VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES – ANNE

(2h10)
Reviens du ciné. Séance de minuit au Lucernaire : « Lisztomania ». Merdique.
Week-end avec Agnès : en la ramenant, dans la voiture, crise de larmes.
Ça avait commencé par la question : « Pourquoi tu nous as quittées ? » (Avant, chez Odette : « Tu resteras un peu ? » J’ai été ferme et le plus clair possible. Ça été long, dur. Elle a fini par s’arrêter de pleurer. Et je crois que cette explication sera marquante.
À Pierrefitte : « J’espère que mon mari ne me quittera pas. » – « On va passer des vacances ensemble ? C’est quand ? Un mois ? C’est long ! »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(Lundi)
J’écoute à la radio la « Fugue d’autrefois » par Catherine et Maxime. Bouffées de nostalgie, de chagrin qui m’envahit. Cette mélancolie du passé qu’exprime cette chanson. C’est vers Agnès qu’elle me porte, et vers moi aussi. Vers nous qui sommes prisonniers du temps qui passe, si vite, vertigineusement vite ! Ce temps qui nous met toujours au pied du mur : qu’auront été nos vies ? Aurons-nous réussi à être heureux, à être ensemble ?
Hier, il faut que j’en parle, sans être sûr de trouver les mots, ça été le drame absolu, le fond de l’abîme.
J’avais passé avec Agnès un week-end bien : samedi piscine après le jardin de Dominique avec elle. Dimanche : Beaubourg (les tuyaux) et Luxembourg. La fois d’avant, il y avait eu cette explication et Agnès, je le crois, avait admis, commencé à admettre certaines choses. Bref, c’était bien.
J’arrivais à Pierrefitte pour ramener Agnès, animé d’intentions pacifiques. Or, pour une histoire de disques que je voulais emprunter pour les recopier, ça été le drame. Elle s’est mise en travers de mon chemin, physiquement. J’ai voulu me faire un passage, physiquement. Coups. Chutes.
Agnès a assisté à tout en larmes, suffocant, hurlant : « Ne vous grondez pas ! Il te les rendra les disques, c’est vrai ». « Je vous en supplie… »
Lentement, lentement, les choses sont revenues au calme et aux larmes. De Jocelyne, d’Agnès (et de moi, refoulées, quand Agnès m’a montré son cadeau de Fête des Mères, affectueusement fait de ses mains).
Écrire, ainsi, réduire… Les mots ne rendront jamais ce qu’on peut ressentir, ce que j’ai ressenti.
Des injures (double sens. « Tu vois, Agnès, papa, il a plusieurs femmes… » – « Pourquoi il en a plusieurs ? »
Noter. Noter tout. Ne pas oublier. La suivre, la scruter. J’ai peur maintenant. L’enjeu m’épouvante. Je m’en veux d’avoir déclenché des forces irrépressibles peut-être, qui prendre de détruire cette enfant merveilleuse, de l’abîmer. Oh, j’espère que non. J’aimerais avoir dix ans de plus pour savoir, pour être sûr.
Comment rattraper ?
J’y pense. La gentillesse envers Jocelyne. C’est ça qu’elle attend, Agnès. Une fois tous les quinze jours, ça doit bien être possible… Je ne suis qu’une brute. Rattraper. Rattraper. Oh, pourvu que je puisse rattraper ça !
Depuis hier soir, je ne pense qu’à ça. Les larmes m’aveuglent.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(2h30. Cap d’Agde)
En tournage, ici. Je veux noter la carte que j’ai envoyée à Agnès. Repartir. Tentative désespérée de rattraper les choses.
Y parviendrons-nous, Jocelyne et moi, ensemble enfin ?
Il le faut, pour elle, pour Agnès.
J’ai la terrible impression d’avoir gâché ce bien précieux : la confiance qu’elle avait en nous.
Un doute affreux m’est venu : et si, quand Jocelyne lui a lu ma carte, elle n’y croyait pas ?
Des pensées horribles, comme celle-ci, commence à m’assiéger. Oh, pourvu qu’il ne soit pas trop tard !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Samedi.
22 h. Couché. Agnès, allongée sur le bide, dans son lit-banquette, fait des décalcomanies. Moments heureux. Paix. Douce lumière. Stevie sur cassette, en sourdine.
Choses à noter, de ces derniers jours :
– Jocelyne au téléphone. Apparences d’un accord, d’un acquis de la crise qui semble ainsi se révéler positive. Mais, ce matin, dans la voiture (l’amenais chez sa tante) larmes perlantes quand j’ai parlé des vacances avec Agnès. Fuite rapide à l’arrivée.
– Hier après-midi, chez Guylaine, couture. Mot-cadeau sur frigo.
– Aujourd’hui : resto avec Anne et Agnès.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avec Agnès, aujourd’hui, pour sa carte d’identité : bien. « Normal ». Sauf ses larmes lorsque, alors qu’elle me le demandait, je lui ai dit que je ne pouvais pas « rester ». Devant ses pleurs, je lui ai dit que je resterai un peu.
Sa joie lorsqu’elle a su qu’Armand, son instituteur, est venu à la maison pour la voir…
Choses à noter, sur Agnès :
– Appris par Jocelyne, au téléphone, qu’elle était allée voir Armand qui lui avait demandé si Agnès pleurait à la maison. Elle a répondu que non. Il lui a dit qu’elle pleurait à l’école, chaque fois qu’il s’en allait, le midi et le soir (très clair !)
– Dimanche soir, retour du week-end avec Agnès, resto chinois à Pierrefitte, à trois. À un moment, Jocelyne dissimule ses larmes sous une quinte de toux, prétextant un rhume. « Tu te forces ! » lui dit Agnès. Puis elle s’allonge, la tête sur mes genoux, disant à Jocelyne : « Je ne peux pas m’allonger sur toi, alors je m’allonge sur Papa, c’est pas grave… »
– En voiture, elle avait mal à la tête. « J’en ai marre de ce mal de tête. Quand je serai grande, j’aurai pas de voiture. Je prendrai le bus, comme ça, j’aurai pas mal à la tête… »
– Aujourd’hui, on rentre ensemble chez moi. Elle embrasse la porte en arrivant !

– Note écrite à 31 ans