CITATION – CINÉMA

« Le producteur doit exposer des capitaux considérables pour rémunérer les coauteurs, les techniciens, le réalisateur, les interprètes. Avant même que la première recette ait été perçue, il doit encore payer la location des studios, les décors, le matériel, les laboratoires, effectuer une publicité coûteuse » (« Droit du cinéma » J. Raynal)

Note écrite à 16 ans

CITATION – CINÉMA

« Les producteurs mettent l’accent sur les risques exceptionnels de leurs entreprises, sur l’échelonnement des rentrées de fonds pendant de longues années et sur le faible pourcentage des recettes qui leur revient finalement après règlement de tous les autres droits ; ils souhaitent en conséquence la réduction de la fiscalité, le maintien à leur profit de l’aide financière de l’État et de la protection accordée au film français contre la concurrence étrangère. » (« Droit du cinéma » J. Raynal)

Note écrite à 16 ans

LECTURE – CITATION

Lu J. Charon : « Connaissance de l’univers » M’a ouvert des horizons nouveaux : le cosme.
Lu Père Teilhard de Chardin « La place de l’homme dans la nature » Le développement sur la civilisation : très intéressant (principe de la recherche)
Lu G. Bachelard : « Poétique de l’espace » Trouvé confirmation de la nouvelle vision de l’objet poétique. Malheureusement interprétation traditionnelle.

– Note écrite à 16 ans

CITATION- SCIENCE

« La science est un produit de l’esprit humain, produit conforme aux lois de notre pensée et adapté au monde extérieur. Elle offre donc deux aspects, l’un subjectif, l’autre objectif, tous deux également nécessaires, car il nous est impossible de changer quoique ce soit aussi bien aux lois de notre esprit qu’à celles du monde. »(« La vérité scientifique » 1908 Bouty)

– Note écrite à 16 ans

CITATION- SCIENCE

(Lalande) « La Science ne vise pas seulement à l’assimilation des choses entre elles mais aussi et avant tout à l’assimilation des esprits entre eux. »
→ confirmation de la théorie de la « convergence » de T. de Chardin.
Le phénomène scientifique a rapproché les corpuscules « culturelles ».

– Note écrite à 16 ans

CITATION

« Considéré au point de vue de l’expérience des sens, le développement du concept d’espace paraît pouvoir se représenter par le schéma suivant : objet corporel – relations de positions d’objets corporels – intervalle – espace. Dans cette manière de voir, l’espace apparaît comme quelque chose de réel ; au même titre que les objets corporels. » (Einstein – « Comment je vois le monde »)

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – URBANISME

Des points importants : il me semble que l’urbanisme (bien réalisé) n’est pas fondé sur autre chose que l’espace, non seulement sous le rapport purement « architectural » mais encore économique et culturel. Notamment cela apparaît avec le développement des moyens de transport et l’importance grandissante des déplacements qui crée de plus en plus la notion de voie et de carrefour surtout, qu’il s’agit de retrouver puisqu’elle est diluée dans le phénomène de prolifération urbaine.

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – DÉTERMINISME

Il faut régler la question du déterminisme * ; mais quand aurai-je les moyens d’y parvenir ?
– Relire le chapitre de Bachelard dans « Le nouvel esprit scientifique »
Tentative d’interprétation de ce chapitre
1ère partie : le déterminisme est ennemi de la complexité. Il réduit les phénomènes à une série de causes et d’effets sans tenir compte des intervalles

( * la nouvelle notion de « micro-durée » y suffit-elle ?)

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – SCIENCE – SPIRITUALITÉ

Réponse au déisme des grands penseurs contemporains : élévation vers une pensée spiritualiste désincarnée du fait de leur ascétisme scientifique (Victor) [Les grands penseurs explorent la science à fond et, en découvrant les limites, consentent à expliquer le monde par un Dieu.]

(Le passage entre crochets a été barré)

Mais est-il prouvé que la science a des limites ? Non.

Suite de la note insérée ici, mais plus tardive (date inconnue. Quelques mois plus tard)
Je reprends ce problème en relation avec les données acquises à la fin de ce carnet.
Notre époque est essentiellement devenir, tension vers…
Dans cette optique, la morale nouvelle est une morale « de mouvement », c’est-à-dire de dépassement.
L’intuition se doit de dépasser la question posée.
Bachelard demande des pensées appelant d’autres pensées.
L’intuition étant elle-même une « autre » intuition, elle est (écriture interrompue).

– Note écrite à 16 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

Ligne de force : on peut tourner dans un lieu intéressant (unité de lieu) comme un château avec un parc (Bagatelle, Sceaux).
Le point de départ : une bande de jeunes arrive chez des copains à l’aube : ils passent la journée.
Pourquoi cette unité de lieu et un parti pris de non-vérité ? C’est contre notre premier propos.
Parce que, étant donné que c’est l’acte qui nous intéresse d’abord, on peut se servir de l’absurde pour détacher l’acte. Et, convenablement mise en scène, cette unité de lieu peut nous introduire dans l’absurde. Dès lors l’acte prend une valeur irréelle : soit dans le grotesque soit dans le poétique.
Néanmoins il faut rejoindre l’humain : on le peut en décernant des « monopoles », c’est-à-dire en concevant le film comme une scène où entreraient des personnages, où ils agiraient un temps puis d’où ils s’en iraient. Et certains actes seraient réservés à certains personnages qui s’effaceraient, reviendraient, comme des leitmotive avec les variations que constitueraient les actes. Ainsi il y aurait dans le film deux thèmes : les êtres et les décors et la mise en scène consisterait en variations sur ces deux thèmes avec des interférences.
En fait l’opposition entre le ridicule et le poétique de l’acte serait moins marquée que prévu. Il y aurait au contraire une constante confusion.
L’absurdité peut servir à détacher le mécanisme. Il faut bien faire ressortir que ce lieu est un lieu de villégiature, et certains des jeunes gens conserveraient même dans ce lieu de poésie des vacances des manières, des habitudes.
Je reviens à l’absurde : pourquoi ce moyen ? L’absurde dans ce lieu nous introduit dans un nouveau monde et c’est seulement dans cette nouveauté que ces manies, ces actes inutilement répétés, deviendront ridicules : justement parce que dans ce nouvel univers absurde il manque les références sur quoi se fondent ces manies. Mais alors on peut penser qu’on ne rejoint pas ainsi le réel puisque l’acte n’est ridicule que dans l’œuvre.
Mais l’absurde est poétique : il permet une vision lucide et intense à la fois qui est celle de la poésie.
N’est poétique que ce qui souffre de n’avoir pas de références. Telle doit être la leçon du film.
Et justement l’accéléré qui est l’absurde.
L’accéléré jette une lumière absurde sur l’acte qui le classe dans une des deux catégories : l’acte non poétique ridicule visé par l’absurde, l’acte poétique magnifié par l’absurde.
Après réflexion : l’harmonie de l’acte accéléré n’existe que si l’on peut l’observer d’un regard serein sans sentir qu’il lui manque quelque chose.
L’acte trouble, non poétique au contraire demande un retour au réel, une réintroduction dans le quotidien, il souffre de l’absurde alors que l’autre s’en accommode. La mise en scène doit obéir à ces règles. Je la sens.

Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Je pense à toi cet après-midi, comme hier, et avant-hier aussi. Chaque jour je pense à toi, quand je m’ennuie et que je suis seul, et même quelquefois au milieu des conversations. Es-tu vraiment si jeune, ou si mûre ? [Saurai-je te convaincre et sauras-tu m’accepter… ? (1) ]
J’ai bien peur d’être trop triste, ou trop gai et de n’avoir rien à te dire.
Petite bourgeoise de mes rêves : tu m’as retransporté en plein romantisme, c’est souvent bien bon mais aussi parfois bien amer, bien triste.
Je t’ai vue si peu : je m’interroge, réduit aux suppositions, réduit à épeler tes gestes, tes sourires et tes brefs mouvements. J’ai peur de te blesser, de devenir ton ami, de ne plus avoir envie de toi.
Après les rires que j’ai appris à susciter et à suivre depuis quelques mois, je retourne à mon inquiétude première, doutant de moi, de toi, avec aussi de brusques envies de te serrer, de te faire mal peut-être, essayant de cesser cet incessant questionnaire qui est devenu une obsession : comment me considères-tu exactement ?
Que déduire de tes attitudes ? J’ai à la fois peur et désir fou de te revoir, de te voir, de t’écouter et de me taire…
Je me crois déjà sûr de toi, et toi sûre de moi, nous faisant confiance…
[Je voudrais tant caresser simplement tes cheveux, alors que tu parlerais à d’autres, dans un café quelconque… (2) ]
Je saute une portion de temps, je passe sur tout ce qui sera nécessaire : le temps de l’interrogation, les efforts inutiles, les questions, les réponses…
J’ai peur d’avoir trop confiance en toi et je t’interroge…

(1) Le passage entre crochets a été barré et une note a été écrite entre les lignes, d’une écriture moins enfantine : « Deux ans après je repense à cette fille : c’était une gamine et j’étais un gamin d’ailleurs. »)
(2) ce texte est commenté par la note suivante : « Deux ans après j’ai pu enfin le faire. »)

Note écrite à 16 ans

VÉCU – MUSIQUE

Je pense en l’écoutant à « What’d’I say ». Pourquoi ça a marché ? Parce que c’est une œuvre merveilleuse qui a dû faire sentir un garçon et à une fille combien ils étaient liés, alors qu’ils l’écoutaient, ensemble, l’un à côté de l’autre. [Ouais]

(Le texte entre crochets a été rajouté plus tard)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE

« Elle ne fait pas de l’intelligence un domaine séparé ; elle rejette toute distinction des fonctions sensitives et des fonctions intellectuelles parce qu’elle rejette le dualisme de la matière et de la forme. L’intelligence n’est pas créatrice d’un ordre étranger à la nature de ses éléments ; elle n’est que l’expression de l’organisation spontanée et manifeste d’un tout en vertu de ses lois internes. ‌»(Pierre Guillaume – « Psychologie de la forme »)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE

Référence au montage d’Eisenstein : Fechner se demandait si la vue d’un sourire humain qui précéderait régulièrement de mauvais traitements, celle d’un visage sévère qui précéderait des caresses, pourrait prendre aux yeux d’un enfant des significations contraires à celles que ces expressions possèdent dans la vie ordinaire. » (Psychologie de la forme)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE

Cf. Rousseau (distinction contre la sensibilité et l’intelligence)
« Le côté mental ou central de l’expression obéit au même dynamisme que son côté périphérique ; on peut décrire dans la pensée de l’homme ému les mêmes pulsations que dans ses réactions musculaires ; les « mouvements » secrets de l’âme et les mouvements manifestes ou cachés du corps sont l’image les uns des autres ; il est souvent impossible, parmi les termes qui s’appliquent à l’émotion, de séparer ce qui désignerait exclusivement soit le symptôme objectif soit l’impression subjective ; le même terme a généralement la double valeur, non seulement parce que les deux faits sont contigus mais parce qu’ils sont semblables. » (Psychologie de la forme)

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION

Référence à l’oracle biblique de la trahison : le Gestalt est déterminé d’avance : il ne s’agit pas là d’un déterminisme de cause à effet parallèle au temps mais d’une entité dont l’état est à la fois passé, présent et futur (peut-être négation du déterminisme) [marxiste ?]

(Le texte entre crochets a été rajouté plus tard)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE

(Psychologie de la forme – Le moi et l’action) « L’aspect de l’objet (ou même parfois son existence subjective) dépend du besoin du sujet; inversement le besoin du sujet dépend de l’aspect de l’objet. Cette interdépendance exclut le déterminisme de type machine, mais elle est compatible avec les modèles de déterminisme que nous avons trouvé dans les formes physiques. »  

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – POLITIQUE

On fait d’abord la Révolution. C’est en fonction de notre volonté de détruire et de ce [qu’il faut détruire] (le texte entre crochets a été rayé et remplacé par « qui existe ») que nous saurons ce qu’il faut construire. [NON](1)

(1)(le texte entre crochets a été rajouté et entouré)

– Note écrite à 16 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

(Entre 25/03/1963 et 29/03/1963) Sur une musique de J. S Bach : sorte de comédie musicale non chantée mais dansée dans une cour sombre dont les fenêtres se ferment l’une après l’autre ( 2 clavecins et orchestre à cordes)

– Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Tu sais : j’en suis arrivé à l’état d’esprit de Roland. À l’instant j’ai cherché ton visage et pendant quelques secondes je ne l’ai pas trouvé. Je t’aime avec indifférence et j’attends ce « moment » dont Roland a parlé, où je t’aimerai entièrement. Je t’aime encore mais d’une façon différente. Je crois que j’ai moins envie de toi.

– Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Et voilà : c’est fini. J’ai eu mal très fort un moment. J’ai encore mal mais d’une autre façon et je suis sûr de t’oublier un jour : c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Puisque tu ne veux pas de moi (j’en suis sûr) je ne me changerai pas pour t’illusionner ; je serai tel que je suis toujours sinon c’est le mensonge et ce n’est pas possible d’aimer ainsi. : [NON]
(texte rajouté et entouré peu de temps après)

– Note écrite à 16 ans

VÉCU – FEMMES

Pourquoi ne pas épuiser la situation ?
Tu peux m’aimer sans avoir osé le dire…
Je te reverrai et lorsque nos regards se croiseront, nous comprendrons tous les deux…
Tu peux m’aimer sans avoir osé le dire…
Nous nous reverrons, par hasard, je fuirai ton regard, tu ne comprendras plus, et les amis nous parleront, nous forcerons à nous revoir, notre histoire deviendra énorme, ce sera le malentendu, la fuite. Tu peux l’aimer et le lui dire : j’aurais très mal.
Tu peux l’aimer sans avoir (?) le dire…
Il te verra et te forcera à répondre, anxieux.
Il te fuira et ce sera un nouveau malentendu…
Se revoir, ne pas se parler, se sourire, subtile mosaïque, je préfère prendre ainsi notre histoire, j’ai trop peur de beaucoup souffrir…
Je n’ai vraiment pas de chance…

[Et non… !]

Le texte entre crochets a vraisemblablement été rajouté plus tard

Note écrite à 16 ans

CITATION – PSYCHOLOGIE/PSYCHANALYSE/MON PSYCHISME – RÉFLEXION

« L’esprit de l’homme qui rêve se satisfait pleinement de ce qui lui arrive… La facilité de tout est inappréciable. »
Pourtant il existe des moment du rêve où l’on a de grandes difficultés à marcher, à courir. On a peur, on est angoissé : le rêve n’est pas un lieu privilégié d’aisance, c’est aussi le royaume de la souffrance.

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION – POLITIQUE

Non, ce qu’il faut construire ne viendra pas de ce qu’on aura détruit. – Il faut qu’il y ait un projet, une possibilité fondée sur ce qui existe maintenant et qui est pollué par certains immondices qu’on doit détruire, eux, et supprimer.

– Note écrite à 16 ans

 Commentaire du 29 novembre 2011 :

Encore une prémonition de Mai 68, mais de son échec, cette fois, car pas de projet à Mai 68 (sinon celui des groupes d’extrême-gauche)

Commentaire écrit à 64 ans

CITATION

En relation avec la thèse du Dr Laborit sur l’art (Cf. interview) :
« L’Homme énergique et qui réussit, c’est celui qui parvient à transmuer en réalité les fantaisies du désir. »
« Si [l’individu] possède le don artistique, psychologiquement si mystérieux, il peut, au lieu de symptômes, transformer ses rêves en création artistique. Ainsi échappe-t-il au destin de la névrose et trouve-t-il par ce détour un rapport avec la réalité. » (Freud)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – LITTÉRATURE

(« Du surréalisme en ses œuvres vives ») « Ce besoin de réagir de façon draconienne contre la dépréciation du langage » : (Lautréamont, Rimbaud, Mallarmé, Lewis Carroll)
« Cabale phonétique » « langage des oiseaux » (J. P. Brisset, Raymond Roussel, Marcel Duchamp, Robert Desnos)
« Révolution du mot » (Joyce, E. E. Cummings, – Michaux)

– Note écrite à 16 ans

CITATION

Joyce vu par Breton : « Au courant illusoire des associations conscientes, Joyce opposera un flux qu’il s’efforce de faire saillir de toutes parts et qui tend en fin de compte à l’imitation la plus approchante de la vie (moyennant quoi il se maintient dans le cadre de « l’art », retombe dans l’illusion romanesque, n’évite pas de prendre rang dans la longue lignée des naturalistes et expressionnistes »
Antithèse constituée par « l’automatisme psychique pur » : « [Ce dernier] qui commande le surréalisme opposera le débit d’une source qu’il ne s’agit que d’aller prospecter en soi-même assez loin et dont on ne saurait prétendre diriger le cours sans être assuré de la voir aussitôt se tarir. »


Second Manifeste : « Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas, cessent d’être perçus contradictoirement. Or c’est en vain qu’on chercherait à l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce point. »


– « C’est même du bouillonnement écœurant de ces représentations vides de sens que naît et s’entretient le désir de passer outre à l’insuffisante, à l’absurde distinction du beau et du laid, du vrai et du faux, du bien et du mal. Et, comme c’est du degré de résistance que cette idée de choix rencontre que dépend l’envol plus ou moins sûr de l’esprit vers un monde enfin habitable, on conçoit que le surréalisme n’ait pas craint de se faire un dogme de la révolte absolue, de l’insoumission totale, du sabotage en règle, et qu’il n’attende encore rien que de la violence. »


« À quand les logiciens, les philosophes dormants ? »


« Mon rêve de cette dernière nuit peut-être poursuit-il celui de la nuit précédente et sera-t-il poursuivi la nuit prochaine, avec une rigueur méritoire. »


« Le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau, il n’y a même que le merveilleux qui soit beau. »


(Lire « Le moine » de Lewis) « Le merveilleux n’est pas le même à toutes les époques : il participe obscurément d’une sorte de révélation générale dont le détail seul nous parvient… »


« L’homme propose et dispose. »


« Sur le fond du problème qui est des rapports de l’esprit humain avec le monde sensoriel, le surréalisme estime que nous devons chercher à « comprendre la nature d’après nous-mêmes… »


SURRÉALISME, n. m : Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »


« Si l’on s’en tient, comme je le fais, à la définition de Reverdy, il ne me semble pas possible de rapprocher volontairement ce qu’il appelle « deux réalités distantes ». Le rapprochement se fait ou ne se fait pas, voilà tout.


« C’est du rapprochement en quelque sorte fortuit des deux termes qu’a jailli une lumière particulière, lumière de l’image, à laquelle nous nous montrons infiniment sensibles. La valeur de l’image dépend de la beauté de l’étincelle obtenue ; elle est par conséquent fonction de la différence de potentiels entre les deux conducteurs… « Or il n’est pas à mon sens au pouvoir de l’homme de concerter le rapprochement de deux réalités si distantes. »


« L’esprit se convainc peu à peu de la réalité suprême de ces images. Se formant d’abord à les subir, il s’aperçoit bientôt qu’elles flattent sa raison, augmentant d’autant sa connaissance. Il prend conscience des étendues illimitées où se manifestent ses désirs, où le pour et le contre se réduisent sans cesse, où son obscurité ne le trahit pas. »


« Sans elles [des conditions d’asepsie morale] il est pourtant impossible d’arrêter ce cancer de l’esprit qui réside dans le fait de penser par trop douloureusement que certaines choses « sont », alors que d’autres qui pourraient si bien être, ne « sont pas ». Nous avons avancé qu’elles doivent se confondre, où singulièrement s’intercepter à la limite. Il s’agit, non d’en rester là, mais de ne pouvoir faire moins que de tendre désespérément à cette limite. L’homme qui s’intimiderait à tort de quelques monstrueux échecs historiques est encore libre de croire à sa liberté. Il est son maître, en dépit des vieux nuages qui passent et des forces aveugles qui butent. N’a-t-il pas le sens de la courte beauté dérobée et de l’accessible et longue beauté dérobable ? Le clef de l’amour, que le poète disait avoir trouvée, qu’il cherche bien : il l’a. Il ne tient qu’à lui de s’élever au-dessus du sentiment passager de vivre dangereusement et de mourir. Qu’il use, au mépris de toute prohibition, de l’arme vengeresse de l’idée contre la bestialité de tous les êtres et de toutes les choses et qu’un jour, vaincu – mais vaincu seulement « si le monde est monde » – il accueille la décharge de ses tristes fusils comme un feu de salve »


(Les vases communiquants) « Une règle sèche, comme celles qui consiste à requérir de l’individu une activité strictement appropriée à une fin telle que la fin révolutionnaire en lui proscrivant toute autre activité ne peut manquer de replacer cette fin révolutionnaire sous le signe du bien abstrait, c’est-à-dire d’un principe insuffisant pour mouvoir l’être dont la volonté subjective ne tend plus par son ressort propre à s’identifier avec ce bien abstrait. »


« Si je ne découvre aucun obstacle essentiel à la formation de ce « front unique » [de la poésie et de l’art] c’est qu’il me paraît évident que l’élucidation des moyens propres à l’art d’aujourd’hui, digne de ce nom, l’élaboration même du mythe personnel (le travail d’un artiste occidental consiste à créer un mythe personnel à travers une série de symboles – André Malraux) dont il vient de s’agir, ne peuvent finalement tourner qu’à la dénonciation des conditions dans lesquelles cet art, ce mythe, sont appelés à se développer, qu’à la défense inconditionnelle d’une seule cause qui est celle de l’émancipation de l’homme. »


Ce que je sais, c’est que l’art, contraint depuis des siècles de ne s’écarter qu’à peine des sentiers battus du moi et du super–moi, ne peut que se montrer avide d’explorer les terres immenses et presque vierges du soi. »


« Aussi bien, dans ces conditions n’est-ce peut-être plus déjà de la création d’un mythe personnel qu’il s’agit en art, mais, avec le surréalisme, de la création d’un mythe collectif ( l’artiste est brusquement mis en possession d’un trésor mais ce trésor ne lui appartient pas…)

– Note écrite à 16 ans

LECTURE – CITATION

(Luc Thoré « Signification du phénomène urbain ») « Phénomène inéluctable pour la planète entière, l’urbanisation est la seule issue pour faire face au défi démographique. Elle concerne ou concernera tous les hommes et non plus quelques-uns » (…)
« En plein milieu du jour, on s’enfourne dans les salles ou l’obscurité artificielle permet de projeter des images des champs, des forêts ou de la mer.  » (Intéressante notion du cinéma qui, loin d’être dépréciative, doit être conservée et éclairée par l’œuvre) Des questions…
« La ville comme humanisation de la nature… » (Cela me semble faux dans la mesure où ma propre pensée individuelle de non-humanisme a pu naître et où je sens qu’elle participe d’un mouvement plus vaste, de la pensée collective immédiate et future…)
« Dans le milieu urbain, l’histoire a remplacé la nature sauvage, et c’est pourquoi ce milieu est en soi plus humain que le premier. » (La vision individuelle ne constituerait-elle pas plutôt, en permanence, une démystification de l’histoire ; la coexistence même de bâtiments d’époques différentes plaçant la ville sur un plan situé en dehors du temps traditionnel, c’est-à-dire de l’histoire, mais nous introduisant dans un temps nouveau, peut-être l’absence de temps… ?) → (hypothèse explicative des vieilles maisons de Nevers et des enseignes et des buildings d’Hiroshima dans «Hiroshima»)
« L’urbanisation est, en principe, le processus par et dans lequel la praxis humaine tend à organiser de manière rationnelle les conditions spatio-temporelles de la vie humaine. »

– Note écrite à 16 ans

CINÉMA – CRITIQUE DE FILM – BRESSON

« Le Procès de Jeanne d’Arc » (Robert Bresson)
Bien entendu : un art de la rigueur. Mais il faut définir cette notion : Bresson a dit qu’il avait construit son film sur les paroles. On peut donc s’attendre à une mise en question du langage. Tout le film est centré autour de Jeanne, il est vu par elle, elle a cette volonté (qui est aussi celle de l’auteur) de scruter ce qui l’entoure, d’en prendre conscience pour y chercher un signe. Ainsi les paroles de Cauchon, aussi bien dans leur fond que dans leur forme, étroitement unis, elle les interprète comme un signe du Mal, et ses paroles à elle jaillissent directement des questions sans jamais s’égarer, car elle tire sa force de la connaissance du Mal, étant elle-même une envoyée du Bien.
On sent chez elle, dans ses réponses, une volonté de « donner l’assurance », d’être, à travers son existence, signe du Bien. Cette attitude, concernant l’être profond de Jeanne, dépasse l’interlocuteur, signifie pour « tout le monde ». Le renoncement momentané de Jeanne s’explique par « la vue du feu » et les cris de la foule. Sa chair a pris le dessus sur sa conscience, elle a cessé de contempler le Mal, effrayée (fermant les yeux) et a perdu ainsi sa source de force.
Le plus intéressant, peut-être, du film réside dans la reprise de Jeanne. Elle provient de l’ordre de l’évêque de quitter l’habit d’homme. Il y a ici (ce n’est qu’une interprétation) un passionnant essai sur la sexualité, merveilleuse violation des tabous, institution de la femme nouvelle. À fleur de peau, je prends conscience de l’originalité de cette vision d’une femme farouchement attachée à ses habit d’homme. Certains plans montrent Jeanne assise ou marchant, sans qu’on soit très sûr qui ne s’agit pas là d’un adolescent. Par-delà l’habit, c’est le corps qui est observé, Bresson ne fait pas de différence entre le corps masculin et le corps féminin, spiritualisant l’un et l’autre (habits de velours, étoffes sobres…) mais là où la magnifique révolution s’arrête, c’est sur cet escamotage de l’acte sexuel, auquel on pouvait s’attendre, dangereuse impasse à laquelle risquait de mener la vision première d’un corps uniforme et dans laquelle malheureusement Bresson ne manque pas de tomber : cette volonté de « rester vierge ».
C’est en se révoltant contre l’ordre de l’évêque, et en prenant conscience de sa révolte, comprenant par là qu’elle est l’esprit pur du Bien, que Jeanne trouve la force d’affronter sa mort. Un plan de la fin du film est très significatif : le plan de la croix tenue devant la mourante. En effet il y a ici un échange secret : ce plan peut être celui que voit Jeanne, y trouvant un signe du Bien, mais il peut aussi bien être une métaphore désignant la mourante. Il y a ainsi la reconnaissance du Bien (Jeanne) qui se fait en même temps expression du Bien (Jeanne encore). Il y a communion de signe à signe.
L’uniformité du langage provient de la permanence de la fonction de signe de ce langage.

Procès de Jeanne d'Arc - Bresson - Jeanne et la croix
(Peu de temps après)
Le procès de Jeanne d’Arc est un modèle de vie.  En en sortant, j’ai touché les tissus d’une autre façon…

– Note écrite à 16 ans

CITATION

« L’aménagement de l’avenir ne devient possible qu’avec la statistique. Les calculs laissent filer les cas individuels à travers leurs mailles. Ils ne prévoient que pour les masses. La tension entre futur et présent ou entre l’histoire et l’éternité qui caractérise la civilisation urbaine apparaît comme la métamorphose de l’ancienne contradiction bien connue entre le l’universel et le singulier ou comme l’envers de l’opposition entre le travail, tendu vers le futur au profit de tous, et le loisir orienté vers la satisfaction personnelle dans le présent. » (L. Thoré : « L’action populaire ») 

– Note écrite à 16 ans

CITATION – POLITIQUE

« À la place de l’ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance des nations. »


« À un certain degré de développement de ces moyens de production et d’échanges, les conditions dans lesquelles la société féodale produisait et échangeait, l’organisation féodale de l’agriculture et de la manufacture, en un mot le régime féodal de propriété, cessèrent de correspondre aux forces productives en plein développement. » (Source inconnue) (Marx ?)

– Note écrite à 16 ans

Commentaire du 9 février 2012 :

Oui, la source est bien Marx (« Le manifeste du parti communiste »)

– Commentaire écrit à 65 ans

 

CITATION – SCIENCE

« L’opinion » pense « mal » : elle ne « pense » pas : elle traduit des besoins en connaissance. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. »


« Avant tout, il faut savoir poser les problèmes. Et, quoiqu’on en dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce « sens du problème » qui donne la marque du véritable esprit scientifique.
Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. » (Bachelard : « La formation de l’esprit scientifique ») 

– Note écrite à 16 ans

CITATION – POLITIQUE

« Le 25ème point du programme phalangiste, soucieux de « la dignité de l’Etat et de l’intégrité nationale » recommandait implicitement la séparation de l’église et de l’état. À l’inverse, le second principe fondamental du régime actuel est un acte de soumission de l’État espagnol à l’église catholique romaine dont la doctrine inspire sa législation. » (Esprit n° 12)


« Francisco Franco Bahamonde, généralissime des armées, chef de l’état et du gouvernement, chef du Mouvement, réunissant entre ses mains les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ne répond de ses actes que devant Dieu et devant l’histoire. »


« Aux Cortés, par exemple, quels sont ces « représentants naturels » [du peuple] ? Des «procureurs » dont la moitié est nommée par Franco, soit directement soit en raison de leurs fonctions (ministres, magistrats, recteurs d’université, maires de grandes villes…) auxquelles ils ont été appelés par Franco ; l’autre moitié est composée de notables « élus » dans les syndicats, municipalités, corporations, députations provinciales, etc. »


« De même, au Conseil National Social des Syndicats, on entend ces « représentants naturels » des travailleurs, nommés par Franco : hiérarques phalangistes, généraux, marquis, évêques… »


« Le Syndicat y est défini [dans la Charte du Travail de 1938] comme un « instrument au service de l’état ». La lutte des classes y a été résolue par décret : ouvriers et patrons coexistent dans les mêmes syndicats et y harmonisent leurs intérêts en vue de l’intérêt national… d’où l’interdiction absolue du recours à la grève. »


« C’est le pouvoir absolu d’un homme qui conjugue en lui les prétentions théocratiques et démocratiques, dont l’activité tournée vers l’intérieur consiste à arbitrer sans appel entre les forces qui l’appuient : « Mouvement », Capital, Armée, Église, à comprimer le peuple et à réprimer sans pitié toute velléité d’opposition, afin de donner à l’extérieur l’impression d’Ordre et d’Unité nationale. »


1/ Les directeurs des journaux sont désignés par le ministre de l’Information 2/ L’activité des journalistes est surveillée par le même 3/ Des consignes sont données aux journaux sur les thèmes à traiter, à ne pas traiter, à développer, à minimiser, etc… »


L’esprit critique des classes populaires espagnoles a fait échouer cette prétention (de la censure).


On évalue, entre 1936 et 1943, à 480 000 le nombre des victimes de la liquidation intensive de la guerre et de la post-guerre civile dues aux massacres ordonnés par les généraux fascistes à Séville, à Badajoz, à Grenade, en Navarre…, à l’activité des tribunaux militaires à huis clos et aux exécutions sommaires dans les prisons… »


En attendant cette réouverture promise de la guerre civile déclarée, « la guerre continue sans rafales de mitraillette, non sanglante, mais non moins vive et décisive » (1959)


« Les petits patrons, victimes des discriminations d’une politique de grand capitalisme, accablés d’impôts, se ruinent lentement. »


« Le logement a aussi été sacrifié, jusqu’en 1957… Le rythme de la construction s’est accéléré, mais sans atteindre avec 50.000 logements annuels le rythme nécessaire pour satisfaire le besoin d’un million de logements qui s’accroîtra encore par l’expansion démographique et l’exode vers les villes. »


« Si, de 1929 à 1956, l’indice de production industrielle a augmenté de 145%, l’indice de production agricole a baissé de 13%. »


« C’est la politique économique et financière tout entière du régime qui obéit littéralement au proverbe : « On ne prête qu’aux riches » (Cavestany — ministre de l’agriculture)


« L’alimentation populaire des espagnols est à base de pain, d’huile, de pommes de terre, de tomates, d’oignons, de choux, de poireaux, de melons. »


« Il y a un vieux capitalisme espagnol (surtout basque et catalan), représenté au ministère par Gual Villalbi (1959), qui est favorisé dans la mesure où il a su s’intégrer au régime, comme le grand magnat Juan March, les grands propriétaires terriens et les banquiers. Mais il y a surtout le formidable essor d’un néocapitalisme franquiste d’actionnaires de SA et d’entrepreneurs sans scrupules. »


« Santiago Carrillo a raison d’affirmer que « en définitive », c’est à l’intérieur et non en France, ni au Mexique que se décide le sort de l’Espagne. »


« Ce qui m’inquiète c’est la dispersion de cette opposition ; ce qui frappe favorablement c’est sa jeunesse. »
« Si elle ne veut pas vieillir dans les prisons d’Espagne et dilapider son capital d’ardeur juvénile, elle doit faire preuve de lucidité, être persuadée que Franco ne quittera le pouvoir que forcé, renoncer à l’idée d’une évolution pacifique du régime par libéralisation ou par voie monarchique, et à celle de l’effondrement brusque par désagrégation spontanée. » (Marius Gaudilliou) (?)


« L’influence du milieu du travail est, pour le moment, réduite en Espagne par la crainte du mouchardage et l’absence d’organisations syndicales libres. »


« La vie de famille se heurte à deux obstacles essentiels : l’un, la crise du logement… autre difficulté : l’éloignement du lieu de travail. »

– Note écrite à 16 ans

CITATION – SCIENCE

« Accéder à la science, c’est, spirituellement, rajeunir, c’est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. »


« Il vient un temps où l’esprit aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit, où il aime mieux les réponses que les questions. »

(Bachelard)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – SCIENCE

Lecture de « La formation de l’esprit scientifique » de G. Bachelard :

« Par les évolution spirituelles que nécessite l’invention scientifique, l’homme devient une espèce mutante, où pour mieux dire encore une espèce qui a besoin de changer, qui souffre de ne pas changer. Spirituellement l’homme a besoin de besoins. »

« Préciser, rectifier, diversifier, se sont là des types de pensées dynamiques qui s’évadent de la certitude et de l’unité et qui trouvent dans les systèmes homogènes plus d’obstacles que d’impulsions. »

« À une même époque, sous un même mot, il y a des concepts si différents ! Ce qui nous trompe, c’est que le même mot à la fois désigne et explique. La désignation et la même ; l’explication est différente. »

« L’épistémologue doit donc s’efforcer de saisir les concepts scientifiques dans les synthèses psychologiques effectives, c’est-à-dire dans les synthèses psychologiques progressives, en établissant, à propos de chaque notion, une échelle de concepts, en montrant comment un concept en produit un autre, s’est lié avec un autre. »


(Gérard Varet « Essai de psychologie objective. L’ignorance et l’irréflexion. » Paris 1938)


« Nous examinons successivement le danger de l’explication par « l’unité » de la nature, par « l’utilité » des phénomènes naturels. Nous ferons un chapitre spécial pour marquer « l’obstacle verbal », c’est-à-dire la fausse explication obtenue à l’aide d’un mot explicatif, par cet étrange renversement qui prétend développer la pensée en analysant un concept au lieu d’impliquer un concept particulier dans une synthèse rationnelle. »


« C’est cette connaissance de l’objet que, dans notre dernier chapitre, nous examinerons dans toute sa généralité, en signalant tout ce qui peut en troubler la pureté, tout ce qui peut en diminuer la valeur éducative. Nous croyons travailler ainsi à la moralisation de la science, car nous sommes intimement convaincu que l’homme qui suit les lois du monde obéit déjà à un grand destin. »


« La pensée pré scientifique ne s’acharne pas à l’étude d’un phénomène bien circonscrit. Elle cherche non pas la « variation », mais la « variété ».


D’après Gaston Bachelard, la science du 18e siècle, au stade pré scientifique, n’est qu’un « spectacle » → « Pour Voltaire lui-même, la représentation extérieure, imagée, pittoresque prime des ressemblances intimes et cachées » (à propos des automates)


« La connaissance commune est inconscience de soi. » (Edmond Le Roy)


« Sans la mise en forme rationnelle de l’expérience que détermine la position d’un problème, sans ce recours constant à une construction rationnelle bien explicite, on laissera se constituer une sorte « d’inconscient de l’esprit scientifique » qui demandera ensuite une lente et pénible psychanalyse pour être exorcisé. »


« Une expérience pour être vraiment rationalisée, doit donc être insérée dans un jeu de « raisons multiples ».


« Nous ne saurions trop engager nos lecteurs à rechercher systématiquement des convergences scientifiques, psychologiques, littéraires. Qu’on arrive au même résultat par des rêves ou par des expériences, c’est, pour nous, la preuve que l’expérience n’est qu’un rêve. »


« L’abbé Poncelet ne manque pas de dénoncer par ailleurs « l’abus de termes qui a répandu d’étranges ténèbres sur les notions que l’on croit avoir des êtres abstraits ou métaphysiques » (comme le mouvement) »

« Comme le dit très bien Marcel Boll, ce qui caractérise le savant moderne c’est l’objectivité et non pas l’universalisme : la pensée doit être objective, elle ne sera universelle que si elle le peut, que si la réalité l’y autorise. » Or l’objectivité se détermine dans la précision et dans la cohérence des attributs, non pas dans la collection des objets plus ou moins analogues. Cela est si vrai que ce qui limite une connaissance est souvent plus important, pour les progrès de la pensée, que ce qui étend vaguement la connaissance. En tout cas, à tout concept scientifique doit s’associer son anti-concept. »


Lire Brice Parain


« On suit une métallurgie comme un raisonnement. La métallurgie contemporaine est un raisonnement : le thème abstrait explique les manœuvres industrielles. Une opération comme la distillation fractionnée, qui est plus monotone, est entièrement arithmétisée : elle procède presque comme une progression géométrique. La mystique de la répétition ne s’introduit donc pas dans un esprit scientifique moderne. » (À propos de la substantialisation d’un travail patient) – Cette phrase exprime, dans un sens marxiste peut-être, le passage du travail manuel traditionnel « mystifié » (période féodale et religieuse) à un travail « désincarné » qui demande une solution : elle me semble être, en fonction de ce que dit Gaston, dans une conscience de la manipulation industrielle orientée vers l’évolution du « thème abstrait », impliquant les gestes dans la pensée du travail.


« Il est bien sûr que les pierres précieuses sont, dans nos sociétés, les valeurs matérielles indiscutables. » – [D’après l’analyse de Gaston il semble que cette définition des valeurs (les pierres) ne soit pas un arbitraire mais corresponde à un stade de la pensée. Ainsi la notion arbitraire peut n’être que « polémique ». On traite d’arbitraire tout ce qui est fondé sur une structure mentale différente de la sienne et se situant un stade antérieur et dépassé de l’évolution mentale, peut-être non seulement dans l’histoire mais encore dans l’évolution interne de la pensée individuelle.] (1)

(1) Par-dessus le texte entre crochets a été portée la mention « baratin »


R. et Y. Allendy « Capitalisme et sexualité »


« On ne peut pas compléter une expérience qu’on n’a pas soi-même commencée dans son intégrité. On ne possède pas un bien spirituel qu’on n’a pas acquis entièrement par un effort personnel. »


« La vie marque les substances qu’elle anime d’une « valeur » indiscutée. Quand une substance cesse être animée, elle perd quelque chose d’essentiel. »

– Note écrite à 16 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE – ÉBAUCHE

Notes pour le film :

Des ballons de papier sortant des cheminées. Des rubans rouges flottant aux cheminées.
1er plan : Travelling avant par l’entrée du 10 Rue Madeleine Michelis et panoramique vertical jusqu’au toit.
Commentaire : ( Toute la première partie du film doit avoir ce ton « d’histoire ») « Quand on a longtemps marché dans le souterrain obscur, arrivé à la lumière au bas des escaliers où passent parfois des silhouettes blanches, on sait que plus haut, très larges, comme une nouvelle terre, s’étendent les toits de la ville… »
Musique : Sicilienne de la sonate en mi bémol majeur pour flûte et clavecin et peut-être l’allegro final.
Lieux pour ce film :
12 Villa Eylau ( 44 Av. Victor Hugo )
19 Av. Kleber
168ter Av. de Neuilly ( 173 ? )
Façade des 9 et 11 Rue Vérien ( Neuilly )

CITATION – LITTÉRATURE

Querelle des anciens et des moderne : (thèse des modernes) « La nature est toujours la même en général dans toutes ses productions ; mais les siècles ne sont pas toujours les mêmes ; et, toutes choses pareilles, c’est un avantage à un siècle d’être venu après les autres. » (Perrault) (parallèle avec la notion de cycle marxiste ? — on aborde d’ici le problème du temps et du progrès)

– Note écrite à 16 ans

CITATION – LITTÉRATURE

« La mort triste » (Histoire comique des États et Empire du Soleil, de Cyrano de Bergerac)
« Ceux d’entre nous qui ont la voix la plus mélancolique et la plus funèbre sont délégués vers le coupable qu’on porte sur un funeste cyprès. Là, ces tristes musiciens s’amassent autour de lui et  lui remplissent l’âme, par l’oreille, de chansons si lugubres et tragiques que, l’amertume de son chagrin désordonnant l’économie de ses organes et lui pressant le cœur, il se consume à vue d’œil et meurt suffoqué de tristesse. »

– Note écrite à 16 ans

IDÉE SCÉNARISTIQUE

( Au royaume des oiseaux )

– Plan 1 : panoramique lent et assez court jusqu’à cadrer un pigeon qui s’envole dans le sens du mouvement de caméra ( bruit d’ailes de l’oiseau )

« Ceux d’entre nous qui ont la voix la plus mélancolique… »

– Plan 2 : fixe sur une corneille qui s’envole dans le sens inverse du premier. ( bruit d’ailes )

« …et la plus funèbre… »

– Plan 3 : Plan général d’une partie de forêt où les cyprès voisinent avec des bouleaux. ( silence d’ailes)

« …sont délégués vers le coupable qu’on porte sur un funeste cyprès. »

– Plan 4 : Panoramique lent sur des feuillages mouillés de pluie ( bruit d’ailes )

« Là, ( on désigne un endroit ) ces tristes musiciens s’amassent tout autour et lui emplissent l’âme, par l’oreille, de sons si lugubres et si tragiques que, l’amertume de son chagrin désordonnant l’économie de ses organes… »

– Plan 5 : Travelling arrière s’éloignant d’un homme assis, la tête dans ses mains, immobile.

« …et lui pressant le cœur, il se consume à vue d’œil et meurt suffoqué de tristesse… »

( Tout de suite après la fin du commentaire : musique ? )

– Fermeture au noir.

– Note écrite à 16 ans

CITATION – RÉFLEXION

Miracle ! La notion de « fin » m’apparaît soudain acceptable… Tout est une question de moyens (ça se concilie avec Bachelard et Laborit) : On se fixe une fin, un but donné, et la pensée intuitionnelle, par-dessus le raisonnement, découvre les moyens d’y accéder. Mais le temps n’est pas dilué, ainsi, car LA NOTION DE FIN DOIT ÊTRE VÉCUE AU PRÉSENT PAR LE CHERCHEUR…
La finalité n’est pas le terme d’un voyage, elle est rationalisation de l’intuition : si bien que ce n’est pas la fin qui justifie l’intuition (les moyens) mais l’intuition qui justifie la fin… Les deux notion sont du même ensemble, dans le même temps… Le chercheur moderne doit s’entraîner à se fixer une fin et à l’atteindre le plus vite possible, par l’intuition…
Une question (la finalité) non résolue risque, à moins d’un dur exercice, de perdre ses valeurs «d’actualité» et nous pousse à employer d’autres moyens de l’atteindre que l’intuition. Mais, arrivé à un certain stade de la recherche intuitive, les questions se résolvent très vite et à un autre stade plus lointain, elles ne peuvent plus se poser, on ne sait plus dans quelle direction en marche, quel est le but… (pour l’instant)
On ne peut pas ramener la recherche intuitionnelle à la poursuite de finalités «sociales» recherchées par la société car on s’aperçoit assez tôt que ces finalités sont dépassées, elles ne suffisent pas. Il n’y a donc pas de scrupules à avoir pour prendre ces finalités, «sociales» ou non, comme des prétextes, car l’intuition ayant atteint un premier but, continuant sur sa lancée, elle se jette à la poursuite d’une nouvelle fin, née à la fois de cette intuition qui a besoin à prétextes et de la finalité précédente.
Ainsi l’intuition d’un moment contient les intuitions de tout le temps, et, en ce qu’elle est en elle-même le principe d’une résolution d’un temps «problématique», d’une concentration d’un univers en convergence, elle constitue en elle-même une morale mais une morale constamment réalisée, à la différence de la morale traditionnelle.
Cette morale est collectiviste puisque l’intuition nécessite les prétextes des finalités collectives, sociales. L’interdépendance de l’intuition et du social les range dans le même ensemble dont chacun des deux éléments est aussi le tout et, de cette façon, la morale intuitionnelle est également une morale « socialiste »… (pour l’interdépendance Cf. Paul Guillaume —- notes sur la « Psychologie de la forme  ») 

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION

« L’invocation des prétextes sociaux de l’intuition est une sorte de rationalisation de la recherche, à cela près que cette rationalisation est une projection abstraite seulement d’une certaine façon, dans un « abstrait » vécu qui peut avoir le goût exaltant des cafés ouverts la nuit. Cette rationalisation est une « utilisation », un mode de rendre utile à la société l’intuition. La notion d’utilitarisme doit donc être englobée dans la morale intuitionnelle mais elle n’est pas une morale à elle seule.

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION

Voilà résolu le problème de l’espace.


Pour parvenir à l’abstrait, il s’agit « d’épurer » le concret. C’est le rôle du mouvement qui fait sentir la non-opacité de la matière, qui fait sentir la tendance des objets à éclater, à diluer leur matière corpusculaire, et à se concentrer en un espace universel.


L’espace, le rien a ainsi l’opacité nouvelle d’une nature transformée en convergence. (Pas), le tout.

– Note écrite à 16 ans

RÉFLEXION

« Le temps passe ou ne passe pas, c’est la même chose. »


Un temps très long, très étendu, équivaut au temps très court de la micro durée, ce temps très étendu, c’est celui qui « ne veut pas passer ».


Peut-être sont-ce des temps humains, mais peut-être non, les théories de l’univers convergent tendraient à le prouver..

– Note écrite à 16 ans

Commentaire du 21 novembre 2011 :

Carnets encore… car je repense à cette notion de « micro-durée » conçue à 16 ans (sic ! ) : j’avais été frappé par le fait que dans certains cas (le rêve – l’intuition – le réflexe) on trouvait, concentrée dans une durée très brève, une « micro-durée », une série d’opérations psychiques très nombreuses et complexes, qui étaient comme « repliées » dans cette « micro-durée », mais qui, si on les « dépliait », occuperaient une durée infiniment plus longue…Je ne suis pas allé plus loin que cette simple notion, mais, presque 50 ans plus tard, j’ai découvert, en relisant mes carnets, qu’elle était réellement prémonitoire, en ce qu’elle anticipait sur l’irrésistible évolution qu’a suivie notre société, à travers l’informatique, le développement des communications, la multiplication des déplacements et l’accroissement de la vitesse : certes, la « micro-durée » ne siège pas dans le cerveau de l’individu (sauf cas évoqués au début), mais dans cette sorte de « psychisme planétaire » qui est comme une « extension » du psychisme individuel !

– Commentaire écrit à 65 ans

CITATION – CINÉMA – BRESSON

(Robert Bresson) « J’essaye de plus en plus, dans mes films, de supprimer l’intrigue. »


« Mon dernier film, « Un condamné à mort s’est échappé », m’avait orienté vers les mains. L’extraordinaire habileté des mains, leur intelligence (…) l’âme d’un pickpocket, la main d’un pickpocket… Il y a du merveilleux dans le vol à la tire. »

– Note écrite à 16 ans

CITATION – CINÉMA – FRANJU

(Georges Franju) : « Un immeuble (…) peut devenir très insolite et très artificiel Si on évite l’épaisseur. Les maisons incendiées sont très belles. (…) Le rôle du décor a toujours été le même dans tous mes films. C’est un rôle avant tout poétique. Il est la « découverte » sur l’évasion. Sur le rêve. »

Note écrite à 16 ans

CITATION – CINÉMA – BRESSON

(Bresson) « Le problème de la couleur n’est pas un problème de couleur. Peu importe que la couleur soit bonne ou mauvaise. On peut toujours tirer un bon parti d’un mauvais outil à condition qu’on sache qu’il est mauvais. Non, le problème n’est pas là. Il est dans une vertu dispersive, distractive de la couleur qui condamne à mes yeux, pour le moment, son emploi dans le drame et la tragédie. »

Note écrite à 16 ans

VÉCU – CINÉMA

jeudi 5 : 18 h 30 Man of Aran —– vendredi 6 : 18 h 30 Dada, Surréalisme et cinéma pur —– samedi 7 : 22 h 30 Yang Kweï Feï —– dimanche 8 : 15 h Tempête sur l’Asie 22 h 30 Le roman d’un tricheur —– mardi 10 : 20 h 30 La ronde 22 h 30 Amore —– jeudi 12 : 22 h 30 Mystère Picasso —– vendredi 13 : 18 h 30 Les anges du péché —– samedi 14 : 20 h 30 Histoires extraordinaires 22 h 30 Shors (?)

Note écrite à 16 ans

CITATION – LITTÉRATURE – TABLE RONDE

« Là vivait un vavasseur nommé Dyonas, qui était filleul de Diane, la déesse des bois.


(La table ronde. Transcription de Jacques Boulenger. Merlin l’enchanteur. Tome 1


Dans un cycle d’inspiration chrétienne voici qu’apparaît la mythologie païenne, voilà qui est pour le moins étonnant… !


Le dit vavasseur est le père de Viviane qui recevra la science de Merlin : il semble que la mythologie n’est évoquée qu’en rapport avec les pratiques magiques. Rapports situés précisément dans le recours que fait la mythologie à des emblèmes comme le soleil, la lune ou les astres qui sont aussi ceux de la magie.

Note écrite à 16 ans

LIRE – SCIENCE-FICTION

« L’Univers en folie » (Brown), « 9 de pique » (John Amila), « Le monde des A », « Le rayon fantastique », « La faune de l’espace », « À la poursuite des Slan » (Van Vogt), Abernathy, « Cailloux dans le ciel » « Fondation » (Isaac Asimov), « L’homme démoli » (Alfred Bester), « Fictions » « Labyrinthes » « Enquêtes » (J. L. Borges), « Chroniques martiennes » « Farenheit 451 » « Les pommes d’or du soleil », « Pays d’octobre » (Ray Bradbury), « Martiens go home » —  « Une étoile m’a dit » (Frédéric Brown), (Philip K. Dick), « La naissance des dieux » (Charles Henneberg), « La couleur tombée du ciel »  « Dans l’abîme du temps »  « Par-delà le mur du sommeil »  « Démons et merveilles » (Lovecraft) —- (J. T. Macintosh) « Je suis une légende » —- « L’homme qui rétrécit » (Richard Matheson), « L’homme venu du futur » (Lewis Padget), (Arthur Porges), « Le délit »  « La géométrie dans l’impossible » —- « La sortie est au fond de l’espace » (Jacques Sternberg), « E=MC² » (Pierre Boulle)

Note écrite à 16 ans

VÉCU – CINÉMA – RESNAIS

À quelques pas de moi, qui étais immobilisé dans une voiture, au milieu de l’avenue des Champs-Élysées, hier, j’ai vu Alain Resnais ; il m’a paru maigre, sportif, il avait un imperméable marron, une vieille sacoche de cuir, une démarche bizarre, inélégante ; il est monté dans un taxi et je ne l’ai plus revu ; avec le temps, cette apparition me paraît de plus en plus monstrueuse et monstrueux Resnais lui-même


Cette vision est une des plus grandes questions que je me sois posé et j’en garde un souvenir assez privilégié.

Note écrite à 16 ans

CITATION – LITTÉRATURE – LA BRUYÈRE

« L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés de soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent aussi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. » (La Bruyère)

Note écrite à 16 ans

IDÉE – THÉÂTRE

Macbeth – Les sorcières (mise en scène)

Costumes : très longs, très rugueux. On doit avoir l’impression qu’elles peuvent à tout instant s’empêtrer dans les pans qui retombent en leur formant une espèce de traîne.

(Le rideau se lève. La lumière est glauque, astrale. Un arbre décharné tend ses branches à contre jour sur la lumière blanchâtre et phosphorescente du ciel. Depuis l’arbre, auxquels ils font ainsi un sinistre feuillage, pendent des écheveaux d’une sorte d’étoupe ressemblant à des cheveux. Au bas de l’arbre un feu de bois en étoile, pas trop vif. La 3ème sorcière, à genoux, en tient une masse pendant en une ligne à peine courbée, depuis une branche inclinée vers le sol, la courbe finissants à ses mains tenues au-dessus du feu, la nappe du reste des cheveux plongeant dans le feu et brûlant de petites flammes qui semblent vouloir remonter vers le haut des écheveaux sans jamais y arriver. Elle est tournée vers le public. De derrière l’arbre sort la 1ère sorcière, qui s’arrête, les yeux dressés vers le ciel : un éclair fulgure rapidement. Pendant l’illumination, vacillante, la 1ère sorcière se retourne, arrache une masse d’écheveaux et, les bras un peu retenus par la masse qu’elle entraîne, le tonnerre éclatant, elle se précipite vers le feu pour s’agenouiller auprès de sa compagne, malaxant les cheveux avec fureur, sa compagne, elle, les faisant brûler avec une malice féroce. La 3ème sorcière la regarde. Le tonnerre s’arrête, la 1ère sorcière est à genoux, aux côtés de l’autre, toutes deux se retournent. La 2ème sorcière est entrée :

— 1ère sorcière : « D’où viens-tu, sœur chérie ? »
— 2ème sorcière : « De saigner une truie »
(Elle reste debout. La 1ère sorcière se retourne vers le feu et se met à faire brûler des cheveux)
— 3ème sorcière : (se tournant vers la 1ère) « Et toi, ma sœur, il semble que tu te plaignes ? »
— 1ère sorcière : (penchée sur le feu, marmottant avec fureur, récitant sa tirade comme le compte qu’on fait des injures reçues avant la vengeance)

« La femme d’un marin mastiquait des châtaignes,
Plein entre les genoux et plein la bouche pleine,
Mâchonnant, mâchonnant,
« Eh, donne-m’en » lui dis-je !
« Arrière ! » m’a hurlé cet égout de cuisine.
Alors comme son mari,
quartier-maître à bord du « Tigre »,
fait voile vers la Syrie,
j’embarque sur un tamis,
je rame vers le navire
Et sous la forme d’un rat,
dans la cale et sous la coque,
je grignote et je grignote,
il verra ce qu’il verra ! »

(À ces mots, elle jette violemment une plus grosse masse de cheveux dans les flammes qui s’embrase très haut et très fort, éclairant violemment le faciès démoniaque de la 1ère sorcière)
(La 3ème, debout, fait le geste de pousser et de jeter une botte de foin mais en plus lent, elle pousse le vent vers la 1ère sorcière)
— 3ème sorcière : « Prend ce vent, je te le donne. »
(Avant que la phrase finisse, la 2ème sorcière est debout, son bras s’élève, agrippe une masse invisible et redescend, entraînant la masse)
— 2ème sorcière : « Moi cet autre. »
(La 1ère sorcière écarte les bras et les referme sur la main tendue de la 2ème sorcière qu’elle serre)
— 1ère sorcière : « Que tu es bonne. »
— 2ème sorcière : « Et les autres ? »
— 1ère sorcière : (la regardant avec une lueur féroce dans les yeux) « Je les tiens !

Il n’est ni vague ni requin
ni vent dont je ne dispose,
j’ai le reste de la rose
et les cartes des marins…
Qu’il sèche comme le foin,
le mari de ma commère,
quatre, quatre et dix semaines,
pâle, pâle et rabougri !
Que j’épingle jour et nuit
à l’auvent de sa paupière
l’enseigne de l’insomnie,
qu’il pèle comme un prêtre
sevré de la sacristie !
Que sa barque se fracasse
ou du moins que la bourrasque
le cogne contre les mats !

(Le ton est allé crescendo. Elle s’arrête là, brusquement, fouille ses habits, en sort un objet qu’elle montre à la 2ème sorcière) « Regarde ! »
— 2ème sorcière : « Qu’est-ce que cela ? » (Elle s’accroupit pour voir, non seulement étonnée, mais vaguement réjouie, comme lubrique.)
— 1ère sorcière :

« D’un marin qui n’est pas mort
Un autre me réconforte :
C’est le pouce d’un pilote
noyé dans les eaux du port.

(Elle rengaine l’objet)

(Tambour…)

— 1ère sorcière : (se redressant) « Macbeth ! »
— 2ème sorcière : (se redressant) « Macbeth ! »
— 3ème sorcière : « Il approche ! »
— Toutes : (elle dansent, la 1ère et la 2ème se tenant plus ou moins, la 3ème seule)

« Tissons le piège du sort !
sœurs fatales, messagères
de l’air, de l’eau, de la terre,
tournons la main dans la main
tous les tours que fit le monde :
au dernier finit la ronde
où commence le destin. »

(Elles regardent toutes vers la droite, la 3ème qui est vers le côté des coulisses où elles regardent, se rapproche des deux autres, tout en regardant vers les coulisses. Elles sont groupées, le feu brûle doucement. Entrent Macbeth et Banquo)
— Macbeth : (il regarde le ciel, songeur) « Je n’ai jamais vu de jour si horrible et si beau. »
— Banquo : (un peu éloigné, inspectant les environs) « À combien sommes-nous de Forrès ? » (apercevant les sorcières, il sursaute, un peu effrayé) « Quelles sont ces créatures, si flétries, si bizarrement accoutrées ? » (Macbeth se retourne) « Elles sont bien sur la terre où nous habitons mais semblent ne pas en être. Êtes-vous seulement vivantes ? Un homme pourra-t-il vous questionner ? (Les sorcières posent un doigt sur leurs lèvres) Vous avez l’air de comprendre puisque chacune à l’instant pose un doigt sec sur ses lèvres calleuses. Vous devez être des femmes et pourtant votre barbe m’empêche le croire. »
— Macbeth : (irrité) « Parlez si vous pouvez, qu’est-ce que vous êtes ? »
— 1ère sorcière : (s’inclinant) « Salut Macbeth ! Salut à toi, Glamis ! »
— 2ème sorcière : (idem) « Salut Macbeth ! Salut à toi, Caudor ! »
— 3ème sorcière : (idem) « Salut Macbeth, toi qui seras bientôt roi ! »
(Banquo se tourne vers Macbeth ; celui-ci frissonne et ramène son manteau sur ces épaules)
— Banquo : « Mon bon seigneur, pourquoi ce frisson ? Vous auriez peur de tout cela, qui sonne si bien ? » (se retournant et les sorcières) « Au nom de la vérité, êtes-vous donc des fantômes ? Existez-vous vraiment comme vous paraissez ? Vous donnez à mon noble compagnon le titre qu’il possède, la promesse d’une autre fortune et l’espoir d’un royaume, il en paraît saisi. À moi vous ne dites rien. Si vous avez le pouvoir de lire les germes du temps et de reconnaître dans les semences celles qui lèveront ou ne lèveront pas, parlez ! Votre faveur ou votre haine ne me fait ni peur ni plaisir »
— 1ère sorcière : « Salut ! » (On doit bien avoir l’impression qu’elles répondent à Banquo)
— 2ème sorcière : « Salut ! »
—3ème sorcière : « Salut ! »
— 1ère sorcière : (1ère nuance : elle répond – 2ème nuance : elle se parle à elle-même, songeuse) « Plus petit que Macbeth et plus grand tout ensemble ! » (elle dit ceci et les trois sorcières reculent en parlant vers l’arbre derrière lequel elles disparaîtront)
— 2ème sorcière : « Moins heureux et pourtant heureux bien davantage ! »
— 3ème sorcière : (elle parle, appuyée à l’arbre, avant de fuir) « Père de rois, de rois, et sans l’être toi-même ! Donc salut, Macbeth et Banquo. »
— Toutes : « Banquo et Macbeth, salut ! »
— Macbeth : (s’avançant d’un pas et frappant de son poing droit dans sa paume gauche) « Restez là ! » (les sorcières s’immobilisent. Un temps) « Terminez vos discours incomplets ! Par la mort de Sinnel, je sais très bien que je suis Glamis. Mais comment cela, Caudor ? Caudor est vivant, prospère. Et roi ? Ce n’est pas plus imaginable pour moi que d’être Caudor. D’où tenez-vous cette science étrange ? Dites-moi ! Pourquoi, sur cette lande brûlée de foudre, arrêtez-vous notre marche avec vos saluts prophétiques ? Parlez, je vous l’ordonne. »
(Les sorcières disparaissent, le feu s’éteint)
— Banquo : « À croire qu’elles sont des bulles sur la terre comme il en existe sur l’eau ! Où ont-elles disparu ?
(Il s’avance pour marcher derrière l’arbre. Macbeth se retourne et fait quelques pas)
— Macbeth : « Dans l’air ; ce qui semblait avoir un corps s’est fondu comme un souffle au vent. » (il s’arrête) « J’aurais tant voulu qu’elles restent ! »
— Banquo : (il remonte vers lui) « Mais étaient-elles vraiment devant nous ? N’aurions pas mangé de cette racine qui fait de la raison l’esclave de la folie ? »
— Macbeth : (il se retourne vers lui) « Vos enfants seront rois. »
— Banquo : « Vous serez roi. »
— Macbeth : (il continue les paroles de Banquo) « Et Caudor. » (léger arrêt) « C’était bien ainsi ?»
— Banquo : « Refrain, couplet, mot pour mot. » (il se retourne, sortant son épée) « Qui va là ? »
(Entrent Ross et Angus)
— Ross : « Macbeth, le roi a reçu avec bonheur la nouvelle de ta double victoire. Déjà, quand il apprend tes exploits contre les rebelles, il hésite entre la stupeur, qui doit se taire, et la reconnaissance qui voudrait s’exprimer. Et voici que le même jour, quelques heures plus tard, il te retrouve seul parmi les rangs norvégiens, impassible devant tous les spectres de la mort que tu crées toi-même. Les courriers arrivaient tous à la fois, drus et rapides comme un orage de grêle ; et chacun apportait le tribut de sa gloire et le versait aux pieds de ton roi.
( Ross doit prononcer ces mots sur le ton d’un porte-parole, un peu comme si le décor avait changé et que la scène était dans un palais où les deux envoyés viendraient saluer un grand seigneur. Angus doit renchérir sur le même ton de louanges)
— Angus : Macbeth, nous t’apportons des remerciements, rien de plus, mais nous allons te conduire en présence de notre maître et là vraiment tu seras payé. »
— Ross : Mais déjà, comme gage d’un plus grand honneur, il m’ordonne, Macbeth, de te proclamer Caudor. Salut donc, (il s’incline) noble Caudor, car ce nom est le tien.  » Banquo : (à part, tressaillant) « Quoi, le diable aurait dit la vérité ? »
— Macbeth : Caudor ? Il est vivant… (étonné) Pourquoi m’habillez-vous de vêtements empruntés ? »
— Angus : (il s’incline très légèrement) Caudor est encore vivant mais un lourd jugement pèse déjà sur sa vie, qu’il a mérité de perdre. Avait-il fait alliance avec ceux de Norvège ? A-t-il soutenu en secret les rebelles ? Ou a-t-il travaillé avec les uns et les autres à la ruine de son pays ? Je l’ignore. Mais le crime de haute trahison, avec l’aveu et toutes les preuves, l’anéantit. »
— Macbeth : (il se détourne, songeur, et fait quelques pas à l’écart, vers Banquo. À part) « Glamis et Caudor ! Quels titres ! À quand le dernier, le plus grand ?»
(À Ross et Angus, se retournant à demi, avec un geste de la main pour donner congé) « Merci de vos peines. »
(Se retournant vers Banquo, s’arrêtant devant lui et le regardant) « Au fait, vous n’espérez pas que vos enfants seront rois puisque celles qui m’ont appelé Caudor leur ont annoncé le trône ? »
— Banquo : (appuyant des deux mains sur son épée dans la pointe est sur le sol) « À ce compte, au-delà du titre de Caudor, vous pourriez aspirer en toute confiance à la couronne elle-même. Mais c’est étrange, souvent pour nous conduire à notre perte, les puissances des ténèbres nous disent des vérités ;
(Macbeth s’éloigne et Banquo lui parle alors qu’il marche et lui présente son dos)
— « Elles nous offrent pour appât des bagatelles fort innocentes et nous nous enfonçons et nous sommes trahis, »
(Il se retourne vers Ross et Angus qui regardent Macbeth, avec un léger étonnement. Banquo, se rapprochant un peu d’eux, le regarde aussi et se retourne vers Ross et Angus, chaque fois qu’il leur parle) « Un mot, cousins, je vous prie. »
— Macbeth : (s’immobilisant, de profil par rapport au public) (à part) « Deux vérités sont déjà dites, deux prologues heureux, gros de leur tragédie qui est royale. » (haut, se retournant vers Ross et Angus) « Messieurs, je vous remercie. » (à part, il se prend le menton et fait un ou deux pas) « Ce message surnaturel qui me sollicite ne peut être ni bon ni mauvais. S’il est mauvais, pourquoi ce début véritable, promesse de réussite ? Je suis Caudor. S’il est bon, (il se lâche le menton) qu’ai-je à faire de cette idée naissante, image épouvantable qui fait se dresser mes cheveux, battre mon cœur, si fort que la poitrine se casse ? La peur est peu de chose auprès de ces visions. Oui, cette horreur contre nature, ce crime encore à l’état de rêve ; et pourtant il bouleverse mon âme, mon corps, mon univers tout entier ; tout mon être est anéanti par la pensée : rien n’existe plus que cela, qui n’est pas encore. »
— Banquo : « Voyez comme votre compagnon est absorbé »
— Macbeth : (à part) « Allons, si la fortune veut que je sois roi, elle peut aussi bien me couronner sans que je remue. »
— Banquo : « Les honneurs nouveaux lui vont comme des vêtements neufs qui se font seulement à l’usage. »
— Macbeth : (à part, avec un geste bref) « Advienne que pourra, la nuit met toujours fin au jour le plus ingrat ! »
— Banquo : (à Macbeth) « Noble Macbeth, nous attendons votre bon plaisir. »
— Macbeth : (remontant vers eux) « Pardonnez-moi, messieurs, mon cerveau engourdi se trouvait assailli de choses oubliées… Mes bons seigneurs, vos services sont gravés sur des feuillets que je tourne chaque jour afin de les relire. Allons retrouver le roi. (Passant devant Banquo, il s’arrête et lui souffle) « Pensez à ce qui est arrivé. Et quand le temps aura donné à toutes choses leur juste poids, nous parlerons tous deux à cœur ouvert. » (Il repart)
— Banquo : (il parle en le suivant) « Bien volontiers. »
— Macbeth : (il se retourne vers lui, très léger arrêt) « Jusque-là, silence. » (il se retourne vers les autres) « Partons, mes amis. »
(Ils sortent)

Note écrite à 16 ans