tard, tranquillement (je suis fatigué). Ça m’a fait beaucoup moins mal que tout à l’heure. Au contraire, je suis heureux d’avoir cette trace de ceux que j’aime tant ! Je vais m’endormir plus paisible…

– Note écrite à 39 ans

VÉCU – AGNÈS – 3ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : MATHILDE – MICHAEL – ZELDA

Fêté mes 40 ans avec Agnès, Michael, Zelda et Patricia et ses deux gosses.
Au moment où ils me chantaient « Joyeux anniversaire » devant le gâteau avec bougies allumées, j’ai pensé qu’un jour je me souviendrai de ces visages d’enfants, lorsqu’ils seront plus des enfants…
Ils m’ont fait plaisir (Michael m’a acheté deux bougies parfumées).

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

(18h50 Gare du Nord)

Dans le train pour aller à Cernay, à la clinique, voir Agnès qui a été opérée de l’appendicite ce matin…
Jocelyne m’a laissé message hier pour m’apprendre ça…
L’opération s’est bien passée. Je l’ai eu ce matin, mais elle était encore faiblarde…
Pour la première fois, ma petite fille allait être opérée : ça m’angoissait… Moins que Jocelyne, toutefois, qui est restée, dans la voiture, hier soir, effondrée, dans un de ces états somnambuliques que j’ai si bien connus (et que je détestais…)
Terrible de découvrir concrètement que son enfant est exposé à la maladie, à la souffrance… Bien sûr, cette fois-ci, c’est bénin, mais voilà qui réactive ma vieille angoisse et ma vieille culpabilité : avoir mis au monde un être promis à la souffrance et à la mort !

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – 3ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : MATHILDE – MICHAEL – ZELDA

(21h 30)
Agnès, Zelda et Mathilde regardent « Flipper le dauphin » à la télé.
Elles rient, s’attendrissent sur cette tendre bête…
Quel dommage qu’il n’y a personne à prier pour les protéger, leur conserver longue vie et leur assurer le bonheur…
Personne. Sauf moi-même ?
Pas Dieu, mais homme tendre, gentil, aimant…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Je suis furieux et désolé : je croyais que les poèmes d’Agnès étaient tombés derrière la commode. On l’a déplacée. Ils n’y sont pas ! J’ai cherché partout, je les trouve pas. Quel con j’ai été de ne pas les planquer ! Je voulais aussi que cette chambre reste la sienne, par des choses d’elle accrochées au mur…
Je suis triste !

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Hier, Agnès et moi sommes allé voir « L’étrangère » de Zelda Baron…
Très beau film, comédiennes remarquables, mise en scène sobre, mais souple. Bref, c’était si bien que je me suis senti tout petit, incapable de tant de talent et, en sortant, dans la rue, me suis mis à pleurer dans un coin de porte.
Agnès l’a mal pris.
Elle m’a fait la gueule pendant tout le chemin du retour…
Je n’ai rien dit. Je te comprenais, Agnès :
Tu m’idéalises et tu es furieuse de voir ton idéal montrer de la faiblesse.
Furieuse parce qu’angoissée à ce spectacle…
Et puis, sûrement, tu penses que ces larmes n’étaient pas justifiées, car tu crois en ma valeur…
Je ne sais pas si tu liras ces lignes, mais sache que j’ai compris tout cela.
Je pense seulement qu’avec le temps, tu me comprendras…
Mais surtout : si jamais tu venais à t’en vouloir de ta bouderie, je tiens ce que tu ne te la reproches pas… ! Après tout, c’est une réaction pleine de santé.
Tu as raison de désapprouver mon défaitisme…
Raison dans l’absolu, mais en pratique : on craque parfois – même les pères – cela tu le constateras par toi-même et tu découvriras que c’est humain…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Samedi : reprise de la dispute avec Mathilde sur le même sujet (photo actrice). Mathilde s’en va tout l’après-midi.
Agnès me fait une scène, m’accusant d’à peu près tout jusques et y compris de l’avoir fait naître…!
Je ne cède pas cette culpabilisation. Me montre calme et fort. Ça se tasse.

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

(19h40)

Je viens de raccompagner Agnès à Eaubonne et ça s’est mal passé entre nous. Pour la première fois, je crois, je lui en ai voulu.
J’avais parlé de mon projet « France interrogée » et, comme j’y pensais et ne parvenais pas à m’arrêter à une solution satisfaisante, j’ai tapé sur le volant.
Agnès m’a dit alors de « ne pas m’énerver comme ça… »
En fait, ce coup sur le volant reflétait l’excitation que j’ai à cogiter sur une idée, à m’approcher d’un résultat intéressant. C’était une manifestation en fait positive.
J’ai dit à Agnès que c’est parce que je me laissais aller avec elle que j’agissais ainsi et, que, au lieu de m’en faire reproche, elle devrait plutôt bien le prendre.
Agnès, au fait de mes problèmes avec G., m’a répondu ceci : « Tu crois que quand tu fais quelque chose parce que tu es bien avec quelqu’un et que tu te laisses aller, ça ne gêne pas les autres !…»
Je l’ai mal pris. Lui ai dit : « Je me le tiens pour dit. Je garderai mes idées pour moi et leurs manifestations…»
Ai fait la gueule jusqu’à Eaubonne.
Une fois arrivés, elle m’a dit au revoir, s’est aperçue que j’étais mécontent, m’a demandé ce que j’avais → mutisme de ma part → elle est rentrée.
Je m’aperçois que rares sont les gens qui m’ont accepté tel que j’étais. Pas ma propre fille, en tout cas.
Je me suis dit que c’est exactement l’histoire des pets avec G. qui se répétait ( c’est le cas de l’écrire… !)
Depuis quelques temps, Agnès m’a fait plusieurs remarques sur mon mauvais caractère, ma nervosité aussi, cet après-midi : « Tu n’es pas indulgent ni avec toi-même ni avec les autres… Surtout pas avec toi-même…»

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Agnès s’éloignant de la voiture sans un mot, c’est pour moi quelque chose de très pénible à vivre.
Et je me suis pris à désirer qu’elle me téléphone « pour parler », comme je le désirais pour Colette, comme je l’attendais…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

(0h15)

Je rentre à mon hôtel (Terminus à Tourlaville, près de Cherbourg) et je suis soudain, imprévisiblement, saisi par une terrible culpabilité vis-à-vis d’Agnès, culpabilité de ne pas m’être assez occupé d’elle, de l’avoir irrémédiablement blessée par le divorce et ce qui me revient, une fois de plus, c’est le souvenir d’Anne m’expliquant que « Bilbo Bagin » (Baguin, prononcé par la petite voix d’Agnès, elle avait cinq ans et demi à l’époque… !) c’était Bilbo le Hobbit de Tolkien…
J’ai déjà demandé à Agnès (car ce souvenir revient souvent, d’une façon assez obsessionnelle) : elle ne s’en souvient pas…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – CINÉMA – PROJET « LA MORT DANS L’ŒIL » – ÉCHEC – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – DÉSESPOIR – DÉPRESSION – AGNÈS

(12h40 – parking CES Diderot, Tourlaville)

Tout à l’heure, vers midi, appelé le CNC : « Ça été négatif » m’a répondu la voix

Retour à la désespérance.


(Cour du collège)

Le plus dur maintenant est de rester digne et d’assurer mes devoirs envers les autres alors que je n’ai qu’une envie, c’est d’être seul…

Non. J’ai tout de même la pulsion – dérisoire et inutile – de prendre d’autres (?) à témoin de ce que je ressens comme une injustice majeure…


(18h20 – snack-bar sur autoroute, retour à Paris)

Difficile d’écrire tout ce que j’ai ressenti, successivement depuis cette fatale minute où j’ai su…

Cet après-midi : repérage cidre dans ferme avec un brave monsieur (Dugardin), normand aux beaux yeux bleus qui comprenait bien que j’aie à « me renseigner » sur les choses… !
Puis retour et, à Bayeux, soudainement, une fois de plus, la pensée d’Agnès m’a submergé. Il a fallu que je murmure son nom, en pleurant : « Gnouchy, Agnès, fifille »… interminablement…

Puis autoroute et, peu à peu, la combativité m’est revenue.

1/ Voir Bourboulon, le chiffrer en 16mm. Voir si faisable avec achat droit commande : brancher Jean-Jacques Bernard

2/ Si ça non plus ne marche pas, le faire en vidéo.

Tout ça cogne, blesse, mais ne tue pas !

Irréductible bonheur de vivre !

C’est vrai que je vis, que je ne suis pas mort et que c’est énorme.

Mais il est vrai aussi que ma vie se réduit par rapport à mes espérances à la plus stricte expression…

Pas de satisfaction dans la séduction.
Difficultés d’argent, de survie professionnelle.
Pas de satisfaction dans la création… !

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Pendant le week-end Agnès a reparlé de sa haine des murs en briques rouges (elle y est revenue plusieurs fois, elle l’évoque avec insistance) me disant qu’elle n’en saurait sûrement jamais l’origine…
Moi, je repense à ceux du Pré-Saint-Gervais (elle aussi s’en souvient bien) et je me dis qu’elle y a sûrement été – mais « sans le savoir » – malheureuse…
Ah, si l’on pouvait revenir en arrière… !


Qu’est-ce que je ferais, en ce cas-là ? Je resterai avec Jocelyne, pour Agnès ? Pour qu’elle ne souffre pas de ce divorce ? Peut-être… !
J’aurais pu – c’est vrai – comme me l’a d’ailleurs dit Jocelyne elle-même – rester avec Jocelyne et avoir des aventures (je l’ai fait d’ailleurs…) Alors pourquoi l’avoir quittée… ?
Pour vivre quelque chose dans le genre Colette sûrement, ce que je me suis d’ailleurs empressé de faire… !
Quel gâchis !
Est-ce une chance, ma relation avec Mathilde ou bien quelque chose de « mérité », de logique, disons, au fil d’une évolution de ma part… ! ?

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – 3ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : MATHILDE – MICHAEL – ZELDA

Dimanche matin : violence extrême. (Gifle de moi, coup de brosse dans le visage par elle, moi lui lançant des choses à la tête, la saisissant (Agnès me retenant en hurlant d’arrêter, que je suis fou…)
Agnès lui disant de partir. Elle est partie avec les enfants qui assistaient…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Un mot d’Agnès me revient (elle me l’a dit alors que nous marchions, après la violence terrible du dimanche où Mathilde est partie) : « Tu ne veux pas qu’on t’aime » !
Là est le nœud.
Pourquoi ?
Pourquoi je ne le veux pas ?
Je préfère les situations de conflits, de ressentiment. La voilà, ma triste manière d’aimer.
Pourtant, là tout de suite, je sens en moi le raisonnable désir d’écrire à Mathilde qu’elle m’a donné du bonheur, que j’ai été bien avec elle et lui en suis reconnaissant, que cette relation m’a été douce et que je veux qu’elle dure encore, qu’elle m’apporte la paix en ce bref passage sur la Terre.
Pourquoi est-il si difficile de dire des mots d’amour et de tendresse ? Pourquoi me réfugier dans la rageuse exigence du sexe considéré comme un combat et de la jouissance comme une victoire qu’on arrache ?
C’est peut-être qu’il y a en moi, ce qu’il n’y a pas en elle – parce qu’elle est Femme et moi Homme ? – le goût du combat et de la mort ? Que Sexe et Violence s’entrelacent pour moi et que mordre, griffer, serrer convulsivement sont les gestes d’amour qui me paraissent d’autant plus précieux qu’ils sont dangereux, chargés d’animalité…?
J’ai oublié d’écrire tout à l’heure, à propos de notre discussion d’hier soir, qu’elle m’a dit qu’elle avait peur parce que, peut-être, je voyais en elle mieux qu’elle-même (mais ma mémoire me trahit, là ; n’est-ce pas qu’elle voulait dire que je voyais clair en la voyant plus détachée de moi ? Il me semble pourtant qu’elle a exprimé une peur du sexe… Oui, elle a dit : « Les hommes me font peur, pourquoi ? » Et j’ai répondu, en gros : « Parce qu’on a peur de souffrir. Les hommes aussi ont peur des femmes. »

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

(Paris)
Fini tournage avions. Récupéré tirages photos Agnès à Pierrefitte…
Magnifique série. Sort très bien en 18 x 24 (et une en 40 x 50, choisie par Agnès).
Je me suis retenu de pleurer jusqu’ici…
Puis, arrivé ici : éclaté en sanglots. Je me sens si coupable, quand je vois ce visage rieur, innocent, cette  adorable petite fille, dont j’étais fou…!
(« Comme un géant »… « Elle a trois ans, je suis fou d’elle… ! ») Un géant… ! Tu parles !
J’ai pleuré sur ma culpabilité, sur ma lâcheté, sur ma connerie.
On ne fait pas d’enfants si c’est pour les quitter
René, mon frère, lui, au moins, est en paix avec sa conscience et avec ses filles…
Quant à moi, Agnès est bien en droit ne me faire des reproches…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – MA MÈRE

(16h 05 Café terrasse place Gambetta)
Deux petites filles (trois ans ? quatre ans ?) passent, se tenant par la main (petite jupe bleu clair -T-shirt rose – coupe « au bol » (un peu la Diane du C.E. de l’école Sainte Bernadette) et je pleure…
Pourquoi ? Pourquoi l’innocence, la vulnérabilité de l’enfance me font-elles pleurer ? Parce que toujours se réveille ma vieille culpabilité vis-à-vis d’Agnès et, plus profondément encore, ma propre blessure d’enfance… ?
Mais laquelle ?
Me suis encore engueulé avec ma mère au téléphone tout à l’heure. Tout en elle, toujours, sous-entend la critique venimeuse à l’égard de ses fils (c’était parti de l’obligation qu’aura René de se lever tôt chaque jour, s’il vient travailler dans le 20e) et je lui ai gueulé que je croyais en ma valeur (mais c’est une autre valeur que la marchande…)


Pendant la conversation elle m’a dit :
« Tu m’as trahi ! » ! ! !

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – LORIENT

(14h25 Lorient. Cours de la Bove. Café « Le théâtre », celui où j’ai dit à Jocelyne « J’ai envie de faire l’amour avec toi… » et où elle a disparu dans les toilettes…)

(Je suis assis à peu près dans le coin où nous étions, bien que la décoration du café ait changé, mais l’implantation du lieu reste apparemment la même).
J’ai filmé ce café, à l’extérieur.
Pourquoi est-ce que je fais ces images ?
Je ne sais pas. Peut-être pour Agnès. Pour qu’elle ait une trace du lieu où ses parents ont décidé de s’unir sexuellement, ce qui devait par la suite lui donner naissance…
Par ailleurs, ici, j’attends l’heure de la vedette pour aller à Gavres…

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

(Voilà, je suis venu m’installer à la terrasse (déserte). Je n’entends presque plus cette bouillasse « musicale ». Devant moi : verdoiement paisible. À droite : Saint-Eustache (où je suis entré samedi soir, la nuit tombante, avec Agnès. Elle avait peur à cause de « L’exorciste » vu récemment à la télé.)

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – 3ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : MATHILDE

Cette nuit : pas de violence (à part coup sur la main de Mathilde mais pas fait exprès : c’était parce qu’elle a avancé sa main au moment où je tapais sur le lit !) Mais : mal. Problème chômage et problèmes sexuels. Je lui reproche de ne pas avoir d’appétit.
J’ai beaucoup pleuré cette nuit. Gros sanglots. Chaque fois que c’est comme ça, c’est ma culpabilité vis-à-vis d’Agnès qui ressort et je pleure en l’appelant…
Je me suis endormi à six h du matin.
Tristesse. Malaise. La seule lumière, ce matin : eu au téléphone Marie-Claude G. qui a aimé « L’amour de loin »…!

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Tous ces jours de chômage et de solitude, je les ai beaucoup passés assis ici à cette table, écrivant et regardant plus ou moins distraitement la télévision.
Et là, pour la deuxième fois, je viens d’éclater en sanglots, en voyant des scènes qui montrent une fillette (12 ans ?) et son petit frère (un adorable bébé blond) (c’est en suédois ?)
Je pleure en pensant à Agnès, non : je sanglote. Je n’arrête pas de lui répéter « Je t’aime ». Ils sont seuls tous les deux sur une île. Leurs parents arrivent. Tout le monde s’embrasse et moi je pleure à nouveau. Oh mon enfant chérie si tu savais combien je t’aime et me sens coupable vis-à-vis de toi !

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Agnès dort dans la petite chambre. On a regardé la télé (Champs-Élysées, spécial Thierry Le Luron, vraiment génial, ce mec !)
Je m’aperçois que je n’ai pratiquement jamais rien noté des choses concrètes comme ça, des choses « sans importance particulière », mais qui font le fil des jours, le fil des week-ends avec Agnès, depuis bientôt 10 ans !

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS

Au téléphone, tout à l’heure, Agnès aussi a pleuré : la mère de sa copine Nolwenn lui reproche d’avoir ramené des garçons, dont le boy-friend de Nolwenn…
Agnès ne savait pas, elle a dit oui aux garçons qui voulaient venir. Lui ai dit d’appeler cette femme pour s’excuser d’avoir agi sans lui demander son accord… (ou sans dire à sa copine de le demander…)

– Note écrite à 40 ans

VÉCU – AGNÈS – CINÉMA

Sommes allés, Agnès et moi, voir l’expo « Cité Cinés » à la Villette.


Aujourd’hui ma priorité est de retrouver mon honneur en me donnant les moyens de mon existence à moi tout seul, ce qui est déjà beaucoup, et ceux d’assurer les études de ma fille.
Le reste, les larmes, les apitoiements, les consolations, tout ça, c’est fini !


La vie est dure mais elle est dure pour tout le monde (elle est même beaucoup plus pour l’immense majorité des gens).


Aujourd’hui Agnès m’a dit (ça ne pouvait pas être plus clair) : « Quand tu quittes quelqu’un, ça ne me dérange pas, parce que je peux être seule avec toi… » (cf. Zelda : « Il ne faut pas faire de peine à Roberto » (traduction : « Que c’est bon d’être seul avec maman ! »)

– Note écrite à 41 ans

VÉCU – AGNÈS – SANTÉ

Agnès : en parfaite santé physique, mais psychique ?
Elle me reproche de l’avoir vexée parce que j’envisageais que c’était psychosomatique. Elle dit que je ne « lui fais pas confiance ».
Elle ne sait pas ce qu’est l’Inconscient.
Toubib dit (et Jo et moi : OK) de lui dire que c’est d’origine ovulatoire. Version « officielle ».

– Note écrite à 41 ans

VÉCU – AGNÈS – SANTÉ

Pensé un truc à propos des douleurs d’Agnès et de cette cœlioscopie qui nous a spécialement liés tous les deux (cf. le réveil où elle m’appelait en pleurant).
Je me suis demandé s’il n’y avait pas là, mis en actes, un écho de ma nouvelle (de mon projet) des trois garçons qui décident de se suicider si redoublement. Or, pour Agnès : il y avait menace de redoublement…
De là à penser à une « identification à un personnage du père »… (Cela me fait penser à une intervention de G. me faisant remarquer que j’entrais dans le jeu imaginaire de Lucile (tout en la faisant entrer dans le mien, puisqu’elle portait le même prénom qu’un de mes personnages).
À noter aussi, d’ailleurs, qu’Agnès n’est sûrement pas sans se rappeler qu’Agnès est le prénom d’un personnage de « David Copperfield »… (qui meurt… ? non, Agnès, c’est la survivante. C’est l’autre épouse qui meurt, celle d’avant).

– Note écrite à 41 ans

VÉCU – AGNÈS – ARGENT

(22h20)

Agnès devait venir. Elle laisse message. J’appelle Jocelyne, lui demande argent. Elle va regarder si elle en a, ce qu’elle a est « pour faire son marché » et elle n’a pas le temps d’en retirer.
Moralité : je ne prendrai pas Agnès ce week-end ! Je suis humilié et furieux.
Ah, manque d’argent ! C’est violent… !

– Note écrite à 41 ans

VÉCU – AGNÈS – MUSIQUE – STEVIE WONDER

Événements marquants de ces derniers mois : guère… ! À noter pourtant : concert de Stevie Wonder, à Bercy, que nous sommes allés voir ensemble, Agnès et moi. Heureux de voir Stevie, bien sûr, mais peut-être encore plus heureux de la complicité avec Agnès (à un moment, elle a posé sa tête sur mon épaule… On faisait très couple d’amoureux !)


La seule chose qui m’ait gâché le concert, c’est que Mathilde était là, quelque part dans la salle, avec les enfants. Elle m’avait demandé de prendre les billets pour eux… !

– Note écrite à 41 ans

VÉCU – AGNÈS – ARGENT

Je dois écrire ici que je suis allé hier aux impôts pour le rendez-vous prévu depuis un an et demi avec l’inspecteur du trésor. Il a tout exhumé y compris les trois années de redressement. Dette à ce jour : 88 000 Fr. Que prolongent donc les 3000 Fr. par mois jusqu’à… ?
Quand Agnès entrera dans le supérieur, il faudra négocier pour baisser la dette mensuelle afin que je puisse l’aider dans sa vie d’étudiante…

– Note écrite à 42 ans

Commentaire du 05 octobre 2015 :

Un vœu pieux : je n’ai jamais pu l’aider. Pas un sou. Une de mes plus grandes culpabilités, de mes plus grandes douleurs.

– Commentaire écrit à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – FEMMES

Ruby pas disponible pour une histoire sentimentale : trop de soucis, trop de pensées dans sa tête. Et puis je crois que je lui plais pas. C’est tout.
On ne va pas passer l’année là-dessus ! « Laisse béton » me dit Agnès.


Agnès me réconforte en disant, à propos de Ruby : « Elle est con : elle a raté l’occase de sa vie. C’est ça qu’il faut te dire ! »

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – AUTRES

Hier : allés écouter groupe Philippe. Après : passés chez Alex (bordel incroyable !) Fumé plusieurs pétards. Défonce incroyable : hilarité générale.
C’est notre première défonce commune, Agnès et moi… !
Image de la fin du XXe siècle : un Père passant le pétard à sa fille… !


 (1h45)
Les invités viennent de repartir. Sommes restés bavarder tous les deux, Marc et moi. Grande complicité entre ce mec et moi.
La soirée a été profondément bonne. Grande connivence entre tout le monde.
Agnès : brillante – attirant tout le monde par sa pertinence et son ouverture d’esprit (17 ans et demi !)
Éliane : psychanalyste. Elle n’a pas fumé (fait circuler un joint) car le hasch la rend extralucide et apparemment ça lui fait peur
Danielle : réservée comme à son habitude, mais son grand sourire disait qu’elle était bien.
Roger : le cinéaste. Point de mire. Séduisant. Il est bien entré dans la musique (Stevie Wonder – José Feliciano – les Doors)
Christine : fatiguée. Préoccupée par l’imminence d’une opération (un kyste). Elle a apporté trois roses (pour les trois hommes) mais l’une manquait, décapité. Elle s’est accrochée dans mon pantalon avec sa bague-tigre !
Marc : très content de la qualité des gens présents à la soirée bien que son désir concernant Éliane ait toutes les (mal)chances d’être insatisfait !
Moi : porte-parole du bonheur du groupe. Celui qui dit et qui met la musique. Je me sens rayonner.
Raconté le filmage de la naissance d’Agnès.
Parlé du bébé retenu par l’accoucheur.
Éliane : « Parce qu’Agnès a bien voulu attendre… ! » !!!! En une petite phrase, elle ouvre une porte immense !


C’était la première bouffe depuis longtemps (j’oublie repas avec Hervé L. et Laurent) Je veux dire avec des femmes invitées ! (j’ai fait un bourguignon exquis). C’était quand, la dernière bouffe ? Je ne sais même plus. Impression de revivre.
Sur sept personne, il n’y en avait cinq qui avaient fait ou faisaient une analyse…

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS

Soirée à coups de fil (Agnès, qui veut sortir avec Philippe R. que j’ai donc invité à dîner (je monte les coups pour ma fille !)

[11 h : Marc m’appelle. Agnès flippe suite à ce coup de fil car sa mère la fait chier pour son boulot de classe. Elle veut venir chez moi. (Pourtant : pris Jocelyne téléphone pour lui dire plein de choses positives mais Jocelyne n’est pas vraiment détachée de moi, je crois…)]

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Hier, appelé Jocelyne au sujet Agnès. En ai profité pour lui dire 1/ que j’allais l’aider financièrement 2/ que je l’aimais toujours…


(01h)
Mal m’en a pris : l’ai appelée ce soir vers 10 h du soir pour proposer qu’Agnès vienne à la neige et arranger ça pratiquement : elle m’a fait toute une histoire (l’histoire d’une vie…) se plaignant que je la réveille. Une fois rentré, trouvé un message d’elle, raccroché après un « et puis crotte… ! »
Je dois la rappeler demain matin

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CINÉMA – AUTRES

Commentaire du 05/10/2015 : ci-dessous les notes déposées (dans cet ordre) dans mon carnet après projection de mes courts métrages à la salle de projection de Claude Lelouch avenue Junot par tous les convives que j’avais invités au restaurant Graziano (Moulin de la Galette) le 06/04/1990 :
– Marielle, mon amie du moment
– Pierre (Clémenti), dont je venais de voir les films (dont « À l’ombre de la canaille bleue ») et que je fréquentais à l’époque, voulant le faire tourner dans mon film « Mélissa » si je l’avais réalisé
– Jean M., co-scénariste avec moi du projet de film « l’Image de Pierre »
– Annie D., comédienne dans mon court métrage « Une seconde jeunesse » (1976)
– Olivia, une amie astrologue
– Stéphane, un jeune graphiste ayant réalisé les dessins du scénario du film « Mélissa »
– Agnès, ma fille…

– Commentaire écrit à 68 ans

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– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS

Hier soir, Agnès m’a expliqué la phrase mystérieuse de son texte : « Si Dieu était trop miséricordieux, nous nous pourrions pas le supporter et nous trouverions amer d’aller au ciel si facilement ». → Analyse : exprime le besoin d’un Père Sévère. Satisfait(e) ?


Religion catholique : de la Souffrance.
Jésus. Tu es un mystère pour moi. Je viens peu à peu vers toi. Je crois.

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – MALADIE – MORT- DIEU

De tout à l’heure au téléphone avec Agnès à la Claverie : mon lapsus : au lieu du « concert » de Wembley, j’ai dit le « cancer » de Wembley !
Agnès l’a pointé et je l’ai analysé : cancer = vie. Cancer d’amour, cancer de vie, partant de Wembley et se répandant à travers le monde. En tout cas, c’est mon Désir.
Je pense au cancer, la maladie, qui a tué mon frère, qui est peut-être la prolifération de la vie, des cellules, mais qui bloque certains organes dans le corps et crée un dysfonctionnement.
Je me demande alors :
« Et si la Mort était une Erreur de Dieu ? »

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS

(23 h 08)
Dîné au « Raymond IV » avec Zyf, Agnès et Éric, avec qui elle sort ! (Je l’avais rencontré devant le lycée Van Gogh quand Agnès y entrait)
Lui : « La mémoire comme moyen de domination sur les autres… »
Oui : trou de mémoire = faute. Les autres qui guettent mes fautes. J’ai droit à un pourcentage d’erreurs. Mais lequel ?
En ce moment, chez moi : réflexion sur l’acte manqué comme erreur.
Mais comme j’analyse mes actes manqués –> erreur = mère de la vérité. C’est ma leçon en cours.


Éric fait tomber son cache objectif. Je lui demande :
– Quel objectif tu caches ?
– 37-75
– Tu ne me dis pas 18-85 ?
– Non
Je voudrais que ma fille soit heureuse.

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CONFLIT

(20h30)
Encore une engueulade avec Agnès, alors qu’elle m’appelait pour venir ce week-end. « Je ne t’écoute pas » a-t-elle dit. J’ai raccroché
Les Autres n’acceptent pas d’avoir tort. Elle, son point de vue, c’est que c’était à moi de leur dire : « Vous payez votre resto » + elle m’a sorti de je ne sais où que je lui avais dit : « Il faut lui rectifier la tête à celle-là ! » (Ça devait être une vanne : j’étais bien ce soir là) + que Zyf était d’accord (il m’énerve, celui-là, à se mêler de l’éducation de ma fille).
Ma lettre n’a servi à rien. Ma Parole ne porte plus. Le Monde a cessé d’être amical.

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CONFLIT

(Matin)
Hier soir j’ai appelé Agnès. « Tu ne l’aurais pas fait… » – « Non. Puisque tu as raccroché. » – « Tu m’as dit : « Je ne t’écoute pas » – « Non, puisque tu me criais dessus … »
Ma Vérité ne porte plus.
J’avais besoin de dormir. Je ne suis pas sorti. Me suis endormi le plus tôt possible.
(…)
Agnès ne vient pas ce week-end.
Je pense à sa tranquille certitude de femme, désormais. Cette sereine façon qu’elles ont de rire des hommes et leur dire qu’ils ont tort.
« Il y a des choses fausses dans ta lettre… »
Lesquelles ? J’aimerais bien savoir. Comme si je ne la connaissais pas, ma fille !

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CONFLIT

Bilan et souvenirs du week-end :

Samedi soir : Agnès me rappelle. Conflit. Je veux qu’elle change d’avis, pas seulement qu’elle s’excuse. Elle ne veut pas (elle ne pouvait pas penser que c’était à eux de payer. Je lui dis que c’est le problème de son passage à l’âge adulte. Elle ne veut pas entendre la vérité).

Je ne sais pas comment s’en sortira. Par un compromis, je crois que c’est la seule solution possible. En tout cas, elle n’avait pas à me traiter de mufle. Je me sens gravement offensé. J’insiste sur le fait que je lui avais fait un chèque en blanc pour ses vacances.

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CONFLIT

Ce que je prétends aider Agnès à faire, c’est à affronter ce problème du demander.
Il faut savoir demander (comme j’ai demandé de l’aide à Bernard T.) Lié, bien sûr, au problème de l’impossibilité de tout deviner de mon côté.
Agnès voudrait être invitée comme une femme. Invitée à quoi ? On s’en doute.
Ce n’est pas à moi de faire Agnès Femme en l’invitant. Je suis en dehors de ça.


Pensé tout à l’heure : voilà pourquoi les femmes ne demandent pas. : elles veulent être invitées par l’Homme, avatar du Père.

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – HOMMES – FEMMES

(12h30 Embouteillages boulevard Saint-Martin)

J’écoute « Imagination » de Maurane, chanson sur le coup de foudre. Je pense à Bernard me disant qu’Agnès a raison parce qu’elle est femme et je regarde un couple où la femme (brune, cheveux longs) pleure. Ils descendent d’un des escaliers du boulevard (où le trottoir est surélevé) puis avancent dans l’espace étroit entre mur et voitures. Je fais un travelling. Est-ce qu’elle le suit en pleurant ou le précède ? Je ne sais plus. Je crois qu’elle le suit.
Image qui m’intéresse parce que symbolique. Qu’elle le précède en pleurant n’est pas mal non plus. Est-ce que les femmes qui pleurent nous précèdent ou nous suivent ? C’est toute leur histoire à eux deux… ! Et leur jeu de signes avant de s’engager sur ce bout fe trottoir… C’est indicible. Le retrouver et le filmer…

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CONFLIT

Silence d’Agnès, même après la lettre-photocopie où je dis qu’elle n’avait probablement pas encaissé mon chèque en blanc et pouvait donc rajouter le repas à la somme. Mais pour elle, je sais que c’est pareil, ça ne change rien, ma lettre : il aurait fallu que je l’y invite, à grossir ce chèque en blanc… (← image d’érection)
Tu ne crois pas que c’était à ton petit copain à t’inviter ?

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CONFLIT

« Dieu merci » dit Tom Selleck en retrouvant le bébé, dans « Three men and a baby » : peut-être est-ce ce que je dois dire : « Dieu merci » Que Ta Volonté soit faite… ?
→ Il lui donne sa petite girafe en caoutchouc : souvenir d’Agnès : ça me déchire le cœur et me donne terriblement envie d’appeler Agnès…
Et puis : l’avenir de mon travail gagne-pain – ma misère sexuelle – ma non-acceptation de l’ordre du monde… !
Dieu me punit de mon hybris !

(…)

Dans le problème avec Agnès, je considère (c’est con et sidérant !) que je détiens la Justice du Père !
N’est-ce pas là ma plus grande hybris ?

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CONFLIT

Souvenir aussi, en ce moment, à propos de l’attitude actuelle d’Agnès, de ce jour, au Luxembourg, où elle a traversé une bonne partie du jardin sans se retourner vers moi… Je n’existais plus ! Comme je n’existe plus maintenant…
Tant pis pour toi, tu ne sais pas quel père tu as ! Il n’est pas si mauvais, il est même très bon, très affectueux et très juste… !

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – CONFLIT – ARGENT

(21 h)
Tout à l’heure appelé Agnès pour savoir si elle avait envoyé le chèque. Oui, elle l’a fait. « Car je suis dans une situation difficile » ai-je ajouté. Pas un mot de sa part. Pas rappelé.
Colère intérieure contre elle. J’aurais donc des problèmes avec toutes les femmes, y compris ma fille !
Mais je suis sûr d’avoir raison : elle n’avait qu’à me le dire qu’elle voulait que je les invite, je l’aurai fait, au lieu de faire la gueule en silence et de me traiter de mufle ! Non : je ne peux pas admettre son attitude !
Tant pis si on est fâchés pour toujours. Mieux vaut un père absent qu’un mauvais présent !

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Jocelyne veut me voir mais seuls, sans qu’Agnès le sache.
« J’ai été bien, non ? » lui ai-je dit. « J’ai fait des gestes envers toi… »
Ça l’a fait rire, mon côté gamin quêtant une approbation. Lui ai dit qu’en effet, j’avais toujours eu l’impression de passer un examen avec elle (je repense à mes télégrammes « sobrement triomphaux » à chaque examen réussi…
Elle a dit qu’enfin, maintenant, on pouvait être d’accord ensemble…
Lui dit que c’était important pour Agnès…

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Agnès m’a rappelé (d’abord laissé un message où elle me disait que sa mère l’avait mise au courant et qu’elle appelait pour ça). L’ai rappelée. On s’est réconciliés. Elle a reconnu le bien-fondé de ma position (« Mais c’était difficile ! » a-t-elle dit. Je l’ai reconnu bien volontiers).
Catastrophée par l’affaire M..
M’a même proposé de l’argent mais je n’ai pas voulu…
Je suis heureux que notre brouille soit terminée. Elle l’a affectée elle aussi. Elle doit venir le week-end en 15


Quand je lui ai parlé des bons rapports entre sa mère et moi, elle m’a dit : « Vas y doucement… »
Je ne lui ai bien sûr pas dit que Jocelyne voulait qu’on se voie seuls. C’est vrai que je redoute que Jocelyne et moi ne soyons toujours un peu amoureux l’un de l’autre…!

– Note écrite à 43 ans

VÉCU – AGNÈS

Gros accès dépressif. Failli pleuré (morceau jazz « Let’s the children play » → idée des enfants. Gros chagrin. Ce qu’ils subissent. Ce qu’ils supportent. Ce qui les marque. Innocence fugitive. Ils deviennent si vite des adultes désabusés. Surtout ceux qui ont été abusés. Et les plus fragiles, les plus sensibles, les plus purs sont les plus abusés.
Une pensée que je n’ai jamais notée. Difficile à noter.
La mort d’Agnès. Mon plus grand, mon plus immense chagrin.
Tête baissée devant cet arrêt du destin : rien à y faire.
Mon enfant, si tu lis cela, c’est que tu es vivante.
Vis. Vis pour moi. Vie de toutes tes forces. Jusqu’au dernier moment.
Quand j’ai écrit :
« Les enfants, on les aime de toutes nos forces, de toute notre âme, mais rien n’empêche ce crime : quand on les a mis au monde, on les a mis à mort. » je ne me rendais pas compte à quel point c’était mon mal que je disais. Ma torture sans répit et sans fin.
Autre chose que je ne crois jamais avoir noté (cependant j’en suis conscient depuis longtemps, depuis l’origine, depuis le moment où j’ai pris la décision. Mais pas noté, je crois. Je n’ai pas voulu d’autre enfant qu’Agnès (lui faisant, une fois de plus, payer, à elle, un prix très lourd), c’était pour ne pas créer un être qui allait se retrouver exposé, sans fuite possible, à l’obligation de mourir.

– Note écrite à 67 ans

VÉCU – AGNÈS – ARCHITECNATURE

Ce matin : mail d’Agnès me demandant de lui écrire un petit texte de 156 signes maximum pour présenter (lien Internet) sa série (from iPad = étonnant) « Unbuilt »).
L’ai faits : je lui ai proposé un texte incluant le mot « architecnature », que je croyais avoir inventé, mais qui ne l’est pas hélas (comme souvent) (vu dans Google).
Mais elle me dit qu’elle l’aime beaucoup, que c’est exactement ça…
Ça m’a fait (très) plaisir !

– Note écrite à 67 ans

VÉCU – AGNÈS – DÉPRESSION

J’ai dit à Agnès que je ne croyais plus en l’humanité. Que je noircissais le tableau (*). Que j’étais « dépressionniste » (ce qui est adéquat en matière de tableau ! 🙂
(*: Que je ne tiens pas à faire en sorte que « le verre soit à moitié plein », alors qu’elle : oui…)
(texte barré : traces d’un lapsus inversant cela qui montre que je ne suis pas si pessimiste et négatif que cela…) (2015 : from Internet : « dépressionniste » fait)

– Note écrite à 67 ans

VÉCU – AGNÈS

Hier : déjeuné avec Agnès (restau japonais Matsuri, rue du Bac) : lui ai dit, pour Béatrice → Agnès pas du tout opposée. « Elle est gentille ». Suis content. Lui ai bien expliqué comment ça s’était passé : ma prise de conscience, le temps qu’on a pris, nos sentiments, nos projets…
M. va bien (enfin : le mieux possible). Elles partent trois semaines aux USA à juste après notre retour du Maroc…

– Note écrite à 67 ans

VÉCU – AGNÈS

Le téléphone a sonné vers 9h30, je crois.
Son grand-père est mort cette nuit. Il allait avoir 99 ans.
– Je ne me suis pas encore autorisée à pleurer, dit-elle.
Je me suis senti proche d’elle, plein d’une compassion dont je me méfie et que je me suis retenu de dire, car elle pourrait me submerger et l’affaiblir au lieu de l’aider.
Voilà une chose dont j’ai peur pour l’avenir et que je ne veux pas : que mon excessive sensibilité me rende les difficultés à venir (maladie – déceptions – mort) difficiles à supporter et que je manque de courage.
Je ne le veux à aucun prix.
C’est la chose la plus importante pour moi.
Moi qui pensais à l’informer de la rupture, à lui envoyer les notes plus haut, peut-être ! Heureusement le timing du destin m’a sauvé !

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – MARIE-NOËLLE

Je la rappelle, vers 21h30, pour savoir « comment ça va ». N’osant pas prendre une voix enjouée, ni même « normale », j’adopte un ton un peu « funéraire ». Elle me dit que ça va « et heureusement, sinon ma voix l’aurait fait déprimer ». Je lui explique que j’ai cherché ma voix (sic !) et que, si je ne l’ai pas trouvée, je m’en excuse. Ça la fait « (légèrement) sourire.
C’est cela qui me déprime : en toutes choses, être « à côté de la plaque » et, particulièrement, manquer de légèreté.
Impression qu’elle me fait et à juste titre !
Voilà qui réveille mon angoisse de mort, cette pensée de mon impréparation, inadaptation à la mort évoquée plus haut, où j’ai peur d’être un poids pour elle, mais aussi d’avoir besoin d’elle (et qu’elle ne me réponde pas).

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – ÉCRITURE – « LES DEUX FEMMES DU MORT »

(5h20)

Je suis démoli (peut-être pas détruit) : écrit texte accompagnant manuscrit. Proposé à Agnès de le lire (*) → elle a accepté..
Elle a très mal réagi.
Rejet en bloc.
Rien de positif.
Je suis mal. Très mal.
Sur le moment, j’ai cru que ça ne me faisait rien. Ou pas grand-chose. Comme ces blessures qui ne s’avèrent douloureuses qu’après un certain temps.
Mais là, après réveil dans la nuit et surgissement de la pensée dès le réveil, je souffre.
Spectre de ma vie ratée.

(*: Si j’avais pu penser que sa réaction serait si totalement négative, je ne l’aurais pas proposé) (elle m’avait dit des choses positives, à la première lecture…)

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – CARNETS

En reprenant mon archivage notes idées et  mots, suis tombé sur notes de 72 à 75 concernant Agnès → les ai saisies et lui ai proposé de les lui envoyer…
Suis content d’avoir pris au moins ces quelques notes à son sujet, moi qui étais si négligent, à cette époque… !
Il y a d’ailleurs dedans des choses étonnantes !

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – MARIE-NOËLLE

Elle m’a envoyé un mail : M. hospitalisée (clinique Port-Marly) car occlusion intestinale (semble résultante opérations précédentes). Elle ont craint l’obligation d’opérer, mais ils vont juste poser une sonde gastrique pour aspirer ce qui obstrue l’intestin. Elle me l’a dit dans un mail à moi seul…

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS

(Dessin d’Agnès pendant balade après déjeuner (thaï rue des Ciseaux) de Saint-Germain à Censier, en passant par la Sorbonne (souvenir de ses études) et le Panthéon où elle a sa photo parmi des centaines d’autres (installation photographique autour du dôme) (elle le sait, mais on ne l’a pas trouvée) puis la Contrescarpe (café).

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – VIOLENCE

Elle vient de m’appeler pour me souhaiter une bonne Fête des Pères. Je ne savais même pas que c’était le jour de cette fête ! Je vis en dehors d’à peu près tout !
Quand elle a appelé, était justement en train de transcrire une de carnet la concernant, une note particulièrement douloureuse (*), à la relecture de laquelle j’avais refoulé mes larmes (chose que je n’ai pas réussie à faire hier, pour une autre note, ne pouvant m’empêcher d’éclater en sanglots lamentables…)
Une épreuve…
Pourvu qu’elle apporte quelque chose…

(*: Celle où j’évoque lutte physique avec sa mère, devant elle…)

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS

C’est son anniversaire aujourd’hui. Je ne risque pas d’oublier de le lui souhaiter comme ce fut malheureusement le cas l’an dernier. Résultante de cet amour dans lequel je m’étais jeté tout entier (mais aussi, je dois le dire, parce que la maladie de M. a éloigné Agnès de moi et que respectant ce retrait, je me tiens moi-même à l’écart, ce qui déplace ma concentration d’esprit ailleurs que sur Agnès) ← Est-ce un prétexte ou un oubli ? Je ne crois pas.

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – MARIE-NOËLLE

Hier, elle m’a appelé. Longue conversation (elle marchait entre son bureau et chez elle…)
1/ M. : moi j’espérais encore – naïvement – une guérison possible. Agnès me dit qu’il n’en est plus question, ni même de rémission, mais seulement de « contrôler la maladie ». Elle me dit qu’elles s’en doutaient, mais que ça été un choc de l’entendre dire par une tierce personne (la toubib).
C’est un choc aussi pour moi.
Ça va être terrible. Je suis déjà effondré devant l’énorme souffrance que devra subir ma petite fille…
La vie est terriblement dure, parfois… !
Et on en revient à une note récente sur le « prix du succès ».
Mini-succès, certes, que cette réponse d’A. d’A. Mais les deux nouvelles coexistent dans le temps, à peu d’écart près…
2/ Lui ai appris pour Béatrice.
3/ Lui ai parlé de mon « odyssée éditoriale ».
C’est parce que je l’ai sentie redoutant que ces filles me répondent pas que j’ai réécrit à A. d’A. en proposant explicitement qu’elle lise, ce qu’elle a – à mon immense surprise ! – accepté.
Plus que jamais, je me persuade qu’on ne doit rien prévoir, qu’il faut éviter toute idée préconçue sur la tournure que peuvent prendre les choses… !
Dans les deux sens : positif, mais aussi négatif, hélas !

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – MARIE-NOËLLE

Les nouvelles de M. n’étant pas trop mauvaises (marqueurs augmentés mais scanner rassurant), je lui raconte le refus d’A. d’A.
« J’adorerais que ça marche, me dit-elle, mais j’ai envie de te dire : « Tu t’en fous, t’es vivant ! »
Et c’est vrai. Je lui dis que je me le dis, souvent, en pensant à Marie-Noëlle, justement.
Elle, elle comprend la lettre d’A. d’A. Elle comprend qu’on puisse « aimer les ingrédients, mais pas le plat… »

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – ÉCRITURE

Aujourd’hui, y repensant, une fois de plus, je crois m’être rendu compte que, tant que mon esprit restera clair, je ne pourrai pas m’empêcher, me passer d’écrire, même si, comme c’est prévisible, c’est l’échec sur « Les deux femmes »…
J’ai songé à chercher un nouveau sujet et à m’y mettre.
(Agnès m’a posé la question : « Tu écris autre chose… ? »)
À voir, donc.
Perpétuelle sagesse de cet enfant !
(Père paix tu elle Sagesse)

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – ÉCRITURE – CARNETS

Je suis là, chez moi (beau soleil, heureusement) en train de numériser mes notes « idées » et « écriture » en vue de leur exploitation pour une création littéraire ultérieure et, pendant ce temps, se prépare chez Fayard le refus des « Deux femmes »… Et je n’y suis absolument pas préparé, malgré tous mes efforts, car il reste en moi un noyau d’espoir, irréductible, indestructible… Bien malgré moi !
Donc, ce que je fais (qui prend beaucoup de temps !) est très probablement inutile.
Cette pensée me mine.
Heureusement, je numérise aussi – pieusement – les notes sur Agnès…


Je me dis qu’une part de ce que je fais au moins, n’est pas inutile. Et même, au contraire, peut être très utile (*)
Cela me fait du bien

(*: utile à Agnès…)

– Note écrite à 68 ans

VÉCU – AGNÈS – INNOCENCE

Agnès, quand je revois le passé, vers 1990, ce qui m’importe, c’est ceux que nous étions tous les deux, dans le vierge verger de l’innocence en fleurs, toi jeune fille non encore effleurée par le monde et moi, père-enfant, dans ses quarante ans restés pleins d’enthousiasme et de crédulité…

– Note écrite à 68 ans