Notes sur quelques films : « Il posto »
Ce film se rattache à une tradition « classique » du cinéma, celle des Hitchcock, des Bergman, ou même des Lang. La tradition, je ne dirais pas du symbole, le mot est trop vague, trop limité, mais plutôt de l’allégorie.
Il y a plusieurs niveaux dans le cinéma. Pour l’instant distinguons-en deux. Nous verrons plus tard qu’il y en a un troisième. Au premier niveau : les primitifs : l’avant-garde des Delluc, Dulac, Richter (mais pas Buñuel) en est le parfait exemple. Ceux qui croient à la vertu visuelle de l’image et ne cherchent qu’à provoquer des sensations. Ce fut le but avoué ou inavoué de tout une partie du cinéma naissant, expressionnisme inclus. Au second niveau, supérieur bien entendu, les classiques ou symbolistes.
Malgré tout, pour bien faire comprendre quoi consiste ce second niveau, il faut parler du troisième et les distinguer.
Dès que le cinéma dépasse la sensation visuelle, dès que l’image n’est plus uniquement image et tend non plus à vous impressionner mais à signifier pour nous, le cinéma diverge dans deux directions différentes. C’est d’abord le deuxième degré :. Un exemple : « Il posto » d’Ermano Olmi et plus particulièrement la fin du film : gros plan sur le visage du petit employé. Il s’assoit au bureau qu’on vient de lui assigner et relève la tête : en face de lui une ronéo débite sa paperasse. On la devine, car elle est hors champ, à son bruit régulier et monotone. Fermeture au noir, le film se termine sur ce bruit cadencé.
Il est évident que ce dernier plan du petit employé accompagné de ce bruit est un symbole. Symbole de l’enlisement du bureaucrate dans le papier.
D’autres en imagineront une autre, mais la phrase qui m’est venue à l’esprit en voyant ce dernier plan est : « Il passera sa vie dans la paperasse » et même plus schématiquement je crois bien qu’un mot seul a jailli dans mon esprit : « Paperasse ».
Les films du second niveau sont tels qu’ils font jaillir en vous des noms, ou des phrases mais de toute façon des mots. Au second niveau, l’image se transmue en langage. Le réalisateur a ces mots dans la tête avant de tourner, il les a peut-être même écrits sur le script et tout le film consiste à tourner des plans qui aboutissent à répéter ces mots. Je parle d’allégorie car dans ce dernier cas l’image mène à des noms ( « Liberté, Mort, Bonté » etc.) et que les noms sont le langage à l’état pur. Ainsi « Il posto » est l’allégorie de la déesse « Paperasse » (qui règne sur notre civilisation) et en cela c’est un grand film classique. Les films à scénario sont les allégories des scénarios
– Note écrite à 17 ans