VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

La beldoche est arrivée ! Je me retranche dans le mutisme. La présence de mes parents me gêne, canalise mon attitude. Je partirais bien volontiers. Les voilà plongés dans leur conversation imbécile, hypocrite, respectueuse des conventions : pas de remous, pas de vagues. Chacun n’en pense pas moins. La beldoche est très à l’aise : elle est soutenue par sa fille ! Décidément Jocelyne a toujours choisi le camp de ses parents, ne comprenant même pas, ne parvenant même pas à concevoir ce qui m’éloignait d’eux tout autant que des miens, cette gangue, cette prison de médiocrité, d’illusions, d’apparences soigneusement entretenues…
Oui mais : Agnès ! Toujours la lancinante torture de cette pensée ! Je reviens à l’époque où elle n’était pas là : qu’est-ce qui me retenait près de Jocelyne ? Ma faiblesse, mon inconscience, celle-là même qui m’a joué de sales tours par ailleurs (Jacquet – Denis Manuel – etc.)
Ah, si c’était à refaire ! Si on pouvait faire marche arrière, comme dit la complainte ! Je reviendrais bien au tout début : à ce Lorient de 63. Quand je compare le trajet de Zyf au mien : la différence d’itinéraire ! Le temps que j’ai perdu. Ce n’est tout de même pas un hasard si j’ai fait « La saisie » en 74. Je me souviens de cet élan, de cette détermination qui m’a jeté sur mes pieds, m’a lancé en avant, balayant les difficultés, cet élan créateur, cette énergie…
Hier soir, je repensais à cette période de 74. À ces huit mois de liberté. Que d’erreurs, bien sûr, que d’illusions. Mais ça en valait la peine. Si j’avais tout de suite pris un avocat, si j’étais allé jusqu’au divorce, le problème Agnès, qui a été mon principal frein, aurait été réglé.


Je sens l’hostilité latente de Jocelyne mon égard.

– Note écrite à 31 ans

ÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – ÉCRITURE – HUMOUR

Mon humeur en ce moment est au flash-back. Sur ma vie j’essaye de faire un plan d’ensemble. L’idéal serait de partir en travelling pour aller faire sur les choses un grand panoramique. Je garde Agnès en gros plan. Le risque est que tout ça finisse par une plongée…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Si je pars, je me laisserai pas souffler Agnès comme la première fois ! Quand je pense que cette salope avait interdit à la nourrice de me la laisser prendre !
Ah ! Ne pas me laisser avoir par ses inévitables sanglots, son air tragique de victime innocente.
J’écris comme pour rendre irrémédiable (les paroles ou les pensées s’envolent, les écrits restent) mon projet de départ.
Me jeter à l’eau. Me jeter dans la solitude. L’affronter. La vaincre

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(3 h du matin)
J’ai dans la tête la chanson enfantine du bouquin que j’ai acheté à Agnès : « Mon âne, mon âne, a bien mal à la tête… » et, en même temps, je pense très fort et très concrètement à partir.
Je n’ai pas réussi à dormir, il a fallu que je rallume, que j’aille chercher le dernier paquet de cigarettes dans le bureau où dormait mon père et que j’ouvre ce carnet pour écrire, pour « fixer » les choses, parce que – comme cela m’est déjà arrivé –ça m’a « sorti de ma torpeur », mis debout, « réveillé », secoué !
Partir. La quitter. Quitter cette merde. Cette mort. Cette prison. Cette médiocrité. Trouver la solitude, je le sais, les moments difficiles, je le sais. Surtout que mon expérience passée m’aura servi de leçon : ma libération sera solitaire ou ne sera pas !
Je m’organise : d’abord l’hôtel, en attendant.
Trouver une piaule. Une merde, je m’en fous. Douche : dans l’immeuble, s’il y en a. Sinon, on verra. Cuisine : je ne boufferai pas là ou du pain et du jambon ou alors : camping-gaz. Meubles : matelas-mousse. Une table. Une chaise. Une lampe. Une armoire (?).
Mon problème, c’est le téléphone. Surtout en ce moment. Et le courrier. Le faire expédier sur boîte postale.
Mais je crois bien que cette fixation sur le concret est une surenchère, un activisme destiné à déplacer l’apparition (la mienne) de l’abstrait, c’est-à-dire de la décision qui naît d’une chose pas concrète, d’un sentiment, d’une conviction.
J’ai attendu. J’attends le moment où je serai sûr que je ne peux pas faire autrement.
En fait, il faut envisager de changer ma vie. Ne pas être acculé par elle, mais la dominer, la diriger, la prendre en main.
Qu’espérer de Jocelyne ? Qu’espérer lui apporter ? Elle soutiendra sans doute farouchement qu’elle trouve son compte à la vie avec moi. Mais, en réalité quel « contentieux » entre nous !
– Le vieux problème sexuel, jamais réglé, réactualisé par cet enfant dont je ne veux pas : je refuse de faire l’amour avec elle si elle ne prend pas la pilule, elle ne veut pas la prendre – vieux refus – voulant cet enfant et s’accommode bien, s’accommode en tout cas, de cette cessation de nos rapports.
– Nous nous éloignons l’un de l’autre sans manque. Nous n’avons pas à être ensemble d’autre satisfaction que celle de l’habitude.
– Nous ne faisons plus rien en commun.
Nous ne nous aimons plus. L’amour, cette joie d’être ensemble, cette compréhension, cette complicité… J’ai l’impression d’en avoir perdu la clé, que quelque chose s’est brisé en moi et que j’ai vis-à-vis de l’amour désormais une très grande méfiance, un manque absolu d’illusion. De ce côté-là, ce n’est peut-être pas plus mal. L’avenir me le dira. Si je pars, je me promets que c’est la lucidité qui conduira ma vie

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce soir j’ai voulu parler à Jocelyne, savoir comment elle voit les choses, si, des fois, elle n’étouffe pas, elle aussi, et ne comprend pas la nécessité de nous séparer.
– « C’est pas le moment : j’ai sommeil et j’ai mal au crâne. » Je me suis tu.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Elle a ouvert ce carnet et l’a lu, ce matin. Nous avons parlé : je suis lâche, égoïste, je n’ai pas fait d’efforts, tout est de ma faute.
J’ai dit que ce n’était pas possible de continuer ainsi, que nous avions tout essayé.
Je n’ai pas essayé. Même sur la seule fois où j’ai essayé vraiment – l’analyse – ça a été le même discours. Contre.
Je suis venu chez Dominique avec Agnès, qui joue avec Alexandre.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Je suis parti. Ce matin. Elle est arrivée en courant. Elle a cherché à me retenir, mais pas trop. Elle a pleuré. Je suis au « Familia-hôtel ». Quel ironique symbole.
C’est la première fois que je suis à l’hôtel à Paris, mise à part la pension B. (« Chez-soi ») qui était aussi une sorte d’hôtel, d’une certaine façon.
Tout à l’heure : le balcon, la rue, les cafés. Je me suis cru un instant en été.
En fait, elle ne croyait pas que j’allais partir. Je l’ai compris hier soir en rentrant.
Comme c’est dur de faire mal. Et quelle sera ma route ? Est-ce qu’au moins ça vaut le coup ?
Ce matin, en arrivant au montage, avec Françoise, j’ai acheté le Figaro, pour les petites annonces.
J’ai cerclé les studios. J’avais des rendez-vous pour en visiter. Je n’y suis pas allé. Je suis seulement allé en voir un, que m’a fait visiter la gardienne – qui m’a fait attendre pour « finir son courrier » – rue Georges Pitard. Gadget marrant : au 30e étage : une piscine ! Avec des baies vitrées dominant Paris. Un vrai décor (mais le syndic refuse les tournages).
Le studio donnait sur les voies ferrées de Montparnasse. Merci bien pour les trains…

Commentaire du 20 juin 2015 :

Je ne savais pas que j’allais vivre pendant huit ans, de 1998 à 2005, au-dessus des trains de la Gare d’Austerlitz, du RER, et du métro, au 13e étage d’un foyer Sonacotra donnant sur les voies.

Commentaire écrit à 68 ans

Après y être allé, je suis passé à Monttessuy. Petite affichette mise par un caméraman des actualités télévisées. Je dois visiter mercredi. Mais c’est petit. L’intérêt c’est l’absence de bail qui me permet de partir quand je veux, l’absence d’agence qui m’éviterait de filer du fric à des requins et le prix « normal ».
J’ai pris conscience que je n’avais pas réussi à quitter ma mère (Œdipe mal réglé) → masturbation. J. était pour moi la seconde mère. (En lisant  » J. était « , j’ai lu : « j’étais ». Quel sens ?)

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

En sortant de l’hôtel : voiture en fourrière !
Merde !
Appeler commissariat : 8, rue Jean-Baptiste Berliet (Paris 13e)

Café en face de Monttessuy. Puissante sensation de solitude, aggravée par cette pénible rencontre avec Gilles Daude attablé avec Audouard et autre Sarraut (j’en sais rien, il y avait sûrement des gens bien là-dedans, mais la parano fonctionne à fond la caisse).

Cette sensation vient sûrement aussi du fait que actuellement, je n’ai pas de « chez moi ». Je vais tout à l’heure visiter un truc rue Saint-Jacques.
On est en hiver…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

 20h50 : Henri ne répondant pas (je devais passer chez lui ce soir), je me suis couché. Tout à l’heure, je l’ai appelée pour donner mon numéro ici, au cas où…
Elle a hurlé au téléphone, m’a insulté, a posé des ultimatums. Je pensais qu’elle accepterait les choses pas trop mal, mais j’ai de plus en plus de mal à le croire. Pourtant, au début, elle m’a dit que, bien que très malheureuse, elle allait voir un psychologue et essayer de « repartir à zéro ».

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce soir j’appelle les parents pour leur donner mon adresse. Maman m’apprend que, dès 74, cette salope a tout déballé de notre vie et qu’on en était arrivés- sans qu’elle m’ait rien dit (la colère me remue en écrivant) – au point où même son père me surveillait quand j’allais aux toilettes ! « Vous n’avez fait que des gamins ! » dit la beldoche, la venimeuse, l’ordure prétentieuse et reptilienne, « Ma fille a besoin d’un homme… »
Je crois bien que ça, ça me fait mal. Parce que je suis bien obligé de reconnaître qu’elle a raison et j’allais dire : que ça me fait voir combien les rapports hommes-femmes passent par la domination, l’établissement d’une domination du mâle sur la femelle (tout ce que j’aime), mais je m’aperçois que c’est peut-être vrai pour le vieux couple. Ça ne peut pas être vrai pour l’avenir.
Un homme… Ma faiblesse, ma lâcheté, mon problème, comment se sentir homme quand on se branle ? Il va bien falloir que je règle ça. Je ne peux plus faire autrement
Pourtant j’essaye tant bien que mal de m’en sortir. Ce soir j’ai abordé une fille, sur la passerelle du plateau du « Grand échiquier » : Virginie. Elle ne faisait triquer. Qu’est-ce que j’aimerais niquer une fille vraie et pas en papier. Espoir débile : qu’elle m’appelle…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

On est samedi. J’avais prévenu, par Dominique, que je prendrais Agnès ce week-end. Je l’avais confirmé par lettre, puis avais téléphoné, suite à ce coup de fil, à ma mère.
Je suis arrivé ce matin. Fermé. Trouvé un mot : elle s’était tirée en week-end avec Agnès, prétendant n’avoir pas pu me joindre hier soir. Désormais, c’est vraiment la guerre. Elle compte sur ma faiblesse. Je ne sais pas encore comment je vais réagir.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Hier soir été voir Jocelyne suite à coup de fil à propos week-end prochain, soi-disant pour se mettre d’accord sur ce qu’on dirait tous les deux à Agnès. En fait : discussion triste. On s’est quitté sur une déclaration de guerre. J’ai rappelé pour négocier. Je dois la rappeler demain soir.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – FEMMES – CINÉMA – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Pas de réponse à la lettre de l’avocat. Je pense qu’elle va faire la morte, faire traîner les choses.

Agnès me manque de plus en plus. Je ne sais comment elle est, comment ça se passe. A-t-elle senti, compris ?

Je sors beaucoup le soir. Dans la journée aussi, j’ai toujours quelque chose à faire. Sauf aujourd’hui où je traîne ma flemme – mais c’est un peu normal après cette panique des meubles, du ponçage et du vernis – pourtant il faudrait que je fasse le ménage, il y a une tonne de crasse et de sciure sur toute chose et des affaires en vrac à droite et à gauche.
La musique me manque. Et mes livres. La bibliothèque, terminée, fait très vide.

Jean-Pierre Bertrand au « Magazine de l’image ». Parlé de mon sujet sur les jeux. Ça a l’air de l’accrocher. Je dois l’écrire. J’hésite à le faire dès maintenant ou après avoir fait le compte des jeux existants.

Bouillon : en sommeil car il est occupé par un dossier d’agrément au CNC.

Reggiani : j’attends. Si ça marchait avec Bouillon, j’envisagerais d’aller le voir en tournée.

Toutes les lignes que j’avais lancées, ça ne mord pas : Armorial, Mnouchkine, Rassam, Roitfeld, Kermadec, Office Kréation. Sans compter les « consultants » : Miller, Fansten, Monnier et autres.
Mais ça ne me chaut que peu.
Mon emploi du temps récent (en remontant) :
Hier, jeudi : soir : Sario. Assedic. Conférence Aujourd’hui Madame.
Mercredi : soir avec Bertrand, son père, François Maistre. Jour : fini meubles. Avocat le matin.
Mardi : soir théâtre avec les C. (dormi chez eux dans le lit de Caroline). Après-midi : AFI.
Lundi : soir : dormi chez Jean-Claude et Sido cause vernis.

Je m’aperçois que ça fait trois semaines que je suis parti (plus : vingt-six jours ! Presque un mois). Temps passé très vite : un mois déjà ! Déjà, l’hôtel des premiers jours, les petites annonces, les visites d’appartements, tout ça m’apparaît très loin. Déjà, j’ai mon passé à moi, à moi seul.
Hier, en rentrant avec Sario chez lui, lorsque sa nana lui a fait la gueule parce qu’il était tard, j’ai ressenti ça comme intolérable, insupportable, ces relations de couple, d’oppression mutuelle, de reproches, cette angoisse pas possible. Ah être seul, être libre, malgré les mauvais moments, les moments de manque, d’ennui, c’est quand même précieux.
En ce moment, il fait gris et très froid, c’est la seule chose qui me gêne. Vivement le printemps. C’est drôle comme ça ressemble à 74, de ce point de vue-là : jours d’hiver (et même de neige), puis jours radieux du printemps (cerisier par la fenêtre de la cuisine des Coudreaux) L’ai-je voulu ?
Je viens d’accrocher au mur des posters achetés il y a déjà quelque temps : Turner « Le paquebot Téméraire » – « Wings of Love » et un petit Magritte.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Michel projetait des films super 8 de vacances. « T’as pas un film où je suis ? » ai-je demandé niaisement.
Il m’a passé un film fait chez lui, au Coudreaux, et j’ai revu Agnès. À trois ans environ. Pris ça dans la gueule. Un grand coup de cafard. Ça a réveillé en moi des tas de choses.
D’abord : sa pensée. Je m’aperçois ce soir combien elle me manque. Combien plus que je ne crois.
Le choc, en la revoyant petite. Le choc de me rendre compte que j’avais oublié son visage de cette époque. Tous les visages de son enfance. Pourtant pas si loin.
Le remord. La culpabilité d’avoir laissé le temps passer, implacable, irréversible, et de ne pas m’être assez occupé d’elle, de n’avoir pas suivi mieux son évolution, le changement de son visage, de son être.
Affreusement coupable ce soir. À en pleurer. Et puis : moi, dans le coup. Si je ne m’en souviens pas, c’est que je n’ai pas vécu cette enfance d’Agnès assez intensément. L’intense marque. Et pas intense parce que je n’étais pas heureux. N’est-ce pas une théorie ? Je ne crois pas.
Ce temps qui ne reviendra pas. Ces bouts de pellicule, seule trace de ce temps. Déchirant.
Son visage… Ce visage grave, ces grands yeux qui fixaient la caméra. En voyant cette gravité, en connaissant son fond de gravité, je me prends à douter qu’elle encaisse bien mon départ. Et J’ai affreusement peur.
Je mesure, ce soir, mon égoïsme.
Ma fille, mon enfant, ce soir je pense à toi je pleure..

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS -1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – SEXE

En ce moment, c’est le creux de la vague. Je vais mal. Branlettes tous azimuts et ce soir, one more time, une pute et l’impuissance. Je prends conscience de plusieurs choses : mon inconscience de ce qui m’attendait réellement en partant. Et de ce qui attendait Agnès. Le fait que je m’abime dans une agitation frénétique pour combler mon vide. Mes difficultés de communication avec les autres. Ce côté hyper susceptible, hypertendu, confinant à la schizophrénie, à la parano. Le fait que je ne m’aime pas (tout en m’aimant) et que, par suite, je ne peux aimer les autres (tout en les aimant). Mon rapport aux femmes m’inquiète. Mon rapport à la vie aussi. Mon rapport à moi aussi. Pourtant, quand je considère les choses avec tant sois peu de recul, je me dis que ça ne va pas si mal. Qu’il me faut de la patience. Un peu de patience. Je n’attends qu’une chose : une femme. Le boulot : c’est l’attente aussi, mais celle-là, je la connais et je peux plus ou moins la combler.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

J’ai appelé Jocelyne pour savoir si elle avait reçu la lettre de l’avocat. Pas reçu. Elle a parlé à Agnès : « Papa préfère vivre seul. »
D’après ce qu’elle dit – et je la crois – Agnès n’en parle jamais « Ne me parle plus de cette affaire ». Je l’ai eue au téléphone. Elle a pleuré un peu, mais ça s’est arrangé. En repartant, elle a passé le téléphone en demandant à Jocelyne « Tu vas pas pleurer ? » Jocelyne accepte que je la prenne ce week-end.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – IDÉE SCÉNARISTIQUE

Une idée de court-métrage qui me vient en me voyant en train de discuter avec Agnès dans un bistrot :
– C’est attendrissant un père avec sa fille dans un café, comme image. C’est joli, ça provoque un sourire. Mais moi, je le vis avec plein de choses dans le cœur et comme un nœud dans le ventre. L’image ne restitue pas l’émotion des « personnages » → un film qui serait « vu » par un spectateur d’abord en amorce, puis se retirant disant « Prenez ma place ». Un spectateur qui remarquerait le « joli », « l’émouvant », qui aurait le regard « tranquille » du spectateur-type. Tout un film où le texte serait – ironiquement, férocement – anesthésiant (soulignant la distance spectateur-image).

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Demain je verrai Agnès pour la première fois depuis un mois, jour pour jour. Je suis angoissé à cette idée et aussi contrarié parce que j’ai voulu – peut-être par inquiétude – assurer à Agnès la présence d’autres enfants, en l’occurrence Raphaël, le fils de Sido et Jean-Claude et que je ne sens pas de bonnes vibrations autour de ça.
Je me tâte pour passer le week-end seul avec elle, mais maintenant c’est arrangé comme ça et il faut que je contre ma parano, car ce qui compte, c’est Agnès et non moi. À cet égard, elle préférerait peut-être être seule avec moi. Je vais peut-être le lui demander demain matin.
Je suis très angoissé, mécontent de moi, comme toujours, estimant que je ne me surveille pas assez. Comment vivre ainsi ? Quel père suis-je pour elle ?

Jocelyne au téléphone m’a dit qu’elle ne pouvait vivre seule et qu’elle se remarierait probablement et qu’elle aurait ainsi un homme solide. Tout se confirme. Je suis lamentable. Il ne faut pas que je pleure demain.

Jocelyne m’a dit qu’Agnès avait fait deux fois caca au lit et qu’elle venait parfois dans son lit.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Chez les L. Agnès, Carole, Raphaël. Agnès a tenu à venir voir comment c’était « chez moi ». Bertrand regarde un match de rugby. J’ai l’impression – mais est-ce bien certain ? – qu’Agnès prend assez bien les choses. En tout cas, elle ne refuse pas la situation.
Tout à l’heure, j’étais bien. Maintenant, ce rugby me fait chier. (J’ai agressé Bertrand).

Agnès mange une crêpe, assise près de moi sur le lit. Elle n’en veut plus, Raphaël la remporte, elle sort.

Elle ne mord assez souvent

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Premier week-end avec Agnès. Dimanche soir. J’écris couché. Bilan :
Ça s’est bien passé jusqu’à ce soir, où ça a coincé. À partir d’un accrochage avec Carole qui, sans doute, manquant de tendresse, « se venge » sur Agnès.
Agnès s’est mise à pleurer, s’en prenant à moi : « Tu veux pas rester à la maison, tu nous laisses, Maman et moi, je vais m’inquiéter et m’ennuyer. »
– Tu as l’école, des petites copines…
– Elles sont méchantes.
– Toi aussi, ça t’arrive d’être méchante, tu as ton petit caractère, c’est normal.
Larmes. Je tente de la consoler, silencieusement, la tenant dans mes bras. Silence autour de nous. Tout le monde sent que c’est grave.
Plus tard, dans la voiture, je lui parle. J’essaye de lui expliquer notre désaccord, Jocelyne et moi, mais que, si je suis parti, je l’aime toujours aussi fort. Je lui explique qu’elle ira un week-end avec sa mère, l’autre avec moi. Elle m’avait demandé avant : « Pourquoi tu viens pas en week-end avec Maman et moi ? »
Elle accepte apparemment bien l’idée de partage. Un moment : « Maman, elle touche rien, avec son travail. » Je lui explique qu’elle ne manquera jamais de rien.
Elle me demande, quand je lui dis que je l’aime grand comme le ciel « Tu aimes pas les autres enfants »
– Je les aime bien, mais pas comme toi. Je t’aime plus que tout au monde.
Elle se calme, sèche ses yeux, suce ses pouces, l’air grave, puis se distrait avec son arbalète en tirant des fléchettes sur le pare-brise.
Arrivé à Pierrefitte, je retranscris tant bien que mal cette conversation à Jocelyne qui me chasse, très agressive « Je préfère ne pas te voir ici » et m’accuse d’avoir tardé à venir la chercher samedi matin.
« Tu t’es pas ennuyée ? » a-t-elle demandé à sa mère en arrivant.
À un moment, dans la voiture : « Tu es une grande fille, maintenant »
– Oui, je suis grande. Et je comprends tout.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Eu tout à l’heure une conversation téléphonique avec Jocelyne.
D’abord orageuse : elle m’a traité de salaud, pensant que j’avais voulu monter Agnès en lui disant qu’on s’était disputés.
On a hurlé tous les deux. Elle a raccroché. Puis elle m’a rappelé, on a parlé plus calmement. Je me suis défendu. Je dois y aller jeudi avec l’ampli

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Agnès est ici. Couchée sur la banquette. Elle a tenu à ce qu’on dresse autour de son lit une barrière faite de chaises, de tabourets et de la porte du placard qu’elle a tirée contre la banquette. Au-dessus d’elle, contre le plafond : le ballon bleu acheté au jardin d’acclimatation.
On y a passé l’après-midi après avoir été au restaurant chez Bébert.
Elle a fait tous les manèges, toutes les balançoires, tous les jeux (les animaux, ça ne l’intéresse pas). Très détendue, rieuse. Ça s’est très bien passé. On est rentrés ici, elle a préféré rester dessiner pendant que je faisais les courses. On a mangé tous les deux sur la petite table. Un côté dînette. Le repas venait juste de se terminer, on a sonné. C’était Jocelyne. À peine entrée, elle a commencé à pleurer. Agnès, heureusement, ne s’en est – apparemment – pas aperçu. Elle devait aller chez Marie-Odile, qu’elle a relancée.
Elle a dit qu’elle n’irait finalement pas. Elle dit que je lui manque, qu’elle ne comprend pas, que je disais que j’étais bien en rentrant à la maison, que je faisais des projets.
Moi, j’ai parlé de la complicité disparue, du plaisir d’être ensemble oublié, de la tendresse enfuie, de notre vie sexuelle impossible.
La petite, entre-temps, prenait son bain. Je devais la coucher. Elle est partie. Agnès a bien pris son départ, sans réaction autre qu’un « Au revoir maman… » plutôt joyeux.
De temps à autre, Agnès me dit « Je t’aime » ou vient poser sa tête contre moi. Les doux moments !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Dimanche soir. Je viens de rentrer après avoir été voir un des premiers films de Scorsese « Bertha Boxcar » (qui m’avait attiré parce que j’aime les séries B).
Auparavant longue discussion avec Jocelyne. De ces discussions dont je n’ai jamais réussi à me souvenir des détails et qui m’ont toujours laissé une boule d’angoisse et un goût d’échec.
Je peux au moins noter qu’elle a été successivement jusqu’à envisager : qu’on vive ensemble dans mon studio (pour changer) – qu’elle devienne ma « meilleure amie » – qu’on fasse une analyse à deux…
Elle a pleuré. Je l’ai consolée, du moins j’ai tenté. J’avais de la peine à la voir souffrir.
Propos d’Agnès qu’elle m’a rapportés :
– Mon papa, il est parti et ne reviendra plus
– Moi, j’ai plus de papa, parce qu’un papa sans maman, c’est plus un papa…
Et à moi, en descendant de chez Odette :
– Pourquoi tu as quitté maman ? Puis se reprenant : « Non, on parle plus de ça et ne le dis pas à Maman sinon elle va me gronder… »
Demandé à Jocelyne, qui ne lui a nullement fait ce genre de recommandations.
Non, le tabou sur ce sujet vient d’elle. Comme je voulais prendre des cassettes et que Jocelyne s’y opposait, en voulant me les prendre des mains, Agnès a commencé à pleurer parce que « Jocelyne me grondait ». Plus tard, elle s’est relevée et est venue nous voir qui parlions dans le salon, demandant pourquoi « Maman pleurait ».

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Ce matin, nez pris. Gros rhume. Pas envie de bouger (surtout pour aller au froid). Assez grande tristesse. Dehors : soleil, mais il ne me réjouit pas, il n’y parvient pas.


Jamais le « Je suis très aimant, mais j’attire peu » ne se sera appliqué à moi comme en ce moment…


Ce soir, je suis triste, j’ai été triste toute la journée en pensant à Jocelyne et à son chagrin.
Faire souffrir les autres…!

– Note écrite à 31 ans

ÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Tout à l’heure Jocelyne m’appelle et met le téléphone devant Frédéric Mey. Je lui dis que ça n’a pas l’air d’aller. Elle pleure. Agnès est « devant la télé ». Je gueule qu’elle y est toujours, qu’il fait beau, qu’elle pourrait sortir, qu’elle est en train de bousiller cette gosse, de ne pas tenir son rôle de mère. Je suis furieux. « Tu ne comprends rien ». Elle raccroche.
Elle m’angoisse

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Premier jour du printemps : je suis resté couché toute la journée avec la crève !
Hier : sinistres élections ! Après avoir ramené Agnès, je suis resté pour regarder la télé. Comme je voulais rentrer dormir ici, Jocelyne s’est mise en rogne. Elle m’a frappé, menacé d’une bouteille. Puis elle a pleuré, bien sûr, et parlé de suicide.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES- ANNE – AMIS

Avant-hier soir : parlé pendant 1h30 au bistrot avec Anne (la petite libraire). L’ai raccompagnée chez elle et hier soir, elle m’a rappelé. Avant-hier soir aussi joué aux échecs avec Bertrand et Thierry. G. a voulu parler du haschisch. Hier soir ici : Sario (pendant qu’il était là : orageuse discussion téléphonique avec Jocelyne. J’ai refusé son chantage au suicide)
Dans l’ensemble : la solitude reflue…

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AMIS – FEMMES – ANNE – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avant-hier : après-midi chez Anne. Il y avait des copines à elle. Elle en a eu marre. Elle est sortie avec moi. On est allés voir Bertrand. Elle était heureuse qu’il y ait des gens. Crevée, elle a dormi. Je l’ai ramenée chez elle. Bertrand a lu le début du manuscrit de Bianchetti. Il trouve ça bon. Vu ensuite Anefrance au Bateau Ivre.
Hier : déjeuné à la Mouffe avec Jocelyne et Agnès. Allés au ciné voir une connerie (« Coccinelle ») pour Agnès (mais elle-même a-t-elle trouvé ça bien ?) Puis je les ai ramenées à Pierrefitte. Agnès voulait que je reste le soir. « On va faire une fête ! » a-t-elle dit !
Retrouvé Bertrand et François Maistre. Bonne soirée. On doit se revoir. J’aime ce mec.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Hier soir, rentré à la maison de bonne heure, je note ce qui précède, puis Jocelyne m’appelle pour recommencer son cirque d’auditions obligatoires. Plusieurs fois de suite. Je finis par décrocher et m’en vais pour aller voir « Mister Goodbar » « . Complet. Furieux, je décide d’aller voir « Elmer Gantry » du même Brooks. Complet aussi. J’atterris à une terrasse de bistrot place Saint-Michel à côté de deux petites. Un type se met à les draguer, mais on sentait bien le dragueur amateur. Or ça marche ! Je décide d’aller à minuit voir « Week-end ». Mais le bistrot à côté de la Clef ferme et j’ai trois quarts d’heure à attendre ! De rage, je me tire. Je tourne en bagnole, l’Arc de Triomphe, l’avenue Foch, le Bois… En rentrant, la déprime est la même qu’en partant !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE – FEMMES – ANNE

(2h10)
Reviens du ciné. Séance de minuit au Lucernaire : « Lisztomania ». Merdique.
Week-end avec Agnès : en la ramenant, dans la voiture, crise de larmes.
Ça avait commencé par la question : « Pourquoi tu nous as quittées ? » (Avant, chez Odette : « Tu resteras un peu ? » J’ai été ferme et le plus clair possible. Ça été long, dur. Elle a fini par s’arrêter de pleurer. Et je crois que cette explication sera marquante.
À Pierrefitte : « J’espère que mon mari ne me quittera pas. » – « On va passer des vacances ensemble ? C’est quand ? Un mois ? C’est long ! »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(Lundi)
J’écoute à la radio la « Fugue d’autrefois » par Catherine et Maxime. Bouffées de nostalgie, de chagrin qui m’envahit. Cette mélancolie du passé qu’exprime cette chanson. C’est vers Agnès qu’elle me porte, et vers moi aussi. Vers nous qui sommes prisonniers du temps qui passe, si vite, vertigineusement vite ! Ce temps qui nous met toujours au pied du mur : qu’auront été nos vies ? Aurons-nous réussi à être heureux, à être ensemble ?
Hier, il faut que j’en parle, sans être sûr de trouver les mots, ça été le drame absolu, le fond de l’abîme.
J’avais passé avec Agnès un week-end bien : samedi piscine après le jardin de Dominique avec elle. Dimanche : Beaubourg (les tuyaux) et Luxembourg. La fois d’avant, il y avait eu cette explication et Agnès, je le crois, avait admis, commencé à admettre certaines choses. Bref, c’était bien.
J’arrivais à Pierrefitte pour ramener Agnès, animé d’intentions pacifiques. Or, pour une histoire de disques que je voulais emprunter pour les recopier, ça été le drame. Elle s’est mise en travers de mon chemin, physiquement. J’ai voulu me faire un passage, physiquement. Coups. Chutes.
Agnès a assisté à tout en larmes, suffocant, hurlant : « Ne vous grondez pas ! Il te les rendra les disques, c’est vrai ». « Je vous en supplie… »
Lentement, lentement, les choses sont revenues au calme et aux larmes. De Jocelyne, d’Agnès (et de moi, refoulées, quand Agnès m’a montré son cadeau de Fête des Mères, affectueusement fait de ses mains).
Écrire, ainsi, réduire… Les mots ne rendront jamais ce qu’on peut ressentir, ce que j’ai ressenti.
Des injures (double sens. « Tu vois, Agnès, papa, il a plusieurs femmes… » – « Pourquoi il en a plusieurs ? »
Noter. Noter tout. Ne pas oublier. La suivre, la scruter. J’ai peur maintenant. L’enjeu m’épouvante. Je m’en veux d’avoir déclenché des forces irrépressibles peut-être, qui prendre de détruire cette enfant merveilleuse, de l’abîmer. Oh, j’espère que non. J’aimerais avoir dix ans de plus pour savoir, pour être sûr.
Comment rattraper ?
J’y pense. La gentillesse envers Jocelyne. C’est ça qu’elle attend, Agnès. Une fois tous les quinze jours, ça doit bien être possible… Je ne suis qu’une brute. Rattraper. Rattraper. Oh, pourvu que je puisse rattraper ça !
Depuis hier soir, je ne pense qu’à ça. Les larmes m’aveuglent.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(2h30. Cap d’Agde)
En tournage, ici. Je veux noter la carte que j’ai envoyée à Agnès. Repartir. Tentative désespérée de rattraper les choses.
Y parviendrons-nous, Jocelyne et moi, ensemble enfin ?
Il le faut, pour elle, pour Agnès.
J’ai la terrible impression d’avoir gâché ce bien précieux : la confiance qu’elle avait en nous.
Un doute affreux m’est venu : et si, quand Jocelyne lui a lu ma carte, elle n’y croyait pas ?
Des pensées horribles, comme celle-ci, commence à m’assiéger. Oh, pourvu qu’il ne soit pas trop tard !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Samedi.
22 h. Couché. Agnès, allongée sur le bide, dans son lit-banquette, fait des décalcomanies. Moments heureux. Paix. Douce lumière. Stevie sur cassette, en sourdine.
Choses à noter, de ces derniers jours :
– Jocelyne au téléphone. Apparences d’un accord, d’un acquis de la crise qui semble ainsi se révéler positive. Mais, ce matin, dans la voiture (l’amenais chez sa tante) larmes perlantes quand j’ai parlé des vacances avec Agnès. Fuite rapide à l’arrivée.
– Hier après-midi, chez Guylaine, couture. Mot-cadeau sur frigo.
– Aujourd’hui : resto avec Anne et Agnès.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avec Agnès, aujourd’hui, pour sa carte d’identité : bien. « Normal ». Sauf ses larmes lorsque, alors qu’elle me le demandait, je lui ai dit que je ne pouvais pas « rester ». Devant ses pleurs, je lui ai dit que je resterai un peu.
Sa joie lorsqu’elle a su qu’Armand, son instituteur, est venu à la maison pour la voir…
Choses à noter, sur Agnès :
– Appris par Jocelyne, au téléphone, qu’elle était allée voir Armand qui lui avait demandé si Agnès pleurait à la maison. Elle a répondu que non. Il lui a dit qu’elle pleurait à l’école, chaque fois qu’il s’en allait, le midi et le soir (très clair !)
– Dimanche soir, retour du week-end avec Agnès, resto chinois à Pierrefitte, à trois. À un moment, Jocelyne dissimule ses larmes sous une quinte de toux, prétextant un rhume. « Tu te forces ! » lui dit Agnès. Puis elle s’allonge, la tête sur mes genoux, disant à Jocelyne : « Je ne peux pas m’allonger sur toi, alors je m’allonge sur Papa, c’est pas grave… »
– En voiture, elle avait mal à la tête. « J’en ai marre de ce mal de tête. Quand je serai grande, j’aurai pas de voiture. Je prendrai le bus, comme ça, j’aurai pas mal à la tête… »
– Aujourd’hui, on rentre ensemble chez moi. Elle embrasse la porte en arrivant !

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Il faut parler aussi de la triste soirée d’aujourd’hui où je suis allée (je viens de mettre un « e » à allé, comme si j’étais la mère d’Agnès, peut-être parce que je considère qu’elle n’a pas, plus vraiment de mère, car Jocelyne a été dégueulasse) : allé chercher Agnès pour l’emmener demain chez ma mère.
Hostilité de Jocelyne. Mauvaise foi (sur les vacances, sur mes parents). « Tu vois que tu as pas fait la paix… » lui a dit Agnès. Je lui ai tendu la perche au moment de partir : « Faisons la paix ! »
Agnès : « Faites la paix. »
– « Oui. »
J’ajoute : « Vraiment ! »
Jocelyne : « Non. C’est pas possible. »
Et Agnès, encaissant tout ça.
Jocelyne m’a appelé, une fois qu’on était rentrés ici. Elle voulait s’excuser. Je lui ai parlé d’Agnès. « Il n’y a pas qu’Agnès… » « Tu veux m’atteindre, en la sacrifiant, lui ai-je dit, parce que tu sais que c’est le défaut de ma cuirasse. Tu m’as déjà fait revenir comme ça une fois, mais, cette fois-ci, je ne reviendrai pas, alors tu joues gros… »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Tout à l’heure Agnès me demande : « Tu sais tout ? » Je lui dis que non, qu’il y a beaucoup de choses que je ne sais pas. « Dis-moi 2 choses que tu ne sais pas ! » « Je ne sais pas réparer une voiture cassée, ni une télévision. » « Non, pas ça, est-ce que tu sais faire du papier ? » Je lui explique que ça ne se fait pas avec ses mains, qu’il faut une machine, ce qu’elle comprend très bien.
Dans le bain, elle jouait au « pétrolier ». Je lui demande si elle sait ce que c’est. « C’est un monsieur qui prend le pétrole et le met dans les usines… » « J’ai trouvé ça toute seule, on me l’a pas dit, j’ai pensé dans ma tête que ça devait être comme ça… »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Agnès, au Luc, chantonnant dans la voiture : « Quand la mer était solide… » (mer = mère ? Solide = forte ? Quel sens ?)
Elle est de plus en plus adorable. Me fait des bises spontanées, on rit ensemble, on se fait des câlins. Mais elle a néanmoins bien accepté mon départ du Luc.
Agnès, à Tata Adèle, qui  parlait  « Je ne t’ai pas  suivie.. »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS

19h58 départ
6h26 Paris
Trace de la panne de bagnole survenue en remontant du Luc sur Paris avec Agnès et et la tante Adèle : remue-ménage. « Réquisition » de Jean-Pierre B. et Mona. Retour en train de nuit. Angoisse et joie mêlées. M’accepter, accepter ma façon de vivre, mon choix. Je ne le dépasserai pas en le refusant, en me culpabilisant.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

11 h. Je suis furieux. Attendu Jocelyne jusqu’à 10h30. À cette heure-là : coup de fil de Pierrefitte, crevée, elle veut récupérer Agnès seulement demain !
À sa place, même crevé, après un mois de séparation, j’aurais foncé pour la retrouver… ! Je me demande si elle l’aime vraiment. Une chose pareille témoigne que non. C’est bien pour Agnès que tout ça me rend triste et rempli d’une rage impuissante. Car que faire devant cette voix sèche, cassante, méprisante, cette morgue ? Je la hais carrément et je me demande comment j’ai pu vivre onze ans de ma vie avec cette conne ?

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

(23 h)

Déjeuner avec Agnès (première fois que je la vois depuis les vacances. Jocelyne me dit qu’elle a pleuré en disant qu’elle n’avait plus de papa (parlé avec elle dans la voiture, lui ai dit qu’elle avait un papa, que je l’aimais, que je n’étais jamais loin d’elle. « Si tu me dis ça, je vais encore pleurer… » Elle a un peu pleuré. L’ai distraite. Vite oublié. À un moment chez Jocelyne, je voulais prendre le jeu d’échecs. Jocelyne pas voulu → Agnès : « Vous allez pas encore vous disputer ? » La bagarre l’a marquée).

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS

À noter : en revenant de Fontainebleau (embouteillages sur autoroute) « bavardage » avec Agnès (qui m’avait dit, samedi matin, en partant, qu’elle « s’habituait » : « Tu vois, quand t’es parti, la dernière fois, eh ben : j’ai été jouer dans ma chambre. Tout de suite, comme ça, j’y ai plus pensé et j’ai pas eu de peine ».)
Agnès, me disant qu’elle regrette de ne pas pouvoir me « faire de cadeaux », qu’elle veut devenir infirmière, pour me soigner. Grande explication sur les étoiles, les planètes, les soucoupes volantes.
« J’aime pas quand tu conduis, parce que je ne peux pas te câliner… »
Chanson inventée fredonnée l’arrière de la voiture : « Courir en liberté… »

– Note écrite à 31 ans

VÉCU- AGNÈS – 2ÈME DES 4 FEMMES DE MA VIE : COLETTE

Vendredi : Avec Colette à l’inauguration du bistrot de Danielle et Joëlle. Week-end avec Agnès : Nuit au Bilboquet, puis chez Maryse. Agnès dormi chez Colette. Dimanche : ballade au Luxembourg avec les deux enfants. Agnès chez Colette :  » Vous vous embrassez sur la bouche ?  » –  » Parce qu’on s’aime  » – Ma maman aussi elle aime quelqu’un. Si vous vous mariez, j’aurai peut-être une petite sœur.  » –  » C’est déjà ta petite sœur…  » – A une dame au Luxembourg :  » Ma mère et ma sœur, elles sont mortes !  » Krystelle m’adopte peu à peu.

– Note écrite à 31 ans

VÉCU – AGNÈS – 1ÈRE DES 4 FEMMES DE MA VIE : JOCELYNE

Avec Agnès aujourd’hui car je devais la prendre le week-end prochain, mais je ne pourrais pas, allant tourner à Lyon. Vu Mistigri, le nouveau petit chat d’Agnès (elle m’a téléphoné pour me le présenter → message sur le répondeur que j’ai enregistré). Raccompagné Agnès (présence de la bande de monos du camp de Jocelyne cet été.

– Note écrite à 31 ans