Tous les articles par Robert Cappadoro

Né en 1946 - Écrivain - Réalisateur de télévision et de courts métrages ("Sibylle" 1979 - nomination César - divers prix) - Écrit dans ses carnets personnels depuis 1963 (voir catégories et archives)

CITATION – CINÉMA

« Le producteur doit exposer des capitaux considérables pour rémunérer les coauteurs, les techniciens, le réalisateur, les interprètes. Avant même que la première recette ait été perçue, il doit encore payer la location des studios, les décors, le matériel, les laboratoires, effectuer une publicité coûteuse » (« Droit du cinéma » J. Raynal)

Note écrite à 16 ans

CITATION – CINÉMA

« Les producteurs mettent l’accent sur les risques exceptionnels de leurs entreprises, sur l’échelonnement des rentrées de fonds pendant de longues années et sur le faible pourcentage des recettes qui leur revient finalement après règlement de tous les autres droits ; ils souhaitent en conséquence la réduction de la fiscalité, le maintien à leur profit de l’aide financière de l’État et de la protection accordée au film français contre la concurrence étrangère. » (« Droit du cinéma » J. Raynal)

Note écrite à 16 ans

LECTURE – CITATION

Lu J. Charon : « Connaissance de l’univers » M’a ouvert des horizons nouveaux : le cosme.
Lu Père Teilhard de Chardin « La place de l’homme dans la nature » Le développement sur la civilisation : très intéressant (principe de la recherche)
Lu G. Bachelard : « Poétique de l’espace » Trouvé confirmation de la nouvelle vision de l’objet poétique. Malheureusement interprétation traditionnelle.

– Note écrite à 16 ans

CITATION- SCIENCE

« La science est un produit de l’esprit humain, produit conforme aux lois de notre pensée et adapté au monde extérieur. Elle offre donc deux aspects, l’un subjectif, l’autre objectif, tous deux également nécessaires, car il nous est impossible de changer quoique ce soit aussi bien aux lois de notre esprit qu’à celles du monde. »(« La vérité scientifique » 1908 Bouty)

– Note écrite à 16 ans

CITATION- SCIENCE

(Lalande) « La Science ne vise pas seulement à l’assimilation des choses entre elles mais aussi et avant tout à l’assimilation des esprits entre eux. »
→ confirmation de la théorie de la « convergence » de T. de Chardin.
Le phénomène scientifique a rapproché les corpuscules « culturelles ».

– Note écrite à 16 ans

CITATION

« Considéré au point de vue de l’expérience des sens, le développement du concept d’espace paraît pouvoir se représenter par le schéma suivant : objet corporel – relations de positions d’objets corporels – intervalle – espace. Dans cette manière de voir, l’espace apparaît comme quelque chose de réel ; au même titre que les objets corporels. » (Einstein – « Comment je vois le monde »)

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – URBANISME

Des points importants : il me semble que l’urbanisme (bien réalisé) n’est pas fondé sur autre chose que l’espace, non seulement sous le rapport purement « architectural » mais encore économique et culturel. Notamment cela apparaît avec le développement des moyens de transport et l’importance grandissante des déplacements qui crée de plus en plus la notion de voie et de carrefour surtout, qu’il s’agit de retrouver puisqu’elle est diluée dans le phénomène de prolifération urbaine.

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – DÉTERMINISME

Il faut régler la question du déterminisme * ; mais quand aurai-je les moyens d’y parvenir ?
– Relire le chapitre de Bachelard dans « Le nouvel esprit scientifique »
Tentative d’interprétation de ce chapitre
1ère partie : le déterminisme est ennemi de la complexité. Il réduit les phénomènes à une série de causes et d’effets sans tenir compte des intervalles

( * la nouvelle notion de « micro-durée » y suffit-elle ?)

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – SCIENCE – SPIRITUALITÉ

Réponse au déisme des grands penseurs contemporains : élévation vers une pensée spiritualiste désincarnée du fait de leur ascétisme scientifique (Victor) [Les grands penseurs explorent la science à fond et, en découvrant les limites, consentent à expliquer le monde par un Dieu.]

(Le passage entre crochets a été barré)

Mais est-il prouvé que la science a des limites ? Non.

Suite de la note insérée ici, mais plus tardive (date inconnue. Quelques mois plus tard)
Je reprends ce problème en relation avec les données acquises à la fin de ce carnet.
Notre époque est essentiellement devenir, tension vers…
Dans cette optique, la morale nouvelle est une morale « de mouvement », c’est-à-dire de dépassement.
L’intuition se doit de dépasser la question posée.
Bachelard demande des pensées appelant d’autres pensées.
L’intuition étant elle-même une « autre » intuition, elle est (écriture interrompue).

– Note écrite à 16 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Ligne de force : on peut tourner dans un lieu intéressant (unité de lieu) comme un château avec un parc (Bagatelle, Sceaux).
Le point de départ : une bande de jeunes arrive chez des copains à l’aube : ils passent la journée.
Pourquoi cette unité de lieu et un parti pris de non-vérité ? C’est contre notre premier propos.
Parce que, étant donné que c’est l’acte qui nous intéresse d’abord, on peut se servir de l’absurde pour détacher l’acte. Et, convenablement mise en scène, cette unité de lieu peut nous introduire dans l’absurde. Dès lors l’acte prend une valeur irréelle : soit dans le grotesque soit dans le poétique.
Néanmoins il faut rejoindre l’humain : on le peut en décernant des « monopoles », c’est-à-dire en concevant le film comme une scène où entreraient des personnages, où ils agiraient un temps puis d’où ils s’en iraient. Et certains actes seraient réservés à certains personnages qui s’effaceraient, reviendraient, comme des leitmotive avec les variations que constitueraient les actes. Ainsi il y aurait dans le film deux thèmes : les êtres et les décors et la mise en scène consisterait en variations sur ces deux thèmes avec des interférences.
En fait l’opposition entre le ridicule et le poétique de l’acte serait moins marquée que prévu. Il y aurait au contraire une constante confusion.
L’absurdité peut servir à détacher le mécanisme. Il faut bien faire ressortir que ce lieu est un lieu de villégiature, et certains des jeunes gens conserveraient même dans ce lieu de poésie des vacances des manières, des habitudes.
Je reviens à l’absurde : pourquoi ce moyen ? L’absurde dans ce lieu nous introduit dans un nouveau monde et c’est seulement dans cette nouveauté que ces manies, ces actes inutilement répétés, deviendront ridicules : justement parce que dans ce nouvel univers absurde il manque les références sur quoi se fondent ces manies. Mais alors on peut penser qu’on ne rejoint pas ainsi le réel puisque l’acte n’est ridicule que dans l’œuvre.
Mais l’absurde est poétique : il permet une vision lucide et intense à la fois qui est celle de la poésie.
N’est poétique que ce qui souffre de n’avoir pas de références. Telle doit être la leçon du film.
Et justement l’accéléré qui est l’absurde.
L’accéléré jette une lumière absurde sur l’acte qui le classe dans une des deux catégories : l’acte non poétique ridicule visé par l’absurde, l’acte poétique magnifié par l’absurde.
Après réflexion : l’harmonie de l’acte accéléré n’existe que si l’on peut l’observer d’un regard serein sans sentir qu’il lui manque quelque chose.
L’acte trouble, non poétique au contraire demande un retour au réel, une réintroduction dans le quotidien, il souffre de l’absurde alors que l’autre s’en accommode. La mise en scène doit obéir à ces règles. Je la sens.

Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Je pense à toi cet après-midi, comme hier, et avant-hier aussi. Chaque jour je pense à toi, quand je m’ennuie et que je suis seul, et même quelquefois au milieu des conversations. Es-tu vraiment si jeune, ou si mûre ? [Saurai-je te convaincre et sauras-tu m’accepter… ? (1) ]
J’ai bien peur d’être trop triste, ou trop gai et de n’avoir rien à te dire.
Petite bourgeoise de mes rêves : tu m’as retransporté en plein romantisme, c’est souvent bien bon mais aussi parfois bien amer, bien triste.
Je t’ai vue si peu : je m’interroge, réduit aux suppositions, réduit à épeler tes gestes, tes sourires et tes brefs mouvements. J’ai peur de te blesser, de devenir ton ami, de ne plus avoir envie de toi.
Après les rires que j’ai appris à susciter et à suivre depuis quelques mois, je retourne à mon inquiétude première, doutant de moi, de toi, avec aussi de brusques envies de te serrer, de te faire mal peut-être, essayant de cesser cet incessant questionnaire qui est devenu une obsession : comment me considères-tu exactement ?
Que déduire de tes attitudes ? J’ai à la fois peur et désir fou de te revoir, de te voir, de t’écouter et de me taire…
Je me crois déjà sûr de toi, et toi sûre de moi, nous faisant confiance…
[Je voudrais tant caresser simplement tes cheveux, alors que tu parlerais à d’autres, dans un café quelconque… (2) ]
Je saute une portion de temps, je passe sur tout ce qui sera nécessaire : le temps de l’interrogation, les efforts inutiles, les questions, les réponses…
J’ai peur d’avoir trop confiance en toi et je t’interroge…

(1) Le passage entre crochets a été barré et une note a été écrite entre les lignes, d’une écriture moins enfantine : « Deux ans après je repense à cette fille : c’était une gamine et j’étais un gamin d’ailleurs. »)
(2) ce texte est commenté par la note suivante : « Deux ans après j’ai pu enfin le faire. »)

Note écrite à 16 ans

VÉCU – MUSIQUE

Je pense en l’écoutant à « What’d’I say ». Pourquoi ça a marché ? Parce que c’est une œuvre merveilleuse qui a dû faire sentir un garçon et à une fille combien ils étaient liés, alors qu’ils l’écoutaient, ensemble, l’un à côté de l’autre. [Ouais]

(Le texte entre crochets a été rajouté plus tard)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE

« Elle ne fait pas de l’intelligence un domaine séparé ; elle rejette toute distinction des fonctions sensitives et des fonctions intellectuelles parce qu’elle rejette le dualisme de la matière et de la forme. L’intelligence n’est pas créatrice d’un ordre étranger à la nature de ses éléments ; elle n’est que l’expression de l’organisation spontanée et manifeste d’un tout en vertu de ses lois internes. ‌»(Pierre Guillaume – « Psychologie de la forme »)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE

Référence au montage d’Eisenstein : Fechner se demandait si la vue d’un sourire humain qui précéderait régulièrement de mauvais traitements, celle d’un visage sévère qui précéderait des caresses, pourrait prendre aux yeux d’un enfant des significations contraires à celles que ces expressions possèdent dans la vie ordinaire. » (Psychologie de la forme)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE

Cf. Rousseau (distinction contre la sensibilité et l’intelligence)
« Le côté mental ou central de l’expression obéit au même dynamisme que son côté périphérique ; on peut décrire dans la pensée de l’homme ému les mêmes pulsations que dans ses réactions musculaires ; les « mouvements » secrets de l’âme et les mouvements manifestes ou cachés du corps sont l’image les uns des autres ; il est souvent impossible, parmi les termes qui s’appliquent à l’émotion, de séparer ce qui désignerait exclusivement soit le symptôme objectif soit l’impression subjective ; le même terme a généralement la double valeur, non seulement parce que les deux faits sont contigus mais parce qu’ils sont semblables. » (Psychologie de la forme)

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION

Référence à l’oracle biblique de la trahison : le Gestalt est déterminé d’avance : il ne s’agit pas là d’un déterminisme de cause à effet parallèle au temps mais d’une entité dont l’état est à la fois passé, présent et futur (peut-être négation du déterminisme) [marxiste ?]

(Le texte entre crochets a été rajouté plus tard)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE

(Psychologie de la forme – Le moi et l’action) « L’aspect de l’objet (ou même parfois son existence subjective) dépend du besoin du sujet; inversement le besoin du sujet dépend de l’aspect de l’objet. Cette interdépendance exclut le déterminisme de type machine, mais elle est compatible avec les modèles de déterminisme que nous avons trouvé dans les formes physiques. »  

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – POLITIQUE

On fait d’abord la Révolution. C’est en fonction de notre volonté de détruire et de ce [qu’il faut détruire] (le texte entre crochets a été rayé et remplacé par « qui existe ») que nous saurons ce qu’il faut construire. [NON](1)

(1)(le texte entre crochets a été rajouté et entouré)

– Note écrite à 16 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

(Entre 25/03/1963 et 29/03/1963) Sur une musique de J. S Bach : sorte de comédie musicale non chantée mais dansée dans une cour sombre dont les fenêtres se ferment l’une après l’autre ( 2 clavecins et orchestre à cordes)

– Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Tu sais : j’en suis arrivé à l’état d’esprit de Roland. À l’instant j’ai cherché ton visage et pendant quelques secondes je ne l’ai pas trouvé. Je t’aime avec indifférence et j’attends ce « moment » dont Roland a parlé, où je t’aimerai entièrement. Je t’aime encore mais d’une façon différente. Je crois que j’ai moins envie de toi.

– Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Et voilà : c’est fini. J’ai eu mal très fort un moment. J’ai encore mal mais d’une autre façon et je suis sûr de t’oublier un jour : c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Puisque tu ne veux pas de moi (j’en suis sûr) je ne me changerai pas pour t’illusionner ; je serai tel que je suis toujours sinon c’est le mensonge et ce n’est pas possible d’aimer ainsi. : [NON]
(texte rajouté et entouré peu de temps après)

– Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Pourquoi ne pas épuiser la situation ?
Tu peux m’aimer sans avoir osé le dire…
Je te reverrai et lorsque nos regards se croiseront, nous comprendrons tous les deux…
Tu peux m’aimer sans avoir osé le dire…
Nous nous reverrons, par hasard, je fuirai ton regard, tu ne comprendras plus, et les amis nous parleront, nous forcerons à nous revoir, notre histoire deviendra énorme, ce sera le malentendu, la fuite. Tu peux l’aimer et le lui dire : j’aurais très mal.
Tu peux l’aimer sans avoir (?) le dire…
Il te verra et te forcera à répondre, anxieux.
Il te fuira et ce sera un nouveau malentendu…
Se revoir, ne pas se parler, se sourire, subtile mosaïque, je préfère prendre ainsi notre histoire, j’ai trop peur de beaucoup souffrir…
Je n’ai vraiment pas de chance…

[Et non… !]

Le texte entre crochets a vraisemblablement été rajouté plus tard

Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION

« L’esprit de l’homme qui rêve se satisfait pleinement de ce qui lui arrive… La facilité de tout est inappréciable. »
Pourtant il existe des moment du rêve où l’on a de grandes difficultés à marcher, à courir. On a peur, on est angoissé : le rêve n’est pas un lieu privilégié d’aisance, c’est aussi le royaume de la souffrance.

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – POLITIQUE

Non, ce qu’il faut construire ne viendra pas de ce qu’on aura détruit. – Il faut qu’il y ait un projet, une possibilité fondée sur ce qui existe maintenant et qui est pollué par certains immondices qu’on doit détruire, eux, et supprimer.

– Note écrite à 16 ans

 Commentaire du 29 novembre 2011 :

Encore une prémonition de Mai 68, mais de son échec, cette fois, car pas de projet à Mai 68 (sinon celui des groupes d’extrême-gauche)

Commentaire écrit à 64 ans

CITATION

En relation avec la thèse du Dr Laborit sur l’art (Cf. interview) :
« L’Homme énergique et qui réussit, c’est celui qui parvient à transmuer en réalité les fantaisies du désir. »
« Si [l’individu] possède le don artistique, psychologiquement si mystérieux, il peut, au lieu de symptômes, transformer ses rêves en création artistique. Ainsi échappe-t-il au destin de la névrose et trouve-t-il par ce détour un rapport avec la réalité. » (Freud)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – LITTÉRATURE

(« Du surréalisme en ses œuvres vives ») « Ce besoin de réagir de façon draconienne contre la dépréciation du langage » : (Lautréamont, Rimbaud, Mallarmé, Lewis Carroll)
« Cabale phonétique » « langage des oiseaux » (J. P. Brisset, Raymond Roussel, Marcel Duchamp, Robert Desnos)
« Révolution du mot » (Joyce, E. E. Cummings, – Michaux)

– Note écrite à 16 ans

CITATION

Joyce vu par Breton : « Au courant illusoire des associations conscientes, Joyce opposera un flux qu’il s’efforce de faire saillir de toutes parts et qui tend en fin de compte à l’imitation la plus approchante de la vie (moyennant quoi il se maintient dans le cadre de « l’art », retombe dans l’illusion romanesque, n’évite pas de prendre rang dans la longue lignée des naturalistes et expressionnistes »
Antithèse constituée par « l’automatisme psychique pur » : « [Ce dernier] qui commande le surréalisme opposera le débit d’une source qu’il ne s’agit que d’aller prospecter en soi-même assez loin et dont on ne saurait prétendre diriger le cours sans être assuré de la voir aussitôt se tarir. »


Second Manifeste : « Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas, cessent d’être perçus contradictoirement. Or c’est en vain qu’on chercherait à l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce point. »


– « C’est même du bouillonnement écœurant de ces représentations vides de sens que naît et s’entretient le désir de passer outre à l’insuffisante, à l’absurde distinction du beau et du laid, du vrai et du faux, du bien et du mal. Et, comme c’est du degré de résistance que cette idée de choix rencontre que dépend l’envol plus ou moins sûr de l’esprit vers un monde enfin habitable, on conçoit que le surréalisme n’ait pas craint de se faire un dogme de la révolte absolue, de l’insoumission totale, du sabotage en règle, et qu’il n’attende encore rien que de la violence. »


« À quand les logiciens, les philosophes dormants ? »


« Mon rêve de cette dernière nuit peut-être poursuit-il celui de la nuit précédente et sera-t-il poursuivi la nuit prochaine, avec une rigueur méritoire. »


« Le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau, il n’y a même que le merveilleux qui soit beau. »


(Lire « Le moine » de Lewis) « Le merveilleux n’est pas le même à toutes les époques : il participe obscurément d’une sorte de révélation générale dont le détail seul nous parvient… »


« L’homme propose et dispose. »


« Sur le fond du problème qui est des rapports de l’esprit humain avec le monde sensoriel, le surréalisme estime que nous devons chercher à « comprendre la nature d’après nous-mêmes… »


SURRÉALISME, n. m : Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »


« Si l’on s’en tient, comme je le fais, à la définition de Reverdy, il ne me semble pas possible de rapprocher volontairement ce qu’il appelle « deux réalités distantes ». Le rapprochement se fait ou ne se fait pas, voilà tout.


« C’est du rapprochement en quelque sorte fortuit des deux termes qu’a jailli une lumière particulière, lumière de l’image, à laquelle nous nous montrons infiniment sensibles. La valeur de l’image dépend de la beauté de l’étincelle obtenue ; elle est par conséquent fonction de la différence de potentiels entre les deux conducteurs… « Or il n’est pas à mon sens au pouvoir de l’homme de concerter le rapprochement de deux réalités si distantes. »


« L’esprit se convainc peu à peu de la réalité suprême de ces images. Se formant d’abord à les subir, il s’aperçoit bientôt qu’elles flattent sa raison, augmentant d’autant sa connaissance. Il prend conscience des étendues illimitées où se manifestent ses désirs, où le pour et le contre se réduisent sans cesse, où son obscurité ne le trahit pas. »


« Sans elles [des conditions d’asepsie morale] il est pourtant impossible d’arrêter ce cancer de l’esprit qui réside dans le fait de penser par trop douloureusement que certaines choses « sont », alors que d’autres qui pourraient si bien être, ne « sont pas ». Nous avons avancé qu’elles doivent se confondre, où singulièrement s’intercepter à la limite. Il s’agit, non d’en rester là, mais de ne pouvoir faire moins que de tendre désespérément à cette limite. L’homme qui s’intimiderait à tort de quelques monstrueux échecs historiques est encore libre de croire à sa liberté. Il est son maître, en dépit des vieux nuages qui passent et des forces aveugles qui butent. N’a-t-il pas le sens de la courte beauté dérobée et de l’accessible et longue beauté dérobable ? Le clef de l’amour, que le poète disait avoir trouvée, qu’il cherche bien : il l’a. Il ne tient qu’à lui de s’élever au-dessus du sentiment passager de vivre dangereusement et de mourir. Qu’il use, au mépris de toute prohibition, de l’arme vengeresse de l’idée contre la bestialité de tous les êtres et de toutes les choses et qu’un jour, vaincu – mais vaincu seulement « si le monde est monde » – il accueille la décharge de ses tristes fusils comme un feu de salve »


(Les vases communiquants) « Une règle sèche, comme celles qui consiste à requérir de l’individu une activité strictement appropriée à une fin telle que la fin révolutionnaire en lui proscrivant toute autre activité ne peut manquer de replacer cette fin révolutionnaire sous le signe du bien abstrait, c’est-à-dire d’un principe insuffisant pour mouvoir l’être dont la volonté subjective ne tend plus par son ressort propre à s’identifier avec ce bien abstrait. »


« Si je ne découvre aucun obstacle essentiel à la formation de ce « front unique » [de la poésie et de l’art] c’est qu’il me paraît évident que l’élucidation des moyens propres à l’art d’aujourd’hui, digne de ce nom, l’élaboration même du mythe personnel (le travail d’un artiste occidental consiste à créer un mythe personnel à travers une série de symboles – André Malraux) dont il vient de s’agir, ne peuvent finalement tourner qu’à la dénonciation des conditions dans lesquelles cet art, ce mythe, sont appelés à se développer, qu’à la défense inconditionnelle d’une seule cause qui est celle de l’émancipation de l’homme. »


Ce que je sais, c’est que l’art, contraint depuis des siècles de ne s’écarter qu’à peine des sentiers battus du moi et du super–moi, ne peut que se montrer avide d’explorer les terres immenses et presque vierges du soi. »


« Aussi bien, dans ces conditions n’est-ce peut-être plus déjà de la création d’un mythe personnel qu’il s’agit en art, mais, avec le surréalisme, de la création d’un mythe collectif ( l’artiste est brusquement mis en possession d’un trésor mais ce trésor ne lui appartient pas…)

– Note écrite à 16 ans

LECTURE – CITATION

(Luc Thoré « Signification du phénomène urbain ») « Phénomène inéluctable pour la planète entière, l’urbanisation est la seule issue pour faire face au défi démographique. Elle concerne ou concernera tous les hommes et non plus quelques-uns » (…)
« En plein milieu du jour, on s’enfourne dans les salles ou l’obscurité artificielle permet de projeter des images des champs, des forêts ou de la mer.  » (Intéressante notion du cinéma qui, loin d’être dépréciative, doit être conservée et éclairée par l’œuvre) Des questions…
« La ville comme humanisation de la nature… » (Cela me semble faux dans la mesure où ma propre pensée individuelle de non-humanisme a pu naître et où je sens qu’elle participe d’un mouvement plus vaste, de la pensée collective immédiate et future…)
« Dans le milieu urbain, l’histoire a remplacé la nature sauvage, et c’est pourquoi ce milieu est en soi plus humain que le premier. » (La vision individuelle ne constituerait-elle pas plutôt, en permanence, une démystification de l’histoire ; la coexistence même de bâtiments d’époques différentes plaçant la ville sur un plan situé en dehors du temps traditionnel, c’est-à-dire de l’histoire, mais nous introduisant dans un temps nouveau, peut-être l’absence de temps… ?) → (hypothèse explicative des vieilles maisons de Nevers et des enseignes et des buildings d’Hiroshima dans «Hiroshima»)
« L’urbanisation est, en principe, le processus par et dans lequel la praxis humaine tend à organiser de manière rationnelle les conditions spatio-temporelles de la vie humaine. »

– Note écrite à 16 ans

CINÉMA – CRITIQUE DE FILM – BRESSON

« Le Procès de Jeanne d’Arc » (Robert Bresson)
Bien entendu : un art de la rigueur. Mais il faut définir cette notion : Bresson a dit qu’il avait construit son film sur les paroles. On peut donc s’attendre à une mise en question du langage. Tout le film est centré autour de Jeanne, il est vu par elle, elle a cette volonté (qui est aussi celle de l’auteur) de scruter ce qui l’entoure, d’en prendre conscience pour y chercher un signe. Ainsi les paroles de Cauchon, aussi bien dans leur fond que dans leur forme, étroitement unis, elle les interprète comme un signe du Mal, et ses paroles à elle jaillissent directement des questions sans jamais s’égarer, car elle tire sa force de la connaissance du Mal, étant elle-même une envoyée du Bien.
On sent chez elle, dans ses réponses, une volonté de « donner l’assurance », d’être, à travers son existence, signe du Bien. Cette attitude, concernant l’être profond de Jeanne, dépasse l’interlocuteur, signifie pour « tout le monde ». Le renoncement momentané de Jeanne s’explique par « la vue du feu » et les cris de la foule. Sa chair a pris le dessus sur sa conscience, elle a cessé de contempler le Mal, effrayée (fermant les yeux) et a perdu ainsi sa source de force.
Le plus intéressant, peut-être, du film réside dans la reprise de Jeanne. Elle provient de l’ordre de l’évêque de quitter l’habit d’homme. Il y a ici (ce n’est qu’une interprétation) un passionnant essai sur la sexualité, merveilleuse violation des tabous, institution de la femme nouvelle. À fleur de peau, je prends conscience de l’originalité de cette vision d’une femme farouchement attachée à ses habit d’homme. Certains plans montrent Jeanne assise ou marchant, sans qu’on soit très sûr qui ne s’agit pas là d’un adolescent. Par-delà l’habit, c’est le corps qui est observé, Bresson ne fait pas de différence entre le corps masculin et le corps féminin, spiritualisant l’un et l’autre (habits de velours, étoffes sobres…) mais là où la magnifique révolution s’arrête, c’est sur cet escamotage de l’acte sexuel, auquel on pouvait s’attendre, dangereuse impasse à laquelle risquait de mener la vision première d’un corps uniforme et dans laquelle malheureusement Bresson ne manque pas de tomber : cette volonté de « rester vierge ».
C’est en se révoltant contre l’ordre de l’évêque, et en prenant conscience de sa révolte, comprenant par là qu’elle est l’esprit pur du Bien, que Jeanne trouve la force d’affronter sa mort. Un plan de la fin du film est très significatif : le plan de la croix tenue devant la mourante. En effet il y a ici un échange secret : ce plan peut être celui que voit Jeanne, y trouvant un signe du Bien, mais il peut aussi bien être une métaphore désignant la mourante. Il y a ainsi la reconnaissance du Bien (Jeanne) qui se fait en même temps expression du Bien (Jeanne encore). Il y a communion de signe à signe.
L’uniformité du langage provient de la permanence de la fonction de signe de ce langage.

Procès de Jeanne d'Arc - Bresson - Jeanne et la croix
(Peu de temps après)
Le procès de Jeanne d’Arc est un modèle de vie.  En en sortant, j’ai touché les tissus d’une autre façon…

– Note écrite à 16 ans

CITATION

« L’aménagement de l’avenir ne devient possible qu’avec la statistique. Les calculs laissent filer les cas individuels à travers leurs mailles. Ils ne prévoient que pour les masses. La tension entre futur et présent ou entre l’histoire et l’éternité qui caractérise la civilisation urbaine apparaît comme la métamorphose de l’ancienne contradiction bien connue entre le l’universel et le singulier ou comme l’envers de l’opposition entre le travail, tendu vers le futur au profit de tous, et le loisir orienté vers la satisfaction personnelle dans le présent. » (L. Thoré : « L’action populaire ») 

– Note écrite à 16 ans

CITATION – POLITIQUE

« À la place de l’ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance des nations. »


« À un certain degré de développement de ces moyens de production et d’échanges, les conditions dans lesquelles la société féodale produisait et échangeait, l’organisation féodale de l’agriculture et de la manufacture, en un mot le régime féodal de propriété, cessèrent de correspondre aux forces productives en plein développement. » (Source inconnue) (Marx ?)

– Note écrite à 16 ans

Commentaire du 9 février 2012 :

Oui, la source est bien Marx (« Le manifeste du parti communiste »)

– Commentaire écrit à 65 ans

 

CITATION – SCIENCE

« L’opinion » pense « mal » : elle ne « pense » pas : elle traduit des besoins en connaissance. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. »


« Avant tout, il faut savoir poser les problèmes. Et, quoiqu’on en dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce « sens du problème » qui donne la marque du véritable esprit scientifique.
Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. » (Bachelard : « La formation de l’esprit scientifique ») 

– Note écrite à 16 ans

CITATION – POLITIQUE

« Le 25ème point du programme phalangiste, soucieux de « la dignité de l’Etat et de l’intégrité nationale » recommandait implicitement la séparation de l’église et de l’état. À l’inverse, le second principe fondamental du régime actuel est un acte de soumission de l’État espagnol à l’église catholique romaine dont la doctrine inspire sa législation. » (Esprit n° 12)


« Francisco Franco Bahamonde, généralissime des armées, chef de l’état et du gouvernement, chef du Mouvement, réunissant entre ses mains les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ne répond de ses actes que devant Dieu et devant l’histoire. »


« Aux Cortés, par exemple, quels sont ces « représentants naturels » [du peuple] ? Des «procureurs » dont la moitié est nommée par Franco, soit directement soit en raison de leurs fonctions (ministres, magistrats, recteurs d’université, maires de grandes villes…) auxquelles ils ont été appelés par Franco ; l’autre moitié est composée de notables « élus » dans les syndicats, municipalités, corporations, députations provinciales, etc. »


« De même, au Conseil National Social des Syndicats, on entend ces « représentants naturels » des travailleurs, nommés par Franco : hiérarques phalangistes, généraux, marquis, évêques… »


« Le Syndicat y est défini [dans la Charte du Travail de 1938] comme un « instrument au service de l’état ». La lutte des classes y a été résolue par décret : ouvriers et patrons coexistent dans les mêmes syndicats et y harmonisent leurs intérêts en vue de l’intérêt national… d’où l’interdiction absolue du recours à la grève. »


« C’est le pouvoir absolu d’un homme qui conjugue en lui les prétentions théocratiques et démocratiques, dont l’activité tournée vers l’intérieur consiste à arbitrer sans appel entre les forces qui l’appuient : « Mouvement », Capital, Armée, Église, à comprimer le peuple et à réprimer sans pitié toute velléité d’opposition, afin de donner à l’extérieur l’impression d’Ordre et d’Unité nationale. »


1/ Les directeurs des journaux sont désignés par le ministre de l’Information 2/ L’activité des journalistes est surveillée par le même 3/ Des consignes sont données aux journaux sur les thèmes à traiter, à ne pas traiter, à développer, à minimiser, etc… »


L’esprit critique des classes populaires espagnoles a fait échouer cette prétention (de la censure).


On évalue, entre 1936 et 1943, à 480 000 le nombre des victimes de la liquidation intensive de la guerre et de la post-guerre civile dues aux massacres ordonnés par les généraux fascistes à Séville, à Badajoz, à Grenade, en Navarre…, à l’activité des tribunaux militaires à huis clos et aux exécutions sommaires dans les prisons… »


En attendant cette réouverture promise de la guerre civile déclarée, « la guerre continue sans rafales de mitraillette, non sanglante, mais non moins vive et décisive » (1959)


« Les petits patrons, victimes des discriminations d’une politique de grand capitalisme, accablés d’impôts, se ruinent lentement. »


« Le logement a aussi été sacrifié, jusqu’en 1957… Le rythme de la construction s’est accéléré, mais sans atteindre avec 50.000 logements annuels le rythme nécessaire pour satisfaire le besoin d’un million de logements qui s’accroîtra encore par l’expansion démographique et l’exode vers les villes. »


« Si, de 1929 à 1956, l’indice de production industrielle a augmenté de 145%, l’indice de production agricole a baissé de 13%. »


« C’est la politique économique et financière tout entière du régime qui obéit littéralement au proverbe : « On ne prête qu’aux riches » (Cavestany — ministre de l’agriculture)


« L’alimentation populaire des espagnols est à base de pain, d’huile, de pommes de terre, de tomates, d’oignons, de choux, de poireaux, de melons. »


« Il y a un vieux capitalisme espagnol (surtout basque et catalan), représenté au ministère par Gual Villalbi (1959), qui est favorisé dans la mesure où il a su s’intégrer au régime, comme le grand magnat Juan March, les grands propriétaires terriens et les banquiers. Mais il y a surtout le formidable essor d’un néocapitalisme franquiste d’actionnaires de SA et d’entrepreneurs sans scrupules. »


« Santiago Carrillo a raison d’affirmer que « en définitive », c’est à l’intérieur et non en France, ni au Mexique que se décide le sort de l’Espagne. »


« Ce qui m’inquiète c’est la dispersion de cette opposition ; ce qui frappe favorablement c’est sa jeunesse. »
« Si elle ne veut pas vieillir dans les prisons d’Espagne et dilapider son capital d’ardeur juvénile, elle doit faire preuve de lucidité, être persuadée que Franco ne quittera le pouvoir que forcé, renoncer à l’idée d’une évolution pacifique du régime par libéralisation ou par voie monarchique, et à celle de l’effondrement brusque par désagrégation spontanée. » (Marius Gaudilliou) (?)


« L’influence du milieu du travail est, pour le moment, réduite en Espagne par la crainte du mouchardage et l’absence d’organisations syndicales libres. »


« La vie de famille se heurte à deux obstacles essentiels : l’un, la crise du logement… autre difficulté : l’éloignement du lieu de travail. »

– Note écrite à 16 ans

CITATION – SCIENCE

« Accéder à la science, c’est, spirituellement, rajeunir, c’est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. »


« Il vient un temps où l’esprit aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit, où il aime mieux les réponses que les questions. »

(Bachelard)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – SCIENCE

Lecture de « La formation de l’esprit scientifique » de G. Bachelard :

« Par les évolution spirituelles que nécessite l’invention scientifique, l’homme devient une espèce mutante, où pour mieux dire encore une espèce qui a besoin de changer, qui souffre de ne pas changer. Spirituellement l’homme a besoin de besoins. »

« Préciser, rectifier, diversifier, se sont là des types de pensées dynamiques qui s’évadent de la certitude et de l’unité et qui trouvent dans les systèmes homogènes plus d’obstacles que d’impulsions. »

« À une même époque, sous un même mot, il y a des concepts si différents ! Ce qui nous trompe, c’est que le même mot à la fois désigne et explique. La désignation et la même ; l’explication est différente. »

« L’épistémologue doit donc s’efforcer de saisir les concepts scientifiques dans les synthèses psychologiques effectives, c’est-à-dire dans les synthèses psychologiques progressives, en établissant, à propos de chaque notion, une échelle de concepts, en montrant comment un concept en produit un autre, s’est lié avec un autre. »


(Gérard Varet « Essai de psychologie objective. L’ignorance et l’irréflexion. » Paris 1938)


« Nous examinons successivement le danger de l’explication par « l’unité » de la nature, par « l’utilité » des phénomènes naturels. Nous ferons un chapitre spécial pour marquer « l’obstacle verbal », c’est-à-dire la fausse explication obtenue à l’aide d’un mot explicatif, par cet étrange renversement qui prétend développer la pensée en analysant un concept au lieu d’impliquer un concept particulier dans une synthèse rationnelle. »


« C’est cette connaissance de l’objet que, dans notre dernier chapitre, nous examinerons dans toute sa généralité, en signalant tout ce qui peut en troubler la pureté, tout ce qui peut en diminuer la valeur éducative. Nous croyons travailler ainsi à la moralisation de la science, car nous sommes intimement convaincu que l’homme qui suit les lois du monde obéit déjà à un grand destin. »


« La pensée pré scientifique ne s’acharne pas à l’étude d’un phénomène bien circonscrit. Elle cherche non pas la « variation », mais la « variété ».


D’après Gaston Bachelard, la science du 18e siècle, au stade pré scientifique, n’est qu’un « spectacle » → « Pour Voltaire lui-même, la représentation extérieure, imagée, pittoresque prime des ressemblances intimes et cachées » (à propos des automates)


« La connaissance commune est inconscience de soi. » (Edmond Le Roy)


« Sans la mise en forme rationnelle de l’expérience que détermine la position d’un problème, sans ce recours constant à une construction rationnelle bien explicite, on laissera se constituer une sorte « d’inconscient de l’esprit scientifique » qui demandera ensuite une lente et pénible psychanalyse pour être exorcisé. »


« Une expérience pour être vraiment rationalisée, doit donc être insérée dans un jeu de « raisons multiples ».


« Nous ne saurions trop engager nos lecteurs à rechercher systématiquement des convergences scientifiques, psychologiques, littéraires. Qu’on arrive au même résultat par des rêves ou par des expériences, c’est, pour nous, la preuve que l’expérience n’est qu’un rêve. »


« L’abbé Poncelet ne manque pas de dénoncer par ailleurs « l’abus de termes qui a répandu d’étranges ténèbres sur les notions que l’on croit avoir des êtres abstraits ou métaphysiques » (comme le mouvement) »

« Comme le dit très bien Marcel Boll, ce qui caractérise le savant moderne c’est l’objectivité et non pas l’universalisme : la pensée doit être objective, elle ne sera universelle que si elle le peut, que si la réalité l’y autorise. » Or l’objectivité se détermine dans la précision et dans la cohérence des attributs, non pas dans la collection des objets plus ou moins analogues. Cela est si vrai que ce qui limite une connaissance est souvent plus important, pour les progrès de la pensée, que ce qui étend vaguement la connaissance. En tout cas, à tout concept scientifique doit s’associer son anti-concept. »


Lire Brice Parain


« On suit une métallurgie comme un raisonnement. La métallurgie contemporaine est un raisonnement : le thème abstrait explique les manœuvres industrielles. Une opération comme la distillation fractionnée, qui est plus monotone, est entièrement arithmétisée : elle procède presque comme une progression géométrique. La mystique de la répétition ne s’introduit donc pas dans un esprit scientifique moderne. » (À propos de la substantialisation d’un travail patient) – Cette phrase exprime, dans un sens marxiste peut-être, le passage du travail manuel traditionnel « mystifié » (période féodale et religieuse) à un travail « désincarné » qui demande une solution : elle me semble être, en fonction de ce que dit Gaston, dans une conscience de la manipulation industrielle orientée vers l’évolution du « thème abstrait », impliquant les gestes dans la pensée du travail.


« Il est bien sûr que les pierres précieuses sont, dans nos sociétés, les valeurs matérielles indiscutables. » – [D’après l’analyse de Gaston il semble que cette définition des valeurs (les pierres) ne soit pas un arbitraire mais corresponde à un stade de la pensée. Ainsi la notion arbitraire peut n’être que « polémique ». On traite d’arbitraire tout ce qui est fondé sur une structure mentale différente de la sienne et se situant un stade antérieur et dépassé de l’évolution mentale, peut-être non seulement dans l’histoire mais encore dans l’évolution interne de la pensée individuelle.] (1)

(1) Par-dessus le texte entre crochets a été portée la mention « baratin »


R. et Y. Allendy « Capitalisme et sexualité »


« On ne peut pas compléter une expérience qu’on n’a pas soi-même commencée dans son intégrité. On ne possède pas un bien spirituel qu’on n’a pas acquis entièrement par un effort personnel. »


« La vie marque les substances qu’elle anime d’une « valeur » indiscutée. Quand une substance cesse être animée, elle perd quelque chose d’essentiel. »

– Note écrite à 16 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE – ÉBAUCHE

Notes pour le film :

Des ballons de papier sortant des cheminées. Des rubans rouges flottant aux cheminées.
1er plan : Travelling avant par l’entrée du 10 Rue Madeleine Michelis et panoramique vertical jusqu’au toit.
Commentaire : ( Toute la première partie du film doit avoir ce ton « d’histoire ») « Quand on a longtemps marché dans le souterrain obscur, arrivé à la lumière au bas des escaliers où passent parfois des silhouettes blanches, on sait que plus haut, très larges, comme une nouvelle terre, s’étendent les toits de la ville… »
Musique : Sicilienne de la sonate en mi bémol majeur pour flûte et clavecin et peut-être l’allegro final.
Lieux pour ce film :
12 Villa Eylau ( 44 Av. Victor Hugo )
19 Av. Kleber
168ter Av. de Neuilly ( 173 ? )
Façade des 9 et 11 Rue Vérien ( Neuilly )

CITATION – LITTÉRATURE

Querelle des anciens et des moderne : (thèse des modernes) « La nature est toujours la même en général dans toutes ses productions ; mais les siècles ne sont pas toujours les mêmes ; et, toutes choses pareilles, c’est un avantage à un siècle d’être venu après les autres. » (Perrault) (parallèle avec la notion de cycle marxiste ? — on aborde d’ici le problème du temps et du progrès)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – LITTÉRATURE

« La mort triste » (Histoire comique des États et Empire du Soleil, de Cyrano de Bergerac)
« Ceux d’entre nous qui ont la voix la plus mélancolique et la plus funèbre sont délégués vers le coupable qu’on porte sur un funeste cyprès. Là, ces tristes musiciens s’amassent autour de lui et  lui remplissent l’âme, par l’oreille, de chansons si lugubres et tragiques que, l’amertume de son chagrin désordonnant l’économie de ses organes et lui pressant le cœur, il se consume à vue d’œil et meurt suffoqué de tristesse. »

– Note écrite à 16 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

( Au royaume des oiseaux )

– Plan 1 : panoramique lent et assez court jusqu’à cadrer un pigeon qui s’envole dans le sens du mouvement de caméra ( bruit d’ailes de l’oiseau )

« Ceux d’entre nous qui ont la voix la plus mélancolique… »

– Plan 2 : fixe sur une corneille qui s’envole dans le sens inverse du premier. ( bruit d’ailes )

« …et la plus funèbre… »

– Plan 3 : Plan général d’une partie de forêt où les cyprès voisinent avec des bouleaux. ( silence d’ailes)

« …sont délégués vers le coupable qu’on porte sur un funeste cyprès. »

– Plan 4 : Panoramique lent sur des feuillages mouillés de pluie ( bruit d’ailes )

« Là, ( on désigne un endroit ) ces tristes musiciens s’amassent tout autour et lui emplissent l’âme, par l’oreille, de sons si lugubres et si tragiques que, l’amertume de son chagrin désordonnant l’économie de ses organes… »

– Plan 5 : Travelling arrière s’éloignant d’un homme assis, la tête dans ses mains, immobile.

« …et lui pressant le cœur, il se consume à vue d’œil et meurt suffoqué de tristesse… »

( Tout de suite après la fin du commentaire : musique ? )

– Fermeture au noir.

– Note écrite à 16 ans

CITATION – RÉFLEXION

Miracle ! La notion de « fin » m’apparaît soudain acceptable… Tout est une question de moyens (ça se concilie avec Bachelard et Laborit) : On se fixe une fin, un but donné, et la pensée intuitionnelle, par-dessus le raisonnement, découvre les moyens d’y accéder. Mais le temps n’est pas dilué, ainsi, car LA NOTION DE FIN DOIT ÊTRE VÉCUE AU PRÉSENT PAR LE CHERCHEUR…
La finalité n’est pas le terme d’un voyage, elle est rationalisation de l’intuition : si bien que ce n’est pas la fin qui justifie l’intuition (les moyens) mais l’intuition qui justifie la fin… Les deux notion sont du même ensemble, dans le même temps… Le chercheur moderne doit s’entraîner à se fixer une fin et à l’atteindre le plus vite possible, par l’intuition…
Une question (la finalité) non résolue risque, à moins d’un dur exercice, de perdre ses valeurs «d’actualité» et nous pousse à employer d’autres moyens de l’atteindre que l’intuition. Mais, arrivé à un certain stade de la recherche intuitive, les questions se résolvent très vite et à un autre stade plus lointain, elles ne peuvent plus se poser, on ne sait plus dans quelle direction en marche, quel est le but… (pour l’instant)
On ne peut pas ramener la recherche intuitionnelle à la poursuite de finalités «sociales» recherchées par la société car on s’aperçoit assez tôt que ces finalités sont dépassées, elles ne suffisent pas. Il n’y a donc pas de scrupules à avoir pour prendre ces finalités, «sociales» ou non, comme des prétextes, car l’intuition ayant atteint un premier but, continuant sur sa lancée, elle se jette à la poursuite d’une nouvelle fin, née à la fois de cette intuition qui a besoin à prétextes et de la finalité précédente.
Ainsi l’intuition d’un moment contient les intuitions de tout le temps, et, en ce qu’elle est en elle-même le principe d’une résolution d’un temps «problématique», d’une concentration d’un univers en convergence, elle constitue en elle-même une morale mais une morale constamment réalisée, à la différence de la morale traditionnelle.
Cette morale est collectiviste puisque l’intuition nécessite les prétextes des finalités collectives, sociales. L’interdépendance de l’intuition et du social les range dans le même ensemble dont chacun des deux éléments est aussi le tout et, de cette façon, la morale intuitionnelle est également une morale « socialiste »… (pour l’interdépendance Cf. Paul Guillaume —- notes sur la « Psychologie de la forme  ») 

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION

« L’invocation des prétextes sociaux de l’intuition est une sorte de rationalisation de la recherche, à cela près que cette rationalisation est une projection abstraite seulement d’une certaine façon, dans un « abstrait » vécu qui peut avoir le goût exaltant des cafés ouverts la nuit. Cette rationalisation est une « utilisation », un mode de rendre utile à la société l’intuition. La notion d’utilitarisme doit donc être englobée dans la morale intuitionnelle mais elle n’est pas une morale à elle seule.

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION

Voilà résolu le problème de l’espace.


Pour parvenir à l’abstrait, il s’agit « d’épurer » le concret. C’est le rôle du mouvement qui fait sentir la non-opacité de la matière, qui fait sentir la tendance des objets à éclater, à diluer leur matière corpusculaire, et à se concentrer en un espace universel.


L’espace, le rien a ainsi l’opacité nouvelle d’une nature transformée en convergence. (Pas), le tout.

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION

« Le temps passe ou ne passe pas, c’est la même chose. »


Un temps très long, très étendu, équivaut au temps très court de la micro durée, ce temps très étendu, c’est celui qui « ne veut pas passer ».


Peut-être sont-ce des temps humains, mais peut-être non, les théories de l’univers convergent tendraient à le prouver..

– Note écrite à 16 ans

Commentaire du 21 novembre 2011 :

Carnets encore… car je repense à cette notion de « micro-durée » conçue à 16 ans (sic ! ) : j’avais été frappé par le fait que dans certains cas (le rêve – l’intuition – le réflexe) on trouvait, concentrée dans une durée très brève, une « micro-durée », une série d’opérations psychiques très nombreuses et complexes, qui étaient comme « repliées » dans cette « micro-durée », mais qui, si on les « dépliait », occuperaient une durée infiniment plus longue…Je ne suis pas allé plus loin que cette simple notion, mais, presque 50 ans plus tard, j’ai découvert, en relisant mes carnets, qu’elle était réellement prémonitoire, en ce qu’elle anticipait sur l’irrésistible évolution qu’a suivie notre société, à travers l’informatique, le développement des communications, la multiplication des déplacements et l’accroissement de la vitesse : certes, la « micro-durée » ne siège pas dans le cerveau de l’individu (sauf cas évoqués au début), mais dans cette sorte de « psychisme planétaire » qui est comme une « extension » du psychisme individuel !

– Commentaire écrit à 65 ans

CITATION – CINÉMA – BRESSON

(Robert Bresson) « J’essaye de plus en plus, dans mes films, de supprimer l’intrigue. »


« Mon dernier film, « Un condamné à mort s’est échappé », m’avait orienté vers les mains. L’extraordinaire habileté des mains, leur intelligence (…) l’âme d’un pickpocket, la main d’un pickpocket… Il y a du merveilleux dans le vol à la tire. »

– Note écrite à 16 ans

CITATION – CINÉMA – FRANJU

(Georges Franju) : « Un immeuble (…) peut devenir très insolite et très artificiel Si on évite l’épaisseur. Les maisons incendiées sont très belles. (…) Le rôle du décor a toujours été le même dans tous mes films. C’est un rôle avant tout poétique. Il est la « découverte » sur l’évasion. Sur le rêve. »

Note écrite à 16 ans

CITATION – CINÉMA – BRESSON

(Bresson) « Le problème de la couleur n’est pas un problème de couleur. Peu importe que la couleur soit bonne ou mauvaise. On peut toujours tirer un bon parti d’un mauvais outil à condition qu’on sache qu’il est mauvais. Non, le problème n’est pas là. Il est dans une vertu dispersive, distractive de la couleur qui condamne à mes yeux, pour le moment, son emploi dans le drame et la tragédie. »

Note écrite à 16 ans

VÉCU – CINÉMA

jeudi 5 : 18 h 30 Man of Aran —– vendredi 6 : 18 h 30 Dada, Surréalisme et cinéma pur —– samedi 7 : 22 h 30 Yang Kweï Feï —– dimanche 8 : 15 h Tempête sur l’Asie 22 h 30 Le roman d’un tricheur —– mardi 10 : 20 h 30 La ronde 22 h 30 Amore —– jeudi 12 : 22 h 30 Mystère Picasso —– vendredi 13 : 18 h 30 Les anges du péché —– samedi 14 : 20 h 30 Histoires extraordinaires 22 h 30 Shors (?)

Note écrite à 16 ans

CITATION – LITTÉRATURE – TABLE RONDE

« Là vivait un vavasseur nommé Dyonas, qui était filleul de Diane, la déesse des bois.


(La table ronde. Transcription de Jacques Boulenger. Merlin l’enchanteur. Tome 1


Dans un cycle d’inspiration chrétienne voici qu’apparaît la mythologie païenne, voilà qui est pour le moins étonnant… !


Le dit vavasseur est le père de Viviane qui recevra la science de Merlin : il semble que la mythologie n’est évoquée qu’en rapport avec les pratiques magiques. Rapports situés précisément dans le recours que fait la mythologie à des emblèmes comme le soleil, la lune ou les astres qui sont aussi ceux de la magie.

Note écrite à 16 ans

LIRE – SCIENCE-FICTION

« L’Univers en folie » (Brown), « 9 de pique » (John Amila), « Le monde des A », « Le rayon fantastique », « La faune de l’espace », « À la poursuite des Slan » (Van Vogt), Abernathy, « Cailloux dans le ciel » « Fondation » (Isaac Asimov), « L’homme démoli » (Alfred Bester), « Fictions » « Labyrinthes » « Enquêtes » (J. L. Borges), « Chroniques martiennes » « Farenheit 451 » « Les pommes d’or du soleil », « Pays d’octobre » (Ray Bradbury), « Martiens go home » —  « Une étoile m’a dit » (Frédéric Brown), (Philip K. Dick), « La naissance des dieux » (Charles Henneberg), « La couleur tombée du ciel »  « Dans l’abîme du temps »  « Par-delà le mur du sommeil »  « Démons et merveilles » (Lovecraft) —- (J. T. Macintosh) « Je suis une légende » —- « L’homme qui rétrécit » (Richard Matheson), « L’homme venu du futur » (Lewis Padget), (Arthur Porges), « Le délit »  « La géométrie dans l’impossible » —- « La sortie est au fond de l’espace » (Jacques Sternberg), « E=MC² » (Pierre Boulle)

Note écrite à 16 ans

VÉCU – CINÉMA – RESNAIS

À quelques pas de moi, qui étais immobilisé dans une voiture, au milieu de l’avenue des Champs-Élysées, hier, j’ai vu Alain Resnais ; il m’a paru maigre, sportif, il avait un imperméable marron, une vieille sacoche de cuir, une démarche bizarre, inélégante ; il est monté dans un taxi et je ne l’ai plus revu ; avec le temps, cette apparition me paraît de plus en plus monstrueuse et monstrueux Resnais lui-même


Cette vision est une des plus grandes questions que je me sois posé et j’en garde un souvenir assez privilégié.

Note écrite à 16 ans

CITATION – LITTÉRATURE – LA BRUYÈRE

« L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés de soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent aussi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. » (La Bruyère)

Note écrite à 16 ans

IDÉE – THÉÂTRE

Macbeth – Les sorcières (mise en scène)

Costumes : très longs, très rugueux. On doit avoir l’impression qu’elles peuvent à tout instant s’empêtrer dans les pans qui retombent en leur formant une espèce de traîne.

(Le rideau se lève. La lumière est glauque, astrale. Un arbre décharné tend ses branches à contre jour sur la lumière blanchâtre et phosphorescente du ciel. Depuis l’arbre, auxquels ils font ainsi un sinistre feuillage, pendent des écheveaux d’une sorte d’étoupe ressemblant à des cheveux. Au bas de l’arbre un feu de bois en étoile, pas trop vif. La 3ème sorcière, à genoux, en tient une masse pendant en une ligne à peine courbée, depuis une branche inclinée vers le sol, la courbe finissants à ses mains tenues au-dessus du feu, la nappe du reste des cheveux plongeant dans le feu et brûlant de petites flammes qui semblent vouloir remonter vers le haut des écheveaux sans jamais y arriver. Elle est tournée vers le public. De derrière l’arbre sort la 1ère sorcière, qui s’arrête, les yeux dressés vers le ciel : un éclair fulgure rapidement. Pendant l’illumination, vacillante, la 1ère sorcière se retourne, arrache une masse d’écheveaux et, les bras un peu retenus par la masse qu’elle entraîne, le tonnerre éclatant, elle se précipite vers le feu pour s’agenouiller auprès de sa compagne, malaxant les cheveux avec fureur, sa compagne, elle, les faisant brûler avec une malice féroce. La 3ème sorcière la regarde. Le tonnerre s’arrête, la 1ère sorcière est à genoux, aux côtés de l’autre, toutes deux se retournent. La 2ème sorcière est entrée :

— 1ère sorcière : « D’où viens-tu, sœur chérie ? »
— 2ème sorcière : « De saigner une truie »
(Elle reste debout. La 1ère sorcière se retourne vers le feu et se met à faire brûler des cheveux)
— 3ème sorcière : (se tournant vers la 1ère) « Et toi, ma sœur, il semble que tu te plaignes ? »
— 1ère sorcière : (penchée sur le feu, marmottant avec fureur, récitant sa tirade comme le compte qu’on fait des injures reçues avant la vengeance)

« La femme d’un marin mastiquait des châtaignes,
Plein entre les genoux et plein la bouche pleine,
Mâchonnant, mâchonnant,
« Eh, donne-m’en » lui dis-je !
« Arrière ! » m’a hurlé cet égout de cuisine.
Alors comme son mari,
quartier-maître à bord du « Tigre »,
fait voile vers la Syrie,
j’embarque sur un tamis,
je rame vers le navire
Et sous la forme d’un rat,
dans la cale et sous la coque,
je grignote et je grignote,
il verra ce qu’il verra ! »

(À ces mots, elle jette violemment une plus grosse masse de cheveux dans les flammes qui s’embrase très haut et très fort, éclairant violemment le faciès démoniaque de la 1ère sorcière)
(La 3ème, debout, fait le geste de pousser et de jeter une botte de foin mais en plus lent, elle pousse le vent vers la 1ère sorcière)
— 3ème sorcière : « Prend ce vent, je te le donne. »
(Avant que la phrase finisse, la 2ème sorcière est debout, son bras s’élève, agrippe une masse invisible et redescend, entraînant la masse)
— 2ème sorcière : « Moi cet autre. »
(La 1ère sorcière écarte les bras et les referme sur la main tendue de la 2ème sorcière qu’elle serre)
— 1ère sorcière : « Que tu es bonne. »
— 2ème sorcière : « Et les autres ? »
— 1ère sorcière : (la regardant avec une lueur féroce dans les yeux) « Je les tiens !

Il n’est ni vague ni requin
ni vent dont je ne dispose,
j’ai le reste de la rose
et les cartes des marins…
Qu’il sèche comme le foin,
le mari de ma commère,
quatre, quatre et dix semaines,
pâle, pâle et rabougri !
Que j’épingle jour et nuit
à l’auvent de sa paupière
l’enseigne de l’insomnie,
qu’il pèle comme un prêtre
sevré de la sacristie !
Que sa barque se fracasse
ou du moins que la bourrasque
le cogne contre les mats !

(Le ton est allé crescendo. Elle s’arrête là, brusquement, fouille ses habits, en sort un objet qu’elle montre à la 2ème sorcière) « Regarde ! »
— 2ème sorcière : « Qu’est-ce que cela ? » (Elle s’accroupit pour voir, non seulement étonnée, mais vaguement réjouie, comme lubrique.)
— 1ère sorcière :

« D’un marin qui n’est pas mort
Un autre me réconforte :
C’est le pouce d’un pilote
noyé dans les eaux du port.

(Elle rengaine l’objet)

(Tambour…)

— 1ère sorcière : (se redressant) « Macbeth ! »
— 2ème sorcière : (se redressant) « Macbeth ! »
— 3ème sorcière : « Il approche ! »
— Toutes : (elle dansent, la 1ère et la 2ème se tenant plus ou moins, la 3ème seule)

« Tissons le piège du sort !
sœurs fatales, messagères
de l’air, de l’eau, de la terre,
tournons la main dans la main
tous les tours que fit le monde :
au dernier finit la ronde
où commence le destin. »

(Elles regardent toutes vers la droite, la 3ème qui est vers le côté des coulisses où elles regardent, se rapproche des deux autres, tout en regardant vers les coulisses. Elles sont groupées, le feu brûle doucement. Entrent Macbeth et Banquo)
— Macbeth : (il regarde le ciel, songeur) « Je n’ai jamais vu de jour si horrible et si beau. »
— Banquo : (un peu éloigné, inspectant les environs) « À combien sommes-nous de Forrès ? » (apercevant les sorcières, il sursaute, un peu effrayé) « Quelles sont ces créatures, si flétries, si bizarrement accoutrées ? » (Macbeth se retourne) « Elles sont bien sur la terre où nous habitons mais semblent ne pas en être. Êtes-vous seulement vivantes ? Un homme pourra-t-il vous questionner ? (Les sorcières posent un doigt sur leurs lèvres) Vous avez l’air de comprendre puisque chacune à l’instant pose un doigt sec sur ses lèvres calleuses. Vous devez être des femmes et pourtant votre barbe m’empêche le croire. »
— Macbeth : (irrité) « Parlez si vous pouvez, qu’est-ce que vous êtes ? »
— 1ère sorcière : (s’inclinant) « Salut Macbeth ! Salut à toi, Glamis ! »
— 2ème sorcière : (idem) « Salut Macbeth ! Salut à toi, Caudor ! »
— 3ème sorcière : (idem) « Salut Macbeth, toi qui seras bientôt roi ! »
(Banquo se tourne vers Macbeth ; celui-ci frissonne et ramène son manteau sur ces épaules)
— Banquo : « Mon bon seigneur, pourquoi ce frisson ? Vous auriez peur de tout cela, qui sonne si bien ? » (se retournant et les sorcières) « Au nom de la vérité, êtes-vous donc des fantômes ? Existez-vous vraiment comme vous paraissez ? Vous donnez à mon noble compagnon le titre qu’il possède, la promesse d’une autre fortune et l’espoir d’un royaume, il en paraît saisi. À moi vous ne dites rien. Si vous avez le pouvoir de lire les germes du temps et de reconnaître dans les semences celles qui lèveront ou ne lèveront pas, parlez ! Votre faveur ou votre haine ne me fait ni peur ni plaisir »
— 1ère sorcière : « Salut ! » (On doit bien avoir l’impression qu’elles répondent à Banquo)
— 2ème sorcière : « Salut ! »
—3ème sorcière : « Salut ! »
— 1ère sorcière : (1ère nuance : elle répond – 2ème nuance : elle se parle à elle-même, songeuse) « Plus petit que Macbeth et plus grand tout ensemble ! » (elle dit ceci et les trois sorcières reculent en parlant vers l’arbre derrière lequel elles disparaîtront)
— 2ème sorcière : « Moins heureux et pourtant heureux bien davantage ! »
— 3ème sorcière : (elle parle, appuyée à l’arbre, avant de fuir) « Père de rois, de rois, et sans l’être toi-même ! Donc salut, Macbeth et Banquo. »
— Toutes : « Banquo et Macbeth, salut ! »
— Macbeth : (s’avançant d’un pas et frappant de son poing droit dans sa paume gauche) « Restez là ! » (les sorcières s’immobilisent. Un temps) « Terminez vos discours incomplets ! Par la mort de Sinnel, je sais très bien que je suis Glamis. Mais comment cela, Caudor ? Caudor est vivant, prospère. Et roi ? Ce n’est pas plus imaginable pour moi que d’être Caudor. D’où tenez-vous cette science étrange ? Dites-moi ! Pourquoi, sur cette lande brûlée de foudre, arrêtez-vous notre marche avec vos saluts prophétiques ? Parlez, je vous l’ordonne. »
(Les sorcières disparaissent, le feu s’éteint)
— Banquo : « À croire qu’elles sont des bulles sur la terre comme il en existe sur l’eau ! Où ont-elles disparu ?
(Il s’avance pour marcher derrière l’arbre. Macbeth se retourne et fait quelques pas)
— Macbeth : « Dans l’air ; ce qui semblait avoir un corps s’est fondu comme un souffle au vent. » (il s’arrête) « J’aurais tant voulu qu’elles restent ! »
— Banquo : (il remonte vers lui) « Mais étaient-elles vraiment devant nous ? N’aurions pas mangé de cette racine qui fait de la raison l’esclave de la folie ? »
— Macbeth : (il se retourne vers lui) « Vos enfants seront rois. »
— Banquo : « Vous serez roi. »
— Macbeth : (il continue les paroles de Banquo) « Et Caudor. » (léger arrêt) « C’était bien ainsi ?»
— Banquo : « Refrain, couplet, mot pour mot. » (il se retourne, sortant son épée) « Qui va là ? »
(Entrent Ross et Angus)
— Ross : « Macbeth, le roi a reçu avec bonheur la nouvelle de ta double victoire. Déjà, quand il apprend tes exploits contre les rebelles, il hésite entre la stupeur, qui doit se taire, et la reconnaissance qui voudrait s’exprimer. Et voici que le même jour, quelques heures plus tard, il te retrouve seul parmi les rangs norvégiens, impassible devant tous les spectres de la mort que tu crées toi-même. Les courriers arrivaient tous à la fois, drus et rapides comme un orage de grêle ; et chacun apportait le tribut de sa gloire et le versait aux pieds de ton roi.
( Ross doit prononcer ces mots sur le ton d’un porte-parole, un peu comme si le décor avait changé et que la scène était dans un palais où les deux envoyés viendraient saluer un grand seigneur. Angus doit renchérir sur le même ton de louanges)
— Angus : Macbeth, nous t’apportons des remerciements, rien de plus, mais nous allons te conduire en présence de notre maître et là vraiment tu seras payé. »
— Ross : Mais déjà, comme gage d’un plus grand honneur, il m’ordonne, Macbeth, de te proclamer Caudor. Salut donc, (il s’incline) noble Caudor, car ce nom est le tien.  » Banquo : (à part, tressaillant) « Quoi, le diable aurait dit la vérité ? »
— Macbeth : Caudor ? Il est vivant… (étonné) Pourquoi m’habillez-vous de vêtements empruntés ? »
— Angus : (il s’incline très légèrement) Caudor est encore vivant mais un lourd jugement pèse déjà sur sa vie, qu’il a mérité de perdre. Avait-il fait alliance avec ceux de Norvège ? A-t-il soutenu en secret les rebelles ? Ou a-t-il travaillé avec les uns et les autres à la ruine de son pays ? Je l’ignore. Mais le crime de haute trahison, avec l’aveu et toutes les preuves, l’anéantit. »
— Macbeth : (il se détourne, songeur, et fait quelques pas à l’écart, vers Banquo. À part) « Glamis et Caudor ! Quels titres ! À quand le dernier, le plus grand ?»
(À Ross et Angus, se retournant à demi, avec un geste de la main pour donner congé) « Merci de vos peines. »
(Se retournant vers Banquo, s’arrêtant devant lui et le regardant) « Au fait, vous n’espérez pas que vos enfants seront rois puisque celles qui m’ont appelé Caudor leur ont annoncé le trône ? »
— Banquo : (appuyant des deux mains sur son épée dans la pointe est sur le sol) « À ce compte, au-delà du titre de Caudor, vous pourriez aspirer en toute confiance à la couronne elle-même. Mais c’est étrange, souvent pour nous conduire à notre perte, les puissances des ténèbres nous disent des vérités ;
(Macbeth s’éloigne et Banquo lui parle alors qu’il marche et lui présente son dos)
— « Elles nous offrent pour appât des bagatelles fort innocentes et nous nous enfonçons et nous sommes trahis, »
(Il se retourne vers Ross et Angus qui regardent Macbeth, avec un léger étonnement. Banquo, se rapprochant un peu d’eux, le regarde aussi et se retourne vers Ross et Angus, chaque fois qu’il leur parle) « Un mot, cousins, je vous prie. »
— Macbeth : (s’immobilisant, de profil par rapport au public) (à part) « Deux vérités sont déjà dites, deux prologues heureux, gros de leur tragédie qui est royale. » (haut, se retournant vers Ross et Angus) « Messieurs, je vous remercie. » (à part, il se prend le menton et fait un ou deux pas) « Ce message surnaturel qui me sollicite ne peut être ni bon ni mauvais. S’il est mauvais, pourquoi ce début véritable, promesse de réussite ? Je suis Caudor. S’il est bon, (il se lâche le menton) qu’ai-je à faire de cette idée naissante, image épouvantable qui fait se dresser mes cheveux, battre mon cœur, si fort que la poitrine se casse ? La peur est peu de chose auprès de ces visions. Oui, cette horreur contre nature, ce crime encore à l’état de rêve ; et pourtant il bouleverse mon âme, mon corps, mon univers tout entier ; tout mon être est anéanti par la pensée : rien n’existe plus que cela, qui n’est pas encore. »
— Banquo : « Voyez comme votre compagnon est absorbé »
— Macbeth : (à part) « Allons, si la fortune veut que je sois roi, elle peut aussi bien me couronner sans que je remue. »
— Banquo : « Les honneurs nouveaux lui vont comme des vêtements neufs qui se font seulement à l’usage. »
— Macbeth : (à part, avec un geste bref) « Advienne que pourra, la nuit met toujours fin au jour le plus ingrat ! »
— Banquo : (à Macbeth) « Noble Macbeth, nous attendons votre bon plaisir. »
— Macbeth : (remontant vers eux) « Pardonnez-moi, messieurs, mon cerveau engourdi se trouvait assailli de choses oubliées… Mes bons seigneurs, vos services sont gravés sur des feuillets que je tourne chaque jour afin de les relire. Allons retrouver le roi. (Passant devant Banquo, il s’arrête et lui souffle) « Pensez à ce qui est arrivé. Et quand le temps aura donné à toutes choses leur juste poids, nous parlerons tous deux à cœur ouvert. » (Il repart)
— Banquo : (il parle en le suivant) « Bien volontiers. »
— Macbeth : (il se retourne vers lui, très léger arrêt) « Jusque-là, silence. » (il se retourne vers les autres) « Partons, mes amis. »
(Ils sortent)

Note écrite à 16 ans

LIRE – SCIENCE-FICTION – FANTASTIQUE

17 ans

Ces notes ont été reprises après mon départ de Paris à Lorient

– Aandhal Vance (Am) :  « When the lilacs last in the bloomed dooryard » (Là où poussaient les lilas)
— Demuth Michel (FR) :  « Lune de feu »,  « Les huit fontaines », « L’homme de l’été »
—  Borges Jorge Luis (Argent) :  « La loterie à Babylone »
—  Raabe Juliette (FR) :  « Gare ton doigt de l’ondoingt »
—  Nathalie Charles Henneberg :  « La terre hantée »
—  Ehrwein Michel :  « Les voix dans le désert »
— Veillot Claude :  « Encore peu de caviar »
— Battin Marcel
— Georghiu Georges :  « Heureux comme Dieu en France »
—  Malaval Suzanne :  « Le temps des sortilèges » → [ « point féminin godin caraca secuto c’est le principal moyen de la faringo »] ( « Ce merveilleux matin »)
— Seriel Jérôme :  « Le satellite artificiel »
— Klein Gérard :  « Un chant de Pierre »
— Drode Daniel :  « Dedans »
— Simak Clifford :  « La vermine de l’espace »
— Osterrath Jacqueline :  « Le rendez-vous de Samarkande »
— Russ Joanna :  « Émily chérie »
—  Ballard J. G. :  « Le sel de la terre », « Le jardin du temps »
— James R. Montague :  « Le conte Magnus »
—  Bram Stoker :  « La maison du juge »
— Aldyss Bryan :  « Jusqu’en ton sein »
— Seignolle Claude :  « Delphine »
— Cortazar Julio :  « Les fils de la vierge »
— Sternberg Jacques :  « Le reste est silence »
— Budris Algys :  « Menaces dans le ciel »

Note écrite à 17 ans

VÉCU – CINÉMA

1/ 13 octobre  « Goupi mains rouges » (Jacques Becker),
2/ 27 octobre  « Dossier noir » (Cayatte),
3/ 17 novembre  « La strada » (Fellini),
4/ 8 décembre  « Celui qui doit mourir » (Jules Dassin),
5/ 12 janvier  « La mort de Siegfried » (Fritz Lang) (mené la discussion de la mort de Siegfried),
6/ 26 janvier  « Fantôme à vendre » (René Clair),
7/ 9 février  « La chaîne » (Stanley Kramer),
8/ 15 mars  « La belle et la bête »,
9/ 12 avril  « Johnny Guitar » (Nicolas Ray), 10/ 26 avril  « L’idiot »

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES

Surprise partie    Hélène Françoise Michèle Évelyne Chantal Anne G. Annie T. Dominique Martine Maryse Roselyne (Marie Paule ?) —– Robert Yves Patrice Maurice Gérard Jean-Paul Bernard Louis Jean Michel Jacky —– surpat

Note écrite à 17 ans

Commentaire du 25 décembre 2011 :

Je me souviens que j’étais « amoureux » d’Annie T. et quand, prenant mes désirs pour des réalités, j’ai écrit nos deux prénoms au noir de bougie au plafond de la cave où avait lieu la surpat, elle avait vivement protesté, n’ayant aucune attirance pour moi. Je me souviens aussi que, plus tard, Hélène A* a été assassinée à coups de marteau par son mari, ainsi que ses enfants, je crois. Combien a-t-il fait de prison ? Est-il encore vivant ? Que fait-il, s’il vit ?

 – Commentaire écrit à 65 ans

VÉCU – RÉFLEXION

Que faire lorsqu’on apprend que quelqu’un qu’on n’appréciait pas tellement pour sa façon de vivre est atteint d’un cancer et n’en a plus pour longtemps à vivre ?


Je n’ai pu empêcher de me sentir coupable. Que je ne sache pas de quoi n’empêche pas que je le sois. Si l’on considérait les gens, quelle que soit leur situation et leurs mœurs, avec le même détachement et le même amour, on n’aurait pas à se sentir coupable.


Là encore il faudrait distinguer celui qui agirait ainsi par désir d’un engagement philosophique valable de celui qui le ferait pour pouvoir se mettre à l’abri de son sentiment de culpabilité


Dans mon cas, pour moi qu’un effort de réflexion n’a pas su mettre à l’abri des impulsions partiales et des mépris injustifiés, la plus simple honnêteté intellectuelle ne consisterait-elle pas à continuer d’avoir honte, c’est-à-dire de mépriser l’autre… ?


Mais ce qui me fait honte c’est que je ne peux pas être dans une situation claire car, maintenant que je sais, je ne peux même plus le considérer comme avant. Je ressens ce foutu truc atroce qu’on appelle de la pitié.


J’ai honte de moi et je me sens plus méprisable que lui d’avoir de la pitié pour lui.


Je ne le connais pas. Raison de plus car le problème n’apparaît que mieux lorsqu’il est posé par n’importe qui.


Une seule chose peut me sauver : un rapport à n’importe qui, j’essaye (sans y arriver tout le temps) d’adopter une position qui, sans être méfiante, soit « expectative », j’observe ses gestes, ses paroles et dans ce temps d’observation, par bonheur, je ne juge pas. Par bonheur je n’avais pas encore jugé ce type quand j’ai su.


Je ne le méprisais pas encore.


Seul le regard vigilant, lucide, plein d’amour, qu’on pose sur les gens peut nous sauver encore


Que me reste-t-il à faire ?


Continuer à l’observer comme je le faisais et toujours, surtout, avoir honte parce que j’allais le juger.


La Mort remet les choses à leur place. Je n’ai qu’à fermer ma gueule.

(Un an plus tard : ) J’ai revu ce gars-là un an après toujours aussi bien portant qu’au premier jour. Il n’a rien. Il ne fait rien non plus.

Note écrite à 17 ans

RÉFLEXION

L’homme qui ne parle pas. Au travail, il affûte un crayon, choisit une plume, en rejette une autre, d’un air négligent, sifflote, répond aux questions des autres ; il s’en va ; dans le métro, il lit, peut-être, ou bien voit les autres sous leurs regards. —– Il arrive chez lui. —– Il mange vite ; il ne tient pas compte de sa famille, il lui répond vaguement. Il se lève, il redescend chez lui. Il se déchausse, se déshabille, se couche, se met à fumer. —– Sa journée se termine là. Ça débouche sur quoi ? Ça débouche sur rien, ou peut-être sur lui-même.


Comment savoir ? Comment arriver là ? —– Éviter l’humiliation, la condescendance. —– Aimer les gens n’autorise pas qu’on leur passe des faiblesses, aimer nécessite qu’on prenne ses distances et qu’on les garde. —– Il faut acquérir le calme d’une réflexion intime, intérieure. Ne se livrer que peu à peu, par bribes et par certains moyens bien établis. Dans des cadres soigneusement délimités, selon des règles préalablement explorées.


Éviter les gestes impulsifs. Rester calme avant tout. La Nervosité fait perdre ses moyens et mène aux fautes.

Note écrite à 17 ans

CITATION – LITTÉRATURE – GIRAUDOUX

« Le grand théâtre est celui qui convainc des esprits déjà convaincus, qui émeut des âmes ébranlées, éblouit des yeux déjà illuminés, et qui laisse à son terme les spectateurs avec l’impression d’une preuve, la preuve de leur sensibilité et de leur époque. »

Note écrite à 17 ans

VÉCU

Je reprends ces notes après un temps assez long d’interruption. J’ai passé mon 1er bac (réussi) et je vais entrer en philo. Je compte ne pas me laisser aller à l’habitude et conserver ma curiosité philosophique. J’ai longtemps attendu cette classe. Je sais qu’en un sens elle me décevra mais je crois qu’une réflexion personnelle pourra me satisfaire et j’aurai la garantie (ce qui est important pour moi) que se poser des questions ne sera pas ( plus ) incongru et pathologique.

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX – ÉCRITURE

« Ami, je t’offre un pot ; vide cette canette.
Laisse-moi de parler d’une douce nénette,
Qu’un soir j’ai rencontrée, au bal, un bal paumé,
Un d’ces guinches de cambrousse que jamais j’oublierai… »

– (en souvenir d’Annick, la seule « merveille » à laquelle j’aie eu droit depuis mon enfance)

Note écrite à 17 ans

VÉCU – AMIS

Je repense souvent à toi, Bruno, j’aimerais bien te revoir, tu es le seul de mes amis que je regrette vraiment. J’ai passé avec toi des moments vraiment formidables et tu m’as fait découvrir beaucoup de choses. Je me demande si tu te souviens encore de moi. On s’est perdus de vue bêtement et je me demande ce que tu es devenu.

–  Note écrite à 17 ans

Commentaire du 28 novembre 2011 :

Quelques années plus tard, j’ai revu ce garçon : il était marié, « rangé », il me regardait avec stupéfaction (devant moi ? devant lui ? devant nous ? nous d’alors ? nous d’autrefois ?) Il  était devenu banal, il n’avait plus « la flamme », lui qui avait essayé de se suicider « par surréalisme ». Une déception horrible

Commentaire écrit à 64 ans

CINÉMA – CRITIQUE DE FILM – OLMI

Notes sur quelques films :  « Il posto »

Ce film se rattache à une tradition  « classique » du cinéma, celle des Hitchcock, des Bergman, ou même des Lang. La tradition, je ne dirais pas du symbole, le mot est trop vague, trop limité, mais plutôt de l’allégorie.


Il y a plusieurs niveaux dans le cinéma. Pour l’instant distinguons-en deux. Nous verrons plus tard qu’il y en a un troisième. Au premier niveau : les primitifs : l’avant-garde des Delluc, Dulac, Richter (mais pas Buñuel) en est le parfait exemple. Ceux qui croient à la vertu visuelle de l’image et ne cherchent qu’à provoquer des sensations. Ce fut le but avoué ou inavoué de tout une partie du cinéma naissant, expressionnisme inclus. Au second niveau, supérieur bien entendu, les classiques ou symbolistes.


Malgré tout, pour bien faire comprendre quoi consiste ce second niveau, il faut parler du troisième et les distinguer.


Dès que le cinéma dépasse la sensation visuelle, dès que l’image n’est plus uniquement image et tend non plus à vous impressionner mais à signifier pour nous, le cinéma diverge dans deux directions différentes. C’est d’abord le deuxième degré :. Un exemple :  « Il posto » d’Ermano Olmi et plus particulièrement la fin du film : gros plan sur le visage du petit employé. Il s’assoit au bureau qu’on vient de lui assigner et relève la tête : en face de lui une ronéo débite sa paperasse. On la devine, car elle est hors champ, à son bruit régulier et monotone. Fermeture au noir, le film se termine sur ce bruit cadencé.


Il est évident que ce dernier plan du petit employé accompagné de ce bruit est un symbole. Symbole de l’enlisement du bureaucrate dans le papier.


D’autres en imagineront une autre, mais la phrase qui m’est venue à l’esprit en voyant ce dernier plan est :  « Il passera sa vie dans la paperasse » et même plus schématiquement je crois bien qu’un mot seul a jailli dans mon esprit :  « Paperasse ».


 Les films du second niveau sont tels qu’ils font jaillir en vous des noms, ou des phrases mais de toute façon des mots. Au second niveau, l’image se transmue en langage. Le réalisateur a ces mots dans la tête avant de tourner, il les a peut-être même écrits sur le script et tout le film consiste à tourner des plans qui aboutissent à répéter ces mots. Je parle d’allégorie car dans ce dernier cas l’image mène à des noms ( « Liberté, Mort, Bonté » etc.) et que les noms sont le langage à l’état pur. Ainsi  « Il posto » est l’allégorie de la déesse  « Paperasse » (qui règne sur notre civilisation) et en cela c’est un grand film classique. Les films à scénario sont les allégories des scénarios

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

Je l’ai revue. Un instant seulement. Elle m’a revu aussi. Nous sommes arrêtés pour nous regarder. J’ai été frappé de stupeur et d’une joie si énorme qu’elle en est devenue douloureuse, paralysante. Je n’ai pas pu lui parler et je suis reparti, hagard, tremblant comme un enfant. Jusqu’au soir j’ai été plongé dans une nervosité incroyable. Je l’ai revue. C’était il y a environ une semaine. Il faut que je sache le jour exact. Nous nous sommes arrêtés pour nous regarder. J’ai été frappé de stupeur et d’une joie si énorme qu’elle en est devenue douloureuse, paralysante. Je n’ai pas pu lui parler et je suis reparti, hagard, tremblant comme un enfant. Jusqu’au soir j’ai été plongé dans une nervosité incroyable. Je l’ai revue. C’était il y a environ une semaine. Il faut que je sache le jour exact.


Cette rencontre m’a procuré plus de bonheur que de surprise car je l’attendais un peu. En fait j’ai écrit  « En souvenir d’Annick… » mais je me demande si j’ai jamais réellement pensé à elle comme à un « souvenir ». En réalité je m’efforçais de la considérer comme disparue pour toujours de ma vie, mais elle y est reparue et j’attendais cela.


J’ai revu Danielle, sa soeur, aussi, ce soir, elle m’a parlé d’elle. Quand je pense que c’est d’abord elle qui m’a attiré… Il est vrai qu’elles se ressemblent beaucoup, mais cependant elles ont de grosses différences.


Danielle est plus assurée, plus rieuse que sa sœur. Elle est plus vieille. Cette rencontre avec Danielle (qui m’a d’ailleurs autant paralysé et bouleversé que celle avec Annick) est une confirmation. Je ne peux plus douter maintenant qu’Annick a reparu sinon dans ma vie du moins dans mes pensées.


Cette nuance est importante, car elle signifie qu’il me faut choisir une ligne de conduite : j’aime Annick, je pense à elle, mais elle n’est pas réellement engagée dans ma vie.
Vais-je tout faire pour cela ? Suis-je assez sûr de tout ? De moi, d’elle, de mes souvenirs, de l’avenir, des autres, du destin ?


J’ai l’impression d’être au seuil de quelque chose, sur le pas d’une porte, mais une porte qui ouvrirait sur quoi ?


Il peut ne rien se passer : je la revois (car je la reverrai certainement d’une façon d’une autre), je me raisonne et me fais passer pour indifférent… Toute l’histoire s’écroule ou plutôt ne s’écroule même pas, car elle ne commence pas.


Mais je sais bien que je n’en ferai rien. Je l’aime trop pour cela. En fait, je ne sais pas ce que l’avenir me réserve et j’aimerais le savoir.


Quoi qu’il en soit, je suis sûr d’une chose : je vais la revoir, je la reverrai et, comme j’ai besoin d’elle, je resterai avec elle jusqu’au bout.


(Je sais que ces notes sont stupides et ne servent à rien, pas même à mettre mes idées au clair. Il y avait longtemps que je ne faisais pas quelque chose emporté par ma sensibilité, contre ma raison.)

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

J’ai écrit « Nous sommes ensemble et cela suffit. » Le danger n’est-il pas dans le fait que, justement, nous ne sommes pas ensemble ?


 Car enfin une fille que je ne connais pas, si je ne la vois qu’une fois par semaine, est-ce suffisant pour bien la connaître ? Et sinon peut-on aimer et continuer à aimer longtemps quelqu’un qu’on ne connaît pas ?


 En vivant tous les jours avec elle je pourrais l’aimer sans la connaître, mais en la voyant si peu souvent…

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

J’étais arrivé à la confiance et il faut tout recommencer. Mais je n’ai pas peur, je me remet à cette tâche, conquérir une femme, sa confiance, sa compréhension. C’est si beau, et si tendre, cet animal qui pose sa tête sur votre épaule et le vent qui passe dans  ses cheveux. Elle tremble de froid contre vous et vous la réchauffez en mettant vos deux bras autour de ses épaules.

Note écrite à 17 ans

VÉCU – FEMMES – ANNICK DE GROIX

Annick est sortie de ma vie comme elle y est entrée, brusquement, merveilleusement, tragiquement. Un bateau qui vire de bord et sort du port en disparaissant derrière un môle, de la brume et la ville qui continue à vivre autour. Je dis qui continue à vivre, mais rien n’est mort. Mon histoire a été telle que je l’avais rêvée et prévue, courte, histoire sans histoire, en somme. Si on totalise les heures passées avec elle, on arrive à peine peut-être à une nuit entière. Commencée au début de la nuit, dans un petit bal, elle s’achève à l’aube, sur un embarcadère, à l’aube d’une nuit étirée, allongée à quatre mois. Un rêve très bref et très beau. Un espoir insensé, un petit visage maigre et triste. Un rêve dont on garde vivace encore au matin le souvenir précis et vague à la fois, un rêve qui pourrait être une réalité, on ne sait pas trop si on l’a vécu ou non.


 Je lui ai écrit après n’être pas allé la chercher au bateau. Je lui ai dit que j’avais bien compris son indifférence et que je n’insistais pas. Elle m’a confirmé cela en écrivant à son tour.


 Après cela, je l’ai revue une fois au ciné-club ( « Noblesse oblige »). Nous nous sommes ignorés. Je l’ai revue ensuite en passant en voiture. Je me suis arrêté, je lui ai parlé. Elle était intimidée par mon frère. Je l’ai revue avec sa sœur et un gars un dimanche en ville. Elle a fait comme si elle ne m’avait pas vu.


 Puis je l’ai revue à la quinzaine de la Tchécoslovaquie. Elle m’a dit bonjour de loin en me souriant. Les choses étaient redevenues normales. Je l’ai encore revue au ciné-club ( « La jetée »). Elle m’a dit bonjour.


 C’est donc terminé, d’ailleurs le jeu avait assez duré. Ce n’est plus de mon âge. En m’y laissant prendre, je voulais secrètement retomber en enfance. J’y ai réussi. Il fallait bien redevenir une grande personne. À part ça je pars pour Paris après-demain. Multitude de sentiments complexes et contradictoires. Impression de retrouver quelque chose de connu et d’inchangé. Peur de l’ennui. Plus d’exaltation après l’annonce que Jocelyne restait. M’étais fait  des idées sur ces vacances. La vie nous détrompe toujours. Suis curieux comparer ces impressions pré-parisiennes avec ce que je ressentirai en revenant et sur le moment.


 J’essaierai de  penser à reprendre ce carnet à mon retour de Paris après les vacances de Noël.

 – Note écrite à 17 ans

VÉCU

18 ans

Ces choses-là n’ont plus d’importance aujourd’hui. Problème de l’avenir. Je vais passer le bac. Réussite ou échec ? Si je rate → pion ? Si je le réussis ? Prof ? Je crois que je renonce au cinéma. Ne pas se faire d’illusions. Gagner ma vie. Ne plus dépendre de mes parents. Dans combien de temps serai-je capable gagner ma vie ? La vie = aliénation (Cf. théorie marxiste de Lefèvre). Dans combien de temps pourrais-je être avec Jo sans emmerdements ? On ne fait jamais ce qu’on veut. Vie = contraintes. Les gens s’en rendent compte, mais ne peuvent pas faire autrement. Le premier problème n’est pas d’être intelligent. On ne fait pas le mal par ignorance. C’est le mal qui se fait à travers nous dans le monde. Impression d’être pris dans un engrenage. Nécessité d’accepter ces contraintes. Lucidité. Problème de la mort au bout du compte.


 L’amour. L’art. La collectivité. Dictature nécessaire dans les débuts du Marxisme. Plus d’enthousiasme. Lucidité lourde à porter. Est-ce cela être un homme ? Les hommes d’aujourd’hui ne sont pas des hommes. Accepter l’ordre social, mais reconnaître qu’on y est obligé et ne pas le défendre. Bourgeois : le défend. Certains éléments de la petite bourgeoisie sont récupérables.

Note écrite à 18 ans

VÉCU – CINÉMA

Classe préparatoire à l’Idhec – 10 heures du matin : je rentre à la classe préparatoire à l’Idhec. Arrive en retard. Tout de suite : discussions. Surprise — Froideur ? Crainte d’un contact très important pour moi.


Remarque : rapprochement marxisme — christianisme. Mais catholicisme → charité, absence d’un travail # protestantisme → entreprises développées (prêt intérêt). On ne peut donc rapprocher le marxisme du protestantisme mais celui-ci a donné le capitalisme.

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Science Fiction : idée d’un monde où les éléments se transforment ( Exemple : un tapis roulant qui prend la forme d’un escalier… ) Objets faits d’une matière synthétique, tissu vivant ?

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

23 h 25 : couché. Je regarde ma chambre. Je l’ai décorée de photos, d’affiches, de dessins ; j’y ai mis des objets (jouets — bouteilles). Je veux ainsi me donner l’impression de vivre et d’être différemment… Ce soir je n’ai pas travaillé mais c’est parce que j’ai eu des choses à faire et j’étais vraiment fatigué. En ce moment, je fume une cigarette, « Blues et jazz party » s’achève…
Correction de la composition de littérature avec Georges-Albert Astre → 13. Pas mal mais j’ai déformé ma pensée en la systématisant, une fois de plus, je n’ai pas su maîtriser les mots mais j’y arrive mieux qu’avant.
Il y a dans un journal comme celui-ci une tentation de tout mettre, de tout raconter, mais c’est une ambition irréalisable, on ne peut pas maîtriser son existence quotidienne et la condenser, c’est pourquoi je pense à me réduire aux pensées, aux trouvailles.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

Midi. Pas allé en cours. Suis dans la cuisine au Blanc Mesnil. Il y a du soleil dehors sur les maisons et les herbes. J’ai l’impression d’être à Lorient mais cela ne serre le cœur car je ne peux pas traverser la ville pour venir t’embrasser.

– Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE – SEXE

Idée de texte irrévérencieux : dans une exposition de peinture consacrée à un grand maître très sérieux, vernissage, cocktail, petits fours, ronds de jambe, une femme obsédée sexuelle, ou quelque chose comme ça, voulant acquérir la puissance masculine perce une toile représentant quelque chose de très sérieux en un endroit irrévérencieux…

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Histoire d’un type qui veut se suicider et qui, avant, fait le tour de tous les gens qu’il connaît pour en tirer quelque chose et n’en obtient que des réponses mitigées… (mais je m’aperçois que c’est le « Feu follet »)

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Un type pour se réveiller : son petit réveille-matin, au chevet de son lit, est relié aux cloches d’une cathédrale en face de chez lui… Elles sonnent l’Angélus du matin. Ça réveille tout le quartier, alors il se lève, s’habille. Il a l’impression, en accomplissant les gestes du matin, en enfilant son pantalon, d’être à la fois tous les hommes de la ville entière ( Je retrouve le coq de Chantecler ? ) L’idée devient trop forte à partir de l’habillage, conserver le côté hénaurme, canularesque )

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION – ÉDITION

J’ai remarqué qu’il se produit à l’intérieur d’une édition comme le Livre de Poche le même phénomène de clivage entre le livre de « qualité » et le livre populaire que dans le reste des éditions. Il se manifeste sous forme de couvertures dont certaines — les populaires — sont faites dans un style platement figuratif tandis que les autres sont plus graphiques, plus travaillées, moins attachées à la représentation des héros qu’à l’esprit du livre.

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION

Croyance à la résurrection : le primitif voit mourir un chien puis il en voit un autre trottant sur une route, qui lui ressemble étrangement. De même pour un homme → résurrection.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

Si j’écris dans ce carnet, c’est que j’ai pris l’habitude de penser et de parler pendant ces vacances avec toi… Quand tu liras cela, nous reprendrons le dialogue…

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – ANTONIONI

Je viens de voir le premier film que je sois allé voir depuis que j’ai commencé ce carnet : « L’éclipse ». Impression très différente des deux premières fois. Difficile à dire : à la fois plus fasciné et irrité. Le côté « cosmique » est plus difficilement perceptible.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

J’ai téléphoné pour savoir, pour les réductions en train. On m’a donné des renseignements sur les cartes demi-tarif. C’est intéressant, je pourrai venir à Lorient à peu près une fois par mois…

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION – CINÉMA – LITTÉRATURE – RESNAIS

En écoutant Agel lire à huit heures du matin un bouquin sur la tragédie, je pense que les livres sont toujours là, qui dorment, et que c’est l’homme, la nuit, le matin, au crépuscule ou à midi, qui les ressuscite, qui s’approprie leur parole pour la lancer au ciel noir, aux nuages gris ou roses ; le livre n’est pas vivant, c’est l’homme qui reste éveillé la nuit ou le jour et le livre paraît vivre et être éveillé quand l’homme le lit à haute voix aux autres hommes ou à la nature… (cf. Resnais la B.N)

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Un homme ligoté, bâillonné, il veut se gratter. ( Il fait des gestes, pousse des grognements : on lui enlève son bâillon; il dit : « Je veux me gratter ! ». On lui remet son bâillon. )

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION – POLITIQUE

En écoutant Agel parler de l’armée, de la guerre, je me rends compte à quel point notre enseignement est abstrait et quelle valeur a l’enseignement mi-étude mi-travail en Chine… ! Nécessité du travail physique. Il nous manque des horizons

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

(Sur le sacrifice d’Iphigénie, de Timanthe) on voit Diane qui passe dans le ciel. Elle est de plus petites dimensions que les personnages. Or un Dieu doit être plus grand → plusieurs écrans dont un plus haut et corps du Dieu plus grand

Note écrite à 19 ans

CITATION

« Fin d’un siècle le décès du dernier survivant des hommes nés en la première année de ce siècle, et c’est d’une manière assez variable et arbitraire que les empereurs romains firent célébrer des jeux dits séculaires… »

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION – GUERRE

Je me rappelle une après-midi sur la plage des Kaolins, j’ai vu passer dans le ciel un avion à réaction de Lann-Bihoué. Angoisse devant cette technique monstrueuse. Imaginant les fusées, les canons, combats aériens de monstres d’acier, impression de me trouver dans un avenir de guerre. Science-fiction vécue. Effroi.

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Un type achète un gadget qui n’a absolument aucune fonction. Lui ou un gosse en cherche une à tout prix ( croyance au « secret » : ils cherchent à en tirer quelque chose d’autre).

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

1/ on cadre un mot ( exemple : AUTOMATIQUE ) Travelling avant ou Gros Plan
2/ on cadre MA
Cut
3/ Gros Plan MA initiales en Gros Plan et Travelling arrière , on cadre le personnage, il révèle son nom « Michel Arsouille » ou quelque chose comme ça.

Note écrite à 19 ans

ÉCRITURE – SCIENCE-FICTION

Reprendre l’idée de l’homme mutant qu’on découvre peu à peu ( sur une autre planète ) Utiliser un vocabulaire et des tournures science-fiction qui habituellement s’appliquent à des animaux ou à des monstres ( « son pas massif ébranlait le sol, etc… » ) Bonne idée, je crois, à voir.

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Reprendre vieille idée radio. Montrer une simple boîte, un type accomplit dessus une action bizarre → son par dessus, musique, etc…

Note écrite à 19 ans

VÉCU

11 h 30 du matin : je me réveille. J’ai allumé une cigarette. Le matin, cette drogue a la vertu d’augmenter mon pouvoir mnémonique (?) : je me suis rappelé d’une façon très forte en inspirant une bouffée de fumée : la boutique de disques de Grannick le disquaire, la « Rotonde », les boîtes de nuit des environs de Lorient et aussi dans un éclair, comme dans un avion, j’ai survolé la côte de Larmor avec ses herbes brillantes et sa toute petite brume du matin et la mer calme. Il faut dire que depuis 2,3 jours, il fait très beau quoique très froid, le soleil rayonne lentement dans le ciel. Impression très forte aussi, ancienne : (Lakanal, par la fenêtre du dortoir) ciel bleu, envie de m’envoler, de rencontrer la mer (Piriac en mieux), désir de vacances…


Si je rate Propé il faudra faire une croix là dessus… En regardant les maisons de Blanc Mesnil, par la fenêtre, depuis mon lit, je me dis que ça me plairait ne serait-ce que d’aller à l’aérodrome ou sur le pont voir les voies ferrées mais je me dis qu’il faut travailler (joie là aussi) et je me réserve de voir le soleil à Lorient seulement quand j’irai et peut-être ici de temps en temps…
Swingle Singers sur le tourne disques.

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION

Radio Télévision. Radio en direct : insuffisant. Il faut passer au pouvoir de l’image. Télé en direct = radio en direct plus image (appoint et non centre, bien senti actuellement par l’ORTF mais mal fait)
Ceci dans le sens que quand j’allume la radio, je trafique une boîte, de l’électricité (cf. projet plus haut) et la réalité est décalée : il me faut l’image pour donner un poids à ce que j’entends mais pas le poids de la réalité : télévision = image non envahissante restant confinée au petit écran.  Le son au contraire envahit la pièce, bouge dans l’espace. Si bien que le côté radio de la télé est plus vivant que le côté image.
Ce côté vivant manque à la radio mais il est donné dans la télé par l’opposition avec l’image, qui reste limitée. Cela crée un juste équilibre : si l’image était envahissante (tout un mur par exemple) → cela créerait une fascination trop grande, une trop grande illusion.si l’image était au même niveau de pauvreté que le son (photos) → effet aussi limité (mais pas inefficace) que la radio.

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION

Comme il est agréable d’avoir une méthode, d’appliquer un plan. On ne se laisse pas prendre au dépourvu et l’on est sûr d’avoir tout calculé, de s’être organisé de la meilleure façon possible. Après il ne faut pas hésiter à détruire cette méthode, à changer de plan quand la réalité a trop évolué pour qu’il s’y adapte encore…

Note écrite à 19 ans

ÉCRITURE – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – POÈME

Poème de la femme

J’étais petite enfant lorsqu’un jour, ma mère,
me prenant par le bras, me dit :
« Il y a un oiseau mort par terre,
Tourne ta tête… »
Plus tard, jeune fille, mon chagrin m’a dit à l’oreille :
« Ne regarde pas cet amour mort,
Tourne ta tête… »
Enfin, quand j’allais être un jour fille-mère, un homme m’a dit :
« Si tu ne veux pas voir cet enfant mort,
Tourne ta tête… »
Toute ma vie durant, je l’ai tournée, ma tête,
pour ne pas voir les oiseaux, les amours, les enfants et les hommes morts,
mais aujourd’hui je ne veux plus fuir la réalité,
je veux regarder ce qui est mort
pour voir sur son corps et sa face
comment il a vécu
et pour savoir
comment vivre…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

6 heures du soir. Je n’ai pas travaillé. Je suis allé me promener à l’aéroport où j’ai bu un café, vu un quadrimoteur décoller et enregistré sur disque un poème que j’enverrai à Jo si je suis sûr que l’enregistrement soit bon car j’ai des ennuis de ce côté-là.

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE – HUMOUR

Réclame pour « Harakiri » : « Volez-le… » La marchande dit qu’elle n’en a plus : elle ment. Alors on met le feu au kiosque → elle va chercher les pompiers. On vole « Harakiri ».
Mais on peut imaginer : on met le feu. Alors elle sort précipitamment tout le stock. Alors on l’assomme et on emporte « Harakiri ».

Note écrite à 19 ans

VÉCU – AMIS – ZYF

Théophile Gautier a hésité : peintre ou poète ? J’ai eu tort de me moquer de Zyf (Yves L.) qui veut faire les Beaux-Arts. Il a besoin de changer de personnalité. D’ailleurs moi-même ne me suis-je pas remis à écrire ? Peut-être faudrait-il que je lui dise que je l’ai compris (lui écrire)

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Suite à mon idée du réveil cloches d’église → dans un quartier de la ville, les cloches se mettent à sonner à des heures indues, on s’étonne, on s’inquiète et on finit par constater que Mr Untel sort toujours de chez lui peu après que les cloches aient sonné, tout gai, tout frais, sifflotant et le pot aux roses est découvert : il aimait être réveillé par des cloches, ça le rendait gai.

Note écrite à 19 ans

VÉCU

Une semaine de passée déjà, heureusement le temps passe vite. Mon frère René, avec qui j’habite, et moi, on commence la journée par un accident : plus de freins sur la voiture. On a embouti l’arrière d’une camionnette. C’est l’avant gauche qui a porté. Il faudra changer toute la carrosserie avant. Le phare n’a rien eu

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC

J’écris ces notes au rythme de deux pages par jour en moyenne… Je pense que c’est bien (ni trop ni trop peu). Je me rends compte que j’aime rester à la maison, calfeutré, et quand je sors, je pense que je vais rentrer sans histoire, lire, travailler, écouter de la musique. C’est une limitation volontaire. De s’agit pour moi de me donner l’habitude de travailler. Il faut que je réussisse au moins Propé.
Moins de cinéma, peu de théâtre, peu de ballets, pas d’horizon mais je me réserve…
Mais voyons clair : n’est-ce pas aussi un repli aux motivations inconscientes ? Jocelyne partie, avec qui j’ai réussi à créer un univers parfaitement harmonieux, n’est-ce pas la peur des autres, du contact douloureux… ?
Il faut que j’entre davantage en contact avec des gens de la classe que j’aime le mieux. Certains d’entre eux peuvent m’être très bénéfiques.

Note écrite à 19 ans

LITTÉRATURE – ROBBE-GRILLET – RÉFLEXION

Robbe-Grillet : « C’est par la forme que l’écrivain est guidé ; pas par une idée à exprimer »
Mais ne peut-on pas penser qu’il y a là une dialectique de la création : d’abord guidé par la forme, l’auteur s’emploie à la maîtriser pour ensuite être à nouveau fasciné et emporté loin des positions qu’il vient à peine de conquérir et délogé des retranchements confortables de la construction logique et intellectuelle…

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

(En passant devant une affiche « Scandale » qui m’avait fait déjà impression. Je me suis rendu compte que cela allait dans le même sens que le plan de « Procès de Jeanne d’Arc » où l’évêque regarde Jeanne par un trou du mur

1966.01.10
La call-girl peut passer par le trou et venir sur le devant danser son morceau ou faire son strip

Note écrite à 19 ans

CINÉMA

Ce matin : neige. Plein partout. J’ai acheté une bobine de Panatomic et j’ai filmé. Un peu n’importe quoi d’ailleurs. J’ai essayé de faire le moins possible de mouvement de caméra (ni pano ni zoom) on verra bien ce que ça va donner. Peut-être que la neige arrange tout. Actuellement je suis au Bourget, assis à une table. J’ai réenregistré le poème, pour voir si ce sera meilleur au point de vue audition. Mais au point de vue diction, c’est sûrement moins bon. Je me suis pas allé en cours aujourd’hui : il y avait trop de neige. Je voulais travailler mais je n’ai encore rien fichu. Il faut dire que la neige y est pour quelque chose. Après m’être réchauffé ici, je vais rentrer.

Note écrite à 19 ans

CINÉMA

Succession de passages de voitures, de piétons. Même sens et sens inverse. Intercaler les plans de chats et de chiens. La neige, qui recouvre tout (*), fait perdre les moyens de situer un objet, ainsi tout semble se passer au même endroit dans une blancheur omniprésente.


Les plans généraux de rues pleines de neige doivent être très courts (et montés à la file ?)


Écourter au maximum les panoramiques


Supprimer si possible les zooms


Voir s’il n’est pas possible de monter ces plans avec d’autres trucs en 8 mm qui me restent… (exemple : école sous la neige et école sans neige — enfants)


Pour les personnages monter très très court

1966.01.11
Trois personnages différents on reprend le montage (+ G. P. d’objets recouverts de neige (*) : banc — brouette — table. Si trop situé : supprimer…)


Ici tout est dans le montage


Aussi : faire se succéder G. P. (mais G. P. situés et plans généraux de rues (par exemple) → impression d’élargissement, de découverte)


Chercher une musique. Orgue ? Ou jazz (Coltrane)


Je rentre

Note écrite à 19 ans

LITTÉRATURE – PEREC

René m’a recommandé « Les choses », un des prix littéraires de cette année… Je m’en méfiais mais il paraît que c’est bon : effrayant de voir tout ce à quoi il faut s’intéresser…

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION

Aujourd’hui : verglas + froid. Je me suis fait amener à la Villette en voiture.
Dans le métro où j’écris maintenant, une jeune femme blonde lisait un article du « Nouvel Obs. » Consacré aux « Chinois à la Havane » : je me rends compte qu’il y a beaucoup de gens qui cherchent, qui étudient : elle soulignait soigneusement certaines phrases.
Ces gens-là cherchent la vérité. Mais quoi ? De quoi doute-t-on ? Que le Vietcong ait raison de faire la guerre ? Moi j’ai peur. Mais il y a eu des époques où certaines guerres paraissaient normales, parce qu’elles devaient être faites, si horrible que cela soit ; qui a mis et met en doute que la guerre d’Espagne devait avoir lieu ? On ne discutait pas ; il fallait écraser le fascisme oppresseur. Qui jette la pierre à la résistance française ? Comment peut-on douter du bien-fondé des idéaux de libération ? Comment peut-on douter que les Américains sont les envahisseurs du Vietnam ? Pour nous Français il y a ces guerres d’Indochine et d’Algérie qui faussent le jeu : on a plus de mal à comprendre les peuples opprimés parce que nous avons été les oppresseurs. Alors on aurait honte de reconnaître que les gens qui agissent comme nous avons agi ont tort. Mais ce n’est pas difficile : le droit, la beauté, la justice sont du côté des opprimés, de la misère, de la douleur, du désespoir, de l’indignation. Le Vietcong est dans son plein droit. Les Américains sont les jouets de certaines forces économiques. Ces jeunes gens pleins de santé, aux vêtements propres, au crâne rasé, aux mitrailleuses bien graissées, ont l’impression qu’en allant au Vietnam ils font une croisade, le ciel bleu leur ouvre les bras, à eux, les joyeux et justes défenseurs des buildings et des gadgets… Comment pourraient-il rester à Los Angeles quand il y a des jets qui les attendent, moteurs vrombissant d’impatience, sans billet à payer, croisière aux frais de la liberté et de l’Occident… ?

Note écrite à 19 ans

CINÉMA

Revues ou journaux qui louent James Bond : revues non cinématographiques : James Bond = phénomène non cinématographique. Le problème est ailleurs, les conséquences de ces films dépassent le plan des recettes (non négligeable)→ critique non cinématographique [Commencer par : « Ce texte n’est pas une critique de cinéma… »]  Le texte entre crochets a été barré

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION

En regardant cette classe, ces jeunes gens bien propres, je sens monter en moi une colère de plus en plus définitive ; mon mûrissement péniblement gagné ne peut que m’amener à un engagement de plus en plus net.
Je refuse le contact avec ces gens car je n’ai rien de commun avec eux, le contact est impossible entre nous, il n’y a qu’une solution : les attaquer, les détruire ou sinon : s’en écarter car ils ne m’intéressent pas : vermine de l’intelligence et de la verbosité…

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION

J’arrive à des rapports bien meilleurs, une part de repli permettant la réflexion, l’enrichissement par les livres, la musique, l’écriture, une part de contacts chaleureux avec les gens, s’intéresser à eux c’est s’oublier, oublier ses mornes ressassements effrayés, ses timidités et ses solitudes désespérantes. Équilibre. Ignorer ceux avec qui on n’a rien en commun et écouter ceux qu’on apprécie, en tirer la substance.
Je remarque que se succèdent maintenant pour moi des périodes de solitude à la maison et de coexistence au lycée. Chacune s’enrichissant de la précédente qui renforce en moi la tendance qui s’épanouit dans cette période, pleinement et chaque fois plus riche, plus équilibrée. Quand je sors de la maison pour aller au lycée, mon temps de solitude ne permet mieux d’entrer en contact avec les gens de la classe.

Note écrite à 19 ans

VÉCU

Je viens de voir Astre. Discuté dans une salle vide (du journal) (« Combat pour la paix ») Discuté de l’aventure, du journalisme, de la vie. C’est donc décidé : je ferai quelque chose sur James Bond…

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Après un discours qui est censé avoir influencé un personnage, pour montrer le changement de celui-ci : il ne parle plus avec la même voix.

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Transformer la bibliothèque Sainte-Geneviève en dortoir commun pour étudiants : petites chambres séparées par cloison en bois. discipline collective. Le soir, retour du ciné, avec filles, plaisanteries ou rien du tout : très bien comme ça.

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – CRITIQUE DE FILM – JAMES BOND

Films de James Bond : analogie avec industrie du disque : disques yéyé qui, réécoutés à la suite, lassent rapidement. Mais ils produisent de prime abord un effet agréable. Pour éviter la fatigue, la radio, la télé vous les diffusent à divers moments, à un rythme soigneusement prévu pour que chaque fois nous réentendions le disque avec plaisir.
Les films de James Bond, c’est pareil. Une fois établi le personnage James Bond nous le retrouvons dans chaque film nouveau de lui, à une sauce différente chaque fois.
Et la sortie de ces films est préparée de façon à nous faire mijoter, à nous faire attendre la réapparition de notre super héros…
Mais de ces films on se lasse vite… « Goldfinger » supporte mal d’être revu plusieurs fois. Pourtant on ne se lasse pas de voir et de revoir « Potemkine » ou [texte interrompu]


→ plan de la comparaison films — disques : 1/ films et disques lassent (# bons films qui ne lassent pas)
2/ Il faut le renouveler. Exemple : disques. Films = pareil (influence de la radio) Quand un de ces films ou disques est sorti, on met le paquet dessus (phénomène d’auto-publicité propre à l’industrie cinématographique) avant on fait mijoter le public… On crée un esprit favorable à la consommation

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – NOTES DE VISIONNAGE JAMES BOND

Cercles mondains
Tueurs (début) = noirs
Emploi de silencieux
À Londres : machines (transmission)
Rythme lent
1re fois qu’on voit James Bond : petite musique
Bond ne connaît pas le Toppling : pas technicien
La coquetterie du revolver. Brimé.
Droit de tuer
Il tient plus à son gun qu’à une femme (cheval du cow-boy)
Éclairage jamaïcain
Il agit seul (ne prévient pas quand menacé)
8 plans pour la première poursuite
Cigarette empoisonnée
Inserts
Histoire trop facile à comprendre
Le blanc est plus habile que les noirs (scène du bar à la Jamaïque)
Musique pseudo-folklorique (racisme) quand noirs ont rejoint le bon camp
Les gens qui ne parlent pas parce qu’ils ont peur : peur pas assez bien rendue
No = chinois
Sauvé par hasard
Mer = belle couleur
Le noir est superstitieux
Collaboration anglais américains
5 plans pour la chute de la bagnole
On tue dans le silence
Justification du meurtre devant la femme horrifiée
Trois personnages : Bond — noir — femme. Femme et noir = simples d’esprit
Sadisme du fou
Il reste consommateur même dans le danger
Politesse chinoise
No : fils d’un chinois et d’une allemande
Sadisme à l’électricité (grilles de la prison)
Déguisé en technicien (radioactivité)
Protection des fusées de Cap Canaveral (vers la Lune)
Quand Bond a accompli sa mission, la fusée part triomphante
À la fin : le danger : lampes qui s’allument et s’éteignent — fumées — cris — agitation = pauvre
Ursula à ses pieds

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Scène de violence : dans un désert ou une lande ou quelque chose comme ça : un homme est livré à une bande. Ils soulèvent l’arrière d’un camion ( cric ou levier ou quelque chose ) et enroulent un câble à l’essieu. Le câble est très long. Ils attachent le gars au bout du câble et laissent quelques dizaines de mètres de mou au câble. 2 gars tiennent le prisonnier. On met le moteur du bahut en marche, on embraye, on accélère, la corde se dévide. Le choc va être rude. Le gars est entraîné une 1ère fois, il tombe plus ou moins, s’esquinte, à la grande joie des bourreaux. On arrête avant qu’il ne cogne le camion. On remet ça mais là, le type se dégage des gars qui le tiennent et se met à courir vers le camion. La vitesse augmente, la corde se rembobine de plus en plus vite, le gars court pour éviter le choc mais il est obligé d’aller vers le camion où l’attendent des gars ( avec des bâtons ou des fouets ? ) Finalement, épuisé, il arrive à 2 ou 3 m du camion, sur la benne, les gars le regardent, le câble est tendu, le moteur tourne au ralenti. Le chef fait un signe, le bruit du moteur enfle, le type est entraîné et vient s’écraser contre la tôle, sa tête cogne, il s’écroule

Note écrite à 19 ans

VÉCU – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC – COURS D’HENRI AGEL – « LES DERNIÈRES VACANCES »

« Les dernières vacances »   Depuis 1947 : très grand film
Roger Leenhardt = intelligent
Handicapé par son intelligence
Bazin a écrit sur « Les dernières vacances » → « Roman — « miroir qu’on promène… »
Film chronique (← « La comtesse aux pieds nus » – « Le fleuve » – « Monsieur Hulot » – « Les Vitelloni »)
Écriture libre, indépendante, décontractée.
Film au passé, en fonction de la mémoire d’un garçon de 16, 17 ans
Contenu : « Je ne peins pas l’être, je peins le passage… » (Montaigne)
Tradition française ← Proust – Bergson – Debussy – L’impressionnisme
Passage de l’enfance à l’adolescence
Les deux livres qui ont le plus influencé Roger Leenhardt : « À bord de l’Étoile Matutine » (Mac Orlan) et « Le grand Meaulnes »
Ici : sécheresse apparente = forme de la pudeur
Film se situe en 1932. Société en passage aussi. De la société close à la société ouverte
Sensibilité
avec Berthe Bovy – Odile Versois
Photographie : Agostini
Décors : Barsacq
Montage : Myriam
Production : Pierre Genin
Bande son très importante – Musique * des sons (et musique tout court (piano) – Rythme Mélodie (+ travellings et panoramiques : cf. Grémillon) * = théories les plus modernes (cf. « L’immortelle »)

Note écrite à 19 ans

VÉCU – CLASSE PRÉPARATOIRE À L’IDHEC – COURS D’HENRI AGEL – « LES DERNIÈRES VACANCES »

Discussion :
Agel : aliénation par rapport au film
Fin du film : réapparition de la tour. Or elle est au début du film.
Tour = battement de cœur du film
Film reçu dans des perspectives disparates (les uns = désespoir — D’autres = constat objectif sur une certaine bourgeoisie — Les autres = poème avec une part d’espoir. Crise surmontée)
Avis :
Constat mais pas objectif. Dosage d’amertume et d’allégresse
Le temps tue les personnages
Film dépourvu de teinte désespérée. Positif

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – POLITIQUE – RÉFLEXION

On accepte que quelqu’un qui a des convictions religieuses explique un film et le critique à travers les convictions religieuses de celui qui a fait ce film et on gueule comme des putois lorsqu’il se passe la même chose dans le domaine politique (exemple : les Chinois traitant les Russes de révisionnistes)

Note écrite à 19 ans

DANSE – BALLET VIETNAM – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

J’écris moins. Décidé : je vais à Lorient le 22. J’irai prendre une carte aujourd’hui à la gare.
Idée de ballet ( à travailler )
Thème de base : une gigantesque photo représentant un personnage. Les danseurs et danseuses arrivent autour d’elle et, se rapprochant d’elle, finissent par la dévorer, arrachent sauvagement de larges bouts de papier, émiettant ainsi l’effigie, qu’ils finissent par détruire. ( Je pense qu’on peut en faire un ballet politique → Effigie = prolétaires, Animaux dévoreurs = capitalistes.
Le style du ballet, la façon de danser doit évoquer la voracité et la sauvagerie cruelle des animaux de proie.  Je pense à plusieurs choses disparates :
1/ mettre finalement le feu.
2/ grignoter l’image, y creuser un trou et passer à travers.
3/ superposer d’autres images ( cartes des pays colonisés ou conquis )
Je compte soumettre cette idée à Jocelyne→ Je viens de trouver une modification à cette idée : Image = carte du Vietnam. Animaux dévoreurs = impérialistes américains. En dévorant le Vietnam, ils font apparaître quelque chose d’autre ( une image typique de la société US ? Drapeau ou Pin-up )

1966.01.15

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – NOTES DE VISIONNAGE – JAMES BOND

Train
Humour anglais
Sang-froid dans les situations dangereuses
Film « nuptial » James Bond
On trouve « torture » dans des films de James Bond ?
Bagarre train = plans de coupe cut sans raccords. Effrayante
Fille dans les fleurs = pas mal
Hélicoptère = piqué à Hitchcock
Thème de la mer (007 — Russie)
Bateau vedette
Thème du feu
Femme qui tue = vilaine femme
Même équipe de production

Note écrite à 19 ans

ÉCRITURE

Il faut que je ne perde pas l’habitude de noter mes idées : ce matin, pensé à un texte satirique : le monsieur à qui les gens qui cherchent à se loger demandent conseil parce que ça fait 10 ans qu’il cherche un appartement et qu’il a « l’expérience »…

Note écrite à 19 ans

Commentaire du 25 juin 2018 :

Ne retrouve-t-on pas cette même idée dans « Le procès » de Kafka avec ce personnage qui a « l’expérience » des procès ?!!!

– Commentaire écrit à 71  ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Un dictateur qui, pour être à l’abri, converse avec ses interlocuteurs, protégé à l’intérieur d’un blockhaus, par télévision ( les gens avec qui il parle apparaissent sur un écran ) Il est attaqué dans son blockhaus. Les assistants dont on voit les têtes horrifiées sur les écrans ne peuvent rien faire. Il est éliminé

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Dans un cinéma : une voix prévient les spectateurs que ce qu’ils vont voir sur l’écran est « téléguidé ». La voix prévoit et annonce les variations de l’image. Elle fait appel à un spectateur, elle le « téléguide » jusqu’à l’écran où « l’on a besoin de lui ». Le gars s’applique contre l’écran : la lumière se rallume dans la salle : tous les spectateurs sont enfermés dans la salle, à la merci de la puissance qui les tient prisonniers.

Note écrite à 19 ans

ÉCRITURE – POÈME – POLITIQUE

« J’ai vu pleurer la vieille femme,
Blonde, bouffie, aux lèvres mal fardées,
Elle était laide, elle apportait
Les repas des beaux étudiants bourgeois.
Elle n’avait pas le droit de dépasser la dose
Et un jeune et beau garçon
Lui arracha violemment un yaourt des mains…
Bafouée dans son travail, maltraitée par un jeune puceau,
Elle ne put refouler ses larmes…
Ce bel étudiant était satisfait qu’on vienne le servir
Jusqu’au moment où il voulut que la crème soit douce à son estomac…
Etudiants bourgeois, servez-vous vous-mêmes,
Au lieu de bafouer les travailleurs qui vous servent…
Car, un jour, les yaourts, les travailleurs vous les foutront à la gueule… »

Note écrite à 19 ans

IDÉE – TECHNIQUE

Film qu’on ne passe pas dans une caméra mais on l’impressionne en le mettant simplement à l’air et il enregistre le monde… ( A la projection ? )

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – NOTES DE VISIONNAGE – JAMES BOND

Même style de films de publicité qui passent avec James Bond
Cinémascope
Dès le début = impudiquement sur un cercueil
Décors somptueux
On joue avec la mort
Tout l’arsenal dès le début
(?) avec son réacteur
Vente de drogue chinoise
La secrétaire joue toujours très américain (femme américaine)
Vente de drogue chinoise aux États-Unis
Toujours gros plans inserts
Chevalet de torture : James Bond ridicule
Beaucoup de serviettes de bain
Visons pour exciter les femmes (dégueulasse)
Histoire de plus en plus en plus compliquée
Toujours des plans de bagnoles emmerdants
On sait bien que James Bond ne mourra pas
Braves hommes ! Il ne suffit pas d’acheter un gant de vison, les femmes ne viendront pas se pendre à leur cou
« Votre part équivaut à combien de prix Nobel ? »
Ici : une voiture qui explose
On ne voit pas les autres 00 (agents secrets)
Salles de jeux
La fesse est censée masquer le flic
Il n’explique rien aux autres 00
Raffinement = requin
« Je ne suis pas un passionné »
Exotisme ici aussi
Piscine fermée = dégueulasse
Montage eisenstenien (amour → fête dans la rue) (montage d’attraction)
Bagarre → mitraillette — jouet
Danse de femme à poil
Inserts sur tambour (vieux style)
Montage court (poursuite dans la fête)
Pas de bruit sous l’eau [si] entre crochets : rajouté
Ici encore : même situation : James Bond à l’intérieur du camp ennemi. Cette fois-ci : armée américaine
Monde sans enfant (pas pour la famille)
Voir la côte de la centrale catholique

Note écrite à 19 ans

VÉCU

10 h 45. Je suis dans le bus, à l’arrêt, attendant qu’il démarre. Ce matin : pas allé en cours. Allé à Montparnasse pour la carte demi-tarif. Je pars vendredi à 7 h 30. Ce soir vu des films chez D*** de M***, S*** et Y***. Demain je leur montrerai les miens.
Après ça je suis allé voir « Thunderball » aux Champs-Élysées avec Mindla B***. Fille très gentille. Nous avons parlé de ses parents qui se sont réfugiés de Pologne en Russie (elle est juive) et en Israël… Comme moi elle a été écœurée par James Bond. Maintenant je rentre.
Je remarque que j’ai moins de plaisir et le temps d’écrire ces notes de depuis qu’avec le cours normal de la vie a repris pour moi l’action, dans laquelle on s’oublie quelque peu.
Ce matin : violente discussion avec René sur la standardisation et la déshumanisation dans la société future… Je disais que cette peur de l’uniformisation est le résultat d’un bourrage de crâne et que d’autre part, au sein d’une relative standardisation, les personnalités des individus n’en éclataient que mieux.

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – NOTES DE VISIONNAGE – JAMES BOND

À noter : les personnages de second plan sont beaucoup moins bien campés dans le dernier James Bond que dans les autres
Toujours contact avec les autres : risque ou arrivée réelle d’une déflagration
James Bond : la ségrégation du vison. Le dernier prolo ne peut pas s’acheter un gant de vison pour exciter sa femme…
Aventure (pour les Américains) : à condition qu’elle soit confortable et pas dangereuse

Note écrite à 19 ans

VÉCU

21 h. Je viens de me coucher et d’allumer une pipe. À mon chevet : la radio. Informations. Figon est mort. Assassiné ? J’ai reçu une lettre de Jo me parlant entre autres de l’école de danse. Nous en reparlerons à Lorient. Ce soir je suis à la fois heureux et triste (« a strange kind of happiness »). Triste à en avoir le ventre crispé, comme quand tu as quitté Paris. Bizarrement : c’est à l’approche de mon départ pour Lorient.
J’ai écrit que j’écrivais moins parce que la vie recommençait plus rapide. En effet. Et j’ai été plus ou moins absorbé par la classe. Mais avec quelque chose de différent : ce matin j’ai présenté « Lorient 64 » au 87 rue de Turbigo a S*, D*, Marie Pierre L*, Y*, Mindla B* et Gérard L*. Dans l’ensemble ils ont aimé (« Ville en dehors du temps » — « en dehors de la réalité » — « tristesse » — « ville pas au présent »…). Ambiance très différente dans une circonstance comme celle-là de l’ambiance en cours… Différence entre l’action (ici c’est une forme d’action collective) et la discussion stérile et intellectuelle.
J’ai l’impression en ce moment de vivre dans un rêve. Peut-être dû au fait que je suis malade (rhume ?) Et un peu dans les vaps. Mais aussi je pense que j’ai été un peu trop absorbé par la classe ; cependant je suis content car je réalise peu à peu mes plans (c’est-à-dire qu’ils se réalisent eux-mêmes, car c’est normal que ça se passe comme ça…) : je m’écarte définitivement des bourgeois intégraux et je gagne la confiance des gens que je trouve les plus intéressants (M* — Y* — L*, etc.)
Il y a une chose que je ne réalise pas, c’est que je vais prendre le train pour Lorient…
Impression crasseuse déjà comme d’être enterré à Paris et de ne pas pouvoir en décoller… Cependant ce matin, en revoyant Lorient cet été 64, noyé de soleil tristement rayonnant, écrasé de chaleur, ce film me fascine toujours quand je le vois (ce n’est pas de l’orgueil), j’ai failli pleurer d’émotion ; c’est incroyable ce que j’aime cette ville et toute la Bretagne qui m’a littéralement séduit et envoûté…
Bon Dieu, il me suffit de survoler Groix… Comment dire tout ce que ça me fait… Et la mer, de Groix à Lorient : les montagnes de Kaolins, sur la côte, avec Delphine, qui y court, au loin : Quiberon, Carnac et tout au fond : Piriac. Bleu profond de la mer et du ciel ; nuages mélancoliques…
Il me faut retrouver, patiemment, me réveiller au rêve qui est ici la réalité… Construire la merveille…
Je vais partir, imaginons le voyage : départ au petit matin : Oh ! Que j’aime les départs, les grands départs, les merveilleux départs

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Je pars vers toi, vers l’amour et la mer…
Amour Amer, que je t’aime, que j’aime en toi les pierres et les vapeurs d’eau, les fleurs et le vent… Oh tes cheveux…
Je volerai vers toi dans les cyclones de fumée, dans les câbles électriques chantera le chant trépidant des techniques lancées en avant et à la suite de l’homme qui aime, souffre, vit et meurt…
Certes la vie est absurde, du moins le monde inhumain, mais nous la dotons d’un coefficient de merveille qui décuple nos forces et nos désirs de nous mettre à genoux pour embrasser la terre…
Voilà, je sens remonter en moi l’appétit des nuits du port de pêche… Déambulation dans l’ombre chargée de l’odeur marine, avec les pointillés des lumières électriques, les bateaux à quai…
Ah ce que j’ai pu rêver, imaginer, le long de ces quais, de cette mer verte…
Tu as les yeux bleus ! Quelle merveille ! Souvent je m’étonne et suis follement heureux que le sort m’ait donné tant de choses pour en jouir : le soleil, l’herbe, la mer, le sable, l’air, tes yeux, la pierre, le velours, les fleurs…
Mes limites… mes pauvres limites… Pauvre homme que je suis, simple homme, grattant la terre faiblement… Je trouve la vie merveilleuse…
Voilà, mon amour, je sais bien qu’il faut lutter et j’essaie…
Mais quelquefois je me dis que, même si l’impression d’être vaincu, je suis quand même heureux, et heureux d’un rien (de choses qui feraient rire la plupart des gens…) : un rayon de soleil, un éclat de lumière sur une feuille, un grain de blé, un ventre rond de femme enceinte, une miche brillante et brune… Alors, pourquoi m’empêcherais-je d’être heureux ? Pourquoi ne pas tendre le bras et saisir l’hirondelle en vol ?
À Lorient, ceux qui ont vécu (et que je n’aime pas forcément, mais ils ont composé le morceau de musique de mes deux ans maritimes…) Jean, Roselyne, Le F*, Annick, Annie, Yves et tant de visages, tant de corps…
Est-ce que je retrouverai l’impression que j’ai eue quand j’ai vu pour la première fois la place de la mairie, chien battu sous la pluie, enfoncé dans mon pardessus (il était neuf alors…), une brume d’humidité voilait de gris les maisons, adoucissait les angles, ouate de découverte…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – FAIT DIVERS

Plus que 2 jours… Il est 9 h 35. Je suis dans la cuisine. Au dehors : neige mais soleil du matin. Dans une cave du XXème, 15 Nord africains vivaient autour d’une chaudière. Asphyxie : morts… Cette monstruosité se passe de commentaires… Je réalise combien je suis heureux de pouvoir m’inonder des rayon du soleil… Certains n’ont même pas le droit à la lumière, à la chaleur, pas le droit à la vie. Seul le droit au travail, c’est-à-dire à l’exploitation…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce matin, je ne vais pas en cours pour attendre le plombier qui doit venir réparer le chauffe-eau qui ne fonctionne pas ! Cet après-midi : composition de scénario. Je finirais vers 19 h ? Je rentrerai en bus. Ce matin je recopie le thème italien et je fais le devoir d’anglais. Demain jeudi : j’aimerais aller le matin acheter quelque chose pour Jo. Si je fais ça l’après-midi, après avoir déjeuné à Paris, j’irai à Sainte-Geneviève faire ma dissertation.
Après ça je passe à la gare pour la carte et le billet. Je réserve une place et je rentre au Blanc Mesnil. Vendredi matin il faudra décoller d’ici à 6 h. Donc : lever 5 h 15. Demain soir il faudra préparer mes bagages. Je n’emporterai pas grand-chose.

Note écrite à 19 ans

LCINÉMA – CRITIQUE DE FILM – JAMES BOND

[Il est difficile de cerner le phénomène « James Bond ». Personnellement je l’explique en envisageant la façon dont vit l’Amérique — et bientôt l’Europe…]      texte entre crochets : barré

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Relier les 2 dimensions dans un même espace par des glissements passant par des surfaces qui masquent et permettent de faire une coupure ( une fois le spectateur habitué, on peut employer le cut ) (fantastique) ← on peut y inclure le projet sur les plantes (exactement pareil)

1966.01.24_2

Note écrite à 19 ans

CINÉMA

On discute tellement parce qu’on ne peut pas être assez souvent près des films ou des œuvres (il viendra un jour ou des millions de copies seront tirées de « Charlot policeman » et tout le monde pourra les voir n’importe quand). Y aura-t-il encore des discussions ? En tout cas sera-ce les mêmes ?

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Reprendre l’idée de la pin-up qui sort du trou de la serrure mais en faisant de la serrure un gigantesque décor sur une scène (opéra) : la porte étant comme un mur et le cadre de la serrure à quelques mètres du sol. La fille sort, se laisse glisser et fait son numéro ou bien : trou de la serrure à hauteur de la scène ? A voir.

1966.01.27

Note écrite à 19 ans

IDÉE – SPECTACLE

Dans la salle, dialoguant avec l’image : les spectateurs. L’image récite des textes ou accomplit des actions que certains dans la salle peuvent connaître : l’acteur ( le meneur de jeu ) est le catalyseur de la participation du public qui participe en complétant ou en devançant l’image.

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Nouvelle expression artistique métaphorique par la maîtrise des dimensions du monde : 2 hommes chacun dans un plateau d’une balance pour mesurer leur valeur ( monde où l’homme est en proie à des géants ( les capitalistes ) qui le manient à leur guise. Possible au cinéma ? Par les possibilités de trucage qui permettent une mobilité plus grandes des éléments de l’œuvre ( on peut introduire ou escamoter rapidement )

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION – MORT

Je ne peux pas mourir. Car si je mourais, ma conscience du monde s’éteindrait et le monde avec elle. Je dois donc nécessairement, même mort, vivre dans les conscience qui restent.
Le monde a besoin d’une conscience qui le regarde.
D’où il résulte que la conscience embrasse la totalité de l’univers. Car la moindre portion d’univers hors de portée de la conscience ne peut pas être…

Note écrite à 19 ans

Commentaire du 26 septembre 2015 :

Sous sa mégalomanie et son sophisme apparents, cette note n’est pas si fantaisiste : la conscience humaine produite par le cosmos n’est-elle pas un « miroir » dans lequel il se « réfléchit » et dans lequel il a « besoin » de se réfléchir ? On peut penser que tout ce qui est produit par l’univers a sa nécessité puisque cela existe ! Il en va pour la conscience humaine comme pour la plus petite météorite.

– Commentaire écrit à 68 ans

PSY

Cette nuit : rêves politiques. Impression que mon inconscient se reprend tout entier au seuil d’une joie peut-être nouvelle. Rêves où l’on sent des difficultés mais où on s’emploie les surmonter…

Note écrite à 19 ans

NOTES DE VISIONNAGE – GODARD – « BANDE À PART »

Trouvé intéressant dans « Bande à part » : un gars dans la salle, au premier rang, arrive en retard. On le voit en bas de l’écran : à ce moment, sur l’écran : Brasseur et Frey avec des bas noirs sur le visage. Aspect irréel.
Gens dans la salle dialoguent avec eux.
Irréalité ? Ce sont des spectres ? Fantastique ?

Note écrite à 19 ans

IDÉE – SPECTACLE

Personnage ( dans la salle ) plaqué contre l’écran : image d’une porte qui s’ouvre ou d’un pan qui vient le frapper : il est rejeté loin de l’écran. (Si au départ : simple écran (sans acteur dans la salle) les gens croient que c’est un gros plan puis : changement)

Note écrite à 19 ans

ART – RÉFLEXION

Au départ le public était fasciné par l’art. Il croyait à la réalité de ce qu’on lui montrait (cf. Bazin) maintenant, l’art en équilibre instable. À la fois : illusion et franchise. L’évolution (qui serait un retour) vers un art plus solide, plus « traditionnel » (attention à ce mot), un art classique, ne réclame-t-elle pas un retour à l’illusion pure… ? (Cf. idée de l’image porte qui frappe les gens…) ? ?
Chercher à savoir où est l’art moderne (Pinter. La collection. Décors multiples ?) Comment fonctionne la dialectique ?

Note écrite à 19 ans

VÉCU – LECTURE

Tout à l’heure : j’attendais un livre au monte-charge de la bibliothèque Sainte-Geneviève : d’autres étudiants attendaient avec moi. Nous étions là à attendre. Autour : l’étendue de la salle, fronts penchés et notre petit groupe avide de livres, l’une assise sur une chaise, l’un assis sur une table, les jambes pendantes, l’autre assis sur cette même table, d’une jambe, l’autre s’appuyant au sol, un autre debout marchant, attendant…

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Travelling latéral depuis : « À la mémoire de… etc. » → pour trouver le numéro cette place Saint-Michel etc. « (Voir plaques fontaine Saint-Michel) puis : vie du quartier…

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Pensé : reprendre l’idée des nuages qui descendent jusqu’à la surface de la Terre puis remontent → c’est la Terre qui se met à battre comme un cœur. Travailler ça. ( Un avion semble s’écraser verticalement au sol )

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – RÉFLEXION

Nous désirons parfois saisir l’image du poisson ruisselant, dévorer le poulet rôti à la page 24 de « Femmes d’aujourd’hui », mais, puisque nous ne pouvons pas (encore ?) solliciter l’image, pourquoi l’image ne nous solliciterait-elle pas ?
Ainsi le poisson était « grandeur nature » et il était tentant… Ainsi le « cinéma-réalité », grandeur nature, doit être vrai et en même temps provoquer chez nous des prises de position, des réactions (par le film lui-même ou par des interventions externes ?)


Pourquoi pas un balancement cinéma-vérité ↔ cinéma-objet, balancement par exemple de la considération d’un objet en gros plan à la considération de cet objet en tant qu’image, dans la mesure où cet objet nous répugne et où nous préférons ne pas nous en approcher, ou inversement. N’y a-t-il pas toute une méthode à tirer de ça, par l’utilisation de distances diversifiées… ?

Note écrite à 19 ans

IDÉE – SPECTACLE – CINÉMA – RESNAIS

J’avais déjà pensé au projecteur qui s’allume et éclaire la salle (Resnais, « Muriel ». Théâtre = Delphine Seyrig qui éteint les lampes de son appartement ) Ici : un meneur de jeu dans la salle à un pupitre de commandes. Il manœuvre un levier→ l’image apparaît : un projecteur braqué sur la salle ( avec quelqu’un qui le manœuvre éventuellement ) Le film serait comme un meneur de jeu qui saurait qu’à tel moment le projecteur serait braqué, par exemple ,à peu près sur la partie droite avant de la salle mais qui, suivant les fauteuils où il y aurait des spectateurs, improviserait, disant « Vous, la jolie spectatrice du 3ème rang, 2ème fauteuil, etc… » et il engagerait un débat.

Note écrite à 19 ans

IDÉE – TECHNIQUE

Comme pour la peinture, il y a des zones de distance suivant lesquelles on prend l’image pour réalité ou pour image.
Il faudrait étudier ces zones.
Disons qu’un plan moyen (tel qu’au temps du muet), avec une marge de quelques mètres (combien, voilà la question !) peut ne pas être pris comme image. Le gros plan en revanche n’a pas d’équivoque. Il faut s’éloigner de beaucoup pour établir la réalité (en passant au P.M)
Impression d’être à l’aube d’une nouvelle étude…

Note écrite à 19 ans

IDÉE – TECHNIQUE

Reprendre l’idée de varier les dimensions, la taille des objets en faisant varier la focale du projecteur ( on passe ainsi du cinéma-image au cinéma-réalité et vice versa ) Balancement,Glissement. En faisant varier les dimensions d’une porte, on la fait prendre comme une vraie porte ou pour un portail gigantesque, peut-être celui de l’enfer ? Et, en faisant le noir dans la salle, entre les 2, en changeant de décor, d’acteurs, de costumes, etc… on change le spectacle et on donne à l’image une valeur nouvelle et chaque fois différente ( et même antithétique )

Note écrite à 19 ans

LITTÉRATURE

Aujourd’hui, j’ai fait une exposé avec Astre : interprétation de « L’étranger ». Si Meursault tue l’Arabe, c’est parce qu’il voit briller sur le couteau le reflet du soleil → Soleil = père. Nécessité du tuer le père pour devenir soi-même…

Note écrite à 19 ans

ÉCRITURE

Ecrire une nouvelle ( ? ) où le personnage ( moi ), romantique et immensément triste, hanterait les couloirs du métro et vivrait en contact permanent avec les lutins et elfes des affiches publicitaires, qui se plaindraient à lui d’être ainsi réduits à ce rôle de pitre durant le jour et se rattraperaient la nuit en se baladant partout dans le métro. Parodie de Robbe-Grillet dans la description… ? Commentaire de ceci, le même jour : Idée des gnomes du métro : mauvais.

Note écrite à 19 ans

VÉCU – CINÉMA AMATEUR – « DELPHINE »

Est-ce que je vais présenter « Delphine » à toute la classe ? Pour : je réintègrerais ainsi plus ou moins la classe… (surtout vis-à-vis d’Agel). Contre : le fait que c’est moi qui l’aurais proposé… Il faudrait que quelqu’un joue les intermédiaires…

Note écrite à 19 ans

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES – MADELEINE

To ignore the [other] people ? Is it possible ? And must we do it ? How could I ignore your fair hair…? But I did not speak about you…

Note écrite à 19 ans

Par la suite (quand ?) commentaire sur ce texte entre crochets : « Qui ? »

Puis le 10 juin 1999 :
Je ne savais plus de qui je parlais. Il s’agissait de Madeleine B., une camarade de la classe préparatoire à l’Idhec, avec qui j’avais eu une aventure d’une nuit et qui s’est suicidée il y a quelques années. J’avais écrit en anglais, ce qui était un subterfuge enfantin pour tenter de camoufler les traces de cette relation en même temps que je les consignais, car en couchant avec Madeleine, je « trompais » Jocelyne, alors que nous étions « ensemble » ( ?) tout en étant dans deux villes différentes, elle à Lorient et moi à Paris … Début d’une longue suite d’ « infidélités » jusqu’à notre rupture… I talked about her hair because it was very soft and beautiful… C’était mon premier contact sexuel avec la femme noire mais je ne savais pas encore quelle importance cela aurait dans ma vie… J’ai revu Madeleine en 91-92 à l’initiative involontaire de Bernard D*. Je suis allé chez elle, au bord du chemin de fer de petite ceinture, juste à côté de la rue Claude Decaen où j’ai habité peu après avoir écrit cette note. Je lui ai donné à lire divers projets sur lesquels elle n’a fait aucun commentaire spécial. Voulant vaguement lui plaire, je lui ai dit qu’elle n’avait pas changé. Et m’a dit que moi si… Devant plus ou moins avoir envie de recoucher avec elle, j’ai dû amener la conversation sur le désir et les sentiments. C’est alors qu’elle a employé cette intéressante expression de « sentiments différés » en vigueur dans sa région. Plus tard je l’ai revue à une manif pour les Assedic du spectacle : elle au bord du trottoir, regardant passer les manifestants, moi parmi ceux qui marchaient, je me suis brièvement arrêté. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas appelé car elle s’était absentée. Ce furent nos derniers mots avant son absence définitive. Je suis allé à la Cinémathèque pour la soirée-hommage qui a été organisée après sa mort, soirée où je n’ai pas réussi à m’arrêter de sangloter dans le noir de la salle. Sur ma jeunesse autant que sur elle (témoignage parmi tant d’autres de mon hyper-émotivité). C’est au cours de cette soirée que j’ai vu le long-métrage qu’elle avait réalisé à l’Ile Maurice, sa terre natale. Ni bon ni mauvais, mais intéressant. Souffrant visiblement de son manque de moyens. Des notes sur ces brèves retrouvailles existent sur un autre carnet, mais où ? Elles émergeront un jour…

– Commentaire écrit à 53 ans

 

 

VÉCU – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES – MADELEINE

What do you want ? To have the power or to have the truth ?

Note écrite à 19 ans

Commentaire du 04 décembre 2011 :

Cette note fait suite à la précédente et concerne également mon aventure avec Madeleine B. : je me demandais à moi-même si je devais préférer la vérité (dire à Jocelyne ce que j’avais fait) ou la manipulation (« the power »), c’est à dire le lui cacher… J’ai choisi de ne pas dire la vérité. Mais je l’ai fait plus tard, pour d’autres relations « extra-conjugales », dans les années 70, où « tout se dire » était devenu une sorte d’obligation. Aujourd’hui, je n’ai pas davantage d’idées claires et tranchées sur ce sujet qu’à cette époque.

– Commentaire écrit à 65 ans

CINÉMA – ÉTAIX

« Yoyo » (vu hier soir) = faiblesses, mais un gag affreux : le clown sur la scène qui est remplacé par les soldats allemands… Tout le monde est mystifié là-dedans : les soldats français, le clown, embarqué avec les soldats français, et les Allemands parce que, sur cette scène, mitraillette aux poings, ils jouent une pièce de théâtre

Note écrite à 19 ans

RÉFLEXION – CORPS

9 h 30. Voltaire.
Mal au nez. Là encore : dimensions. Je n’ai pas une vision précise de la partie de mon corps qui souffre. J’agrandis mes fosses nasales à la dimension de moi-même : cavernes, couloirs, hantés par la douleur, j’y avance, je m’y engouffre mais je ne les porte pas en moi…


Dimensions des odeurs : grandes odeurs — petites odeurs. Un être énorme doit-il avoir une odeur énorme ?

Note écrite à 19 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Scénario sur le thème de l’imprudence ?
Une équipe pendant une guerre, qui réalise un film dans une zone qui va être occupée vraisemblablement bientôt. À la fin, réalisateur reste seul, le reste de l’équipe disparaît. Au moment du montage, il montera le film tout seul au milieu du studio désert… (à travailler) cinéma imprudent

Note écrite à 19 ans

CINÉMA – RESNAIS – « HIROSHIMA MON AMOUR

Existence en Belgique d’une thèse (écrivains — etc….) sur Hiroshima (Institut Solvé ?)
Marguerite Duras. Nouveau roman
Resnais : surréalisme
←Proust : durée « Il a essayé de capter un réel permanent à travers l’écoulement de la durée qui dissout » (Bounoure)
Obsession de la mort (courts métrages) ↔ auteur moderne
Marienbad : recherche des forces vivantes qui s’opposent à la sclérose de la durée (forces du rêve)
« Toute la mémoire du monde » : film de science-fiction. Film atroce (bibliothèque = nécropole) (cf. ce que j’écrivais sur la bibliothèque Sainte-Geneviève) ←univers concentrationnaire.
Visite touristique des lieux horribles
Monteur → fragmentation. Temps en miettes dont on ne peut recueillir que les morceaux
Mizoguchi : au-delà du temps
Disparition de l’unité : drame moderne (cf. Pirandello)
Le plus important : sentiment de l’unité (remarque : maladie mentale. Schizophrénie. Télé-Ciné n° 88)
Marguerite Duras : « L’étreinte contient la déchirante distance que rien ne peut abolir. » ← mythe de Tristan et Ysolde
L’amour d’Hiroshima se nourrit de l’oubli d’un autre amour. Recouvrement de l’amour allemand par l’amour japonais. En fait lequel des deux recouvre l’autre ? → fusion
Si on pensait tous les jours à Hiroshima on ne pourrait plus vivre
Nécessité de l’oubli (acte antihumaniste) mais : mécanisme inhumain. Différence entre l’homme et la matière brute : la mémoire. Dignité de l’homme = mémoire.
Tout souvenir est glacé
Poème dramatique. Symphonie. Film musical
Première ambiguïté : amour de Nevers = romance de midinette ou grand amour ? Deuxième : elle veut se rappeler. Oubli = force, force de mort
Agel : à la fin elle a fait un pacte avec l’oubli.
Les fleurs qui poussent vigoureusement → nécessité d’oublier. « Ça continue ». La vie : ce qui ne tient pas compte, ce qui méconnaît →
2 exigences aussi essentielles : immortaliser quelque chose (musée) et la vie (quelque chose d’amoral. La vie n’est pas fidèle.
Si elle retombe dans la blessure de l’amour allemand → masochisme.
Devenir amnésique : sentiment terrible devant lui.
Japonais = comparé à un psychanalyste.
Malaise ← blocage
Architecte, qui bâtit. Il essaie de la sauver (cf. Marienbad)
Japonais = détenteur d’une certaine sagesse (Alain Resnais se dérobe devant cela) Sagesse = consiste à comprendre.
Rivière Ota = cyclique. Elle représente une loi fondamentale de l’existence, qui consiste à se vider et à se remplir.
Loi des cycles, loi des métamorphoses.
Il n’y a donc pas à souffrir de voir disparaître l’amour (allemand).
Amour : au moment où il est vécu : éternel — il cède la place à un amour japonais (le japonais s’identifie à l’allemand. Identité au delà de la personnalité des hommes. Flux et reflux de l’amour.
Film destructeur par rapport à une tradition occidentale.
Occident fondé sur le mythe de Tristan et Ysolde. Amour qui brave le temps. Ici : au fur et à mesure du film (prise de conscience) elle comprend la loi des cycles.
La nuit disparaît. Le deuxième japonais annonce un cycle nouveau.
La sagesse : revivre avec autant d’intériorité chaque fois.
Structure circulaire. Dimension extra spatiale et extra temporelle.
1ère intégration : dans le cycle cosmique.
2e intégration : en 1960 il est vain de penser à des petites histoires personnelles.
Qu’est-ce que l’être humain : un lieu est un moment…
Soyons des lieux. Lions notre destin au devenir historique.
Alain Resnais est irrité par son héroïne qui s’attache à une histoire.
Problème final : qu’est-ce qu’elle va guérir ? Elle ne guérira pas tout de suite (Resnais). « Ce film souhaite s’orienter vers une dialectique » mais « il est dans une contradiction perpétuelle » → ambiguïté. Espoir d’adoucissement mais visage tendu de Riva → le contraire.
500 images différentes parce qu’elle n’a pas fait la synthèse.
Agel : film inauthentique
Éléments d’artificialité
Collet : parti pris, au niveau du scénario, de chercher les rapports les plus alambiqués (on mêle des choses différentes + personnage de la femme : son jeu, sa diction sont tellement concertés que → littéraire
Côté irritant de l’héroïne parce qu’elle se sonde
cf. deux films qui ont la même donnée (histoire d’une femme qui prend conscience) : Ingmar Bergman : « Jeux d’été » — Max Ophüls : « Lola Montès »
Allergie à l’amour
Mes commentaires : Agel réagit en vieux bourgeois, défendant les valeurs sacro-saintes du mariage et de l’affection enracinés dans une expérience commune… comme si cela était NÉCESSAIRE… !
Il peut dire cela car il est marié, a des gosses, une situation (de critique bien côté dans les patronages) mais nous, étudiants, petits bourgeois menacés à chaque instant, en perpétuel déséquilibre, dans l’insécurité de la jeunesse et de la pauvreté, que pouvons nous faire d’autre que d’être des intellectuels, pour la femme : d’être une femme « libre », d’une « moralité douteuse »…
Le seul moyen d’échapper à la destruction de l’amour, c’est de « l’émerveiller » comme chaque jour je m’efforce à le faire. Pour des gens mariés, déjà : non. On peut leur reprocher de s’être mal mariés. Mais nous qui voulons vivre ensemble, qui ne sommes pas sûrs, nous ne pouvons pas nous appuyer sur une tradition bourgeoise et sur notre expérience commune… Il reste : la merveille…
Si nous nous accrochons à la peau, n’est-ce pas parce que il nous faut nous accrocher quelque part et que nous prenons ce que nous trouvons en premier
Sentiment d’instabilité… Nous sommes les lieux où nous sommes et nous sommes n’importe où… Nous sommes n’importe qui… Ceux qui attaquent Resnais au nom de l’humain, je leur réponds que, pour nous, l’humain reste à découvrir…
Hiroshima = cri de désespoir… et d’espoir…   (notes prises lors d’une présentation-débat de « Hiroshima mon amour », au Musée des Arts décoratifs, il me semble, par Henri Agel, notre professeur de cinéma de la Classe préparatoire à l’IDHEC, au lycée Voltaire)

Note écrite à 19 ans

IDÉE – SPECTACLE – TECHNIQUE

Hier soir : idée. Dans ma chambre : photos → idée

1966.02.03

Il y là création d’un espace par différenciation des plans dans lesquels se placent les personnages. Étudier les combinaisons possibles de 2 écrans ( ou plusieurs )
On peut faire varier la relation des 2 écrans. Par exemple, l’image 2 disparaît. La 1 varie ( passe de profil ou de face par exemple ) A ce moment l’écran 2 se déplace et vient se placer en fonction de la nouvelle image 1. Mobilité des écrans suivant la mobilité des images. Étudier la combinaisons possible de ces 2 écrans (ou plusieurs…)

Note écrite à 19 ans

IDÉE – SPECTACLE – TECHNIQUE

Projection sur des écrans placés dans des plans différents.

1966.02.04

Changement de dimensions. A travailler. On pourrait synchroniser ( image sur écran 1, image sur écran 2, avec élimination par glissement des écrans qui s’interposent. A travailler ).

Note écrite à 19 ans